Difference between revisions of "Revue neurologique"

From No Subject - Encyclopedia of Psychoanalysis
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''Présenté à la Société de Neurologie par Alajouanine, Delafontaine et J. Lacan, le 4 novembre 1926, paru dans la Revue neurologique, 1926, tome II, pp. 410-418.''
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''Présenté à la Société de Neurologie par Alajouanine, Delafontaine et J. [[Lacan]], le 4 novembre 1926, paru dans la Revue neurologique, 1926, tome II, pp. 410-418.''
  
<sup>(410)</sup>Les troubles des mouvements oculaires d’ordre hypertonique ne sont pas moins importants que les troubles paralytiques. Leur sémiologie et surtout leur physiologie pathologique comportent cependant bien des obscurités. Aussi nous a-t-il paru digne d’intérêt de présenter à la société un malade dont la fixité du regard est absolue pour les mouvements volontaires de verticalité et de convergence. Donnant dès l’abord l’aspect d’un syndrome de Parinaud –, des troubles plus légers des mouvements de latéralité coexistent, chez lui, avec l’impossibilité des mouvements verticaux. L’étude des synergies entre les mouvements de la tête et des yeux permet de se rendre compte que les mouvements automatico-réflexes sont restés normaux, que dans certaines conditions ainsi créées par le jeu de ces synergies, des mouvements volontaires, impossibles autrement peuvent être mis en évidence ; l’ensemble de cette étude suggère l’idée d’un trouble tonique simple en l’absence de tout phénomène paralytique et permet ainsi de distinguer ces faits des paralysies de fonction classique.
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<sup>(410)</sup>Les troubles des mouvements oculaires d’[[ordre]] hypertonique ne sont pas moins importants que les troubles paralytiques. Leur sémiologie et surtout leur physiologie pathologique comportent cependant bien des obscurités. Aussi nous a-t-il paru digne d’intérêt de présenter à la société un malade dont la fixité du [[regard]] est absolue pour les mouvements volontaires de verticalité et de convergence. Donnant dès l’abord l’aspect d’un syndrome de Parinaud –, des troubles plus légers des mouvements de latéralité coexistent, chez lui, avec l’impossibilité des mouvements verticaux. L’étude des synergies entre les mouvements de la tête et des yeux permet de se rendre compte que les mouvements automatico-réflexes sont restés normaux, que dans certaines [[conditions]] ainsi créées par le jeu de ces synergies, des mouvements volontaires, impossibles autrement peuvent être mis en évidence ; l’ensemble de cette étude suggère l’idée d’un trouble tonique simple en l’[[absence]] de tout phénomène paralytique et permet ainsi de distinguer ces faits des paralysies de [[fonction]] classique.
  
D’ailleurs le trouble des mouvements oculaires coexiste chez notre malade avec des troubles importants de la motilité générale réalisant un syndrome extra-pyramidal très spécial avec troubles pseudo-bulbaires. Leur étude est également très suggestive, tant en elle-même que par leur association et leur parallélisme avec le trouble des mouvements oculaires.
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D’ailleurs le trouble des mouvements oculaires coexiste chez notre malade avec des troubles importants de la motilité générale réalisant un syndrome extra-pyramidal très spécial avec troubles pseudo-bulbaires. Leur étude est également très suggestive, tant en elle-même que par leur [[association]] et leur parallélisme avec le trouble des mouvements oculaires.
  
 
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Au premier aspect, l’attention est attirée par le faciès figé du malade, la fixité de son regard, la déviation de la tête à droite, et un trouble respiratoire assez particulier qui consiste en un gonflement des joues à chaque expiration. Le malade est dans une attitude soudée et l’exploration des avant-bras qu’il tient fléchis sur les bras, met aussi en évidence une hypertonie musculaire considérable beaucoup plus marquée à gauche.
 
Au premier aspect, l’attention est attirée par le faciès figé du malade, la fixité de son regard, la déviation de la tête à droite, et un trouble respiratoire assez particulier qui consiste en un gonflement des joues à chaque expiration. Le malade est dans une attitude soudée et l’exploration des avant-bras qu’il tient fléchis sur les bras, met aussi en évidence une hypertonie musculaire considérable beaucoup plus marquée à gauche.
  
Le ''début ''des troubles est difficile à préciser D’après le malade, ils seraient apparus brusquement, au retour d’une promenade à bicyclette (20 à 25 kilomètres à l’aller) qui se passe d’abord sans incidents et au cours de laquelle il fait de nombreuse chutes au retour. En réalité, des troubles légers de la marche semblent avoir précédé cet incident, troubles de même caractère que ceux qui se sont installés ensuite sur un mode progressif qu’on a pu apprécier d’un examen à l’autre, durant son séjour à l’hôpital
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Le ''début ''des troubles est difficile à préciser D’après le malade, ils seraient apparus brusquement, au retour d’une promenade à bicyclette (20 à 25 kilomètres à l’aller) qui se [[passe]] d’abord sans incidents et au cours de laquelle il fait de nombreuse chutes au retour. En réalité, des troubles légers de la marche semblent avoir précédé cet incident, troubles de même caractère que ceux qui se sont installés ensuite sur un mode progressif qu’on a pu apprécier d’un examen à l’[[autre]], durant son séjour à l’hôpital
  
 
Ces symptômes consistent :
 
Ces symptômes consistent :
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En raideurs musculaires, particulièrement dans les deux membres du côté gauche s’exagérant durant la marche ;
 
En raideurs musculaires, particulièrement dans les deux membres du côté gauche s’exagérant durant la marche ;
  
En gêne de la vue, de la parole, de la déglutition.</blockquote>
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En gêne de la vue, de la [[parole]], de la déglutition.</blockquote>
  
<sup>(411)</sup>''a) Un syndrome d’hypertonie à type extra-pyramidal ''prédominant du côté gauche du corps est décelé par l’examen des membres supérieurs et inférieurs.
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<sup>(411)</sup>''a) Un syndrome d’hypertonie à type extra-pyramidal ''prédominant du côté gauche du [[corps]] est décelé par l’examen des membres supérieurs et inférieurs.
  
 
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'Membres supérieurs''. – Le malade étant assis sur son lit, les mouvements passifs imprimés à son avant-bras, situé en position intermédiaire entre la pronation et la supination, semblent ne montrer d’hypertonie qu’à gauche. Cette hypertonie de caractère cireux prédomine sur les muscles fléchisseurs et extenseurs de l’avant-bras sur le bras, alors que les groupes moteurs du poignet et aussi ceux de la racine du membre sont peu touchés.
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'Membres supérieurs''. – Le malade étant assis sur son lit, les mouvements passifs imprimés à son avant-bras, situé en [[position]] intermédiaire entre la pronation et la supination, semblent ne montrer d’hypertonie qu’à gauche. Cette hypertonie de caractère cireux prédomine sur les muscles fléchisseurs et extenseurs de l’avant-bras sur le bras, alors que les groupes moteurs du poignet et aussi ceux de la racine du membre sont peu touchés.
  
Une épreuve permet de l’exagérer du côté gauche, de la mettre en évidence du côté droit. C’est le mouvement passif de supination forcée imprimé à l’avant-bras du malade. Ce mouvement déclenche en effet à gauche une contraction persistante du long supinateur. Un état d’hypertonie paroxystique s’oppose alors aux mouvements de flexion et d’extension qu’on tente d’imprimer à l’avant-bras du malade. Enfin à chaque variation obtenue dans la flexion de l’avant-bras, répond un réflexe postural du biceps très exagéré en intensité et en durée. Change-t-on au contraire la position de l’avant-bras en pronation forcée, qu’aussitôt l’hypertonie disparaît et que les mouvements alternatifs d’extension et de flexion de l’avant-bras sur le bras sont imprimés sans résistance au moins sur une course moyenne, l’excursion complète du mouvement d’extension remettant en contraction persistante le long supinateur. Les réflexes toniques correspondant aux diverses postures du biceps sont moins intenses dans cette position. Ces modifications du tonus musculaire et des réflexes de posture se retrouvent au niveau du membre supérieur droit, mais à un degré moindre. Dans les deux cas elles représentent l’exagération pathologique, d’un phénomène normal.
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Une épreuve permet de l’exagérer du côté gauche, de la mettre en évidence du côté [[droit]]. C’est le mouvement passif de supination forcée imprimé à l’avant-bras du malade. Ce mouvement déclenche en effet à gauche une contraction persistante du long supinateur. Un état d’hypertonie paroxystique s’oppose alors aux mouvements de flexion et d’extension qu’on tente d’imprimer à l’avant-bras du malade. Enfin à chaque variation obtenue dans la flexion de l’avant-bras, répond un réflexe postural du biceps très exagéré en intensité et en durée. [[Change]]-t-on au contraire la position de l’avant-bras en pronation forcée, qu’aussitôt l’hypertonie disparaît et que les mouvements alternatifs d’extension et de flexion de l’avant-bras sur le bras sont imprimés sans résistance au moins sur une course moyenne, l’excursion complète du mouvement d’extension remettant en contraction persistante le long supinateur. Les réflexes toniques correspondant aux diverses postures du biceps sont moins intenses dans cette position. Ces modifications du tonus musculaire et des réflexes de posture se retrouvent au niveau du membre supérieur droit, mais à un degré moindre. Dans les deux cas elles représentent l’exagération pathologique, d’un phénomène normal.
  
L’hypertonie du membre supérieur gauche est accrue dans la station debout. Le bras est alors légèrement porté en arrière, l’avant-bras fléchi à angle droit, les muscles de l’avant-bras en état de contracture crampoïde Cette station debout ainsi que certains mouvements volontaires provoquent une attitude catatonique curieuse du petit doigt qui reste fixé en extension et abduction, tandis que les autres doigts demi-fléchis sur la paume s’opposent au pouce. De même dans la station debout, on peut mettre en évidence un certain degré d’hypertonie au niveau du membre supérieur droit.
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L’hypertonie du membre supérieur gauche est accrue dans la station debout. Le bras est alors légèrement porté en arrière, l’avant-bras fléchi à angle droit, les muscles de l’avant-bras en état de contracture crampoïde Cette station debout ainsi que certains mouvements volontaires provoquent une attitude catatonique curieuse du petit doigt qui [[reste]] fixé en extension et abduction, tandis que les autres doigts demi-fléchis sur la paume s’opposent au pouce. De même dans la station debout, on peut mettre en évidence un certain degré d’hypertonie au niveau du membre supérieur droit.
  
 
Tous les mouvements actifs au niveau des membres supérieurs sont possibles, mais ils sont très lents.
 
Tous les mouvements actifs au niveau des membres supérieurs sont possibles, mais ils sont très lents.
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On peut remarquer un très petit tremblement au niveau des membres supérieurs.
 
On peut remarquer un très petit tremblement au niveau des membres supérieurs.
  
''Membres inférieurs''. – Le malade étant couché, les mouvements passifs imprimés aux membres inférieurs permettent de déceler une hypertonie du membre inférieur gauche localisée comme au membre supérieur sur certains groupes musculaires ; ici, et ceux de l’extension et de la flexion tant de la cuisse et de la jambe que du pied, à l’exclusion des muscles, de l’abduction et de l’adduction.
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''Membres inférieurs''. – Le malade étant couché, les mouvements passifs imprimés aux membres inférieurs permettent de déceler une hypertonie du membre inférieur gauche localisée comme au membre supérieur sur certains groupes musculaires ; ici, et ceux de l’extension et de la flexion tant de la cuisse et de la jambe que du pied, à l’[[exclusion]] des muscles, de l’abduction et de l’adduction.
  
 
De façon analogue aux mouvements de prosupination aux membres supérieurs, le mouvement d’extension de la jambe provoque ici un paroxysme d’hypertonie tandis que la flexion la fait presque disparaître. Le réflexe de posture du jambier antérieur normal à droite est très exagéré en intensité et en durée à gauche. Il en est de même pour le réflexe postural des muscles fléchisseurs de la jambe sur la cuisse.
 
De façon analogue aux mouvements de prosupination aux membres supérieurs, le mouvement d’extension de la jambe provoque ici un paroxysme d’hypertonie tandis que la flexion la fait presque disparaître. Le réflexe de posture du jambier antérieur normal à droite est très exagéré en intensité et en durée à gauche. Il en est de même pour le réflexe postural des muscles fléchisseurs de la jambe sur la cuisse.
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C’est dans la marche et la station debout que l’hypertonie du membre inférieur gauche se manifeste le plus intensément.
 
C’est dans la marche et la station debout que l’hypertonie du membre inférieur gauche se manifeste le plus intensément.
  
''Des contractures à type crampoïde'' surviennent en effet principalement au niveau des muscles de la jambe. Elles se traduisent à l’inspection du pied gauche par une griffe des orteils, et un léger degré de varus du pied, à la palpation, par une dureté extrême des muscles postérieurs de la jambe, subjectivement par de la douleur, fonctionnellement par leur persévération souvent prolongée qui suspend la marche en fixant <sup>(412)</sup>le malade dans une station particulière que nous allons préciser. Le pied gauche, en effet, occupe alors une position toujours postérieure à celle du pied droit. Il repose sur le sol par le talon antérieur et les orteils contractés en griffe, le talon postérieur est légèrement soulevé. Cette position postérieure du pied gauche peut provoquer à elle seule la contraction crampoïde. C’est ainsi que la crampe peut survenir spontanément pendant la marche, la raideur du membre inférieur gauche tendant à lui faire occuper cette position durant les mouvements. La crampe survient ainsi infailliblement par ce mécanisme si l’on commande au malade de virer vers la droite. Il reste alors fixé à demi viré, dans le sens indiqué ; son membre inférieur gauche porté en arrière de l’autre semble le fixer au sol et il peut persister fort longtemps dans cette position. De même on peut provoquer la crampe, sur le malade immobile en station debout rien qu’en portant son pied gauche sur un niveau postérieur à son pied droit. On peut la faire cesser en obtenant du malade le mouvement de reporter son pied en avant. Si on le lui avance passivement, la crampe persiste en général et le malade reprend sa position par un petit pas en avant du pied droit.
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''Des contractures à type crampoïde'' surviennent en effet principalement au niveau des muscles de la jambe. Elles se traduisent à l’inspection du pied gauche par une griffe des orteils, et un léger degré de varus du pied, à la palpation, par une dureté extrême des muscles postérieurs de la jambe, subjectivement par de la [[douleur]], fonctionnellement par leur persévération souvent prolongée qui suspend la marche en fixant <sup>(412)</sup>le malade dans une station particulière que nous allons préciser. Le pied gauche, en effet, occupe alors une position toujours postérieure à celle du pied droit. Il repose sur le sol par le talon antérieur et les orteils contractés en griffe, le talon postérieur est légèrement soulevé. Cette position postérieure du pied gauche peut provoquer à elle seule la contraction crampoïde. C’est ainsi que la crampe peut survenir spontanément pendant la marche, la raideur du membre inférieur gauche tendant à lui faire occuper cette position durant les mouvements. La crampe survient ainsi infailliblement par ce mécanisme si l’on commande au malade de virer vers la droite. Il reste alors fixé à demi viré, dans le sens indiqué ; son membre inférieur gauche porté en arrière de l’autre semble le fixer au sol et il peut persister fort longtemps dans cette position. De même on peut provoquer la crampe, sur le malade immobile en station debout rien qu’en portant son pied gauche sur un niveau postérieur à son pied droit. On peut la faire cesser en obtenant du malade le mouvement de reporter son pied en avant. Si on le lui avance passivement, la crampe persiste en général et le malade reprend sa position par un petit pas en avant du pied droit.
  
Durant la crampe, l’épreuve de la poussée donne une contraction du jambier antérieur à droite, et aucune à gauche. Quand la crampe a cessé, la même épreuve donne une contraction du jambier antérieur à gauche, mais de caractère moins franchement automatique qu’à droite, avec un temps perdu plus long, plus lent et comme englué.
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Durant la crampe, l’épreuve de la poussée donne une contraction du jambier antérieur à droite, et aucune à gauche. Quand la crampe a cessé, la même épreuve donne une contraction du jambier antérieur à gauche, mais de caractère moins franchement automatique qu’à droite, avec un [[temps]] perdu plus long, plus lent et comme englué.
  
Inversement on peut obtenir la disparition complète de l’hypertonie des muscles de la jambe gauche, sur le malade debout reposant sur le sol par le pied droit et soutenu par les bras, en fléchissant celle-ci sur la cuisse. Après quelques mouvements de flexion et d’extension du pied sur la jambe où se marque encore de la raideur, on obtient la résolution de toute résistance dans les groupes musculaires de la tibio-tarsienne.
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Inversement on peut obtenir la [[disparition]] complète de l’hypertonie des muscles de la jambe gauche, sur le malade debout reposant sur le sol par le pied droit et soutenu par les bras, en fléchissant celle-ci sur la cuisse. Après quelques mouvements de flexion et d’extension du pied sur la jambe où se marque [[encore]] de la raideur, on obtient la résolution de toute résistance dans les groupes musculaires de la tibio-tarsienne.
  
 
''Équilibre et statique''. – Les troubles de l’équilibre sont marqués. Dans la station debout, la tendance est nette à la chute en arrière. Elle s’accentue pendant la marche. Celle-ci se fait à petits pas, dans une attitude soudée du tronc, sans balancement des membres supérieurs, et l’accentuation de la contracture au niveau de ceux-ci met l’avant-bras en flexion en même temps qu’apparaît la contracture si particulière au niveau du petit doigt en extension abduction.
 
''Équilibre et statique''. – Les troubles de l’équilibre sont marqués. Dans la station debout, la tendance est nette à la chute en arrière. Elle s’accentue pendant la marche. Celle-ci se fait à petits pas, dans une attitude soudée du tronc, sans balancement des membres supérieurs, et l’accentuation de la contracture au niveau de ceux-ci met l’avant-bras en flexion en même temps qu’apparaît la contracture si particulière au niveau du petit doigt en extension abduction.
  
La marche se produit avec un caractère automatique très marqué. La raideur ou un état de crampe la rendant difficile ou impossible d’abord, l’hypertonie semble soudain cesser, et alors, dit le malade, « une fois parti, cela va tout seul ».
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La marche se produit avec un caractère automatique très marqué. La raideur ou un état de crampe la rendant difficile ou [[impossible]] d’abord, l’hypertonie semble soudain cesser, et alors, dit le malade, « une fois parti, cela va tout seul ».
  
 
Le mouvement de s’asseoir montre au plus haut point les contractures que peuvent provoquer certains mouvements volontaires statiques, la lenteur extrême des mouvements, les tendances catatoniques secondaires aux raideurs et leur relation avec les troubles de l’équilibre. Le malade fléchissant les jambes reste presque indéfiniment suspendu au-dessus de son siège, puis il s’y laisse tomber, soudé en un seul bloc.
 
Le mouvement de s’asseoir montre au plus haut point les contractures que peuvent provoquer certains mouvements volontaires statiques, la lenteur extrême des mouvements, les tendances catatoniques secondaires aux raideurs et leur relation avec les troubles de l’équilibre. Le malade fléchissant les jambes reste presque indéfiniment suspendu au-dessus de son siège, puis il s’y laisse tomber, soudé en un seul bloc.
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<sup>(413)</sup>Les mouvements de la face traduisent un état hypertonique de tous les muscles, mêlé à quelques phénomènes parétiques du côté gauche. Les contractions du frontal ne font qu’accentuer la différence d’aspect que nous avons signalée dans les rides à droite et à gauche. Les mouvements d’ouverture et d’occlusion des paupières paraissent normaux et se font sans persévération. Pourtant le sourcil gauche reste immobile et n’y participe pas. L’occlusion peut se faire des deux côtés avec force. Pourtant le simple abaissement de la paupière tend à laisser à découvert à gauche une partie du globe oculaire, et la résistance de cette paupière semble moindre que du côté opposé aux tentatives de relèvement de la paupière close avec force. Le facial supérieur du côté gauche ne serait donc pas indemne.
 
<sup>(413)</sup>Les mouvements de la face traduisent un état hypertonique de tous les muscles, mêlé à quelques phénomènes parétiques du côté gauche. Les contractions du frontal ne font qu’accentuer la différence d’aspect que nous avons signalée dans les rides à droite et à gauche. Les mouvements d’ouverture et d’occlusion des paupières paraissent normaux et se font sans persévération. Pourtant le sourcil gauche reste immobile et n’y participe pas. L’occlusion peut se faire des deux côtés avec force. Pourtant le simple abaissement de la paupière tend à laisser à découvert à gauche une partie du globe oculaire, et la résistance de cette paupière semble moindre que du côté opposé aux tentatives de relèvement de la paupière close avec force. Le facial supérieur du côté gauche ne serait donc pas indemne.
  
Le sourire du malade marque le mieux l’hypertonie de tous les muscles de la face. Tous les traits s’accentuent fortement, la palpation fait percevoir la dureté des muscles contractés. Cette attitude mimique enfin tend à persévérer ; jusqu’à une demi-minute après qu’on ait prié le malade de revenir à une expression plus grave. Les épreuves du siffler, du souffler qui sont peu démonstratives au point de vue de l’état des muscles, ont semblé montrer quelquefois un véritable phénomène de palipraxie ( ?) : le malade répétant plusieurs fois le même acte alors qu’on lui a déjà ordonné de faire un autre exercice. Enfin les contractions du peaucier du cou, normales à droite ne sont pas vues à gauche. Les réflexes mentonnier et massétérin donnent une réponse vive non polycinétique. Le réflexe naso-palpébral se diffuse en outre aux muscles de la face, surtout au zygomatique et aux muscles masticateurs.
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Le sourire du malade marque le mieux l’hypertonie de tous les muscles de la face. Tous les traits s’accentuent fortement, la palpation fait percevoir la dureté des muscles contractés. Cette attitude mimique enfin tend à persévérer ; jusqu’à une demi-minute après qu’on ait prié le malade de revenir à une expression plus grave. Les épreuves du siffler, du souffler qui sont peu démonstratives au point de vue de l’état des muscles, ont semblé montrer quelquefois un véritable phénomène de palipraxie ( ?) : le malade répétant plusieurs fois le même [[acte]] alors qu’on lui a déjà ordonné de faire un autre exercice. Enfin les contractions du peaucier du cou, normales à droite ne sont pas vues à gauche. Les réflexes mentonnier et massétérin donnent une réponse vive non polycinétique. Le réflexe naso-palpébral se diffuse en outre aux muscles de la face, surtout au zygomatique et aux muscles masticateurs.
  
 
''Position de la tête et muscles du cou. – ''Le malade garde habituellement la tête tournée légèrement vers la droite. Cette position marquée dans la station debout, semble s’accentuer quand le malade est assis. Le cou du malade est porté en avant, le dos voûté ; un certain degré d’atrophie des trapèzes se marque à simple inspection. La palpation y décèle un certain degré de raideur. De même on peut sentir le sternocléidomastoïdien droit contracturé. La force musculaire est diminuée dans les deux trapèzes et les deux sterno. Le malade ne peut hausser l’épaule gauche. La recherche du réflexe postural du muscle trapèze par écartement du bras par rapport au tronc, fait entrer l’un comme l’autre muscle en état de contraction à type myotonique persistant extrêmement longtemps. Si l’on tourne la tête du malade vers la gauche, on obtient également une contraction prolongée du chef claviculaire du sterno-cléido-mastoïdien.
 
''Position de la tête et muscles du cou. – ''Le malade garde habituellement la tête tournée légèrement vers la droite. Cette position marquée dans la station debout, semble s’accentuer quand le malade est assis. Le cou du malade est porté en avant, le dos voûté ; un certain degré d’atrophie des trapèzes se marque à simple inspection. La palpation y décèle un certain degré de raideur. De même on peut sentir le sternocléidomastoïdien droit contracturé. La force musculaire est diminuée dans les deux trapèzes et les deux sterno. Le malade ne peut hausser l’épaule gauche. La recherche du réflexe postural du muscle trapèze par écartement du bras par rapport au tronc, fait entrer l’un comme l’autre muscle en état de contraction à type myotonique persistant extrêmement longtemps. Si l’on tourne la tête du malade vers la gauche, on obtient également une contraction prolongée du chef claviculaire du sterno-cléido-mastoïdien.
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Dès le premier aspect, nous avons été frappés par la fixité du regard du malade, dirigé presque constamment au repos ''en face ''de lui, c’est-à-dire légèrement à droite, puisque la tête est constamment tournée à quelques degrés de ce côté.
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Dès le premier aspect, nous avons été frappés par la fixité du regard du malade, dirigé presque constamment au repos ''en face ''de lui, c’est-à-[[dire]] légèrement à droite, puisque la tête est constamment tournée à quelques degrés de ce côté.
  
Sans modifier la position de la tête, on recherche l’existence des mouvements volontaires associés des deux yeux et pour chaque œil isolément, dans le sens vertical et dans la latéralité. On constate :
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Sans modifier la position de la tête, on recherche l’[[existence]] des mouvements volontaires associés des deux yeux et pour chaque œil isolément, dans le sens vertical et dans la latéralité. On constate :
  
 
1) L’impossibilité absolue des mouvements volontaires dans le sens vertical, – c’est-à-dire des mouvements d’élévation et d’abaissement de l’axe du globe oculaire – tant pour les deux yeux que pour chaque œil séparément.
 
1) L’impossibilité absolue des mouvements volontaires dans le sens vertical, – c’est-à-dire des mouvements d’élévation et d’abaissement de l’axe du globe oculaire – tant pour les deux yeux que pour chaque œil séparément.
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Si l’on fléchit la tête en avant, on constate un premier phénomène. Au cours du mouvement et dans la position terminale, l’axe du regard n’a pas cessé de se déplacer par rapport aux orbites pour rester à chaque instant braqué ''vers l’horizon. ''C’est là un ''premier'''' temps ''qui montre une élévation de l’axe des globes oculaires, mais cette élévation s’accomplit par un mouvement automatico-réflexe que cette épreuve montre ainsi conservé. Il traduit l’une des deux synergies normales de la tête et des yeux, celle qui conserve dans une direction constante l’axe du regard pendant les mouvements de la tête et qui compense donc ceux-ci.
 
Si l’on fléchit la tête en avant, on constate un premier phénomène. Au cours du mouvement et dans la position terminale, l’axe du regard n’a pas cessé de se déplacer par rapport aux orbites pour rester à chaque instant braqué ''vers l’horizon. ''C’est là un ''premier'''' temps ''qui montre une élévation de l’axe des globes oculaires, mais cette élévation s’accomplit par un mouvement automatico-réflexe que cette épreuve montre ainsi conservé. Il traduit l’une des deux synergies normales de la tête et des yeux, celle qui conserve dans une direction constante l’axe du regard pendant les mouvements de la tête et qui compense donc ceux-ci.
  
C’est dans un ''deuxième temps ''qu’on va obtenir un mouvement volontaire. Dans la position fléchie de la tête, le regard tend à persévérer quelques instants dans sa direction ''vers l’horizon ''(flèche 1 de la figure II) qui s’est élevée par rapport à l’orbite. Puis si l’on demande au malade de regarder en bas, il dirige l’axe de ses yeux ''en face ''de la <sup>(415)</sup>nouvelle position de sa tête (flèche 2 de la fig. II), ayant ainsi réalisé un mouvement volontaire d’abaissement (arc. 3, fig. II).
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C’est dans un ''deuxième temps ''qu’on va obtenir un mouvement volontaire. Dans la position fléchie de la tête, le regard tend à persévérer quelques instants dans sa direction ''vers l’horizon ''(flèche 1 de la [[figure]] II) qui s’est élevée par rapport à l’orbite. Puis si l’on [[demande]] au malade de regarder en bas, il dirige l’axe de ses yeux ''en face ''de la <sup>(415)</sup>nouvelle position de sa tête (flèche 2 de la fig. II), ayant ainsi réalisé un mouvement volontaire d’abaissement (arc. 3, fig. II).
  
Si l’on étend la tête en arrière on obtient les mêmes phénomènes mais de sens inverse, c’est-à-dire : dans un premier temps un mouvement automatico-réflexe parfaitement qui maintient l’axe du regard vers l’horizon et réalise un abaissement par rapport à l’orbite (flèche 1 de la fig. III) ; dans un deuxième temps, un mouvement volontaire d’élévation (arc 3 de fig. III) qui ramène l’arc du regard dans l’équateur de l’orbite, c’est-à-dire en face de la tête du malade dans sa nouvelle position (flèche ''2 ''dela fig. III).
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Si l’on étend la tête en arrière on obtient les mêmes phénomènes mais de sens [[inverse]], c’est-à-dire : dans un premier temps un mouvement automatico-réflexe parfaitement qui maintient l’axe du regard vers l’horizon et réalise un abaissement par rapport à l’orbite (flèche 1 de la fig. III) ; dans un deuxième temps, un mouvement volontaire d’élévation (arc 3 de fig. III) qui ramène l’arc du regard dans l’équateur de l’orbite, c’est-à-dire en face de la tête du malade dans sa nouvelle position (flèche ''2 ''dela fig. III).
  
Notons d’ailleurs que pour les déplacements de latéralité des yeux qui sont possibles par mouvements volontaires dans la position habituelle de la tête (que nous avons signalée être déviée vers la droite), on peut les obtenir aussi par mouvement automatico-réflexe en modifiant la position de la tête dans le sens latéral. La synergie de compensation des mouvements oculaires maintient alors l’axe au regard dans sa position primitive correspondant à la direction constante de la face, c’est-à-dire légèrement orientée vers la droite du corps.
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Notons d’ailleurs que pour les déplacements de latéralité des yeux qui sont possibles par mouvements volontaires dans la position habituelle de la tête (que nous avons signalée être déviée vers la droite), on peut les obtenir aussi par mouvement automatico-réflexe en modifiant la position de la tête dans le sens latéral. La synergie de [[compensation]] des mouvements oculaires maintient alors l’axe au regard dans sa position [[primitive]] correspondant à la direction constante de la face, c’est-à-dire légèrement orientée vers la droite du corps.
  
 
Par ailleurs, pas de nystagmus provoqué par les positions de l’œil. Les pupilles qui présentent une inégalité très discrète, ne réagissent que paresseusement à la lumière. L’accommodation à la distance est presque impossible à étudier. Un examen ophtalmologique le 3 septembre a montré :
 
Par ailleurs, pas de nystagmus provoqué par les positions de l’œil. Les pupilles qui présentent une inégalité très discrète, ne réagissent que paresseusement à la lumière. L’accommodation à la distance est presque impossible à étudier. Un examen ophtalmologique le 3 septembre a montré :
  
Un léger trouble du vitré ? Pupille apparaissant légèrement floue, un champ visuel normal.
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Un léger trouble du vitré ? Pupille apparaissant légèrement floue, un [[champ]] visuel normal.
  
 
Une acuité visuelle OD 8 /10-OG 6 /10.
 
Une acuité visuelle OD 8 /10-OG 6 /10.
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À l’examen du fond d’œil trouble du vitré.
 
À l’examen du fond d’œil trouble du vitré.
  
''Examen otologique. – ''Examen à l’eau froide : réaction labyrinthique de tous les canaux sensiblement normale : nystagmus après 45’’.
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''Examen otologique. – ''Examen à l’eau froide : ré[[action]] labyrinthique de tous les canaux sensiblement normale : nystagmus après 45’’.
  
 
Audition affaiblie à droite et à gauche.
 
Audition affaiblie à droite et à gauche.
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Cette observation un peu complexe comprend un certain nombre de faits dignes de retenir l’attention :
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Cette observation un peu [[complexe]] comprend un certain nombre de faits dignes de retenir l’attention :
  
 
C’est d’abord les caractères du syndrome extra-pyramidal que présente ce malade et où il faut souligner des phénomènes très spéciaux, un état crampoïde, un état catatonique, un état de déséquilibre considérable.
 
C’est d’abord les caractères du syndrome extra-pyramidal que présente ce malade et où il faut souligner des phénomènes très spéciaux, un état crampoïde, un état catatonique, un état de déséquilibre considérable.
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Ces caractères des mouvements de latéralité semblent liés à un état d’hypertonie, comme on en rencontre fréquemment dans les états rigides postencéphalitiques. Ils suggèrent l’hypothèse que les troubles de la verticalité sont peut-être de même ordre. La mise en jeu des synergies de latête et du cou d’une part et des mouvements oculaires, que nous avons décrits plus haut, permet de le supposer encore avec plus de vraisemblance.
 
Ces caractères des mouvements de latéralité semblent liés à un état d’hypertonie, comme on en rencontre fréquemment dans les états rigides postencéphalitiques. Ils suggèrent l’hypothèse que les troubles de la verticalité sont peut-être de même ordre. La mise en jeu des synergies de latête et du cou d’une part et des mouvements oculaires, que nous avons décrits plus haut, permet de le supposer encore avec plus de vraisemblance.
  
Les épreuves que nous avons rapportées dans l’observation détaillée se résument à ceci ; la tête en rectitude, regard de face, impossibilité des mouvements verticaux ; la tête penchée en avant, regard. en haut par rapport au plan de la tête, puis possibilité de mouvements volontaires d’abaissement qui ramènent le globe au regard correspondant au plan horizontal des orbites ; la tête penchée en arrière, phénomène inverse du regard de face, on passe au regard en bas par rapport au plan de la tête, puis possibilité de mouvements volontaires d’élévation ramenant ce globe au regard correspondant au plan horizontal des orbites (v. fig. <span lang="EN-US" style="mso-ansi-language: EN-US">I, II, III). </span>Il y a là deux ordres de faits ; l’un c’est que la position d’inclinaison de la tête dans le sens vertical modifie l’orientation du regard dans le sens inverse à celui oùelle est portée, fait analogue à ce qui se passe dans la rotation de la tête où le globe se dévie d’abord en sens opposé de la rotation. Il y a un mouvement synergique oculaire automatico-réflexe ; ce mouvement, classique pour la rotation, nous le recherchons dans l’inflexion et l’extension de la tête et il se montre ici avec les mêmes caractères d’automatisme et de rapidité <sup>(418)</sup>que chez un sujet normal. L’autre fait, c’est que de la position ainsi prise par suite du réflexe syncinétique, le sujet peut mouvoir son globe oculaire jusqu’à l’horizontale passant par les orbites, jusqu’au plan horizontal du regard.
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Les épreuves que nous avons rapportées dans l’observation détaillée se résument à ceci ; la tête en rectitude, regard de face, impossibilité des mouvements verticaux ; la tête penchée en avant, regard. en haut par rapport au plan de la tête, puis possibilité de mouvements volontaires d’abaissement qui ramènent le globe au regard correspondant au plan horizontal des orbites ; la tête penchée en arrière, phénomène inverse du regard de face, on passe au regard en bas par rapport au plan de la tête, puis possibilité de mouvements volontaires d’élévation ramenant ce globe au regard correspondant au plan horizontal des orbites (v. fig. <span lang="EN-US" style="mso-ansi-language: EN-US">I, II, III). </span>Il y a là deux ordres de faits ; l’un c’est que la position d’inclinaison de la tête dans le sens vertical modifie l’orientation du regard dans le sens inverse à celui oùelle est portée, fait analogue à ce qui se passe dans la rotation de la tête où le globe se dévie d’abord en sens opposé de la rotation. Il y a un mouvement synergique oculaire automatico-réflexe ; ce mouvement, classique pour la rotation, nous le recherchons dans l’inflexion et l’extension de la tête et il se montre ici avec les mêmes caractères d’[[automatisme]] et de rapidité <sup>(418)</sup>que chez un [[sujet]] normal. L’autre fait, c’est que de la position ainsi prise par suite du réflexe syncinétique, le sujet peut mouvoir son globe oculaire jusqu’à l’horizontale passant par les orbites, jusqu’au plan horizontal du regard.
  
 
Nous devons donc noter : d’abord la conservation, chez ce sujet à motilité volontaire nulle pour les mouvements verticaux des globes oculaires, des mouvements automatico-réflexes de même sens déclenchés par les positions de la tête ; ensuite la possibilité des mouvements volontaires dans les positions ainsi créées, mouvements restreints puisqu’ils ne dépassent jamais l’horizontale du regard, ne faisant donc qu’une demi-excursion dans le sens vertical, et mouvements se faisant comme les mouvements latéraux, lentement, par saccades. Le fait de la persistance de la motilité automatico-réflexe alors que la motilité volontaire est nulle, le fait de la possibilité à partir du déplacement réflexe, d’un retour volontaire du globe à la position fixe du regard, laissent supposer qu’il y a à la base du syndrome d’immobilité verticale du regard un trouble tonique et non un trouble paralytique. Les synergies réflexes normales ont permis le déplacement du globe dans le sens vertical où volontairement il est nul ; puis le réflexe ayant joué, l’équilibre tonique se charge à nouveau de permettre le retour du globe à la position d’horizon qu’il ne permet pas, par contre, de dépasser.
 
Nous devons donc noter : d’abord la conservation, chez ce sujet à motilité volontaire nulle pour les mouvements verticaux des globes oculaires, des mouvements automatico-réflexes de même sens déclenchés par les positions de la tête ; ensuite la possibilité des mouvements volontaires dans les positions ainsi créées, mouvements restreints puisqu’ils ne dépassent jamais l’horizontale du regard, ne faisant donc qu’une demi-excursion dans le sens vertical, et mouvements se faisant comme les mouvements latéraux, lentement, par saccades. Le fait de la persistance de la motilité automatico-réflexe alors que la motilité volontaire est nulle, le fait de la possibilité à partir du déplacement réflexe, d’un retour volontaire du globe à la position fixe du regard, laissent supposer qu’il y a à la base du syndrome d’immobilité verticale du regard un trouble tonique et non un trouble paralytique. Les synergies réflexes normales ont permis le déplacement du globe dans le sens vertical où volontairement il est nul ; puis le réflexe ayant joué, l’équilibre tonique se charge à nouveau de permettre le retour du globe à la position d’horizon qu’il ne permet pas, par contre, de dépasser.
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c) Ces faits nous permettent, croyons-nous, d’envisager la fixité horizontale du regard dans notre cas, comme un trouble d’ordre tonique, qu’il est intéressant de comparer aux troubles hypertoniques des membres auxquels il est associé ; on se trouve ainsi devant un aspect spécial de syndrome de Parinaud par hypertonie ; ou mieux devant un syndrome de fixité horizontale du regard par hypertonie.
 
c) Ces faits nous permettent, croyons-nous, d’envisager la fixité horizontale du regard dans notre cas, comme un trouble d’ordre tonique, qu’il est intéressant de comparer aux troubles hypertoniques des membres auxquels il est associé ; on se trouve ainsi devant un aspect spécial de syndrome de Parinaud par hypertonie ; ou mieux devant un syndrome de fixité horizontale du regard par hypertonie.
  
Les observations anatomo-cliniques qui peu a peu se groupent, concernant les lésions observées dans le syndrome de Parinaud, en particulier les observations de M. Lhermitte, de M. Cl. Vincent, permettent de situer dans la calotte pédonculaire le siège des lésions conditionnant le syndrome de Parinaud. Ici, nous croyons qu’il s’agit d’une lésion plus haut située (la conservation de l’intégrité labyrinthique et des mouvements automatico-réflexes oculaires qui supposent son intégrité plaide en ce sens, et bien entendu, également, l’association du syndrome pallidal) ; il nous parait, en somme, vraisemblable que l’hypertonie oculaire réalisant ce syndrome de Parinaud spécial est due à une lésion de la région des noyaux gris et de leurs voies.
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Les observations anatomo-cliniques qui peu a peu se groupent, concernant les lésions observées dans le syndrome de Parinaud, en particulier les observations de M. Lhermitte, de M. Cl. Vincent, permettent de [[situer]] dans la calotte pédonculaire le siège des lésions conditionnant le syndrome de Parinaud. Ici, nous croyons qu’il s’agit d’une lésion plus haut située (la conservation de l’intégrité labyrinthique et des mouvements automatico-réflexes oculaires qui supposent son intégrité plaide en ce sens, et bien entendu, également, l’association du syndrome pallidal) ; il nous parait, en somme, vraisemblable que l’hypertonie oculaire réalisant ce syndrome de Parinaud spécial est due à une lésion de la région des noyaux gris et de leurs voies.
  
 
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Latest revision as of 22:17, 20 May 2019

Présenté à la Société de Neurologie par Alajouanine, Delafontaine et J. Lacan, le 4 novembre 1926, paru dans la Revue neurologique, 1926, tome II, pp. 410-418.

(410)Les troubles des mouvements oculaires d’ordre hypertonique ne sont pas moins importants que les troubles paralytiques. Leur sémiologie et surtout leur physiologie pathologique comportent cependant bien des obscurités. Aussi nous a-t-il paru digne d’intérêt de présenter à la société un malade dont la fixité du regard est absolue pour les mouvements volontaires de verticalité et de convergence. Donnant dès l’abord l’aspect d’un syndrome de Parinaud –, des troubles plus légers des mouvements de latéralité coexistent, chez lui, avec l’impossibilité des mouvements verticaux. L’étude des synergies entre les mouvements de la tête et des yeux permet de se rendre compte que les mouvements automatico-réflexes sont restés normaux, que dans certaines conditions ainsi créées par le jeu de ces synergies, des mouvements volontaires, impossibles autrement peuvent être mis en évidence ; l’ensemble de cette étude suggère l’idée d’un trouble tonique simple en l’absence de tout phénomène paralytique et permet ainsi de distinguer ces faits des paralysies de fonction classique.

D’ailleurs le trouble des mouvements oculaires coexiste chez notre malade avec des troubles importants de la motilité générale réalisant un syndrome extra-pyramidal très spécial avec troubles pseudo-bulbaires. Leur étude est également très suggestive, tant en elle-même que par leur association et leur parallélisme avec le trouble des mouvements oculaires.

M. V…. 65 ans, est entré le 27 août 1926 à la Salpêtrière, dans le service de M. le Dr Crouzon, que l’un de nous avait l’honneur de remplacer pendant les vacances et que nous remercions de nous avoir permis d’étudier ce cas.

Au premier aspect, l’attention est attirée par le faciès figé du malade, la fixité de son regard, la déviation de la tête à droite, et un trouble respiratoire assez particulier qui consiste en un gonflement des joues à chaque expiration. Le malade est dans une attitude soudée et l’exploration des avant-bras qu’il tient fléchis sur les bras, met aussi en évidence une hypertonie musculaire considérable beaucoup plus marquée à gauche.

Le début des troubles est difficile à préciser D’après le malade, ils seraient apparus brusquement, au retour d’une promenade à bicyclette (20 à 25 kilomètres à l’aller) qui se passe d’abord sans incidents et au cours de laquelle il fait de nombreuse chutes au retour. En réalité, des troubles légers de la marche semblent avoir précédé cet incident, troubles de même caractère que ceux qui se sont installés ensuite sur un mode progressif qu’on a pu apprécier d’un examen à l’autre, durant son séjour à l’hôpital

Ces symptômes consistent :

En troubles de l’équilibre avec chutes, plus fréquentes vers la droite, durant la marche ;

En raideurs musculaires, particulièrement dans les deux membres du côté gauche s’exagérant durant la marche ;

En gêne de la vue, de la parole, de la déglutition.

(411)a) Un syndrome d’hypertonie à type extra-pyramidal prédominant du côté gauche du corps est décelé par l’examen des membres supérieurs et inférieurs.

'Membres supérieurs. – Le malade étant assis sur son lit, les mouvements passifs imprimés à son avant-bras, situé en position intermédiaire entre la pronation et la supination, semblent ne montrer d’hypertonie qu’à gauche. Cette hypertonie de caractère cireux prédomine sur les muscles fléchisseurs et extenseurs de l’avant-bras sur le bras, alors que les groupes moteurs du poignet et aussi ceux de la racine du membre sont peu touchés.

Une épreuve permet de l’exagérer du côté gauche, de la mettre en évidence du côté droit. C’est le mouvement passif de supination forcée imprimé à l’avant-bras du malade. Ce mouvement déclenche en effet à gauche une contraction persistante du long supinateur. Un état d’hypertonie paroxystique s’oppose alors aux mouvements de flexion et d’extension qu’on tente d’imprimer à l’avant-bras du malade. Enfin à chaque variation obtenue dans la flexion de l’avant-bras, répond un réflexe postural du biceps très exagéré en intensité et en durée. Change-t-on au contraire la position de l’avant-bras en pronation forcée, qu’aussitôt l’hypertonie disparaît et que les mouvements alternatifs d’extension et de flexion de l’avant-bras sur le bras sont imprimés sans résistance au moins sur une course moyenne, l’excursion complète du mouvement d’extension remettant en contraction persistante le long supinateur. Les réflexes toniques correspondant aux diverses postures du biceps sont moins intenses dans cette position. Ces modifications du tonus musculaire et des réflexes de posture se retrouvent au niveau du membre supérieur droit, mais à un degré moindre. Dans les deux cas elles représentent l’exagération pathologique, d’un phénomène normal.

L’hypertonie du membre supérieur gauche est accrue dans la station debout. Le bras est alors légèrement porté en arrière, l’avant-bras fléchi à angle droit, les muscles de l’avant-bras en état de contracture crampoïde Cette station debout ainsi que certains mouvements volontaires provoquent une attitude catatonique curieuse du petit doigt qui reste fixé en extension et abduction, tandis que les autres doigts demi-fléchis sur la paume s’opposent au pouce. De même dans la station debout, on peut mettre en évidence un certain degré d’hypertonie au niveau du membre supérieur droit.

Tous les mouvements actifs au niveau des membres supérieurs sont possibles, mais ils sont très lents.

On peut remarquer un très petit tremblement au niveau des membres supérieurs.

Membres inférieurs. – Le malade étant couché, les mouvements passifs imprimés aux membres inférieurs permettent de déceler une hypertonie du membre inférieur gauche localisée comme au membre supérieur sur certains groupes musculaires ; ici, et ceux de l’extension et de la flexion tant de la cuisse et de la jambe que du pied, à l’exclusion des muscles, de l’abduction et de l’adduction.

De façon analogue aux mouvements de prosupination aux membres supérieurs, le mouvement d’extension de la jambe provoque ici un paroxysme d’hypertonie tandis que la flexion la fait presque disparaître. Le réflexe de posture du jambier antérieur normal à droite est très exagéré en intensité et en durée à gauche. Il en est de même pour le réflexe postural des muscles fléchisseurs de la jambe sur la cuisse.

Le malade étant assis, on obtient à gauche par la percussion du tendon rotulien une véritable persévération du mouvement d’extension provoqué par le réflexe, la jambe reste suspendue au-dessus du sol, jusqu’à ce que la remarque en étant faite au malade, il l’y ramène volontairement.

C’est dans la marche et la station debout que l’hypertonie du membre inférieur gauche se manifeste le plus intensément.

Des contractures à type crampoïde surviennent en effet principalement au niveau des muscles de la jambe. Elles se traduisent à l’inspection du pied gauche par une griffe des orteils, et un léger degré de varus du pied, à la palpation, par une dureté extrême des muscles postérieurs de la jambe, subjectivement par de la douleur, fonctionnellement par leur persévération souvent prolongée qui suspend la marche en fixant (412)le malade dans une station particulière que nous allons préciser. Le pied gauche, en effet, occupe alors une position toujours postérieure à celle du pied droit. Il repose sur le sol par le talon antérieur et les orteils contractés en griffe, le talon postérieur est légèrement soulevé. Cette position postérieure du pied gauche peut provoquer à elle seule la contraction crampoïde. C’est ainsi que la crampe peut survenir spontanément pendant la marche, la raideur du membre inférieur gauche tendant à lui faire occuper cette position durant les mouvements. La crampe survient ainsi infailliblement par ce mécanisme si l’on commande au malade de virer vers la droite. Il reste alors fixé à demi viré, dans le sens indiqué ; son membre inférieur gauche porté en arrière de l’autre semble le fixer au sol et il peut persister fort longtemps dans cette position. De même on peut provoquer la crampe, sur le malade immobile en station debout rien qu’en portant son pied gauche sur un niveau postérieur à son pied droit. On peut la faire cesser en obtenant du malade le mouvement de reporter son pied en avant. Si on le lui avance passivement, la crampe persiste en général et le malade reprend sa position par un petit pas en avant du pied droit.

Durant la crampe, l’épreuve de la poussée donne une contraction du jambier antérieur à droite, et aucune à gauche. Quand la crampe a cessé, la même épreuve donne une contraction du jambier antérieur à gauche, mais de caractère moins franchement automatique qu’à droite, avec un temps perdu plus long, plus lent et comme englué.

Inversement on peut obtenir la disparition complète de l’hypertonie des muscles de la jambe gauche, sur le malade debout reposant sur le sol par le pied droit et soutenu par les bras, en fléchissant celle-ci sur la cuisse. Après quelques mouvements de flexion et d’extension du pied sur la jambe où se marque encore de la raideur, on obtient la résolution de toute résistance dans les groupes musculaires de la tibio-tarsienne.

Équilibre et statique. – Les troubles de l’équilibre sont marqués. Dans la station debout, la tendance est nette à la chute en arrière. Elle s’accentue pendant la marche. Celle-ci se fait à petits pas, dans une attitude soudée du tronc, sans balancement des membres supérieurs, et l’accentuation de la contracture au niveau de ceux-ci met l’avant-bras en flexion en même temps qu’apparaît la contracture si particulière au niveau du petit doigt en extension abduction.

La marche se produit avec un caractère automatique très marqué. La raideur ou un état de crampe la rendant difficile ou impossible d’abord, l’hypertonie semble soudain cesser, et alors, dit le malade, « une fois parti, cela va tout seul ».

Le mouvement de s’asseoir montre au plus haut point les contractures que peuvent provoquer certains mouvements volontaires statiques, la lenteur extrême des mouvements, les tendances catatoniques secondaires aux raideurs et leur relation avec les troubles de l’équilibre. Le malade fléchissant les jambes reste presque indéfiniment suspendu au-dessus de son siège, puis il s’y laisse tomber, soudé en un seul bloc.

Les réflexes tendineux des membres supérieurs : réflexes de l’omoplate, oléocranien, cubital, stylo-radial, radio-pronateur, sont normaux, peut-être un peu plus vifs à gauche. Aux membres inférieurs : les réflexes rotulien, achilléen, médio-plantaire, sont plus vifs à gauche. Nous avons signalé le phénomène de persévération de l’extension de la jambe obtenu par percussion du tendon rotulien. Le réflexe cutané plantaire est en flexion des deux côtés. Sa recherche donne lieu à la contraction du jambier antérieur. Les réflexes cutanés abdominaux supérieur et inférieur sont normaux. Le réflexe crémastérien est normal.

La sensibilité à la piqûre, au tact, au pincement, à la douleur, au chaud et au froid est normale. Aucun trouble de la stéréognosie.

Il n’y a pas de dysmétrie, mais de la lenteur des mouvements alternatifs, par suite de la contracture.

Examen de la face. – L’inspection de la face montre le tic respiratoire que nous avons déjà indiqué, et qui gonfle et déprime alternativement les joues avec l’expiration et l’inspiration. La fixité des traits à expression indifférente est remarquable ; la fixité du regard en accentue encore le caractère. Le sillon naso-génien est plus marqué à gauche, les rides frontales bien marquées à droite où elles se recourbent en suivant la convexité du contour du sourcil, sont moins profondes et sont horizontales à gauche.

(413)Les mouvements de la face traduisent un état hypertonique de tous les muscles, mêlé à quelques phénomènes parétiques du côté gauche. Les contractions du frontal ne font qu’accentuer la différence d’aspect que nous avons signalée dans les rides à droite et à gauche. Les mouvements d’ouverture et d’occlusion des paupières paraissent normaux et se font sans persévération. Pourtant le sourcil gauche reste immobile et n’y participe pas. L’occlusion peut se faire des deux côtés avec force. Pourtant le simple abaissement de la paupière tend à laisser à découvert à gauche une partie du globe oculaire, et la résistance de cette paupière semble moindre que du côté opposé aux tentatives de relèvement de la paupière close avec force. Le facial supérieur du côté gauche ne serait donc pas indemne.

Le sourire du malade marque le mieux l’hypertonie de tous les muscles de la face. Tous les traits s’accentuent fortement, la palpation fait percevoir la dureté des muscles contractés. Cette attitude mimique enfin tend à persévérer ; jusqu’à une demi-minute après qu’on ait prié le malade de revenir à une expression plus grave. Les épreuves du siffler, du souffler qui sont peu démonstratives au point de vue de l’état des muscles, ont semblé montrer quelquefois un véritable phénomène de palipraxie ( ?) : le malade répétant plusieurs fois le même acte alors qu’on lui a déjà ordonné de faire un autre exercice. Enfin les contractions du peaucier du cou, normales à droite ne sont pas vues à gauche. Les réflexes mentonnier et massétérin donnent une réponse vive non polycinétique. Le réflexe naso-palpébral se diffuse en outre aux muscles de la face, surtout au zygomatique et aux muscles masticateurs.

Position de la tête et muscles du cou. – Le malade garde habituellement la tête tournée légèrement vers la droite. Cette position marquée dans la station debout, semble s’accentuer quand le malade est assis. Le cou du malade est porté en avant, le dos voûté ; un certain degré d’atrophie des trapèzes se marque à simple inspection. La palpation y décèle un certain degré de raideur. De même on peut sentir le sternocléidomastoïdien droit contracturé. La force musculaire est diminuée dans les deux trapèzes et les deux sterno. Le malade ne peut hausser l’épaule gauche. La recherche du réflexe postural du muscle trapèze par écartement du bras par rapport au tronc, fait entrer l’un comme l’autre muscle en état de contraction à type myotonique persistant extrêmement longtemps. Si l’on tourne la tête du malade vers la gauche, on obtient également une contraction prolongée du chef claviculaire du sterno-cléido-mastoïdien.

Signes pseudo-bulbaires. – Nous avons signalé le tic respiratoire de ce malade, la lenteur extrême de sa parole ; il ne présente pas de rire ni de pleurer spasmodique. Mais la moindre déglutition de liquide entraîne chez lui une toux prolongée, comme chez un pseudo-bulbaire. Pourtant le réflexe du voile est conservé ; il en est de même pour le réflexe pharyngé.

Psychisme. – À part la lenteur de l’idéation, le psychisme du malade semble assez normal. Son jugement est juste. Il est orienté. Il montre un bon sens qui n’est pas sans faveur, manifeste un caractère bienveillant, une affectivité normale, une juste inquiétude des intérêts des siens.

b) Des troubles de la motilité oculaire. – Nous en arrivons enfin aux troubles de la motilité oculaire sur lesquels nous attirons l’attention.

Dès le premier aspect, nous avons été frappés par la fixité du regard du malade, dirigé presque constamment au repos en face de lui, c’est-à-dire légèrement à droite, puisque la tête est constamment tournée à quelques degrés de ce côté.

Sans modifier la position de la tête, on recherche l’existence des mouvements volontaires associés des deux yeux et pour chaque œil isolément, dans le sens vertical et dans la latéralité. On constate :

1) L’impossibilité absolue des mouvements volontaires dans le sens vertical, – c’est-à-dire des mouvements d’élévation et d’abaissement de l’axe du globe oculaire – tant pour les deux yeux que pour chaque œil séparément.

2) La presque impossibilité de mouvements de convergence des deux yeux.

3) La relative conservation des mouvements de latéralité.

(414)Pourtant ces derniers mouvements sont lents, se font par saccades à caractère parkinsonien : quant à leur excursion, bonne vers la droite, elle est assez limitée vers la gauche.

Il résulte de ces faits que le regard du malade dans le sens vertical est toujours braqué en face de lui, ce qui se confond, étant donné la position normale de la tête, avec la direction vers l’horizon (fig. 1).

Image002.gif

On a donc un aspect de syndrome de Parinaud avec disparition des mouvements de verticalité. L’hypertonie qui se manifeste dans les mouvements de latéralité donne déjà au syndrome un aspect un peu spécial. Les épreuves de position de la tête vont permettre d’obtenir des mouvements volontaires dans le sens vertical – et de montrer ainsi que leur absence dans la position normale de la tête est ici, non pas d’ordre paralytique, mais causée par l’hypertonie que nous ont déjà montrée les mouvements de latéralité.

Si l’on fléchit la tête en avant, on constate un premier phénomène. Au cours du mouvement et dans la position terminale, l’axe du regard n’a pas cessé de se déplacer par rapport aux orbites pour rester à chaque instant braqué vers l’horizon. C’est là un premier' temps qui montre une élévation de l’axe des globes oculaires, mais cette élévation s’accomplit par un mouvement automatico-réflexe que cette épreuve montre ainsi conservé. Il traduit l’une des deux synergies normales de la tête et des yeux, celle qui conserve dans une direction constante l’axe du regard pendant les mouvements de la tête et qui compense donc ceux-ci.

C’est dans un deuxième temps qu’on va obtenir un mouvement volontaire. Dans la position fléchie de la tête, le regard tend à persévérer quelques instants dans sa direction vers l’horizon (flèche 1 de la figure II) qui s’est élevée par rapport à l’orbite. Puis si l’on demande au malade de regarder en bas, il dirige l’axe de ses yeux en face de la (415)nouvelle position de sa tête (flèche 2 de la fig. II), ayant ainsi réalisé un mouvement volontaire d’abaissement (arc. 3, fig. II).

Si l’on étend la tête en arrière on obtient les mêmes phénomènes mais de sens inverse, c’est-à-dire : dans un premier temps un mouvement automatico-réflexe parfaitement qui maintient l’axe du regard vers l’horizon et réalise un abaissement par rapport à l’orbite (flèche 1 de la fig. III) ; dans un deuxième temps, un mouvement volontaire d’élévation (arc 3 de fig. III) qui ramène l’arc du regard dans l’équateur de l’orbite, c’est-à-dire en face de la tête du malade dans sa nouvelle position (flèche 2 dela fig. III).

Notons d’ailleurs que pour les déplacements de latéralité des yeux qui sont possibles par mouvements volontaires dans la position habituelle de la tête (que nous avons signalée être déviée vers la droite), on peut les obtenir aussi par mouvement automatico-réflexe en modifiant la position de la tête dans le sens latéral. La synergie de compensation des mouvements oculaires maintient alors l’axe au regard dans sa position primitive correspondant à la direction constante de la face, c’est-à-dire légèrement orientée vers la droite du corps.

Par ailleurs, pas de nystagmus provoqué par les positions de l’œil. Les pupilles qui présentent une inégalité très discrète, ne réagissent que paresseusement à la lumière. L’accommodation à la distance est presque impossible à étudier. Un examen ophtalmologique le 3 septembre a montré :

Un léger trouble du vitré ? Pupille apparaissant légèrement floue, un champ visuel normal.

Une acuité visuelle OD 8 /10-OG 6 /10.

Un second examen le 16octobre montre que :

L’acuité visuelle des deux yeux a baissé depuis le dernier examen ;

À l’examen du fond d’œil trouble du vitré.

Examen otologique. – Examen à l’eau froide : réaction labyrinthique de tous les canaux sensiblement normale : nystagmus après 45’’.

Audition affaiblie à droite et à gauche.

La ponction lombaire (30 août 1926) donne : aspect du liquide clair ; albumine : 0 gr. 40 ; réaction de Pandy (négative) ; réaction de Weichbrodt (négative) ; lymphocytes, 1 à 2par mm 3 (Nageotte) ; Bordet-Wassermann : H8 ; benjoin : 00000 02220 00000.

Sang. – Bordet-Wassermann : négatif ; urée sanguine : 0,36.

Cette observation un peu complexe comprend un certain nombre de faits dignes de retenir l’attention :

C’est d’abord les caractères du syndrome extra-pyramidal que présente ce malade et où il faut souligner des phénomènes très spéciaux, un état crampoïde, un état catatonique, un état de déséquilibre considérable.

C’est ensuite et surtout les caractères des troubles oculaires.

C’est enfin les considérations anatomo-physiologiques que suggèrent cet ensemble de faits.

a) Le syndrome extrapyramidal présenté par ce malade est caractérisé par de l’hypertonie diffuse, prédominant du côté gauche, qui s’accompagne de troubles de l’équilibre, de phénomènes analogues à des crampes, de persévération catatonique des attitudes et de troubles pseudo-bulbaires. Les réflexes tendineux sont un peu vifs, mais il n’existe ni clonus, ni extension de l’orteil, ni perturbation des réflexes cutanés ; il s’agit donc d’un syndrome rigide pur, d’un syndrome extrapyramidal.

Nous n’insisterons pas sur les caractères qualitatifs de l’hypertonie et sa répartition topographique, longuement détaillés plus haut ; il est curieux (416)de noter au membre supérieur la prédominance de la raideur au niveau du segment du coude par prépondérance de la rigidité au niveau du groupe des fléchisseurs de l’avant-bras, rigidité qui disparaît en partie dans la mise en jeu de certaines synergies normales (décontraction des fléchisseurs en pronation) ; cette prédominance est exceptionnelle dans les hypertonies extrapyramidales, plus diffuses et surtout plus marquées à la racine…

Les faits spéciaux qui se greffent sur l’état hypertonique méritent encore plus d’être soulignés : l’hypertonie s’exagère dans certaines conditions, effort, station debout et marche, et revêt alors fréquemment, surtout au membre inférieur gauche, un aspect crampoïde, avec contraction musculaire extrêmement énergique, attitude forcée de flexion du pied léger varus, attitude impossible à vaincre, persistant plusieurs minutes, et qui se présente comme une réaction posturale intense et fixée pendant un temps assez long ; c’est, autrement dit, un phénomène du jambier antérieur déclenché brusquement dans certaines conditions et qui reste fixé par une persévération tonique fort longue ; à la contraction du jambier, s’associe d’ailleurs parfois la contraction des autres muscles de la loge antéro-externe. Ces aspects crampoïdes de l’hypertonie, que nous avons observés également dans d’autres syndromes extrapyramidaux, et en particulier chez des parkinsoniens post-encéphalitiques, méritent d’être considérés comme un des caractères particuliers du syndrome hypertonique que nous étudions.

C’est, sans doute, à un mécanisme analogue que doit être rapporté l’attitude catatonique que l’on observe fréquemment chez ce malade et qui existe pour les quatre membres, surtout à gauche. Là encore, on a un phénomène traduisant l’importance de la persévération tonique, véritable état myotonique qui n’est pas sans analogie, moins sa répartition topographique, avec celui de la maladie de Thomsen. Un moyen facile de le mettre en évidence est la percussion rotulienne répétée à 2 ou 3 reprises chez le malade assis ; la jambe se met de plus en plus en extension et va rester ainsi pendant un temps fort long, 1/4 d’heure même, élevée au dessus du sol.

Crampes hypertoniques et persévération catatonique constituent deux caractères très spéciaux de l’hypertonie de ce malade. Nous n’insisterons pas sur les troubles de l’équilibre qui sont à rapprocher de ceux que l’on note dans certains syndromes pallidaux, en particulier chez certains lacunaires ; ils semblent dus, pour une grande part, à la dysharmonie tonique et aux conditions vicieuses de statique ainsi créées. Nous ajouterons que l’examen labyrinthique, chez notre malade, ne révélait aucun trouble.

Enfin, au syndrome hypertonique des membres s’associe, dans notre cas, en plus de l’hypertonie de la face et du cou, avec tête tournée à droite, des signes d’ordre pseudo-bulbaire : parole lente, sourde, troubles importants de la déglutition, salivation, sur lesquels, il est inutile d’insister. Deux points sont cependant très particuliers ; d’une part un soulèvement (417)rythmique expiratoire des joues, très spécial d’autre part, l’intégrité du réflexe du voile du palais ; il est à se demander si, avec l’intégrité des réflexes cutanés, la conservation de ce réflexe, précocement aboli chez les pseudo-bulbaires, n’est pas un caractère particulier aux syndromes pseudo-bulbaires par hypertonie extra pyramidale, comme c’est le cas ici, vraisemblablement.

En somme, l’ensemble des caractères précédents révèle des troubles moteurs se rapprochant du syndrome dit pallidal, avec des caractères topographiques particuliers de l’hypertonie, des phénomènes crampoïdes très spéciaux, de la catatonie, des troubles de l’équilibre et des troubles pseudo-bulbaires avec conservation du réflexe du voile du palais. Cet ensemble parait d’évolution progressive et semble due à une désintégration progressive des corps striés.

b) Les troubles oculaires constituent un des faits les plus importants de cette observation. Nous les avons décrits assez minutieusement pour ne pas revenir sur la façon dont ils se présentent et qui peut se résumer ainsi : l’exploration des mouvements conjugués dénote chez notre malade l’impossibilité de l’élévation et de l’abaissement du regard, la difficulté extrême de la convergence qui est presque nulle, bref un syndrome de Parinaud ; en ajoutant que les mouvements de latéralité possibles à droite, très difficiles à gauche, se font lentement, par saccades, avec les caractères analogues à ceux des mouvements de l’avant-bras du parkinsonien que l’on tente de défléchir.

Ces caractères des mouvements de latéralité semblent liés à un état d’hypertonie, comme on en rencontre fréquemment dans les états rigides postencéphalitiques. Ils suggèrent l’hypothèse que les troubles de la verticalité sont peut-être de même ordre. La mise en jeu des synergies de latête et du cou d’une part et des mouvements oculaires, que nous avons décrits plus haut, permet de le supposer encore avec plus de vraisemblance.

Les épreuves que nous avons rapportées dans l’observation détaillée se résument à ceci ; la tête en rectitude, regard de face, impossibilité des mouvements verticaux ; la tête penchée en avant, regard. en haut par rapport au plan de la tête, puis possibilité de mouvements volontaires d’abaissement qui ramènent le globe au regard correspondant au plan horizontal des orbites ; la tête penchée en arrière, phénomène inverse du regard de face, on passe au regard en bas par rapport au plan de la tête, puis possibilité de mouvements volontaires d’élévation ramenant ce globe au regard correspondant au plan horizontal des orbites (v. fig. I, II, III). Il y a là deux ordres de faits ; l’un c’est que la position d’inclinaison de la tête dans le sens vertical modifie l’orientation du regard dans le sens inverse à celui oùelle est portée, fait analogue à ce qui se passe dans la rotation de la tête où le globe se dévie d’abord en sens opposé de la rotation. Il y a un mouvement synergique oculaire automatico-réflexe ; ce mouvement, classique pour la rotation, nous le recherchons dans l’inflexion et l’extension de la tête et il se montre ici avec les mêmes caractères d’automatisme et de rapidité (418)que chez un sujet normal. L’autre fait, c’est que de la position ainsi prise par suite du réflexe syncinétique, le sujet peut mouvoir son globe oculaire jusqu’à l’horizontale passant par les orbites, jusqu’au plan horizontal du regard.

Nous devons donc noter : d’abord la conservation, chez ce sujet à motilité volontaire nulle pour les mouvements verticaux des globes oculaires, des mouvements automatico-réflexes de même sens déclenchés par les positions de la tête ; ensuite la possibilité des mouvements volontaires dans les positions ainsi créées, mouvements restreints puisqu’ils ne dépassent jamais l’horizontale du regard, ne faisant donc qu’une demi-excursion dans le sens vertical, et mouvements se faisant comme les mouvements latéraux, lentement, par saccades. Le fait de la persistance de la motilité automatico-réflexe alors que la motilité volontaire est nulle, le fait de la possibilité à partir du déplacement réflexe, d’un retour volontaire du globe à la position fixe du regard, laissent supposer qu’il y a à la base du syndrome d’immobilité verticale du regard un trouble tonique et non un trouble paralytique. Les synergies réflexes normales ont permis le déplacement du globe dans le sens vertical où volontairement il est nul ; puis le réflexe ayant joué, l’équilibre tonique se charge à nouveau de permettre le retour du globe à la position d’horizon qu’il ne permet pas, par contre, de dépasser.

c) Ces faits nous permettent, croyons-nous, d’envisager la fixité horizontale du regard dans notre cas, comme un trouble d’ordre tonique, qu’il est intéressant de comparer aux troubles hypertoniques des membres auxquels il est associé ; on se trouve ainsi devant un aspect spécial de syndrome de Parinaud par hypertonie ; ou mieux devant un syndrome de fixité horizontale du regard par hypertonie.

Les observations anatomo-cliniques qui peu a peu se groupent, concernant les lésions observées dans le syndrome de Parinaud, en particulier les observations de M. Lhermitte, de M. Cl. Vincent, permettent de situer dans la calotte pédonculaire le siège des lésions conditionnant le syndrome de Parinaud. Ici, nous croyons qu’il s’agit d’une lésion plus haut située (la conservation de l’intégrité labyrinthique et des mouvements automatico-réflexes oculaires qui supposent son intégrité plaide en ce sens, et bien entendu, également, l’association du syndrome pallidal) ; il nous parait, en somme, vraisemblable que l’hypertonie oculaire réalisant ce syndrome de Parinaud spécial est due à une lésion de la région des noyaux gris et de leurs voies.