Text/Jacques Lacan/DI21011959.htm

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J.LACAN                                      gaogoa

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S�minaire VI - Le d�sir et son interpr�tation

     version rue CB                                         [#note note]

21 janvier 1959

le rêve d'Ella Sharpe 2


    (p268->) Nous étions restés la dernière fois au beau milieu de l'analyse de ce qu'Ella Sharpe appelle le rêve singulier, unique, auquel elle consacre un chapitre dans lequel se trouve converger la partie ascendante de son livre, puis ensuite les compléments qu'elle ajoute . Son livre ayant l'originalité d'être un livre important sur les rêves, fait après une trentaine d'années d'expérience analytique générale .

    Si nous considérons que ces séminaires d'Ella Sharpe représentent des expériences se référant aux trente années précédentes.

    Ce rêve, qui a fait l'objet d'une séance de son patient, est un rêve extrêmement intéressant . Et les développements qu'elle donne, la connexion qu'elle établit non seulement entre ce qui est à proprement parler associations du rêve, voire interprétation, mais tout message de la séance dans son ensemble - Le mérite est à lui rendre de cela qui indique chez elle une grande sensibilité de la direction, du sens de l'analyse.

    Il est d'autant plus frappant de voir que ce rêve - dont je rappellerai les termes - ( elle l'interprète, on le verra, ligne par ligne comme il convient de le faire ), elle l'interprète dans le sens d'un désir lié au vœu d'omnipotence chez son patient . Nous verrons ceci en détail. C'est justifié ou non, mais d'ores et déjà vous devez bien penser que si ce rêve peut nous intéresser c'est ici dans ce biais par où j'essayais de vous montrer ce qu'il y a d'ambigu, et de leurrant dans cette notion unilatérale, de ce que comporte ce vœu d'omnipotence, de possibilités, de perspectives de puissance, ce qu'on peut appeler le vœu névrotique.

    (p269->) Est-ce que c'est toujours de l'omnipotence du sujet qu'il s'agit ? J'ai introduit ici cette notion. Il est bien évident que l'omnipotence dont il s'agit, qu'elle soit l'omnipotence du discours n'implique nullement que le sujet s'en sente le support et le dépositaire . Que s'il a affaire à l'omnipotence du discours, c'est par l'intermédiaire de l'Autre qu'il profère. Ceci est oublié, tout particulièrement dans l'orientation qu'Ella Sharpe donne à son interprétation du rêve. Et pour commencer par la fin - vous verrez comment nous n'arriverons probablement pas à boucler cela dans cette leçon, parce qu'un travail aussi élaboré soulève un monde, d'autant plus un monde qu'on s'aperçoit en fin de compte que presque rien n'a été dit, encore que tous les jours, ce soit le terrain même sur lequel nous opérions.

    Donc, je commence à indiquer ce qui va apparaître à la fin. Nous verrons en détail comment elle argumente son patient sur le sujet de son vœu d'omnipotence . Et de son vœu d'omnipotence agressive souligne Ella Sharpe. C'est ce patient dont elle ne nous donne pas absolument toutes les coordonnées, mais qui se trouve avoir au premier plan des difficultés majeures dans sa profession - il est au barreau - ; difficultés dont le caractère névrotique est si évident qu'elle les définit d'une façon nuancée puisqu'elle précise qu'il ne s'agit pas tellement d'échec que d'une peur de trop bien réussir.

    Elle avait souligné, dans la modulation même de la définition du symptôme, quelque chose qui méritait de nous retenir par le clivage, la subtilité évidente de la nuance ici introduite dans l'analyse.

    (p270->) Le malade donc, qui a d'autres difficultés que celles qui se produisent dans son travail, qui a, elle-même le signale, des difficultés dans l'ensemble des rapports avec les autres sujets - rapports qui débordent ses activités professionnelles, qui peuvent tout spécialement s'exprimer dans les jeux, et nommément dans le jeu de tennis comme nous le verrons par les indications qu'elle nous donne à la suite sur quelques autres séances, elle indique la peine qu'il a à faire ce qui lui serait bien nécessaire au moment d'enlever un set ou une partie, " to corner ", de coincer son adversaire, de l'acculer dans un coin du court pour renvoyer comme il est classique sa balle dans un autre coin où il ne la rattrapera pas.

    C'est le type d'exemple des difficultés qu'a assurément ce patient. Et ce ne sera pas un mince appui que des symptômes comme cela puissent être mis en valeur par l'analyste pour confirmer qu'il s'agit chez le patient d'une difficulté de manifester sa puissance, ou plus exactement son pouvoir. Elle interviendra donc d'une certaine façon, se trouvera en somme toute réjouie d'un certain nombre de réactions qui vont suivre, ce qui sera vraiment le moment-sommet où elle va pointer, où elle désire - au sens vraiment où nous le définissons, on pourrait presque pointer que ce qu'elle vise est justement ce que nous localisions dans une certaine référence par rapport à la demande. Vous le verrez, c'est tout à fait cela. Seulement ce désir elle l'interprète d'une certaine façon dans le sens d'un conflit agressif, elle le met sur le plan d'une référence essentiellement et profondément duelle du conflit imaginaire.

    (p271->) Je montrerai aussi pourquoi c'est justifié qu'elle aborde les choses sous ce biais. Seulement je pose ici la question : pouvons-nous considérer comme une sanction de l'opportunité de ce type d'interprétation deux choses qu'elle va elle-même nous déclarer être .

    La première, suivant la première ébauche de son interprétation du type duel, du type interprétation de l'agressivité du sujet fondée sur un retour, sur un transfert du vœu d'omnipotence. Elle note cette chose effarante, frappante chez un sujet adulte, que le sujet lui apporte ce résultat que pour la première fois depuis des temps immémoriaux de son enfance, il a pissé au lit. Nous reviendrons en détail là-dessus pour pointer où se pose le problème.
Et ( en second ? ) dans les quelques jours qui auront suivi cette séance qu'elle choisit parce que le sujet rapporte un très beau rêve, mais aussi un rêve qui a été un moment crucial de l'analyse, au tennis où précisément il se trouve avoir ces embarras bien connus de tous les joueurs de tennis qui peuvent avoir un peu l'occasion de s'observer sur la façon dont ils mettent en oeuvre leurs capacités, et dont aussi leur échappe quelquefois ce qui est la dernière récompense d'une supériorité qu'ils connaissent, mais qu'ils ne peuvent pas manifester, ses partenaires habituels, avec cette sensibilité à l'endroit des difficultés, des impasses inconscientes qui forment en fin de compte la trame de ce jeu des caractères, des façons dont s'imposent entre les sujets le ferraillement du dialogue, la taquinerie, la raillerie, la supériorité prise, le raillent comme d'habitude à propos de la partie perdue, et il se met assez en colère pour prendre son adversaire au quiqui et (p272->) le coincer dans un coin du court, lui intimant l'ordre de ne plus jamais recommencer cette sorte de plaisanterie.

    Je ne dis pas que rien ne fonde la direction, l'ordre dans lequel Ella Sharpe poussait son interprétation. Vous verrez que, sur la base de la plus fine dissection du matériel, les éléments dont elle s'est servie sont situés, sont avérés pour elle. Nous essayerons de voir aussi quelles idées à priori, quelles idées préconçues, souvent fondées - après tout jamais une erreur ne s'engendre que d'un certain manque de vérité -, fondées sur autre chose qu'elle ne sait pas articuler, encore qu'elle nous en donne - c'est là le précieux de cette observation - les éléments, de l'autre registre - mais l'autre registre elle ne songe pas à le manier.

    Le centre, le point où elle va faire porter son interprétation, a un degré au-dessous de complexité - vous verrez là ce que ce je veux dire, encore que je pense que j'en dis assez, que vous comprenez -, en le mettant sur le plan de la rivalité imaginaire du conflit de pouvoir elle laisse de côté quelque chose dont il s'agit maintenant, en triant à proprement parler dans son texte même . . . C'est son texte qui va nous montrer, et je crois de façon éclatante, ce qu'elle laisse perdre et qui se manifeste avec une cohérence telle être là ce dont il s'agit dans cette séance analysée - et le rêve qui la centre - pour qu'évidemment nous essayions de voir si les catégories qui sont celles que je propose depuis longtemps, et dont j'ai essayé de donner le repère, ce schéma topologique, (p273->) ce graphe dont nous nous servons . . si nous n'arrivons pas tout de même à mieux centrer les choses.

    Je rappelle qu'il s'agit d'un rêve où le patient fait un voyage avec sa femme autour du monde. Il va arriver en Tchécoslovaquie où toutes sortes de choses vont lui arriver. Il souligne bien qu'il y a un monde de choses avant ce petit moment qu'il va raconter assez rapidement - car ce rêve n'occupe qu'une séance. Ce sont seulement les associations qu'il donne . . Ce rêve est très court à raconter. Et parmi ces choses qui arrivent, il rencontre une femme sur une route qui lui rappelle celle là même qu'il a décrite à son analyste deux fois déjà, où il se passait quelque chose, un sexuel play avec une femme devant une autre femme. Cela arrive encore, dit-il en marge, dans ce rêve. Et il reprend " cette fois c'est ma femme qui est là pendant que l'événement sexuel arrive. Cette femme que je rencontrais dans le rêve avait un aspect véritablement passionné, très passionné. Et ceci me rappelle, dit-il, une femme que j'ai rencontrée au restaurant l'autre jour - très exactement la veille - ; elle était noire et avait les lèvres très pleines, très rouges et avait ce même aspect passionné ; il était évident que si je lui avais donné le moindre encouragement elle aurait répondu à mes avances. Cela peut avoir stimulé le rêve. Et dans le rêve la femme voulait la relation sexuelle avec moi ; elle prenait l'initiative et comme vous le savez évidemment, c'est toujours ce qui m'aide beaucoup " . Il répète en commentaire : " Si la femme fait cela, je suis grandement aidé " . Dans le rêve, la femme effecti-(p274->)vement était sur moi - c'est juste maintenant que j'y pense - ; elle avait évidemment l'intention de " to put my penis in her body " ( de mettre mon pénis dans son corps ) ; je peux dire cela d'après les manceuvres qu'elle faisait. Je n'étais pas d'accord . Elle était si désappointée que je pensais que je devais la masturber " .

    Tout de suite après la remarque qui ne vaut vraiment qu'en anglais : " cela sonne mal, tout à fait mal cette façon d'utiliser le verbe masturbate d'une façon transitive. On peut simplement dire I masturbate, ce qui veut dire, je me masturbe et ceci est correct . On verra dans la suite du texte un autre exemple qui montre bien que lorsqu'on emploie to masturbate il s'agit de se masturber. Ce caractère primitivement réfléchi du verbe est assez marqué pour qu'il fasse cette remarque à proprement parler de philologie . Et ce n'est évidemment pas pour rien qu'il fait cela à ce moment-là.

    Je l'ai dit, d'une certaine façon nous pouvons compléter si nous voulons procéder comme nous l'avons fait pour le précédent rêve - compléter cette phrase de la façon suivante en rétablissant les signifiants éludés - nous verrons que la suite nous le confirmera - : Elle était très désappointée» de n'avoir pas mon pénis ( ou de pénis ) que je pensais, " She would ( should ) masturbate ", et non pas I should ( " She was so disapointed I thought that I would masturbate her . " ) . Qu'elle se masturbe .

    Vous verrez dans la suite ce qui nous permet de compléter les choses ainsi.

    À la suite de cela, nous avons une série d'associations . Il n'y en a pas très long, mais cela suffit amplement à nos méditations. Il y en a presque trois pages et pour ne pas vous fatiguer, (p275->) je ne les reprendrai qu'après avoir donné le dialogue avec le patient qui suit ce rêve.

    Ella Sharpe a écrit ce chapitre à des fins pédagogiques, elle fait le catalogue de ce que le patient lui a en somme apporté. Elle saura montrer à ceux qu'elle enseigne, sur quel matériel elle va faire son choix, premièrement sur son interprétation par devers elle, deuxièmement sur ce que, de cette interprétation elle va transmettre au patient, signalant, insistant elle-même sur le fait que les deux choses sont loin de coïncider puisque ce qu'il y a à dire au patient n'est probablement pas tout ce qu'il y a à dire du sujet. De ce que le patient lui a fourni il y a des choses bonnes à dire et d'autres à ne pas dire.

    Comme elle se trouve dans une position didactique, elle va d'abord faire le bilan de ce qu'on voit, de ce qu'on lit dans cette séance .

    - La toux.

    La dernière fois, le vous ai dit ce dont il s'agissait . Il s'agit de cette petite toux que le patient a faite ce jour là avant d'entrer à la séance ; cette petite toux dont Ella Sharpe, vu la façon dont ce patient se comporte, si contenue, compassée, si manifeste d'une défense - dont elle même sent très bien les défenses et les difficultés, dont elle est loin d'admettre au premier plan que ce soit une défense de l'ordre ; défense contre ses propres sentiments, voit quelque chose qui serait d'une présence plus immédiate que cette attitude où tout est réfléchi, ou rien ne reflète.

    (276->) Et c'est bien à cela que nous réfère cette petite toux . C'est une chose à laquelle d'autres ne se seraient peut-être pas arrêtés. Si peu que ce soit, c'est quelque chose qui lui fait entendre l'annonce, littéralement comme un rameau d'olivier de je ne sais quelle décrue . Et elle se dit, respectons cela .

    Or justement il se produit tout le contraire. C'est ce que le patient dit lui-même. Il fait un long discours sur le sujet de cette petite toux . J'ai indiqué la dernière fois et nous allons revenir sur la façon dont à la fois Ella Sharpe le comprend, et dontà notre sens il faut le comprendre.

    Voici en effet comment elle analyse elle-même ceci, à savoir [ce] qu'elle apprend du patient, venant à la suite de la petite toux . Car le sujet est loin d'amener tout de suite le rêve . C'est par la suite d'une série d'associations qui lui sont venues à la suite de la remarque que lui-même a faite de cette toux, qu'elle lui a échappé et que sans doute elle veut dire quelque chose . Qu'il s'était même dit que cette fois-ci il ne recommencerait pas, parce que ce n'est pas la première fois, que cela lui est déjà arrivé. Après avoir monté cet escalier qu'elle ne l'entend pas monter tellement il est discret, il a fait cette petite toux . Lui-même emploie le terme, et il s'en interroge.

    Nous allons maintenant reprendre ce qu'il a dit dans la perspective de la façon dont l'enregistre Ella Sharpe elle-même. Elle fait le catalogue de ce qu'elle appelle Idées concernant le but d'une toux.

    (p277->) Voici comment elle l'enregistre.

    Premièrement, cette petite toux apporte l'idée d'amants qui sont ensemble .

    Qu'est-ce qu'a dit le patient ? Le patient, après avoir parlé de sa toux et posé la question : " quel but peut bien servir ceci" dit " Oui c'est une sorte de chose qu'on peut faire si on va entrer dans une chambre où deux amants sont ensemble. Si on approche on peut tousser un petit peu, avec discrétion, et par là leur faire savoir qu'ils vont être dérangés. J'ai fait cela moi par exemple quand mon frère était avec sa girl friend dans le salon . J'avais l'habitude de tousser un peu avant d'entrer de façon à ce que, s'ils étaient en train de s'embrasser, ils pouvaient s'arrêter, car dans ce cas ils ne se trouveraient quand même pas aussi embarrassés que si je les avais surpris en train de faire cela.

    Cela n'est pas rien que de soulignerà ce propos dont, que premièrement la toux, le patient l'a manifestée, et nous nous en doutons parce que toute la suite nous l'a développé, la toux est un message. Mais notons tout de suite ceci qui déjà dans la façon dont Ella Sharpe analyse les choses apparaît, c'est qu'elle ne saisit pas, qu'elle ne met pas en relief - cela peut paraître un peu pointilleux, un peu minutieux comme remarque, mais néanmoins vous verrez que cet ordre de remarques que je vais introduire c'est à partir de là que tout le reste s'en suit, à savoir ce que j'ai appelé la chute de niveau qui marquera l'interprétation d'Ella Sharp - que si la toux est un message, il est évident - il ressort du texte même d'Ella (p278->) Sharpe que ce qui est important à relever, c'est que le sujet n'ait pas simplement toussé, mais justement - c'est elle qui le souligne à sa plus grande surprise - c'est que le sujet vient dire, c'est un message.

    Ceci elle l'élide, car elle signale dans le catalogue de son tableau de chasse - nous n'en sommes pas encore à ce qu'elle va choisir et qui va d'abord dépendre de ce qu'elle aura reconnu . . Or il est clair qu'elle élide ceci qu'elle même nous a expliqué, ceci que premièrement il y a la toux sans aucun doute, mais que le sujet - c'est là le point important sur cette toux-message, si message elle est - en parle en disant " quel est son but " , " qu'est-ce qu'elle annonce ? " Le sujet, exactement commence par dire de cette toux - il le dit littéralement - c'est un message. Il le signale comme message. Et plus encore, dans cette dimension où il annonce que c'est un message, il pose une question : quel est le but de ce message " .

    Cette articulation, cette définition que nous essayons de donner de ce qui se passe dans l'analyse, en n'oubliant pas la trame structurale de ce qui repose sur le fait que ce qui se passe dans l'analyse c'est avant tout un discours, ici sans procédé d'aucun rafinement spécial d'être désarticulé, analysé à proprement parler. Et on va voir quelle en est l'importance. Je dirai même que, jusqu'à un certain point, nous pouvons dès maintenant commencer de nous repérer sur notre graphe. Quand il pose cette question : qu'est-ce que c'est que cette toux, c'est une question au second degré sur l'événement. C'est une question qu'il pose à partir de l'Autre, puisque aussi bien c'est (p279->) dans la mesure où il est en analyse qu'il commence à la poser ; qu'il en est, je dirai à cette occasion - on le voit à la surprise d'Ella Sharp - bien plus loin qu'elle même ne l'imagine, à peu près à la façon dont les parents sont toujours en retard sur le sujet de ce que les enfants comprennent et ne comprennent pas. Ici, l'analyste est en retard sur le fait que le patient a depuis longtemps pigé le truc, c'est-à-dire qu'il s'agit de s'interroger sur les symptômes de ce qui se passe à [ dans ] l'analyse, de la moindre anicroche qui est là posant une question. Bref, cette question à propos de " c'est un message ", elle est bien là avec sa forme d'interrogation dans la partie supérieure du graphe. Je vous mets la partie inférieure pour vous permettre de vous repérer là où nous sommes. Elle est justement cette partie que j'ai définie à un autre propos en disant que c'était au niveau du discours de l'Autre. Ici,

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pour autant que c'est bien le discours analytique dans lequel entre le sujet. Et c'est une question littéralement concernant l'Autre qui est en lui, concernant son inconscient. C'est à ce niveau d'articulation qui est toujours instant dans chaque sujet, pour autant que le sujet se demande : mais qu'est-ce qu'il veut, mais qui ici ne fait aucune espèce de doute dans sa distinction du premier plan verbal de l'énoncé innocent, (p280->) pour autant que cela n'est pas un énoncé innocent qui est fait à l'intérieur de l'analyse. Et qu'ici le lieu où pointe cette interrogation est bien celui où nous plaçons ce qui doit être finalement le schibboleth de l'analyse , à savoir le signifiant de l'Autre en tant que lui-même est marqué par le signifiant, mais qui est précisément ce qui au névrosé, est voilé, et voilé pour autant justement qu'il ne connaît pas cette incidence du signifiant de l'Autre, et que, dans cette occasion non seulement il le reconnaît, mais que ce sur quoi il l'interroge c'est loin d'être la réponse, c'est l'interrogation . C'est effectivement : qu'est-ce que c'est que ce signifiant de l'Autre en moi .

    Pour tout dire, disons au départ de notre exposé qu'il est loin, et pour cause, d'avoir reconnu le pouvoir, de pouvoir reconnaître ceci que l'Autre, pas plus que lui soit châtré. Pour l'instant simplement, il s'interroge de cette innocence ou ignorance docte qui est constituée par le fait d'être en analyse, sur ceci : qu'est-ce que ce signifiant, en tant qu'il est signifiant de quelque chose dans mon inconscient, il est signifiant de l'Autre .

    Ceci est élidé dans le progrès d'Ella Sharp. Ce qu'elle va énumérer, ce sont les idées concernant la toux . C'est ainsi qu'elle prend les choses. Bien sûr ce sont des idées concernant la toux, mais ce sont des idées qui déjà en disent beaucoup plus qu'une simple chaîne linéaire d'idées qui, nous le savons, est repérée ici nommément sur notre graphe. C'est à savoir que déjà quelque chose s'ébauche.

    (p281->) Elle nous dit qu'est-ce qu'elle apporte, cette petite toux ? Elle apporte d'abord l'idée d'amants ensemble. - Je vous ai lu ce qu'a dit le patient. Qu'est-ce qu'il a dit ? Il a dit quelque chose qui ne me semble pas pouvoir en aucune manière se résumer de cette façon, à savoir que ceci apporte l'idée d'amants ensemble . Il me semble qu'à l'ouïr l'idée qu'il apporte c'est le quelqu'un qui arrive en tiers auprès de ces amants qui sont ensemble. Il arrive en tiers, pas de n'importe quelle façon puisqu'il s'arrange pour ne pas arriver en tiers de façon trop gênante.

    En d'autres termes il est tout à fait important, dès le premier abord, de pointer que s'il y a trois personnages, leur mise ensemble comporte des variations dans le temps et des variations cohérentes, à savoir qu'ils sont ensemble tant que le tiers est dehors. Pendant le tiers est entré, ils ne le sont plus, cela saute aux yeux.

    Dites-vous bien que s'il fallait, comme il va nous falloir deux séminaires pour couvrir la matière que nous apporte ce rêve et son interprétation, une semaine de méditation pour venir au bout de ce que le patient nous apporte l'analyse pourrait paraître quelque chose d'insurmontable, surtout parce que les choses ne manqueront pas de se gonfler et nous serons rapidement débordés. Mais en réalité, ceci n'est pas du tout une objection valable pour la bonne raison que jusqu'à un certain degré, dans ce schéma qui se dessine déjà, à savoir que, quand le tiers est dehors les deux sont ensemble, et que quand le tiers est à l'intérieur, les deux ne sont plus ensemble, je ne dis pas que le tout (p282->) de ce que nous allons voir à ce propos est déjà là car ce serait un peu simple, mais nous allons voir ceci se développer, s'enrichir, et pour tout dire, s'involuer dans soi-même comme un leitmotiv indéfiniment reproduit et s'enrichissant en tous points de la trame, constituer toute la texture d'ensemble. Et vous allez voir laquelle.

    Qu'est-ce qu'Ella Sharp pointe ensuite comme étant la suite de la toux ?

    a ) Il a abordé des idées concernant les amants qui sont ensemble.

    b ) Rejet d'une fantaisie sexuelle concernant l'analyste.

    Est-ce là quelque chose qui rende compte de ce que le patient a apporté ? L'analyste lui a posé la question : Et alors, cette toux, avant d'entrer ici ? Juste après qu'il a expliqué à quoi cela servirait si c'était des amants qui étaient à l'intérieur . Il dit, c'est absurde, parce que naturellement je n'ai pas de raison de me demander . . . je n'aurais pas été prié de monter ici s'il y avait quelqu'un . Et puis je ne pense pas du tout à vous de cette façon. Il n'y a aucune espèce de raison à celle-là. Ceci me rappelle un fantasme que j'ai eu dans une chambre où je n'aurais pas dû être .

    C'est là que s'arrête ce que vise Ella Sharpe. Pouvons-nous dire qu'il y ait ici rejet d'une fantaisie sexuelle concernant l'analyste ? Il semble qu'il n'y ait pas absolument rejet mais qu'il y a plutôt admission . Admission détournée certes, admission par les associations qui vont suivre. On ne peut pas dire que dans la proposition de l'analyste concernant ce sujet, le sujet rejette purement et simplement, soit dans une position de pure et simple négation. Cela paraît au (p283->) contraire très typiquement le type de l'interprétation opportune, puisque cela va entraîner tout ce qui va suivre et que nous allons voir.

    Or justement, cette question de la fantaisie sexuelle qui est en cause à l'occasion de cette entrée dans le bureau de l'analyste où l'analyste est censée être seule, est quelque chose qui est bien en effet ce qui est en question et dont je crois qu'il va vous apparaître assez vite qu'il n'est pas besoin d'être grand clerc pour l'éclairer.

    c) Le troisième élément que nous apportent les associations est, nous dit Ella Sharp, le fantasme . Le fantasme d'être où il ne doit pas être, et aboyant comme un chien pour dépister . C'est une expression métaphorique qui se trouve dans le texte anglais : " to put off the scent " ( " Phantasy of being where he ought not to be, and barking like a dog to put people off the scent " ( To put off : faire perdre la piste, mettre en défaut . Scent : odeur, flairer " ) .

    Il n'est jamais vain qu'une métaphore soit employée plutôt qu'une autre, mais ici il n'est pas trace de scent dans ce que nous dit le patient, que ce soit refoulé ou pas nous n'avons aucune raison de le trancher. Je dis cela parce que le scent est la joie des dimanches de certaines formes d'analyse. Contentons-nous ici de ce qu'en dit le patient.

    À propos de l'interrogation que lui a portée l'analyste, il lui dit : " ceci me fait souvenir de cette fantaisie que j'ai eue d'être dans une chambre où en effet - ceci est conforme à ce que sommarise ( ? ) l'analyste - je n'ai pas de raison d'être . Plus exactement, où je ne devais pas être. En sorte que quelqu'un peut penser . . . "

    (p284->) La structure est double ; de référence à la subjectivité de l'autre, et absolument constante. C'est là-dessus que je vais mettre l'accent car il s'agit de cela sans cesse, et c'est ici et uniquement là que nous pouvons centrer où est le désir.

    C'est cela qui est tout le temps éludé dans le compte-rendu qu'en fait Ella Sharp, et dans la façon dont elle va tenir compte des différentes incidences tendancielles.

    Il dit donc : " Je pense que quelqu'un peut penser ". " J'ai eu cette fantaisie de penser que quelqu'un pouvait penser que j'étais là, et alors je pensais que pour empêcher quelqu'un d'entrer et me trouver je pourrais aboyer comme un chien. Ceci déguiserait ma présence. Ce moi pourrait alors dire, oh c'est seulement un chien. Il n'y a qu'un chien ici " .

    Le caractère paradoxal de cette fantaisie du sujet appelle très probablement - il dit lui-même que les souvenirs sont d'une enfance tardive, d'une adolescence . Le caractère peu cohérent, voire absurde de certains fantasmes, n'en est pas moins perçu avec toute sa valeur, c'est-à-dire comme ayant du prix, et retenu comme tel par l'analyste.

    Donc elle nous dit, dans la suite des idées qui lui viennent, associatives, c'est un fantasme d'être là où il ne devrait pas être, et pour dépister d'aboyer comme un chien.

    La chose est juste, à ceci près que s'il s'imagine être là où il ne devrait pas être, le but du fantasme, le sens du fantasme, le contenu évident du fantasme est de montrer qu'il n'est pas là où il est. C'est l'autre phase . Phase très importante parce que nous (p285->) allons le voir, c'est ce qui va être la caractéristique, la structure même de toute affirmation subjective de la part de ce patient, et que trancher dans le vif dans des conditions semblables en lui disant qu'il est en tel point d'où il a voulu tuer son semblable et dont c'est le retour et la revanche, est quelque chose qui est assurément prendre parti, et prendre parti dans des conditions où les chances à la fois d'erreur et de succès, c'est-à-dire de faire effectivement adopter par le patient d'une façon subjective ce sur quoi vous tranchez, sont là particulièrement évidentes. Et c'est ce qui fait l'intérêt de ce texte.

    Si d'autre part, nous pouvons voir que c'est là mettre en évidence ce qui s'annonce ici dans sa structure, à savoir ce que veut dire ce qui apparaît déjà dans le fantasme, à savoir qu'il n'est pas là où il est, nous allons voir le sens que cela a peut-être.

    Peut-être cela peut-il nous conduire aussi, nous allons le voir, à une toute autre interprétation.

    Quoi qu'il en soit, il ne prend pas n'importe quel moi pour se faire ne pas être là où il est. Il est trop clair bien entendu que du point de vue de la réalité ce fantasme est insoutenable, et que se mettre à aboyer comme un chien dans une chambre où on ne doit as être, n'est pas la meilleure façon d'échapper à l'attention. Laissons de côté bien entendu cette phrase qui n'a de valeur que pour nous faire remarquer que nous sommes non pas dans le compréhensible, mais dans la structure imaginaire, qu'après tout on entend des choses comme çela à cours de séance, et on se contente après coup de croire (p286->) qu'on comprend puisque le malade a l'air de comprendre. Je vous l'ai dit, ce qui est le propre de tout affect, de toute cette marge, cet accompagnement, ces bordures du discours intérieur, tout au moins spécialement tel que nous pouvons le reconstituer quand nous avons le sentiment que ce discours n'est justement pas un discours si continu qu'on le croit, c'est que la continuité est un effet et principalement par le moyen de l'affect. À savoir que moins les affects sont motivés, plus - c'est une loi - ils apparaissent pour le sujet compréhensibles .

    Ce n'est pas pour nous une raison pour le suivre, et c'est pour cela que la remarque que j'ai faite là, et tout aussi évidente qu'elle peut paraître, a tout de même sa portée. Ce qu'il s'agit d'analyser, c'est le fantasme, sans le comprendre, c'est-à-dire en y retrouvant la structure qu'il révèle. Or qu'est ce que cela veut dire ce fantasme . De même que tout à l'heure l'important était de voir que le sujet nous disait à propos de sa toux, c'est un message, il importe de s'apercevoir que ce fantasme n'a vraiment aucun sens, du caractère totalement irréel de son efficacité éventuelle. C'est que le sujet en aboyant dit simplement " c'est un chien ". Là aussi il se fait autre, mais ce n'est pas la question . Il ne se demande pas quel est ce signifiant de l'Autre en lui. Là il fait un fantasme - et cela est quand même assez précieux quand cela nous vient pour que nous nous apercevions de ce qu'on nous donne - il se fait autre à l'aide de quoi : d'un signifiant précisément. L'aboyement ici, c'est le signifiant de ce qui ( qu'il ) n'est pas . Il n'est (p287->) pas un chien mais grâce à ce signifiant pour le fantasme, le résultat est parfaitement obtenu, il est autre que ce qu'il est.

    Je vais vous demander ici, car nous n'avons pas épuisé ce qui s'est apporté en simple association de la toux, il y a un quatrième élément que nous verrons tout à l'heure et, à propos de ceci, à savoir en cette occasion la fonction du signifiant dans le fantasme, car là c'est clair que le sujet se considère comme suffisamment couvert par cet aboiement fantasmatique - , de faire une parenthèse.

    Ce n'est plus du rêve que je vous parle, mais de telle petite remarque clinique élémentaire. À la fin d'une communication scientifique récente j'y ai fait allusion que j'avais cela à vous apporter ici.

    Il faut bien dire que dans une matière si abondante, ce qu'il y aurait à enseigner est tellement démesuré par rapport à ce qui s'enseigne, c'est-à-dire à ce qui se rabâche, que vraiment certains jours je me sens moi-même ridiculement écrasé par la tâche que j'ai entreprise .

    Prenons ce " c'est un chien ". Je veux attirer votre attention sur quelque chose concernant la psychologie de l'enfant, ce qu'on appelle la psychologie génétique. On essaye, cet enfant qu'on veut comprendre, de faire avec lui cette psychologie que l'on appelle génétique, et qui consiste à se demander comment le cher petit qui est si bête commence d'acquérir ses idées. Et alors on se demande comment l'enfant procède. Son monde serait primitivement auto-érotique, (p288->) les objets ne viendraient que plus tard. J'espère, Dieu merci, que vous avez tous, sinon directement l'expérience de l'enfant, du moins assez de patients qui peuvent vous raconter l'histoire de leur petit enfant pour voir qu'il n'y a rien de plus intéressé aux objets, aux reflets des objets qu'un tout petit enfant. Laissons cela de côté.

    Il s'agit pour l'instant de nous apercevoir comment entre en jeu chez lui l'opération du signifiant. Je dis que nous pouvons voir chez l'enfant, à la source, à l'origine de sa prise sur le monde qui s'offre à lui et qui est avant tout un monde de langage, un monde où les gens lui parlent, ce qui est évidemment un affrontement assez stupéfiant , comment il va entrer dans ce monde.

    J'ai déjà fait allusion à ceci que peuvent remarquer les gens, à condition d'avoir simplement l'oreille attentive, et de ne pas trouver comme forcément confirmées les idées préconçues avec lesquelles ils peuvent entrer dans l'abord de l'enfant. Un ami me faisait récemment remarquer que lui-même ayant pris le parti de vouloir garder son enfant auquel il consacre beaucoup de temps, il ne lui avait jamais parlé du chien que comme le chien. Et il n'avait pas manqué d'être un peu surpris du fait que l'enfant, qui avait parfaitement repéré ce qui était nommé par la nomination primitive de l'adulte, se mit à l'appeler un Ouah Ouah. D'autres personnes qui peuvent à l'occasion me parler d'une façon, je ne dirais pas directement éclairée par les plans d'enquête que je leur donne, mais seulement du fait de mon enseignement, m'ont fait remarquer cette autre chose, que non seulement l'enfant borne à la désignation du chien ce ouah ouah qui est quelque chose qui est choisi dans le chien primitivement entre tous ses caractères - Et comment s'en étonner, (p289->) car l'enfant ne va pas évidemment commencer déjà à le qualifier son chien, mais bien, avant de pouvoir avoir le maniement d'aucune espèce d'attribut, il commence à faire entrer en jeu ce qu'il peut en dire, à savoir ce comme quoi l'animal se présente comme produisant lui-même un signe qui n'est pas un signifiant. Mais remarquez qu'ici c'est par l'abord, par la faveur que lui présente ceci qu'il y a dans ce qui se manifeste, la présence précisément d'un animal, quelque chose qui est assez isolé pour en fournir le matériel, quelque chose qui est déjà émission laryngée, que l'enfant prend cet élément . Comme quoi ? Comme quelque chose qui, puisque cela remplace le chien qu'il a déjà parfaitement compris et entendu au point de pouvoir aussi bien diriger son regard vers le chien quand on nomme le chien que vers une image de ce chien lorsqu'on dit chien, et le remplace par un ouah ouah, ce qui est faire la première métaphore. En quoi c'est là que nous voyons s'amorcer, et de la façon qui est la plus conforme à la vraie genèse du langage, l'opération prédicative.

    On a remarqué que dans les formes primitives du langage ce qui joue comme fonction d'adjectif ce sont des métaphores. Cela est confirmé ici chez le sujet, à ceci près que nous ne trouvons pas à devant quelque mystérieuse opération primitive de l'esprit, mais devant une nécessité structurale du langage qui veut que pour que quelque chose s'engendre dans l'ordre du signifié, il faut qu'il y ait substitution d'un signifiant à un autre signifiant.

    Vous me direz : qu'est-ce que vous en savez . - Je veux dire, pourquoi affirmez-vous que ce qui est essentiel c'est la substitution de ouah (p290->) ouah à chien .
Premièrement je vous dirai qu'il est d'observation courante - et elle m'a été rapportée il n'y a pas si longtemps - qu'à partir du moment où l'enfant a su appeler ouah ouah un chien, il appellera ouah ouah un tas de choses qui n'ont absolument rien à faire avec un chien, montrant donc tout de suite par là que ce dont il s'agit c'est bien effectivement de la transformation du signe en signifiant qu'on met à l'épreuve de toutes sortes de substitutions par rapport à ce quià ce moment-là n'a pas plus d'importance que ce soient d'autres signifiants ou des unités du réel. Car ce dont il s'agit c'est de mettre à l'épreuve le pouvoir du signifiant.

    La pointe de cela est marquée dans ce moment décisif où l'enfant - c'est de cela que je fais la remarque à la fin de la communication scientifique dont je parlais - déclare avec la plus grande autorité et la plus grande insistance : le chien fait miaou ou le chat fait ouah ouah . Pointe absolument décisive car c'est à ce moment-là que la primitive métaphore, qui est constituée purement et simplement par la substitution signifiante, par l'exercice de la substitution signifiante, engendre la catégorie de la qualification.

    Entendez-moi bien, nous pouvons à l'occasion formaliser, si vous voulez cela, et dire que le pas, le progrès qui est accompli consiste en ceci que d'abord une chaîne monolinéaire est établie qui dit : le chien = ouah, que ce dont il s'agit et ce qui est démontré de la façon la plus évidente par le fait que l'enfant superpose, combine une chaîne à l'autre, c'est qu'il est venu faire se croiser par rapport à la chaîne, le chien fait ouah ouah, la chaîne le chat (p291->) fait miaou ; qu'en substituant le miaou au ouah ouah, il va faire entrer en jeu la possibilité du croisement d'une chaîne avec une autre, c'est-à-dire d'une redivision de chacune des chaînes en deux parties, ce qui provisoirement sera fixe et ce qui non moins provisoirement sera mobile, c'est-à-dire de quelque chose qui restera d'une chaîne autour de quoi tournera ce qui peut s'échanger.


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    En d'autres termes c'est uniquement à partir du moment où s'est associé le S' du chat, en tant qu'il est signifié par ce signe avec le S, le ouah ouah signifiant du chien . Et que ceci suppose que en dessous - et pour commencer il n'y a pas d'en-dessous - l'enfant lie les deux lignes, à savoir que le signifié du ouah ouah, le chien, fait S', le miaou, signifiant du chat. Seulement à partir du moment où cet exercice a été accompli, et l'importance que l'enfant donne à cet exercice est tout à fait évidente et démontrée par ceci que, si les parents ont la maladresse d'intervenir, de le reprendre, de le réprimander, ou le gourmander pour dire de pareilles bêtises, l'enfant a des réactions émotionnelles très vives, il pleure pour tout dire car lui sait bien ce qu'il est en train de faire, contrairement aux adultes qui croient qu'il bêtifie.

    Car c'est uniquement à partir de ce moment-là et selon la formulation que j'ai donnée de la métaphore qui consiste très essentiellement en ceci : c'est que quelque chose au niveau de la ligne supérieure s'est déplacé, s'est élidé par rapport à quelque chose (p292->) qui, dans la ligne inférieure du signifié, s'est aussi déplacé. C'est en d'autres termes, pour autant que du point de vue du graphe, à partir du moment où ce jeu a été introduit, le ouah-ouah peut être élidé et vient dans les dessous de l'énonciation concernant le chien - que cette énonciation devient proprement une énonciation signifiante, et non pas simple connexion imitative par rapport à la réalité. Le chien, qu'il soit indiqué ou qu'il soit nommé, cela revient au même. Mais littéralement le fait que, quand la qualification, l'attribution d'une qualité du chien lui est donnée, cela n'est pas sur la même ligne, c'est sur celle de la qualité comme telle : il y a ceux qui font ouah-ouah, il y a ceux qui font miaou, et tous ceux qui feront les autres bruits sont ici impliqués dans la verticalité, dans la hauteur, pour que commence à naître de la métaphore la dimension de l'adjectif.

    Vous savez, ce n'est pas d'hier que ces choses là ont été vues . Darwin s'en était occupé déjà, seulement, faute d'appareil linguistique les choses sont restées pour lui très problématiques. Mais c'est un phénomène si général, si essentiel, si fonctionnellement dominant dans le développement de l'enfant que même Darwin qui était plutôt porté vers les explications naturalistes n'avait quand même pas manqué d'être frappé de ceci : il était quand même bien drôle qu'un enfant qui avait une astuce déjà remarquable qui lui permettait d'isoler du canard le coic ( couac ) - c'est ainsi que dans le texte de Darwin, le cri du canard repris par l'enfant est phonétisé - , que ce couac (p293->) est par lui reporté sur toute une série d'objets dont l'homogénéité générique va être suffisamment remarquée par le fait que si mon souvenir est bon il y avait parmi ces objets du vin et un sous. Je ne sais pas très bien ce que ce terme sous désigne, s'il désigne un penny ou autre chose. Je n'ai pas vérifié ce que cela voulait dire au temps de Darwin, mais c'était une pièce de monnaie car Darwin dans son embarras ne manque pas de remarquer que cette pièce de monnaie était marquée au coin d'un aigle.

    Il peut paraître que l'explication qui unifierait le rapport du couac à l'espèce volatile en général sous prétexte qu'une image aussi ambiguë que celle d'un aigle aux ailes déployées sur une pièce de monnaie puisse être quelque chose que nous puissions considérer comme devant être homogénéisé par un enfant à son aperception du canard. Évidemment celle du vin, du liquide, ferait encore problème. Peut-être simplement pouvons nous penser qu'il y a quelque rapport entre le vin, quelque chose qui serait disons d'élément liquide pour autant que le canard y barbote . .

    Nous voyons qu'en tous les cas ce dont il s'agit est une fois de plus bien plus désigné comme marqué par le travers de l'élément signifiant comme tel ; ici admettons le dans la contiguïté de la perception si nous voulons admettre en effet que c'est de la qualité liquide qu'il s'agit lorsque l'enfant y applique le couac du canard. Vous voyez bien que c'est en tous cas dans le registre de la chaîne signifiante que nous pouvons appréhender ce qui se fonde chez l'enfant de fondamental dans son appréhension du monde comme monde structuré par la parole.

    (p294->) Cela n'est pas lui non plus qui cherche le sens ni l'essence des oiseaux, du fluide ou des sous. C'est que littéralement il les trouve par l'exercice du non sens. Car en fin de compte si nous avons le temps nous nous poserons des questions sur ce qui est techniquement le non-sens . Dans la langue anglaise le nonsense c'est précisément un genre. La langue anglaise a deux exemples éminents de nonsense, très nommément Edmond ( Edward ) Lear ( LEAR E., Book of Nonsense (1846), Poèmes sans sens, (trad. H. Parisot), Paris, 1968, Aubier-Flammarion. ), auteur des nonsenses qu'il a défini comme tels, et Lewis Carroll dont je pense que vous connaissez au moins Les Aventures d'Alice au pays des merveilles .

    Je dois dire que si j'avais quelque chose à conseiller comme livre d'introduction à ce qui doit être un psychiatre ou un psychanalyste d'enfants, plutôt que n'importe lequel des livres de Monsieur Piaget, je lui conseillerais de commencer par lire Alice au pays des merveilles, car il saisirait effectivement cette chose dont j'ai les meilleures raisons de penser, étant donné ce qu'on sait de Lewis Carroll, que c'est quelque chose qui repose sur la profonde expérience du jeu des esprit de l'enfant, et qui effectivement nous montre la valeur, l'incidence, la dimension du jeu de non sense comme tel.

    Je ne peux ici qu'amorcer cette indication. Je l'ai amorcée en manière de parenthèse, et à propos du : c'est un chien, de notre sujet. Je veux dire, de la façon formulée, signifiante dont il convient d'interpréter ce qui ici s'ébauche de fantasme et dont à tout le moins vous repérerez ici je crois facilement le titre aux termes du fantasme ; je veux dire que dans ce fantasme : c'est un chien, ce n'est qu'un chien.

    Vous retrouverez ce que je vous ai donné être la formule du fantasme, à savoir que ce que le sujet paraît élider ce n'est pas lui pour (p295->) autant qu'il y a là un autre . Un autre imaginaire, a. Première indication de la convenance de ce schéma pour vous faire repérer la validité du fantasme comme tel.

    (d) J'arrive au quatrième élément associatif que nous donne à cette occasion Ella Sharp. Encore qu'un chien apporté à la mémoire sous cette forme d'un chien qui se masturbe ( " Dog again brought memory of masturbating a dog. " ) - emploi naturellement intransitif. . Il s'agit d'un chien qui se masturbe, comme le patient l'a raconté, à savoir que comme tout de suite après le schéma un dog, un chien . . Ceci me rappelle d'un chien qui se frottait contre ma jambe, réellement se masturbant lui-même, avec grand-honte de vous en parler parce que je ne l'ai pas arrêté, je l'ai laissé continuer, et quelqu'un pourrait être entré à ce moment-là.

    Est-ce que la connotation de la chose comme un élément à mettre à la suite de la chaîne par l'analyste, à savoir : souvenir d'un chien qui se masturbe, est quelque chose qui doive ici complètement nous satisfaire ? Je crois que non. Parce que cet élément nous permet d'avancer encore un peu plus loin, dans ce dont il s'agit dans ce message apportant le rêve. Et pour vous montrer la première boucle qui a été parcourue par les associations du patient, et vous montrer là où elle est, je dirai que rien n'est plus évident dans cette occasion que la ligne associative. C'est précisément celle que je vous

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(p296->) dessine ici en pointillé, pour autant qu'elle est dans l'énonciation du sujet ; ces éléments signifiants rompus vont passer comme dans la parole ordinaire et normale par ces deux points-repères du message et du code, et le message et le code étant ici d'une bien autre nature que le partenaire qui parle la même langue dont il s'agit chez le terme de l'Autre A.

    Et ce que nous voyons ici, dans cette ligne associative parcourue, est justement d'abord le fait que nous sommes arrivés là sous la forme : il s'agit du signifiant de l'Autre qui est en moi. C'est la question. Et ce que le sujet à ce propos commence à dévider ce n'est rien moins que de passer par ce point-ci 5.jpg auquel nous reviendrons dans la suite, puis ici à d, à ce niveau où est la question de son désir.

    Qu'est-ce qu'il fait en faisant cette petite toux, c'est-à-dire au moment d'entrer dans un endroit où il y a quelque chose dont il ne sait pas ce que c'est : fantaisie sexuelle à propos de l'analyste, laquelle . . . Ce qui se montre à presser ( après, c'est ) son propre fantasme, à savoir lui là, s'il était à la place de l'autre, il songerait d'abord à ne pas y être, ou plus exactement à être pris pour un autre que lui-même. Et maintenant, nous arrivons à quoi ? Mais très exactement à ce qui se passe. La scène ici tout d'un coup se découvre, est développée par le patient. Ce qui se passe, c'est quoi : ce chien en tant qu'il est lui-même il n'est pas là. Ce chien le voilà non plus fantasmatique, mais bel et bien en réalité c'est un autre cette fois-ci, non plus du tout signifiant, mais une image, un compagnon dans cette pièce et un compagnon d'autant plus évidemment proche de lui, assimilé à lui, que c'est contre sa propre jambe au patient que le chien vient se masturber.

    (p297->) Quel est le schéma de ce qui se passe à ce moment ? Il est essentiellement fondé en ceci que l'autre, ici l'animal en tant que réel et dont nous savons qu'il a un rapport au sujet parce que le sujet a pris soin auparavant de nous en informer, il pouvait être imaginairement cet animal à condition de s'emparer du signifiant aboyant. Cet autre présent se masturbe . Il lui montre quelque chose, très précisément à se masturber. Est-ce que la situation est là déterminée ? Non, comme nous le dit le patient lui-même, il y a la possibilité que quelqu'un d'autre entre, et alors quelle honte, la situation ne serait plus tenable. Le sujet littéralement disparaîtrait de honte devant cet autre témoin de ce qui se passe.

    En d'autres termes, ce qui s'articule ici : montrez-moi ce qu'il faut que je fasse, à condition que l'autre, en tant qu'il est le grand Autre, le tiers, ne soit pas là. Je regarde l'autre que je suis, ce chien, à condition que l'Autre n'entre pas sinon je disparais dans la honte. Mais par contre, cet autre que je suis, à savoir ce chien, - je le regarde comme Idéal du moi, comme faisant ce que je ne fais pas, comme idéal de puissance comme dira plus tard Ella Sharp, mais assurément pas dans le sens où elle l'entend, parce que justement cela n'a rien à faire avec les mots. Là, c'est pour autant justement que le chien, lui, n'est pas un animal parlant qu'il peut être ici le modèle et l'image, et que le sujet peut voir en lui ce qu'il désire voir, à savoir qu'on lui montre ce qu'il doit faire, ce qu'il peut faire, et ceci tant qu'il est hors de la vue de l'autre, de celui qui peut entrer et de celui qui parle.

    (p298->) Et en d'autres termes, c'est en tant que je ne suis pas entré encore chez mon analyste que je peux l'imaginer, Ella Sharp nommément, la pauvre chère femme, me montrant à se masturber, et je tousse pour l'avertir elle d'avoir à reprendre une position normale.

    C'est dans ce jeu entre les deux autres, celui qui ne parle pas qu'on imagine, et celui à qui on va parler, qui est prié de faire attention à ce que la confrontation ne se produise pas trop vite, que le sujet ne se mette pas à disparaître. C'est là où est le point niveau ( pivot ) où tout d'un coup va surgir à la mémoire comme le rêve. .
Eh bien le rêve nous le reprendrons la prochaine fois pour que nous nous apercevions que l'intérêt du rêve et du fantasme qu'il va nous montrer c'est très précisément d'être tout le contraire de ce fantasme forgé à l'état de veille dont nous avons aujourd'hui cerné les linéaments.

note : bien que relu, si vous d�couvrez des erreurs manifestes dans ce s�minaire, ou si vous souhaitez une pr�cision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un [mailto:gaogoa@free.fr �mail]. [#haut Haut de Page] 
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