Text/Jacques Lacan/DI08041959.htm

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J.LACAN                                      gaogoa

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S�minaire VI - Le d�sir et son interpr�tation

     version rue CB                                         [#note note]

8 avril 1959                                           [javascript:; graphe complet]

Hamlet 4

(p490 - 513 )

    (p490->) Qu'on me donne mon désir . Tel est le sens que je vous ai dit qu'avait Hamlet pour tous ceux, critiques, acteurs ou spectateurs, qui s'en emparent. Je vous ai dit que c'était ainsi en raison de l'exceptionnelle, de la géniale rigueur structurale où le thème d'Hamlet arrive après une élaboration ténébreuse, qui commence aux 12e et 13e siècles chez Saxo Grammaticus ( SAXO GRAMMATICUS, Historia Danica, Livre 111. imp. en latin en 1514. Trad. all. Hans Sachs 1558, trad. fr. Belleforest, in Histoires tragiques, 1564, t.V. ), puis ensuite dans la version romancée de Belleforest et, sans doute, dans une esquisse de Kyd, et une première esquisse aussi, semble-t-il, de Shakespeare, pour aboutir à la forme que nous en avons.

    Cette forme se caractérise à nos yeux, avec la méthode que nous employons ici, par quelque chose que j'appelle la structure, qui est précisément ce dans quoi j'essaie de vous donner une clef qui vous permette de vous repérer avec certitude dans cette forme topologique que j'ai appelée le graphe, qu'on pourrait peut-être appeler le gramme.

    Reprenons notre Hamlet. Je pense que depuis trois fois que je vous en parle, vous avez tous au moins une fois lu . Essayons de ressaisir, dans ce mouvement à la fois simple et profondément marqué de tous les détours qui ont permis à tant de pensées humaines de s'y loger, ce mouvement d'Hamlet. Si ce peut être à la fois simple et si jamais fini, ce n'est pas très difficile de savoir pourquoi. Le drame d'Hamlet, c'est la rencontre avec la mort.

    D'autres ont insisté - j'y ai fait allusion d'ailleurs dans nos précédentes approches - sur le caractère prodigieusement fixant, pertinent, de la première scène sur la terrasse d'Elseneur, de (p491->) cette scène sur ce qui va revenir, que les sentinelles ont déjà vu une fois. C'est la rencontre avec le spectre, avec cette forme d'en bas dont on ne sait pas encore alors ce qu'elle est, ce qu'elle apporte, ce qu'elle veut dire.

    Coleridge dit dans ses notes sur Hamlet qui sont si jolies et que l'on trouve facilement dans les Lectures on Shakespeare - j'y reviens car je vous ai peut-être donné l'impression d'en médire . . . Je veux dire qu'en vous disant qu'après tout Coleridge ne fait que s'y retrouver, j'avais l'air de minimiser ce qu'il en disait. C'est le premier qui ait sondé, comme dans bien d'autres domaines, la profondeur de ce qu'il y a dans Hamlet - à propos de cette première scène que Hume lui-même, qui était tellement contre les fantômes, croyait à celui-là, que l'art de Shakespeare arrivait à l'y faire croire malgré sa résistance. La force qu'il déployait contre les fantômes, dit-il, est semblable à celle d'un Samson. Et là le Samson est terrassé.

    Il est clair que c'est bien parce que Shakespeare a approché de très près quelque chose qui n'était pas le ghost, mais qui était effectivement cette rencontre non avec le mort, mais avec la mort, qui en somme est le point ( clé ) ( crucial ) de cette pièce. L'aller d'Hamlet au devant de la mort, c'est là d'où nous devons partir pour concevoir ce qui nous est promis dès cette première scène où le spectre apparaît au moment même où l'on dit qu'il est apparu, " The bell then beating one " la cloche sonnant une heure .

    Ce " one " nous le retrouverons à la fin de la pièce quand, après (p492->) le cheminement contourné, Hamlet se trouve tout proche de faire l'acte qui doit en même temps achever son destin et où, en quelque sorte, il s'avance en fermant les yeux vers celui qu'il doit atteindre, disant à Horatio - et ce n'est pas à n'importe quel moment qu'il finit par le lui dire - : qu'est-ce que c'est de tuer un homme, le temps de dire one .

    Evidemment pour s'y acheminer il prend des chemins de traverse, il fait comme on dit l'école buissonnière. Ce qui me permet d'emprunter un mot qui est dans le texte. Il s'agit d'Horatio qui, tout modeste et tout gentil, alors qu'il vient de lui apporter son aide, lui dit : Je suis ici un truant scholar, je musarde. Personne ne le croit, mais c'est bien en effet ce qui toujours a frappé les critiques : cet Hamlet, il musarde . Que n'y va-t-il tout droit ?

    En somme ce que nous essayons de faire ici, d'approfondir, c'est de savoir pourquoi il en est ainsi. Là-dessus ce que nous faisons n'est pas quelque chose qui soit une route à côté. C'est une route qui est différente de celle suivie par ceux qui ont parlé avant nous, mais elle est différente pour autant qu'elle reporte peut-être la question un peu plus loin. Ce qu'ils ont dit ne perd pas pour autant sa portée . Ce qu'ils ont senti est ce que Freud a mis tout de suite au premier plan, c'est que dans cette action en cause, l'action de porter la mort, et dont on ne sait pas pourquoi une action si pressante et en fin de compte si brève à exécuter, demande tant de temps à Hamlet.

    Ce que l'on nous en dit d'abord, c'est que cette action de porter (p493->) la mort rencontre chez Hamlet l'obstacle du désir.

   Ceci est la découverte, la raison et le paradoxe, puisque ce que je vous ai montré et qui reste l'énigme irrésolue d'Hamlet, l'énigme que nous essayons de résoudre, c'est justement cette chose à quoi il semble que l'esprit doive s'arrêter, c'est que le désir en cause, puisque c'est le désir découvert par Freud, le désir pour la mère, le désir en tant qu'il suscite la rivalité avec celui qui la possède, ce désir mon dieu devrait aller dans le même sens que l'action.

    Pour commencer de déchiffrer ce que ceci peut vouloir dire, donc en fin de compte la fonction mythique d'Hamlet qui en fait un thème égal à celui d'Œdipe, ce qui nous apparaît d'abord c'est ce que nous lisons dans le mythe, le lien intime qu'il y a en somme entre ce meurtre à faire, ce meurtre juste, ce meurtre qu'il veut faire - il n'y a pas de conflit chez lui de droit ou d'ordre, conportant comme l'ont suggéré certains auteurs, je vous l'ai rappelé, les fondements de l'exécution de la justice . Il n'y a pas d'ambiguïté chez lui entre l'ordre public, la main de la loi, et les tâches privées ; il ne fait aucun doute pour lui que ce meurtre est là toute la loi ; ce meurtre ne fait pas question - et sa propre mort. Ce meurtre ne s'exécutera que lorsque déjà Hamlet est frappé à mort, dans ce court intervalle qui lui reste entre cette mort reçue et le moment où il s'y perd.

    C'est donc de là qu'il faut partir. De ce rendez-vous auquel nous pouvons donner son sens, auquel nous pouvons donner tout son sens. L'acte d'Hamlet se projette, se situe à son terme au rendez-vous (p494->) dernier de tous les rendez-vous, en ce point par rapport au sujet tel qu'ici nous essayons de l'articuler, de le définir, au sujet pour autant qu'il n'est pas encore venu au jour - son avènement est retardé dans l'articulation proprement philosophique - , au sujet tel que Freud nous a appris qu'il est construit. Un sujet qui se distingue du sujet dont la philosophie occidentale parle depuis que théorie de la connaissance il y a, sujet qui n'est point le support universel des objets, et en quelque sorte son négatif, son omniprésent support, un sujet en tant qu'il parle et en tant qu'il est structuré dans un rapport complexe avec le signifiant qui est très exactement celui que nous essayons d'articuler ici.

    Et pour le représenter une fois de plus, si tant est que le point entrecroisé de l'intention de la demande et de la chaîne signifiante se fait pour la première fois au point A que nous avons défini comme le grand autre ( Autre ) en tant que lieu de la vérité, je veux dire en tant que lieu où la parole se situe en prenant place, instaure cet ordre évoqué, invoqué chaque fois que le sujet articule quelque chose, chaque fois qu'il parle et qu'il fait ce quelque chose qui se distingue de toutes les autres formes immanentes de captivation où de l'un par rapport à l'autre rien n'équivaut à ce qui dans la parole instaure toujours cet élément tiers, à savoir ce lieu de l'Autre où la parole, même mensongère, s'inscrit comme vérité.

    Ce discours pour l'autre ( l'Autre ) , cette référence à l'autre ( l'Autre ) , se prolonge au-delà, dans ceci qu'elle est reprise à partir de l'autre ( l'Autre ) pour constituer la question en : qu'est-ce que je veux ou plus exactement (p495->) la question qui se pose au sujet sous une forme déjà négative : que veux-tu ? ; la question de ce que au-delà de cette demande aliénée dans le système du discours en tant qu'il est là, reposant au lieu de l'autre, le sujet prolongeant son élan se demande là ce qu'il est comme sujet, et où il a en somme à rencontrer quoi ? Au delà du lieu de la vérité ce que le génie même - non de la langue mais de la métaphore extrême qui tend devant certains spectacles significatifs à se formuler, qui appelle d'un nom que nous reconnaîtrons ici au passage : l'heure de la vérité.

    Car n'oublions pas, en un temps où toute philosophie s'est engagée à articuler ce qui lie le temps à l'être, qu'il est tout à fait simple de s'apercevoir que le temps, dans sa constitution même, passé-présent-futur (ceux de la grammaire) se repère - et à rien d'autre - à l'acte de la parole. Le présent, c'est ce moment où je parle et rien d'autre.

    Il nous est strictement impossible de concevoir une temporalité dans une dimension animale, c'est-à-dire dans une dimension de l'appétit. Le b, a, ba de la temporalité exige même la structure en langage. Dans cet au-delà de l'autre ( l'Autre ), dans ce discours qui n'est plus discours pour l'autre ( l'Autre ), mais discours de l'autre ( l'Autre ) à proprement parler, dans lequel va se constituer cette ligne brisée des signifiants de l'inconscient ; dans cet autre ( Autre ) dans lequel le sujet s'avance avec sa question comme telle, ce qu'il vise au dernier terme, c'est l'heure de cette rencontre avec lui-même, de cette rencontre avec son vouloir, de cette rencontre avec quelque chose que nous al-(p496->)lons au dernier terme essayer de formuler, et dont nous ne pouvons même pas tout de suite donner les éléments, si tant est tout de même que certains signes ici nous les représentent et sont en quelque sorte pour vous le repère, la préfigure de l'étagement de ce qui nous attend dans ce qu'on peut appeler les pas, les étapes nécessaires de la question.

    Remarquons quand même que si Hamlet, qui je vous l'ai dit n'est pas ceci ou cela, n'est pas un obsessionnel pour la bonne raison d'abord qu'il est une création poétique - Hamlet n'a pas de névrose ; Hamlet nous démontre de la névrose, et c'est tout autre chose que de l'être - si Hamlet, par certaines phrases quand nous nous regardons dans Hamlet sous un certain éclairage du miroir, nous apparaît plus près que tout de la structure de l'obsessionnel, c'est déjà en ceci que la fonction du désir - puisque c'est là la question que nous posons à propos d'Hamlet - nous apparaît justement en ceci qui est révélateur de l'élément essentiel de la structure, qui est celui justement mis en valeur au maximum par la névrose obsessionnelle, - c'est qu'une des fonctions du désir, la fonction majeure chez l'obsessionnel, c'est cette heure de la rencontre désirée, la maintenir à distance, l'attendre.

    Et ici j'emploie le terme que Freud offre dans " Inhibition, Symptôme, Angoisse ", erwartung, qu'il distingue expressément de l'arvatung ( abwarten ), du tendre le dos ; Erwartung, l'attendre au sens actif c'est aussi la faire attendre . . Ce jeu avec l'heure de la rencontre domine essentiellement le rapport de l'obsessionnel. Sans doute Hamlet nous démontre-t-il toute cette dialectique, tout ce dépliant qui joue avec l'objet, sous bien d'autres (p497->) faces encore, mais celle-ci est la plus évidente, celle qui apparaît en surface, et qui frappe, qui donne le style de cette pièce, et qui en a fait toujours l'énigme.

    Essayons de voir maintenant dans d'autres éléments les coordonnées que nous donne la pièce. Qu'est-ce qui distingue la position d'Hamlet par rapport en somme à une trame fondamentale ? Qu'est-ce qui en fait cette variante de l'Œdipe si frappante dans son caractère de variation ? Car enfin Œdipe lui, n'y faisait pas tant de façons comme l'a fort bien remarqué Freud dans la petite note d'explication à laquelle on recourt quand on donne sa langue au chat . A savoir, mon dieu tout se dégrade, nous sommes dans la période de décadence nous autres modernes, nous nous tortillons six cents fois avant de faire ce que les autres, les bons, les braves, les anciens, faisaient tout dret . Ce n'est pas une explication ; cette référence à l'idée de décadence doit nous être suspecte, nous pouvons la prendre par d'autres côtés.

    Je crois qu'il convient de reporter la question plus loin. S'il est vrai qu'en soient là les modernes, cela doit être pour une raison - du moins si nous sommes psychanalystes, autre, pour que la raison : qu'ils n'ont pas les nerfs aussi solides que les avaient leurs pères.

    Non, déjà quelque chose sur quoi j'ai attiré votre attention est essentiel . Œdipe, lui, n'avait pas à barguigner trente six fois devant l'acte, il l'avait fait avant même d'y penser, et sans le savoir. La structure du mythe dOedipe est essentiellement constituée par cela.

    (p498->) Eh bien il est tout à fait clair et évident qu'il y a ici quelque chose, quelque chose qui est justement ce par quoi je vous ai introduit cette année - et ce n'est pas par hasard - dans cette initiation au gramme comme clef du problème du désir. Rappelez-vous le rêve très simple du " Principe du plaisir et de la réalité " , le rêve où le père mort apparaît . Et je vous ai marqué sur la ligne supérieure, la ligne d'énonciation dans le rêve : il ne savait pas ; cette bienheureuse ignorance de ceux qui sont plongés dans le drame nécessaire qui s'ensuit du fait que le sujet qui parle est soumis au signifiant, cette ignorance est ici.

    Je vous fais remarquer en passant que personne ne vous explique pourquoi.
Car enfin, si le père endormi au jardin a été meurtri par le fait qu'on lui a versé dans " l'oreille " - comme on dit dans Jarry - ce délicat suc, " hébénon ", il semble que la chose ait dû lui échapper, car rien ne nous dit qu'il est sorti de son sommeil pour en constater le dégât, que les dartres qui couvrirent son corps ne furent jamais vues que par ceux qui découvrirent son cadavre . Et donc ceci suppose que dans le domaine de l'au-delà on a des informations très précises sur la façon dont on y est parvenu, ce qui peut en effet être une hypothèse de principe, ce qui n'est pas non plus quelque chose que nous devions d'emblée tenir pour certain.

    Tout ceci pour souligner l'arbitraire de la révélation initiale, de celle dont parle tout le grand mouvement d'Hamlet, la révélation par le père de la vérité sur sa mort distingue essentiellement une (p499->) coordonnée du mythe de ce qui se passe dans le mythe d'Œdipe.

    Quelque chose est levé, un voile, celui qui pèse justement sur l'articulation de la ligne inconsciente ; ce voile que nous-mêmes essayons de lever, non sans qu'il nous donne vous le savez, quelque fil à retordre. Car il est clair qu'il doit bien avoir quelque fonction essentielle, je dirais, pour la sécurité du sujet en tant qu'il parle, pour que nos interventions pour rétablir la cohérence de la chaîne signifiante au niveau de l'inconscient présentent toutes ces difficultés, reçoivent de la part du sujet toute cette opposition, ces refus, c'est quelque chose que nous appelons résistance et qui est le pivot de toute l'histoire de l'analyse.

    Ici, la question est résolue. Le père savait, et du fait qu'il savait, Hamlet sait aussi. C'est-à-dire qu'il a la réponse. Il a la réponse, et il ne peut y avoir qu'une réponse. Elle n'est pas obligatoirement dicible en termes psychologiques ; je veux dire que cela n'est pas une réponse forcément compréhensible, encore bien moins qui vous prenne aux tripes, mais cela n'en est pas moins une réponse du type fatal. Cette réponse essayons de voir ce que c'est.

File:499-1.jpgCette réponse qui est en somme le message au point où il se constitue dans la ligne supérieure, dans la ligne de l'inconscient ; cette réponse que j'ai déjà symbolisée pour vous à l'avance, et non bien entendu sans être forcé de ce fait de vous demander de me faire crédit. Mais il est plus facile, plus honnête de demander à quelqu'un de vous faire crédit sur quelque chose qui d'abord (p500->) n'a aucune espèce de sens. Cela ne vous engage à rien, si ce n'est peut-être à le chercher, ce qui laisse tout de même une liberté de le créer par vous-mêmes . - ;  

File:500-1.gif

cette réponse j'ai commencé à l'articuler sous la forme suivante : signifiant S ; ce qui distingue la réponse au niveau de la ligne supérieure, de celle au niveau de la ligne inférieure. Au niveau de la ligne inférieure la réponse c'est toujours le signifié de l'autre ( l'Autre, s (A) ) ,

c'est toujours par rapport à cette parole qui se déroule au niveau de l'autre ( l'Autre ) et qui modèle le sens de ce que nous avons voulu dire. Mais qui aura voulu dire cela au niveau de l'autre ( l'Autre ) ?

    C'est signifié au niveau du discours simple, mais au niveau de l'au-delà de ce discours, au niveau de la question que le sujet se pose à lui-même qui veut dire en fin de compte : qu'est-ce que je suis devenu dans tout cela . La réponse je vous l'ai dit, c'est le signifiant de l'autre ( l'Autre ) avec la barre - File:500-2.jpg.

    Il y a mille façons de commencer à vous développer ce qu'inclut ce symbole. Mais nous choisissons aujourd'hui, puisque nous sommes dans Hamlet, la voie claire, évidente, pathétique, dramatique. Et c'est cela qui fait la valeur d'Hamlet, qu'il nous est donné d'accéder au sens de File:500-2.jpg.

Le sens de ce qu'Hamlet apprend par ce père, c'est là devant nous, très clair, c'est l'irrémédiable, absolue, insondable trahison de l'amour. De l'amour le plus pur, l'amour de ce roi qui peut-être, bien entendu, comme tous les hommes peut avoir été un grand chenapan (p501->) mais qui avec cet être qui était sa femme était celui qui allait jusqu'à écarter les souffles de vent sur sa face ( Hamlet : " Qu'il ne permettait pas même aux vents du ciel d'importuner son visage d'un souffle trop violent." (1, 2, 139) ), tout au moins suivant ce qu'Hamlet dit.

    C'est l'absolue fausseté de ce qui est apparu à Hamlet comme le témoignage même de la beauté, de la vérité, de l'essentiel.

   Il y a là la réponse. La vérité d'Hamlet est une vérité sans espoir. Il n'y a pas trace dans tout Hamlet d'une élévation vers quelque chose qui serait au-delà, rachat, rédemption.

    Il nous est déjà dit que la première rencontre venait d'en bas. Ce rapport oral, infernal, à cet Achéron ( L'Interprétation des rêves, op. cit. ) que Freud a choisi de mettre en émoi faute de pouvoir fléchir les puissances supérieures, c'est là que se situe de la façon la plus claire Hamlet. Mais ceci bien entendu n'est qu'une remarque toute simple, bien évidente, à laquelle il est assez curieux de voir que les auteurs - on ne sait par quelle pudeur - il ne faut pas alerter les âmes sensibles - ne mettent guère en valeur à propos d'Hamlet. Je ne vous le donne après tout que comme une marche dans l'ordre du pathétique, dans l'ordre du sensible, aussi pénible que ce puisse être. Il doit y avoir quelque chose où puisse se formuler plus radicalement la raison, le motif de tout ce choix, parce qu'après tout, toute conclusion, tout verdict, si radical soit-il à prendre une forme accentuée dans l'ordre de ce que l'on appelle pessimisme, est encore quelque chose qui est fait pour nous voiler ce dont il s'agit.

    File:500-2.jpg cela ne veut pas dire : tout ce qui se passe au niveau de A ne vaut rien, à savoir toute vérité est fallacieuse. C'est là quelque chose qui peut faire rire dans les périodes d'amusement (p502->) qui suivent les après-guerres où l'on fait, par exemple, une philosophie de l'absurde qui sert surtout dans les caves.

    Essayons d'articuler quelque chose de plus sérieux, ou de plus léger. Aussi bien File:500-2.jpg avec la barre, qu'est-ce que cela veut dire essentiellement ? Je crois que c'est le moment de le dire, encore que bien entendu cela va apparaître sous un angle bien particulier, mais je ne le crois pas contingent.

    File:500-2.jpg veut dire ceci : c'est que si A, le grand Autre, est non pas un être mais le lieu de la parole, File:500-2.jpg veut dire que dans ce lieu de la parole, où repose sous une forme développée, ou sous une forme [ enveloppée ], l'ensemble du système des signifiants, c'est-à-dire d'un langage, il manque quelque chose. Quelque chose qui peut n'être qu'un signifiant y fait défaut.

    Le signifiant qui fait défaut au niveau de l'Autre, et qui donne sa valeur la plus radicale à ce File:500-2.jpg , c'est ceci qui est si je puis dire le grand secret de la psychanalyse, ce par quoi la psychanalyse apporte quelque chose, par où le sujet qui parle, en tant que l'expérience de l'analyse nous le révèle comme structuré nécessairement d'une certaine façon, se distingue du sujet de toujours, du sujet auquel une évolution philosophique qui après tout peut bien nous apparaître dans une certaine perspective de délire, fécond, mais de délire dans la rétrospection,

    C'est ceci le grand secret : il n'y a pas d'Autre de l'Autre.

    En d'autres termes, pour le sujet de la philosophie traditionnelle, (p503->) ce sujet se subjective lui-même indéfiniment. Si je suis en tant que je pense, je suis en tant que je pense que je suis, et ainsi de suite, cela n'a aucune raison de s'arrêter. La vérité est que l'analyse nous apprend quelque chose de tout à fait différent. C'est qu'on s'est déjà aperçu qu'il n'est pas si sûr que je sois en tant que je pense, et qu'on ne pouvait être sûr que d'une chose, c'est que je suis en tant que je pense que je suis. Cela sûrement. Seulement ce que l'analyse nous apprend, c'est que je ne suis pas celui-là qui justement est en train de penser que je suis, pour la simple raison que du fait que je pense que je suis, je pense au lieu de l'autre ( l'Autre ) ; je suis un autre que celui qui pense que je suis.

    Or la question est que je n'ai aucune garantie d'aucune façon que cet autre ( Autre ), par ce qu'il y a dans son système, puisse me rendre si je puis m'exprimer ainsi, ce que je lui ai donné : son être et son essence de vérité. Il n'y a pas, vous ai-je dit, d'autre de l'autre ( d'Autre de l'Autre ). Il n'y a dans l'autre ( l'Autre ) aucun signifiant qui puisse dans l'occasion répondre de ce que je suis. Et pour dire les choses d'une façon transformée, cette vérité sans espoir dont je vous parlais tout à l'heure, cette vérité qui est celle que nous rencontrons au niveau de l'inconscient, c'est une vérité sans figure, c'est une vérité fermée, une vérité pliable en tous sens. Nous ne le savons que trop . C'est une vérité sans vérité.

    Et c'est bien cela qui fait le plus grand obstacle à ceux qui s'approchent du dehors de notre travail et qui, devant nos interpré-(p504->)tations, parce qu'ils ne sont pas dans la voie avec nous où elles sont destinées à porter leur effet qui n'est concevable que de façon métaphorique, et pour autant qu'elles jouent et retentissent toujours entre les deux lignes, ne peuvent pas comprendre de quoi il s'agit dans l'interprétation analytique.

    Ce signifiant, dont l'autre ( l'Autre ) ne dispose pas, si nous pouvons en parler, c'est bien tout de même qu'il est - bien entendu - quelque part.

    Je vous ai fait ce petit gramme aux fins que vous ne perdiez pas le nord. Je l'ai fait avec tout le soin que j'ai pu, mais certainement pas pour accroître votre embarras. Vous pouvez le reconnaître partout où est la barre le signifiant caché, celui dont l'autre ( l'Autre ) ne dispose pas, et qui est justement celui qui vous concerne ; c'est le même que vous faites entrer dans le jeu en tant que vous, pauvres bêtas, depuis que vous êtes nés, vous êtes pris dans cette sacrée affaire de logos. C'est à savoir la part de vous qui là-dedans est sacrifiée, et sacrifiée non pas purement et simplement, physiquement comme on dit, réellement, mais symboliquement, ce qui n'est pas rien, cette part de vous qui a pris fonction signifiante. Et c'est pour cela qu'il y en a une seule ; et il n'y en a pas trente six .

    C'est très exactement cette fonction énigmatique que nous appelons le phallus qui est ici, ce quelque chose de l'organisme de la vie, de cette poussée, où poussée vitale dont vous savez que je ne trouve pas qu'il faille user à tort et à travers, mais qui une fois bien cernée, symbolisée, mise là où elle est, et surtout là où elle sert, (p505->) là où effectivement dans l'inconscient elle est prise, prend son sens.
Le phallus, la turgescence vitale, ce quelque chose d'énigmatique, d'universel, plus mâle que femelle, et pourtant dont la femelle elle-même peut devenir le symbole, voilà ce dont il s'agit, et ce qui, parce que dans l'autre ( l'Autre ) il est indisponible, ce qui, bien que ce soit cette vie même que le sujet fait signifiante, ne vient nulle part garantir la signification du discours de l'autre ( l'Autre ) .

    Autrement dit, toute sacrifiée qu'elle soit, cette vie ne lui est pas, par l'autre ( l'Autre ), rendue.

    C'est parce que c'est de là que part Hamlet, à savoir de la réponse du donné, que tout le parcours peut être balayé, que cette révélation radicale va le mener au rendez-vous dernier. Pour l'atteindre, nous allons maintenant reprendre ce qui se passe dans la pièce d'Hamlet.

    La pièce d'Hamlet est, comme vous le savez, l'œuvre de Shakespeare et nous devons donc faire attention à ce qu'il y a rajouté. C'était déjà un assez beau parcours, mais il faut croire qu'il offrait - et là il suffisait qu'il s'offrit pour qu'il fût pris - un chemin assez long à parcourir pour nous montrer ce qu'on appelle du pays, pour que Shakespeare l'ait parcouru.

     Je vous ai indiqué la dernière fois les questions que pose la play scene, la scène des acteurs. J'y reviendrai. Je voudrais aujourd'hui introduire un élément essentiel, essentiel parce qu'il concerne ce dont nous nous rapprochons après avoir établit la fonction des deux lignes, c'est à savoir ce qui gît dans l'intervalle, ce qui, si (p506->) je puis dire, fait pour le sujet la distance qu'il peut maintenir entre les deux lignes pour y respirer pendant le temps qu'il lui reste à vivre, et c'est cela que nous appelons le désir.

    Je vous ai dit quelle pression, quelle abolition, quelle destruction ce désir subit pour autant, de ce qu'il se rencontre avec ce quelque chose de l'autre ( l'Autre ) réel, de la mère telle qu'elle est cette mère comme tant d'autres, à savoir ce quelque chose de structuré, ce quelque chose qui est moins désir que gloutonnerie, voire engloutissement, de ce quelque chose qui évidemment, on ne sait pourquoi, mais après tout qu'importe, à ce niveau de la vie de Shakespeare, a été pour lui la révélation.

    Le problème de la femme certes, n'a jamais été sans être présent dans toute l'œuvre de Shakespeare, et il y avait des luronnes avant Hamlet, mais d'aussi abyssales, féroces et tristes, il n'y en a qu'à partir d'Hamlet.

    Troylus and Cressida qui est une pure merveille, et qu'on n'a certainement pas mis assez en valeur, nous permet peut-être d'aller plus loin dans ce qu'Hamlet a pensé à ce moment-là. La création de Troylus and Cressida est je crois une des plus sublime qu'on puisse rencontrer dans l'œuvre dramatique. Au niveau d'Hamlet et au niveau du dialogue qu'on peut appeler le paroxysme de la pièce entre Hamlet et sa mère, je vous ai déjà dit la dernière fois le sens de ce mouvement d'adjuration vis à vis de la mère, qu'il est à peu près : ne détruit pas la beauté, l'ordre du monde, ne confond pas Hypérion même - c'est son père qu'il désigne ainsi - avec l'être le plus abject ; et la retombée de cette adjuration devant ce qu'il sait être la néces-(p507->)sité fatale de cette sorte de désir qui ne soutient rien, qui ne retient rien.

    Les citations que je pourrais à cet endroit vous faire de ce qui est la pensée de Shakespeare à cet égard sont excessivement nombreuses. Je ne vous en donnerai que ceci, de ce que j'ai relevé pendant les vacances, dans un tout autre contexte. Il s'agit de quelqu'un qui est assez amoureux, mais aussi il faut le dire, d'assez farfelu ; un brave homme d'ailleurs ; c'est dans Twelfth Night, le héros, dialoguant avec une fille qui pour le conquérir, et encore que rien dans le héros, le Duc comme on l'appelle, ne mette en doute que ses penchants soient des femmes - parce que c'est de sa passion qu'il s'agit - l'approche déguisée en garçon, ce qui tout de même est un trait singulier pour se faire valoir comme fille car elle l'aime. - Ce n'est pas pour rien que je vous donne ces détails, c'est parce que c'est un apport vers quelque chose vers quoi je vais vous introduire maintenant, à savoir la création d'Ophélie. Cette femme, Viola, est justement antérieure à Ophélie. La Twelfth Night est de deux ans environ antérieur à la fomentation d'Hamlet, et voilà très exactement l'exemple de la transformation de ce qui se passe dans Shakespeare au niveau de ses créations féminines qui, comme vous le savez sont celles parmi les plus fascinantes, les plus attirantes, les plus captivantes, les plus troubles à la fois, qui font le caractère vraiment immortellement poétique de toute une face (p508->) de son génie.

    Cette fille-garçon, ou garçon-fille, voilà le type même de création où affleure, où se révèle quelque chose qui va nous introduire à ce qui va maintenant être notre propos, notre pas suivant, à savoir le rôle de l'objet dans le désir.

    Après avoir pris cette occasion pour vous montrer la perspective dans laquelle s'inscrit notre question sur Ophélie, voilà ce que le Duc, sans savoir que la personne qui est devant lui est une fille, et une fille qui l'aime lui, répond aux questions capiteuses de la fille qui, alors qu'il se désespère, lui dit : comment pouvez-vous vous plaindre . Si quelqu'un était auprès de vous qui soupirait après votre amour, et que vous n'ayez nulle envie de l'aimer - ce qui est le cas, c'est ce dont il souffre - comment pourriez-vous l'accueillir ? Il ne faut donc pas en vouloir aux autres de ce qu'assurément vous feriez vous-même .

    Lui qui est là en aveugle et dans l'énigme, lui dit à ce moment là un grand propos concernant la différence du désir féminin et du désir masculin .

    " Il n'y a pas de femme qui peut supporter le battement d'une passion si violente que celle qui possède mon cœur. Aucun cœur de femme ne peut ainsi en supporter autant. Elles manquent de cette suspension . . . "

    Et tout son développement est celui en effet de quelque chose qui du désir fait essentiellement cette distance qu'il y a, ce rapport particulier à l'objet soutenu comme tel, qui est quelque chose justement qui est ce qui est exprimé dans le symbole ( a ) que je vous place ici (p509->) sur cette ligne de retour de l'X du vouloir. C'est File:509-1.gif à savoir le rapport File:509-2.jpg.jpg, a, l'objet en tant qu'il est si l'on peut dire le curseur, le niveau où se situe, se place ce qui est chez le sujet à proprement parler, le désir.

    Je voudrais introduire le personnage d'Ophélie en bénéficiant de ce que la critique philologique et textuelle nous a apporté concernant si je puis dire ses antécédents. J'ai vu sous la plume de je ne sais quel crétin un vif mouvement de bonne humeur qui lui survint le jour où pas spécialement précipité car il aurait dû le savoir depuis un bout de temps, il s'est aperçu que dans Belleforest il y a quelque chose ( quelqu'un ) qui joue le rôle d'Ophélie.

    Dans Belleforest on est tout aussi embêté avec ce qui arrive à Hamlet, à savoir qu'il a bien l'air d'être fou ; mais quand même on n'est pas plus rassuré que cela, car il est clair que ce fou sait assez bien ce qu'il veut, et ce qu'il veut, c'est ce que l'on ne sait pas, c'est beaucoup de choses ; ce qu'il veut c'est la question pour tous les autres. On lui envoie une fille de joie destinée, ( en ) l'attirant dans un coin de la forêt, à capter ses confidences cependant que quelqu'un qui est aux écoutes pourra en savoir un peu plus long. Le stratagème échoue, comme il convient, grâce je crois à l'amour de la fille. Ce qui est certain, c'est que le critique en question était tout content de trouver cette sorte d'arché-Ophélie pour y retrouver la raison des ambiguïtés du caractère d'Ophélie.

    (p510->) Naturellement je ne vais pas relire le rôle d'Ophélie ; mais ce personnage tellement éminemment pathétique, bouleversant, dont on peut dire que c'est une des grandes figures de l'humanité, se présente comme vous le savez sous des traits extrêmement ambigus où personne n'a jamais pu déclarer encore si elle est l'innocence même, qui parle ou qui fait allusion à ses élans les plus charnels avec la simplicité d'une pureté qui ne connaît pas de pudeur, ou si c'est au contraire une gourgandine prête à tous les travaux.

    Les textes là-dessus sont un véritable jeu de miroir aux alouettes. On peut tout y trouver. Et à la vérité, on y trouve surtout un grand charme, où la scène de la folie n'est pas le moindre moment. La chose en effet est tout à fait claire. Si d'une part, Hamlet se comporte avec elle avec une cruauté tout à fait exceptionnelle qui gêne, qui comme on dit fait mal, et qui la fait sentir comme une victime, d'autre part on sent bien qu'elle n'est point, et bien loin de là, la créature désincarnée ou décharnalisée que la peinture préraphaélite que j'ai évoquée en a faite. C'est tout à fait autre chose.

    À la vérité on est surpris que les préjugés concernant le type, la nature, la signification, les mœurs pour tout dire de la femme soient encore si fort ancrés qu'on puisse à propos d'Ophélie se poser une question semblable. Il semble qu'Ophélie soit tout simplement ce qu'est toute fille qu'elle ait ou non franchi, après tout nous n'en savons rien, le pas tabou de la rupture de sa virginité. La question me semble n'être pas, d'aucune façon, à propos d'Ophélie, être posée. Dans l'occasion il s'agit de savoir pourquoi Shakespeare a apporté ce personnage qui paraît représenter une espèce de point (p511->) extrême sur une ligne courbe qui va, de ses premières héroïnes filles-garçons - , jusqu'à quelque chose qui va en retrouver la formule dans la suite, mais transformée sous une autre nature.

    Ophélie, qui semble être le sommet de sa création du type de la femme, au point exact où elle est elle-même ce bourgeon prêt d'éclore, et menacé par l'insecte rongeur au coeur du bourgeon. Cette vision de vie prête à éclore, et de vie porteuse de toutes les vies, c'est ainsi d'ailleurs qu'Hamlet la qualifie, la situe pour la repousser : vous serez la mère de pêcheurs, cette image justement de la fécondité vitale, cette image pour tout dire, de toutes les façons nous illustre, plus je crois qu'aucune autre création l'équation File:511-1.jpg dont j'ai fait état dans mes cours, l'équation File:511-2.jpgc'est évidemment là quelque chose que nous pouvons très facilement reconnaître.

    Je ne ferai pas état de choses qui, à la vérité me paraissent simplement une curieuse rencontre. J'ai eu la curiosité de voir d'où venait Ophélie, et dans un article de Boissacq du Dictionnaire Etymologique Grec ( BOISSACQ E., Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Heidelberg, 1950, C. Winter, Universität Verlag . ) j'y ai vu une référence grecque. Shakespeare ne disposait pas des dictionnaires dont nous nous servons, mais on trouve chez les auteurs de cette époque des choses si stupéfiantes à côté d'ignorances somptueuses, des choses si pénétrantes, et qui retrouvent les constructions de la critique la plus moderne, que je peux bien à cette occasion vous faire état de ceci qui est dans les notes que j'ai oubliées.

    Je crois que dans Homère, si mon souvenir est bon, il y a Ophélie, au sens du faire grossir, enfler ; que ophelie est employé (p512->) pour la mue, fermentation vitale, qui s'appelle à peu près laisser quelque chose changer ou s'épaissir. Le plus drôle encore, on ne peut pas ne pas en faire état, c'est que dans le même article, Boissacq, qui est un auteur qui crible assez sévèrement l'ordonnance de ses chaînes signifiantes, croit nécessaire de faire expressément référence à ce propos à la forme verbale de Ophallos . Au phallus.

    La confusion d'Ophélie et de Phallos n'a pas besoin de Boissacq ( voisins ) pour nous apparaître. Elle nous apparaît dans la structure. Et ce qu'il s'agit maintenant d'introduire, ce n'est pas en quoi Ophélie peut être le phallus, mais si elle est comme nous le disons véritablement le phallus comment Shakespeare lui fait remplir cette fonction .

    Or c'est ici qu'est l'important. Shakespeare porte sur un plan nouveau ce qui lui est donné dans la légende de Belleforest, à savoir que dans la légende telle qu'elle est rapportée par Belleforest, la courtisane est l'appât destiné à lui arracher son secret. Eh bien, transposant cela au niveau supérieur qui est celui où se tient la véritable question, je vous montrerai la prochaine fois qu'Ophélie est là pour interroger le secret, non pas au sens des sombres desseins qu'il s'agit de faire avouer à Hamlet par ceux qui l'entourent et qui ne savent pas très bien de quoi il est capable, mais le secret du désir.

    Dans les rapports avec l'objet Ophélie, pour autant qu'ils sont scandés au cours de la pièce par une série de temps sur lesquels nous nous arrêterons, quelque chose s'articule qui nous permet de (p513->) saisir, d'une façon particulièrement vivante, les rapports du sujet en tant qu'il parle, c'est-à-dire du sujet en tant qu'il est soumis au rendez-vous de son destin, avec quelque chose qui doit prendre, dans l'analyse, et par l'analyse, un autre sens . Ce sens autour duquel l'analyse tourne, et dont ce n'est pas pour rien le tournant où elle approche à propos de ce terme d'objet si prévalent, si certainement beaucoup plus insistant, et présent qu'il n'a jamais été dans Freud, et au point que certains ont pu dire que l'analyse l'a changé de sens pour autant que la libido, chercheuse de plaisir, est devenue chercheuse d'objet.

    Je vous l'ai dit, l'analyse est engagée dans une voie fausse pour autant que cet objet elle l'articule et le définit d'une façon qui manque son but, qui ne soutient pas ce dont il s'agit véritablement dans le rapport qui s'inscrit dans la formule File:513-2.jpg.jpg, S châtré, S soumis à quelque chose que je vous appellerai la prochaine fois, et que je vous apprendrai à déchiffrer sous le nom de fading du sujet, qui s'oppose à la notion de splitting de l'objet, de ce rapport de ce sujet avec l'objet en tant que tel. Qu'est-ce que l'objet du désir ? Un jour qui n'était rien d'autre je crois que la deuxième séance de cette année, je vous ai fait une citation de quelqu'un que j'espère quelqu'un aura identifié depuis lors, qui disait que ce que l'avare regrette dans la perte de sa cassette nous en apprendrait si on le savait, long sur le désir humain. C'est Simone Weil qui disait cela.

    C'est cela que nous allons essayer de serrer autour de ce fil qui court le long de la tragédie entre Ophélie et Hamlet.

note : bien que relu, si vous d�couvrez des erreurs manifestes dans ce s�minaire, ou si vous souhaitez une pr�cision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un [mailto:gaogoa@free.fr �mail]. [#haut Haut de Page] 
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