Text/Jacques Lacan/Encore/Anexe 6: Sur l'amour courtois

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Lacan, dans ce séminaire du 20 février 73, introduit l’amour courtois à partir du grand Autre :

«Parce que justement j’ai affaire à l’Autre et que cet Autre, cet Autre qui, s’il n’y en a qu’un tout seul doit bien avoir quelque rapport avec ce qui alors apparaît de l’autre sexe, cet Autre je suis bien forcé d’en tenir compte et chacun sait qu’après tout je ne me suis pas refusé dans cette même année que j’évoquais la dernière fois, de l’Éthique de la psychanalyse, de me référer à l’amour courtois».

En 1960, et notamment dans la séance du 10 février, il présente l’amour courtois comme une création poétique et comme telle articulée à la sublimation.

Pour approcher le statut de l’objet de l’amour courtois, il se sert de l’anamorphose, une invention postérieure de trois siècles (Léonard de Vinci, Dürer, Holbein).

Lacan développe ainsi les caractéristiques de l’amour courtois : création poétique apparue au Moyen-Âge (XI-XIIIe), chantée en langue vulgaire par les troubadours, ayant pour objet, pour idéal, la Dame, toujours inaccessible et qui représente plus qu’elle ne possède les vertus que lui chante le troubadour. Mais c’est elle qui pose de façon tout à fait arbitraire les épreuves qu’elle exige de son servant : un comportement de loyauté, une conduite exemplaire et réglée qui doit apporter à celui-ci la récompense, la clémence, la grâce, la félicité… une certaine présence de l’autre mais jamais l’objet convoité.

Cette forme de sublimation, Lacan l’envisage dans des repères de structure : l ’objet de cet amour se présente sous la forme de la privation car il n’y a pas de possibilité de chanter la Dame si ce n’est avec le présupposé d’une barrière qui l’isole et qui l’entoure. C’est ici le point central de la sublimation où ce que demande l’homme, ce qu’il ne peut faire que demander, c’est d’être privé de quelque chose de réel.

La poésie courtoise produit selon le mode de la sublimation, « un objet affolant », « un partenaire inhumain». C’est alors que Lacan utilise l’anamorphose pour imager ce qu’il en est de l’amour courtois.

Selon Lacan, l’idéal de l’amour courtois a une certaine incidence dans l’organisation sentimentale de l’homme contemporain. L’origine, l’inspiration de cette idéalisation de l’objet féminin viendrait du texte d’Ovide Ars Amandi, texte libertin dont l’influence traverse toute la littérature de l’amour courtois et de l’art d’aimer. (Chrétien de Troyes, les Clercs, les Livres de Chevalerie, Dante avec Béatrice, et jusqu’à Breton avec l’exaltation de L’amour fou). Ovide écrit : ars de regendum amor, l’amour doit être régi par l’art.

On peut souligner que Lacan, de 1960 à 1973, est passé, en ce qui concerne sa référence à l’amour courtois, du registre de la sublimation et de la fonction narcissique à celui de la jouissance.