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'J.LACAN'                         gaogoa

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IX-L'IDENTIFICATION

            Version rue CB                                    [#note note]

S�minaire du 2 mai 1962

    (->p394) (XVIII/1) Ce n'est pas forc�ment dans l'id�e de vous m�nager, ni vous ni personne, que j'ai pens� aujourd'hui pour cette s�ance de reprise, � un moment qui est une course de deux mois que nous avons devant nous pour finir de traiter ce sujet difficile, que j'ai pens� � faire pour cette reprise une sorte de relais. Je veux dire qu'il y a longtemps que j'avais envie, non seulement de donner la parole � quelqu'un d'entre vous, mais m�me pr�cis�ment de la donner � Mme Aulagnier. I1 y a tr�s longtemps que j'y pense puisque c'est au lendemain dune communication qu'elle a faite � une de nos s�ances scientifiques

    Cette communication, je ne sais pourquoi certains d'entre vous qui ne sont pas 1� malheureusement en raison d'une esp�ce de myopie caract�ristique de certaines positions que j'appelle par ailleurs mandarinales puisque ce terme a fait fortune, ont cru voir je ne sais quel retour � la Lettre de Freud alors qu'� mon oreille il m'avait sembl� que Mme Aulagnier avec une particuli�re pertinence et acuit�, maniait la distinction longuement m�rie d�j� � ce moment l� de la demande du d�sir.

    Il y a tout de m�me quelque chance qu'on reconnaisse mieux soi m�me sa propre post�rit� que ne le font les autres. Aussi bien il y avait une personne qui �tait d'accord avec moi l�-dessus : c'�tait Mme Aulagnier elle-m�me. Je regrette donc d'avoir mis si longtemps � lui donner la parole, peut-�tre le sentiment excessif d'ailleurs de quelque chose qui toujours nous presse et nous talonne pour avancer. Justement aujourd'hui nous allons un instant faire cette sorte de boucle qui consiste � passer par ce qui dans l'esprit de quelqu'un d'entre vous peut r�pondre fructifier concernant le chemin que nous avons parcouru ensemble. Il est grand d�j� depuis ce moment que j'�voque, et c'est tr�s sp�cialement � ce recoupement, ce carrefour constitu� dans l'esprit de Mme Aulagnier que (->p395) (XVIII/2) j'ai dit r�cemment sur l'angoisse, qu'il se trouve qu'e11e m'a offert depuis quelques s�ances d'intervenir ici.

    C'est donc en raison d'une opportunit� qui vaut ce qu'aurait value une autre, le sentiment d'avoir quelque chose � vous communiquer et tout �  fait � point sur l'angoisse, et ceci dans le rapport le plus �troit de ce qu'elle a entendu comme vous de ce que je professe cette ann�e de l'identification, qu'elle va vous apporter quelque chose qu'elle a pr�par� assez soigneusement pour en avoir combl� le texte.

    Ce texte elle a eu la bont� de m'en faire part, je veux dire que je l'ai regard� avec elle hier et que je n'ai cru, je dois dire, que devoir l'encourager � vous le pr�senter. Je suis s�r qu'il repr�sente un excellent m�dium et j'entends par l� quelque chose qui n'est pas une moyenne de ce que, je crois, les oreilles les plus sensibles, les meilleures d'entre vous peuvent entendre, et de la fa�on dont les choses  peuvent �tre reprises ; en raison de cette �coute je dirai donc apr�s qu'elle ait con�u ce texte quel usage j'entends lui donner dans la suite.

(->p396) (XVIII/3)      TEXTE DE MADAME AULAGNIER 

                      ANGOISSE ET IDENTIFICATION

       Lors des derni�res journ�es provinciales, un certain nombre d'interventions ont port� sur la question de savoir si on pouvait d�finir diff�rents types d'angoisse. C'est ainsi qu'on s'est demand� si l'on devait donner par exemple un statut particulier � l'angoisse psychotique. Je dirai tout de suite que je suis d'un avis un peu diff�rent : l'angoisse, qu'elle apparaisse chez 1e sujet dit normal, chez le n�vros�, ou chez le psychotique, me parait r�pondre � une situation sp�cifique et identique du moi et c'est l� ce qui me para�t �tre un de ses traits caract�ristiques.

    Quant � ce qu'en pourrait appeler la position du sujet vis � vis de l'angoisse, dans la psychose par exemple, on a pu voir que si on n'essaye pas de mieux d�finir les rapports existants entre affect et verbalisation on peut arriver � une somme de paradoxe qui s'exprimerait ainsi d'une part le psychotique serait quelqu'un particuli�rement sujet � l'angoisse, c'est m�me dans la r�ponse en miroir qu'il susciterait chez l'analyste que serait � chercher une des difficult�s majeures de la cure, d'autre part on nous dit qu'il serait incapable de reconna�tre son angoisse , qu'il la tiendrait � distance, s'en ali�nerait.

    On �nonce par l� une position insoutenable si on essaye pas d'aller un peu plus loin  : en effet, que pourrait bien signifier reconna�tre l'angoisse ? Elle n'attend pas et n'a pas besoin d'�tre nomm�e pour submerger le moi et je ne comprends pas ce qu'on pourrait vouloir dire en disant que le sujet est angoiss� sans le savoir. On peut se demander si le propre de l'angoisse n'est pas justement de ne pas se nommer : le diagnostic, l'appellation, ne peut venir que du c�t� de l'autre, de celui face � qui elle appara�t. Lui, le sujet, il est l'affect angoisse, il la vit totalement et c'est bien cette impr�gnation, cette capture de son moi qui s'y dissout qui lui emp�che la m�diation de la parole. 

On peut,          (mots illisibles) faire un premier parall�le entre deux �tats qui pour diff�rents qu'ils soient, me paraissent pr�senter deux positions extr�mes        (mots illisibles) aussi oppos�es que compl�mentaires, je veux (->p397) XVIII/4) parler de l'orgasme. Il y a dans ce deuxi�me cas la m�me incompatibilit� profonde entre la possibilit� de le vivre et celle de prendre la distance n�cessaire pour le reconna�tre et le d�finir dans l'hic en nunc de la situation de d�clenchant. Dire qu'on est angoiss� indique en soi d'avoir d�j� pu prendre une certaine distance par rapport au v�cu affectif, cela montre que le moi a d�j� acquis une certaine ma�trise et objectivit� vis � vis d'un affect dont � partir de ce moment on peut douter qu'il m�rite encore le nom d'angoisse. Je n'ai pas besoin ici de rappeler le r�le m�taphorique, m�diateur de la parole ni l'�cart existant entre un v�cu affectif et sa traduction verbale.

    A partir du moment o� l'homme met en mots ses affects, il en fait justement autre chose, il en fait par la parole un moyen de communication, il les fait entrer dans le domaine de la relation et l'intentionnalit� ; i1 transforme en communicable ce qui a �t� v�cu au niveau du corps et qui comme tel en derni�re analyse reste quelque chose de l'ordre du non-verbal. Nous savons tous que dire qu'on aime quelqu'un n'a que de tr�s lointains rapports avec ce qui est en fonction de ce m�me amour ressenti au niveau corporel : dire � quelqu'un qu'on le d�sire, nous rappelait M. Lacan, c'est l'inclure dans notre fantasme fondamental, c'est aussi sans doute en faire le t�moignage, le t�moin de notre propre signifiant. Quoi que nous puissions dire � ce sujet, tout est fait pour nous montrer l'�cart existant entre 1'affect en tant qu'�motion corporelle, int�rioris�e, en tant que quelque chose qui tire sa source la plus profonde de ce qui par d�finition ne peut s'exprimer en mots, je veux parler du phantasme, et la parole qui nous appara�t ainsi dans toute sa fonction de m�taphore.

     Si la parole est la clef magique et indispensable qui seule peut nous permettre d'entrer dans le monde de la symbolisation, eh bien, je pense que justement l'angoisse r�pond � ce moment entre  o� cette clef n'ouvre plus aucune porte, o� le moi a � affronter ce qui est derri�re ou avant toute symbolisation, o� ce qui appara�t est ce qui n'a pas de nom "cette figure myst�rieuse", ce lieu d'o� surgit un d�sir que l'on ne peut plus appr�hender", o� se produit pour le sujet un t�lescopage entre fantasme et r�alit� : le symbolique s'�vanouit pour laisser la place au fantasme en tant que tel, 1e moi s'y dissout et c'est cette dissolution que nous appelons l'angoisse.  

Il est certain que le psychotique n'attend pas l'analyse pour conna�tre l'angoisse, il est certain aussi que pour tout sujet la re-(->p398) (XVIII/5)lation analytique est dans ce domaine un terrain privil�gi�. Cela n'est pas pour nous �tonner si l'on admet que l'angoisse a les rapports les plus �troits avec l'identification. Or, si dans l'identification il s'agit de quelque chose qui se passe au niveau du d�sir, d�sir du sujet par rapport au d�sir de l'Autre, il devient �vident que la source majeure de l'angoisse en analyse va se trouver dans ce qui en est l'essence m�me : le fait que l'Autre est dans ce cas quelqu'un dont le d�sir le plus fondamental est de ne pas d�sirer, quelqu'un qui par cela m�me s'il permet toutes les projections possibles, les d�voile aussi dans leur subjectivit� fantasmatique et oblige le sujet � se poser p�riodiquement la question de ce qui est le d�sir de l'analyste, d�sir toujours pr�sum�, jamais d�fini, et par l� m�me pouvant � tout instant devenir ce lieu de l'autre d'o� surgit pour l'analys� l'angoisse.

Mais avant d'essayer de d�finir les param�tres de la situation anxiog�ne, param�tres qui ne peuvent se dessiner qu'� partir des probl�mes propres � l'identification, on peut se poser une premi�re question d'ordre plus descriptif qui est ce11e-ci : qu'entendons-nous quand nous parlons d'angoisse orale, de castration, de mort

    Essayer de diff�rencier ces diff�rents termes au niveau d'une sorte d'�talonnage quantitatif est impossible : il n'y a pas d'angoissom�tre, on n'est pas peu on tr�s angoiss� : on l'est ou on ne l'est pas. La seule voie permettant une r�ponse � ce niveau est celle de nous placer � la place qui nous revient celle de celui qui seul peut d�finir l'angoisse du sujet � partir de ce que cette angoisse lui signale. S'il est vrai, comme l'a fait remarquer M. Lacan, qu'il est fort difficile de parler de l'angoisse en tant que signal au niveau du sujet, il me parait certain que son apparition d�signe, signale l'Autre en tant que source en tant que lieu d'o� elle a surgi, et il n'est peut �tre pas inutile de rappeler � ce propos qu'il n'existe pas d'affect que nous supportions plus mal chez l'autre que l'angoisse, qu'il n'y a pas d'affect auquel nous risquions plus de r�pondre de fa�on parall�le. Le sadisme, l'agressivit� peut par exemple susciter chez le partenaire une r�action inverse, masochique ou passive, l'angoisse ne peut provoquer que la fuite ou l'angoisse. Il y a ici une r�ciprocit� de r�ponse qui n'est pas sans poser de question.

M Lacan s'est insurg� contre cette tentative faite par plusieurs qui seraient � la recherche d'un "contenu de l'angoisse" ; cela me rappelle ce qu'il avait dit � propos de tout autre chose que pour sortir un lapin d'un chapeau il fallait l'y avoir mis : et bien je me demande si l'angoisse n'appara�t pas justement non seulement quand le lapin est (->p399) (XVIII/6) sorti mais quand il s'en est all� brouter l'herbe, quand le chapeau ne repr�sente que quelque chose qui rappelle le tore, mais qui entoure un lieu noir dont tout contenu nommable s'est �vapor�, face auquel le moi n'a plus aucun point de rep�re, car la premi�re chose que 1'on puisse dire de l'angoisse c'est que son apparition est signe de l'�croulement momentan� de tout rep�re identificatoire possible. C'est seulement en partant de l� qu'on peut r�pondre peut-�tre � la question que je posais quant aux diff�rentes d�nominations que nous pouvons donner � l'angoisse, et non pas au niveau de la d�finition d'un contenu, le propre du sujet angoiss� �tant, pourrait-on dire d'avoir perdu son contenu.

    Il ne me semble pas en d'autres termes que l'on puisse traiter de l'angoisse en tant que telle, pour prendre un exemple, je dirai qu'en fait cela me para�trait aussi faux que vouloir d�finir un sympt�me obsessionnel en restant au niveau du mouvement automatique qui peut le repr�senter. L'angoisse ne peut nous apprendre quelque chose sur elle-m�me que si nous la consid�rons comme la cons�quence, le r�sultat d'une impasse o� se trouve le moi, signe pour nous d'un obstacle surgi entre ces deux lignes parall�les et fondamentales dont les rapports forment la clef de vo�te de toute la structure humaine, soit l'identification et la castration. C'est les rapports entre ces deux pivots structurants chez les diff�rents sujets que je vais essayer d'esquisser pour tenter une d�finition de ce qu'est l'angoisse, ce dont, selon les cas, elle nous donne le t�moignage.

    M. Lacan, dans le s�minaire du 4 avril auquel je me r�f�re, tout au long de cet expos�. nous a dit que la castration pouvait se concevoir comme un passage transitionnel entre ce qui est dans le sujet en tant que support naturel du d�sir, et cette habilitation par la loi gr�ce � quoi il va devenir le gage par o� il va se d�signer � la place o� il a � se manifester comme d�sir".

    Ce passage transitionnel est ce qui doit permettre d'atteindre l'�quivalence p�nis-phallus. c'est-�-dire ce qui �tait en tant que support naturel le lieu o� se manifeste le d�sir en tant qu'affect, en tant qu'�moi corporel, doit devenir, c�der la place � un signifiant, car ce n'est qu'� partir du sujet et jamais � partir d'un objet partiel, p�nis ou autre, que peut prendre un sens quelconque le mot d�sir. Le sujet demande et le phallus d�sire, disait M. Lacan, 1e phallus mais jamais le p�nis. Le p�nis, lui n'est qu'un instrument au service du signifiant phallus et s'il peut �tre un instrument fort indocile c'est justement parce que, en tant que phallus, c'est le sujet qu'il d�signe, et pour que �a marche il faut que l'Autre (->p400) (XVIII/7) justement le reconnaisse, le choisisse non pas en fonction de ce "support naturel" mais pour autant qu'il est en tant que sujet le signifiant que l'autre reconna�t de sa propre place de signifiant.

    Ce qui diff�rencie sur le plan de la jouissance l'acte masturbatoire du co�t, diff�rence �vidente mais impossible � expliquer physiologiquement, c'est bien que le co�t, pour autant que les deux partenaires aient pu dans leur histoire assumer leur castration, fait qu'au moment de l'orgasme le sujet va retrouver, non pas comme certains l'ont dit une sorte de fusion primitive - car apr�s tout on ne voit pas pourquoi la jouissance la plus profonde que l'homme puisse �prouver devrait forc�ment �tre li�e � une r�gression tout aussi totale - mais au contraire ce moment privil�gi� o� pour un instant il atteint cette identification toujours cherch�e et toujours fuyante o� il est, lui sujet, reconnu par l'autre comme l'objet de son d�sir le plus profond mais o� en m�me temps, gr�ce � la jouissance de l'autre, il peut se reconna�tre comme celui qui le constitue en tant que signifiant phallique : dans cet instant unique demande et d�sir peuvent pendant un instant fugitif co�ncider, et c'est cela qui donne au moi cet �panouissement identificatoire dont tire sa source la jouissance.

    Ce qu'il ne faut pas oublier c'est que si dans cet instant demande et d�sir co�ncident, la jouissance porte toutefois en elle la source de l'insatisfaction la plus profonde ; car si le d�sir est avant tout d�sir de continuit�, la jouissance est par d�finition quelque chose d'instantan� : c'est cela qui fait que tout de suite se r�tablit l'�cart entre d�sir et demande, et l'insatisfaction qui est aussi gage de la p�rennit� de la demande.

    Mais s'il y a des simulacres de l'angoisse, il y a encore bien plus de simulacres de jouissances, car pour que cette situation identificatoire, source de la vraie jouissance, soit possible, encore faut-il que les deux partenaires aient �vit� l'obstacle majeur qui les guette et qui est que pour l'un des deux ou pour les deux l'enjeu soit rest� fix� sur l'objet partiel, enfin, d'une relation duelle o� eux, en tant que sujets, n'ont pas de place ; car ce que nous montre tout ce qui est li� � la castration, c'est bien que loin d'exprimer la crainte qu'on le lui coupe m�me si c'est ainsi que le sujet peut le verbaliser ce dont il s'agit c'est de la crainte qu'on le lui laisse et qu'on lui coupe tout le reste, c'est-�-dire qu'on en veuille � son p�nis ou � l'objet partiel, support et source du plaisir, et qu'on le nie, qu'on le m�connaisse en tant que sujet. C'est pour cela que l'angoisse a non seulement (->p401) (XVIII/8) des rapports fort �troits avec la jouissance, mais qu'une des situations les plus facilement anxiog�nes c'est bien celle o� le sujet et l'Autre ont � s'affronter � son niveau.

    Nous allons alors essayer de voir quels sont les obstacles que le sujet peut rencontrer sur ce plan, ils ne repr�sentent pas autre chose que les sources m�me de toute angoisse. Pour cela nous aurons � nous reporter � ce que nous appelons les relations d'objet pr�g�nitales, � cette �poque entre toutes d�terminante pour le destin du sujet o� la m�diation entre le sujet et l'autre, entre demande et d�sir s'est faite autour de cet objet dont la place et la d�finition restaient fort ambigu�s et qui est dit l'objet partiel.

    La relation entre le sujet et cet objet partiel n'est pas autre chose que la relation du sujet � son propre corps, et c'est � partir de cette relation qui reste pour tout humain fondamentale, que prend son point de d�part et se moule toute la gamme de ce qui est inclus dans le terme de relation d'objet.

    Que l'on s'arr�te � la phase orale, anale ou phallique, on y rencontre les m�mes coordonn�es. Si je choisis la phase orale, c'est simplement parce que, pour le psychotique dont nous parlerons tout � l'heure, elle me parait �tre le moment f�cond de ce que j'ai appel� ailleurs 1'ouverture de la psychose.

    Par quoi pouvons-nous la d�finir ? Par une demande qui d�s le d�but nous dit-on est demande d'autre chose. Par une r�ponse aussi qui est non seulement, et d'une fa�on �vidente, r�ponse � autre chose, mais est et c'est un point qui me parait fort important , � ce qui constitue ce qui est un cri, un appel peut-�tre, comme demande ou comme d�sir. Quand la m�re r�pond aux cris de l'enfant, elle les reconna�t en les constituant comme demande. mais ce qui est plus grave c'est qu'elle les interpr�te sur le plan du d�sir : d�sir de l'enfant de l'avoir aupr�s d'elle, d�sir de lui prendre quelque chose, d�sir de l'agresser, peu importe. Ce qui est certain c'est que par sa r�ponse l'Autre va donner la dimension d�sir au cri du besoin et que ce d�sir dont l'enfant est investi est toujours au d�but le r�sultat d'une interpr�tation subjective, fonction du seul d�sir maternel, de son propre fantasme. C'est par le biais de l'inconscient de l'Autre que le sujet fait son entr�e dans le monde du d�sir, son propre d�sir � lui il aura avant tout � le constituer en tant que r�ponse, en tant qu'acceptation ou refus de prendre la place que l'inconscient de l'autre lui d�signe.

    (->p402) (XVIII/9)  I1 me semble que le premier temps du m�canisme-clef de la relation orale qui est l'identification projective, part de la m�re : il y a une premi�re projection sur le plan du d�sir qui vient d'elle, l'enfant aura � s'identifier ou � combattre, � nier une identification qu'il pourra ressentir comme d�terminante.

    Et � ce premier stade de l'�volution humaine c'est aussi la r�ponse qu'il pourra faire au sujet la d�couverte de ce que cache sa demande. D�s ce moment, la jouissance qui n'attend pas l'organisation phallique pour entrer en jeu prendra ce c�t� r�v�lation qu'elle gardera toujours car si la frustration est ce qui signifie au sujet l'�cart existant entre besoin et d�sir, la jouissance par la marche inverse lui d�voile, en r�pondant � ce qui n'�tait pas formul�, ce qui est au-del� de la demande, c'est-�-dire le d�sir. Or, que voyons-nous dans ce qu'est la relation orale ? Avant tout, que demande et r�ponse se signifient pour les deux partenaires autour de la relation partielle bouche-sein. Ce niveau, nous pourrons l'appeler celui du signifi� : la r�ponse va provoquer au niveau de la cavit� orale une activit� d'absorption, source de plaisir ; un objet externe, le lait va devenir substance, propre, corporelle : l'absorption, c'est de l� qu'on tire son importance et sa signification.

    A partir de cette premi�re r�ponse, c'est la recherche de cette activit� d'absorption, source de plaisir, qui va devenir le but de la demande. Quant au d�sir, c'est ailleurs qu'il va falloir le chercher, bien que ce soit � partir de cette m�me r�ponse, de cette m�me exp�rience d'assouvissement du besoin qu'il va se constituer.

    En effet, si la relation bouche-sein et l'activit� absorption-nourriture sont le num�rateur de l'�quation repr�sentant la relation orale, il y aussi un d�nominateur, celui qui met en cause la relation enfant-m�re, et c'est l� que peut se situer le d�sir. Si, comme je le pense, l'activit� d'allaitement en fonction de l'investissement dont est de part et d'autre l'objet, � cause du contact et des exp�riences corporelles au niveau du corps pris au sens large qu'elle permet � l'enfant repr�sent� par sa scansion r�p�titive m�me la phase fondamentale essentielle du stade oral, il faut bien se rappeler que jamais autant qu'ici ne semble �clatant de v�rit� le proverbe qui dit "la fa�on de donner vaut mieux que ce qu'on donne". Gr�ce ou � cause de cette fa�on de donner, en fonction de ce que cela lui r�v�lera du d�sir maternel, l'enfant va appr�hender la diff�rence entre don de nourriture et don d'amour.

Parall�lement � l'absorption nourriture, nous verrons alors se (->p403) (XVIII/13) d�munir au d�nominateur de notre �quation l'absorption, ou mieux l'introjection d'un signifiant relationnel, c'est-�-dire que parall�lement � l'absorption nourriture il y aura introjection, une relation fantasmatique ou lui et l'autre seront repr�sent�s par leurs d�sirs inconscients. Or, si le num�rateur peut facilement �tre investi du signe +,  le d�nominateur peut au m�me moment �tre investi du signe - ; c'est cette diff�rence de signe entre demande et d�sir, � partir de ce lieu d'o� surgit la frustration, que trouve sa gen�se, que se d�gage tout signifiant.

    A partir de cette �quation qui mutatis mutandis ne pourrait reconstituer pour les diff�rentes phases de l'�volution du sujet. Quatre �ventualit�s sont possibles : elles aboutissent � ce qu'on appelle la normalit�, la n�vrose, la perversion, la psychose.

    J'essayerai de les sch�matiser en les simplifiant bien s�r d'une fa�on un peu caricaturale et voir les rapports existants dans chaque cas entre identification et angoisse.

    La premi�re de ces voies est sans doute la plus utopique, c'est celle o� nous aurons � imaginer  que l'enfant puisse trouver dans le don  de nourriture le don d'amour d�sir�. Le sein et la r�ponse maternelle  pourront alors devenir symboles d'autre chose, l'enfant entrera dans le monde symbolique, il pourra accepter le d�fil� de la cha�ne signifiante. La relation orale en tant qu'activit� d'absorption pourra �tre abandonn�e et le sujet �voluera vers ce qu'on appelle une solution normative.

    Mais pour que l'entant puisse assumer cette castration, qu'il puisse renoncer au plaisir que lui offre le sein en fonction de ce petit billet, de cette traite al�atoire sur le futur, il est n�cessaire que la m�re ait elle-m�me pu assumer sa propre castration, il faut que d�s ce moment, que d�s cette relation dite duelle, le troisi�me terme, le p�re, soit pr�sent en tant que r�f�rence maternelle. Seulement dans ce cas, ce qu'elle cherchera chez l'enfant ne sera pas une satisfaction au niveau d'une �rog�n�it� corporelle, qui en fait un �quivalent phallique, mais une relation qui, en la constituant comme m�re, la reconna�t tout autant comme femme du p�re.

    Le don de nourriture sera alors pour elle le pur symbole d'un don d'amour et parce que ce don d'amour ne sera pas justement le don phallique que le sujet d�sire, l'enfant pourra maintenir son rapport  � la demande ;   le phallus, il aura � le chercher ailleurs, il entrera dans le complexe de castration qui seul peut lui permettre de s'identifier � (->p404) (XVIII/14) autre chose qu'� un S .

    La deuxi�me �ventualit�, c'est que pour la m�re elle m�me la castration soit rest�e quelque chose de mal assum� : alors tout objet capable d'�tre pour l'autre la source d'un plaisir et le but d'une demande risque de devenir pour elle l'�quivalent phallique qu'elle d�sire. Mais pour autant que le sein n'a pas d'existence privil�gi�e sinon en fonction de celui � qui il est indispensable, soit l'enfant, nous voyons se faire cette �quivalence enfant phallus, qui est au centre de la g�n�se de la plupart des structures n�vrotiques.

    Le sujet alors au cours de son �volution aura toujours � affronter le dilemme de l'�tre ou de l'avoir quelque soit l'objet corporel, sein, p�nis, phallus, qui devient le support phallique. Ou bien il aura � s'identifier � celui qui l'a, mais faute d'avoir pu d�passer le stade du support naturel, faute d'avoir pu acc�der au symbolique, l'avoir signifiera toujours pour lui avoir ch�tr� l'Autre, ou bien il renoncera � l'avoir, il s'identifiera alors au phallus en tant qu'objet du d�sir de l'autre, mais devra alors renoncer � �tre lui, le sujet du d�sir.

    Ce conflit identificatoire entre �tre l'agent de la castration o� le sujet qui la subit est ce qui d�finit cette alternance continuelle, cette question toujours pr�sente au niveau de l'identification qui cliniquement s'appelle une n�vrose.

    La troisi�me �ventualit� est celle que nous rencontrons dans la perversion. Si cette derni�re a �t� d�finie le n�gatif de la n�vrose, cette opposition structurale nous la retrouvons au niveau de l'identification. Le pervers est celui qui a �limin� le conflit identificatoire ; sur le plan que nous avons choisi, l'oral, nous dirons que dans la perversion le sujet se constitue comme si l'activit� d'absorption n'avait d'autre but que de faire de lui l'objet permettant � l'Autre une jouissance phallique. Le pervers n'a pas et n'est pas le phallus il est cet objet ambigu qui sert un d�sir qui n'est pas le sien, il ne peut tirer sa jouissance que dans cette situation �trange o� la seule identification qui lui soit possible est celle qui le fait s'identifier non pas � l'autre ni au phallus mais � cet objet dont l'activit� procure la jouissance � un phallus dont il ignore l'appartenance. On pourrait dire que le d�sir du pervers est de r�pondre � la demande phallique. Pour prendre un exemple banal, je dirai que la jouissance du sadique a besoin pour appara�tre d'un Autre pour qui, en se faisant fouet, surgisse le plaisir.

    Si j'ai parl� de demande phallique. ce qui est un jeu de mots, c'est que pour 1e pervers, l'autre n'a pas d'existence sinon en tant que support presque anonyme d'un phallus pour lequel le pervers accomplit ses rites sacrificiels.

    La r�ponse perverse porte toujours en elle une n�gation de l'autre en tant que sujet, l'identification perverse se fait toujours en fonction de l'objet source de jouissance pour un phallus aussi puissant que fantasmatique.

    I1 y a encore un mot que je voudrais dire sur la perversion en g�n�ral. Je ne pense pas qu'il soit possible de la d�finir si on reste sur le plan que nous pourrions, entre guillemets, appeler "sexuel", bien que ce soit � �a que semble nous mener les vues classiques en cette mati�re. La perversion est - et en cela il , ce semble rester tr�s proche des vues freudiennes - une perversion au niveau de la jouissance, peu importe la partie corporelle mise en jeu pour l'obtenir. Si je partage la m�fiance de M. Lacan sur ce qu'on appelle la g�nitalit� c'est qu'il est fort dangereux de faire l'analyse anatomique. Le co�t le plus anatomiquement normal peut �tre aussi n�vrotique, ou aussi pervers que ce qu'on appelle une pulsion pr�g�nitale : ce qui signe la normalit�, la n�vrose, ou la perversion, ce n'est qu'au niveau du rapport entre le moi et son identification permettant ou non la jouissance que vous pouvez le voir.

    Si on voulait r�server le diagnostic de perversion aux seines perversions sexuelles, non seulement on n'aboutirait � rien, car un diagnostic purement symptomatique n'a jamais rien voulu dire. mais encore nous serions oblig�s de reconna�tre qu'il y a bien peu de n�vros�s alors qui y �chappent. Et ce n'est pas non plus au niveau d'une culpabilit� dont le pervers serait exempt que vous trouverez la solution : i1 n'y a pas, tout au moins � ma connaissance, d'�tre humain assez heureux pour ignorer ce qu'est la culpabilit�. La seule fa�on d'approcher la perversion, c'est celle d'essayer de la d�finir l� o� elle est, soit au niveau d'un comportement relationnel. Le sadisme est loin d'�tre toujours m�connu ou toujours tenu en br�che chez l'obsessionnel ; ce qu'il signifie chez lui, c'est bien la persistance de ce qu'on appelle une relation anale, soit une relation o� il s'agit de poss�der ou d'�tre poss�d�, une relation o� l' amour que 1'on �prouve ou dont on est l'objet ne peut �tre signifi� au sujet qu'en fonction de cette possession qui peut justement aller jusqu'� la destruction de l'objet. L'obsessionnel, pourrait-on dire est vraiment celui qui ch�tie bien parce qu'il aime bien : il est celui pour qui la fess�e du p�re est rest�e la marque privil�gi�e de son (->p406) (XVIII/13) amour et qui recherche toujours quelqu'un � qui la donner ou de qui la recevoir. Mais, l'ayant re�ue ou donn�e, s'�tant assur� qu'on l'aime, la jouissance, c'est dans un autre type de rapport au m�me objet qu'il la cherchera et que ce rapport se fasse oralement, analement ou vaginalement, il ne sera pas pervers dans le sens o� je l'entends et qui me parait �tre le seul qui puisse �viter de mettre l'�tiquette perverse sur un grand nombre de n�vros�s ou sur un grand nombre de nos semblables.

    Le sadisme devient une perversion quand la fess�e n'est plus recherch�e ou donn�e comme signe d'amour, mais quand e11e est en tant que telle assimil�e par le sujet � la seule possibilit� existant de faire jouir un phallus ; et la vue de cette jouissance devient la seule voie offerte au pervers pour sa propre jouissance.

    On a beaucoup parl� de l'agressivit� dont 1'exhibitionnisme tirerait sa source : on le montre pour agresser l'autre, sans doute, mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'exhibitionniste est convaincu que cette agression est une source de jouissance pour l'Autre.

    L'obsessionnel, lorsqu'il vit une tendance exhibitionniste, essaye pourrait-on dire, de leurrer l'autre : il montre ce qu'il pense que l'autre n'a pas et convoite, il montre ce qui a pour lui en effet les rapports les plus �troits avec l'agressivit�. Pensez � ce qui se passe chez l'Homme aux Rats : la jouissance du p�re mort est le dernier de ses soucis, montrer au p�re mort ce que lui-ci, l'Homme aux Rats, pense que le p�re mort aurait d�sir� lui arracher fantasmatiquement, voil� bien quelque chose qui s'appelle agressivit� et de cette agressivit� l'obsessionnel tire sa jouissance:

    Le pervers, lui, ce n'est jamais qu'� travers une jouissance �trang�re qu'il cherche 1a sienne. La perversion, c'est justement �a : ce cheminement en zig-zag, ce d�tour qui fait que son moi est toujours, quoi qu'il fasse, au service d'une puissance phallique anonyme ; peu lui importe qui est l'objet, il lui suffira qu'il soit capable de jouir, qu'il puisse en faire le support de ce phallus � qui il s'identifiera et seulement � l'objet pr�sum� capable de lui procurer la jouissance. C'est pour cela que, contrairement � ce qu'on voit dans la n�vrose, l'identification pervers, comme son type de relation d'objet est quelque chose dont ce qui frappe c'est la stabilit�, l'unit�.

Et nous arrivons maintenant � la quatri�me �ventualit�, la plus difficile � saisir : c'est la psychose.

    (->p407) (XVIII/14) Le psychotique est un sujet dont la demande n'a jamais �t� symbolis�e par l''Autre, pour qui 1e r�el et symbolique, fantasme et r�alit�, n'ont jamais pu �tre d�limit�s faute d'avoir pu acc�der � cette troisi�me dimension qui seule permet cette diff�renciation indispensable entre ces ceux niveaux, soit l'imaginaire. Mais ici, m�me en essayant de simplifier au maximum les choses, nous sommes oblig�s de nous situer au d�but m�me de l'histoire du sujet, avant la relation orale, c'est-�-dire au moment de 1a conception.

    La premi�re amputation que subit le psychotique se passe avant sa naissance : il est pour sa m�re l'objet de son propre m�tabolisme ; la participation paternelle est par elle ni�e, inacceptable : il est, d�s ce moment et pendant toute la grossesse, l'objet partiel venant combler un manque fantasmatique au niveau de son corps. Et d�s sa naissance, le r�le qui lui sera par elle assign� sera celui d'�tre le t�moin de la n�gation de sa castration. L'enfant, contrairement � ce qu'on a souvent dit, n'est pas le phallus de la m�re, il est le t�moin que le sein est le phallus, ce qui n'est pas la m�me chose. Et pour que le sein soit le phallus, et un phallus tout puissant, il faut que la r�ponse qu'il apporte soit parfaite et totale. La demande de l'enfant ne pourra �tre reconnue pour rien d'autre qui ne soit demande de nourriture, la dimension d�sir au niveau du sujet doit �tre ni�e ; et ce qui caract�rise la m�re du psychotique, c'est 1'interdiction totale faite � l'enfant d'�tre le sujet d'aucun d�sir.

    On voit alors d�s ce moment comment va se constituer pour le psychotique sa relation particuli�re � la parole, comment d�s le d�but il lui sera impossible de maintenir sa relation � la demande ; en effet, si la r�ponse ne s'adresse jamais � lui qu'en tant que bouche � nourrir, qu'en tant qu'objet partiel, on comprend que pour lui toute demande au moment m�me de sa formulation porte en elle la mort du d�sir. Faute d'avoir �t� symbolis�e par l'Autre, il sera, lui, amen� � faire co�ncider dans la r�ponse symbolique et r�el. Puisque quoi qu'il demande c'est de la nourriture qu'on lui donne, ce sera la nourriture en tant que telle qui deviendra pour lui le signifiant clef. Le symbolique, d�s ce moment, fera irruption dans le r�el ; au lieu que le don de nourriture trouve son �quivalent symbolis� dans le don d'amour, pour lui tout don d'amour ne pourra se signifier que par une absorption orale. Aimer l'autre ou en �tre aime se traduira, pour lui en termes d'oralit� : l'absorber ou en �tre absorb�. Il y aura pour lui toujours une contradiction fondamentale entre demande et d�sir . car, ou bien il maintient sa demande et sa demande le (->p408) (XVIII/15) d�truit en tant que sujet d'un d�sir, il doit s'ali�ner en tant que sujet pour se faire bouche, objet � nourrir, ou bien il cherchera � se constituer en tant que sujet tant bien que mal et il sera alors oblig� d'ali�ner la partie corporelle de lui-m�me source de plaisir et lieu d'une r�ponse incompatible pour lui avec toute tentation d'autonomie.

     Le psychotique est toujours oblig� d'ali�ner son corps en tant que support de moi, ou d'ali�ner une partie corporelle en tant que support d'une possibilit� de jouissance. Si je n'emploie pas ici le terme d'identification, c'est que justement je crois que dans la psychose il n'est pas applicable : l'identification dans mon optique implique la possibilit� d'une relation d'objet o� le d�sir du sujet et le d�sir de l'Autre sont en situation conflictuelle mais existent en tant que deux p�les constitutifs de la relation.

     Dans la psychose, l'autre et son d�sir, c'est au niveau de la relation fantasmatique du sujet � son propre corps qu'il faudrait le d�finir. Je ne le ferai pas ici, cela nous �loignerait de notre sujet qui est l'angoisse. Contrairement � ce qu'on pourrait croire c'est bien d'elle que j'ai parl� tout au long de cet expos�. Comme je l'ai dit au d�but; ce n'est qu'� partir des param�tres de l'identification qu'il me semblait possible de l'atteindre.

     Or qu'avons-nous vu ? Que ce soit chez le sujet dit normal, chez le n�vros� ou chez le pervers, toute tentative d'identification ne peut se faire qu'� partir de ce qu'il imagine, vrai ou faux, peu importe, du d�sir de l'Autre. Que vous preniez le sujet dit normal, le n�vros� ou le pervers, vous avez vu qu'il s'agit toujours de s'identifier en fonction ou contre ce qu'il pense �tre le d�sir de l'autre. Tant que ce d�sir peut �tre imagin�, fantasm�, le sujet va y trouver les rep�res n�cessaires � le d�finir, lui, en tant qu'objet du d�sir de l'Autre ou en tant s qu'objet refusant de l'�tre. Dans les deux cas, il est lui, quelqu'un qui peut se d�finir, se retrouver.

     Mais � partir du moment o� le d�sir de l'Autre devient quelque chose de myst�rieux, d'ind�finissable, ce qui se d�voile l� au sujet c'est que c'�tait justement ce d�sir de l'Autre qui le constituerait en tant que sujet ; ce qu'il retrouvera, ce qui se d�masquera � ce moment face � ce n�ant c'est son fantasme fondamental : c'est qu'�tre l'objet du d�sir de l'Autre n'est une situation soutenable que pour autant que ce d�sir nous puissions le nommer, le fa�onner en fonction de notre propre d�sir.

    (->p409) (XVIII/16) Mais devenir l'objet d'un d�sir auquel nous ne pouvons plus donner de nom, c'est devenir nous-m�me un objet sans nom ayant perdu toute identit� possible, c'est devenir un objet dont les enseignes n'ont plus de sens puisqu'elles sont pour 1'Autre ind�chiffrables ce moment pr�cis o� le moi se refl�te dans un miroir qui lui renvoie une image qui n'a plus de signification identifiable, c'est cela l'angoisse. En l'appelant orale, anale, ou phallique, nous ne faisons qu'essayer de d�finir quelles �taient les enseignes dont le moi se parait pour se faire reconna�tre si ce n'est que nous en tant que ce qui appara�t dans le miroir qui pouvons le faire, c'est que nous sommes les seuls � pouvoir voir de quel type sont ces enseignes qu'on nous accuse de ne plus reconna�tre. Car si, comme je le disais au d�but, l'angoisse est l'affect qui le plus facilement risque de provoquer une r�ponse r�ciproque, c'est bien qu'� partir de ce moment nous devenons pour l'Autre celui dont les enseignes sont tout aussi myst�rieuses, tout aussi inhumaines. Dans l'angoisse, ce n'est pas seulement 1e moi qui est dissout, c'est aussi l'Autre en tant que support identificatoire.

    Dans ce m�me sens, je me placerai en disant que la jouissance et l'angoisse sont les deux positions extr�mes o� peut se situer le moi dans la premi�re, le moi et l'Autre pour un instant �changent leurs enseignes, se reconnaissent comme deux signifiants dont la jouissance partag�e assure pendant un instant l'identit� des d�sirs ; dans l'angoisse le moi et l'autre se dissolvent, sont annul�s dans une situation o� le le d�sir se perd faute de pouvoir �tre nomm�.

    Si maintenant, pour conclure, nous passons � la psychose, nous verrons que les choses sont un peu diff�rentes. Bien s�r. ici aussi l'angoisse n'est pas autre chose que le signe de la perte pour le moi de tout rep�re possible. Mais la source d'o� na�t l'angoisse est ici endog�ne : c'est le lieu d'o� peut surgir le d�sir du sujet, c'est son d�sir qui pour le psychotique est la source privil�gi�e de toute angoisse.

    S'il est vrai que c'est l'Autre qui nous constitue en nous reconnaissant comme objet de d�sir, que sa r�ponse est ce qui nous fait prendre conscience de l'�cart existant entre demande et d�sir et que c'est par cette br�che que nous entrons dans le monde des signifiants, et bien pour le psychotique cet Autre est celui qui ne lui a jamais signifi� autre chose qu'un trou, qu'un vide au centre m�me de son �tre. L'interdiction qui l� a �t� faite quant au d�sir fait que la r�ponse lui a fait appr�hender non pas un �cart, mais une antinomie fondamentale entre (->p410) (XVIII/17) demande et d�sir, et de cet �cart qui n'est pas une br�che mais un gouffre ce qui s'est fait jour ce n'est pas le signifiant mais le fantasme, soit ce qui provoque le t�lescopage entre symbolique et r�el que nous appelons psychose.

    Pour le psychotique - et je m'excuse de m'en tenir � de simples formules - l'autre est introject� au niveau de son propre corps, au niveau de tout ce qui entoure cette b�ance premi�re qui seule est ce qui le d�signe en tant que sujet.

    L'angoisse est pour lui li�e � ces moments sp�cifiques o� � partir de cette b�ance appara�t quelque chose qui pourrait se nommer d�sir ; car pour qu'il puisse l'assumer il faudrait que le sujet accepte de se situer � la seule place d'o� il puisse dire "je", soit qu'il s'identifie � cette b�ance qui, en fonction de l'interdiction de l'Autre, est la seule place o� il soit reconnu comme sujet. Tour d�sir ne peut le renvoyer qu'� une n�gation de lui-m�me ou � une n�gation de l'Autre. 

    Mais, pour autant que l'Autre est introject� au niveau de son propre corps, que cette introjection est la seule chose qui lui permette de vivre. J'ai dit ailleurs que pour le psychotique la seule possibilit� de s'identifier � un corps imaginaire unifi� serait celle de s'identifier � l'ombre que projetterait devant lui un corps qui ne serait pas le sien. Toute n�gation de l'Autre serait pour lui l'�quivalent d'une auto-mutilation qui ne ferait que le renvoyer � son propre drame fondamental.

    Si chez le n�vros� c'est � partir de notre silence que nous pouvons trouver les sources d�clenchant son angoisse, chez le psychotique c'est � partir de notre parole, de notre pr�sence. Tout ce qui peut lui faire perdre conscience que nous existons en tant que diff�rents de lui, en tant que sujets autonomes et qui par l� m�me pouvons le reconna�tre, lui comme sujet, devient ce qui peut d�clencher son angoisse. Tant qu'il parle, il ne fait que r�p�ter un monologue qui nous situe au niveau de cet Autre introjection qui le constitue, mais qu'il vienne � nous parler alors, pour autant que nous pouvons en tant qu'objet devenir le lieu o� il a � reconna�tre son d�sir, nous verrons se d�clencher son angoisse ; car d�sirer, c'est avoir � se constituer comme sujet, et pour lui la seule place d'o� il puisse le faire c'est celle qui le renvoie � son gouffre.

    Mais ici encore, en conclusion, vous le voyez, on peut dire que l'angoisse appara�t au moment o� le d�sir fait du sujet quelque chose qui est manque � �tre, un manque � nommer.

    (->p411) (XVIII/18) Il y a un point que je n'ai pas trait� et que je laisserai de c�t� je le regrette, car il est pour moi fondamental et j'aurais voulu pouvoir le faire, malheureusement i1 aurait fallu, pour que je puisse l'inclure, que j'ai plus de ma�trise vis-�-vis du sujet que j'ai essay� de traiter - je veux parler du fantasme. Lui aussi est intimement li� � l'identification et � l'angoisse, � tel point que j'aurais pu dire que l'angoisse appara�t au moment o� l'objet r�el ne peut plus �tre appr�hend� que dans a signification fantasmatique, que c'est d�s ce moment puisque toute identification possible du moi se dissout et qu'appara�t l'angoisse.

    Mais si c'est la m�me histoire, ce n'est pas le m�me discours et pour aujourd'hui je m'arr�terai ici. Mais avant de conclure ce discours je voudrais vous apporter un exemple clinique tr�s court sur les sources d'angoisse chez le psychotique.

     Je ne vous dirai rien d'autre de l'histoire, sinon qu'il s'agit d'un grand schizophr�ne, d�lirant, intern� � diff�rentes reprises. Les premi�res s�ances sont un expos� de son d�lire, d�lire assez classique, c'est ce qu'il appelle le probl�me de l'homme-robot.

    Et puis, dans une s�ance o� comme par hasard il est question du probl�me du contact et de la parole, o� il m'explique que ce qu'il ne peut supporter c'est "la forme de la demande", que la "poign�e de main est un progr�s sur les civilisations salutantes, verbales o� la parole �a fausse les choses, �a emp�che de comprendre, o� la parole c'est comme une roue qui tourne o� chacun verrait une partie de la roue � des moments diff�rents, et alors quand on essaye de communiquer c'est forc�ment faux : il y a toujours un dialogue".

    Dans cette m�me s�ance, au moment o� il aborde le probl�me de la parole de la femme, il me dit tout � coup "ce qui m'inqui�te, c'est ce qu'on m'a dit sur les amput�s, qu'ils sentiraient des choses par le membre qu'ils n'ont plus". Et, � ce moment, cet homme dont le discours garde dans sa forme d�lirante une dimension d'une pr�cision, d'une exactitude  math�matique, commence � chercher ses mots, � s'embrouiller, me dit ne plus pouvoir suivre ses pens�es et finalement il prononce cette phrase que je trouve vraiment fort quant � ce que c'est pour le psychotique son image du corps "un fant�me, ce serait un homme sans membres et sans corps qui par son intelligence seule percevrait des sensations fausses d'un corps qu'il n'a pas. Ca, �a m'inqui�te �norm�ment".

    "Percevrait des sensations fausses d'un corps qu'il n'a pas", cette (->p412) (XVIII/18) phrase va trouver son sens la s�ance d'apr�s quand il viendra me voir pour me dire qu'il veut interrompre les s�ances, que ce n'est plus supportable, que c'est malsain et dangereux, et ce qui est malsain et dangereux, ce qui suscite une angoisse qui pendant toute cette s�ance se fera lourdement sentir, c'est "que je me suis rendu compte que vous vouliez me s�duire et que vous pourriez y arriver". Ce dont il s'est rendu compte, c'est qu'� partir de "ces sensations fausses""d'un corps qu'il n'a pas" pourrait surgir son d�sir et alors il aurait � reconna�tre, � assumer ce manque qui est son corps ; il aurait � regarder ce qui, faute d'avoir pu �tre symbolis�, n'est pas supportable � l'homme : la castration en tant que telle.

    Toujours dans cette m�me s�ance il dira lui-m�me mieux que je ne pourrais le faire o� est pour lui la source de l'angoisse : "Vous avez peur de vous regarder dans un miroir, car le miroir �a change selon les yeux qui le regardent, on ne sait pas trop ce qu'on va y voir, si vous achetez un miroir dor� c'est mieux..." On a l'impression que ce dont il veut s'assurer c'est que les changements sont du miroir.

    Vous le voyez :l'angoisse appara�t au moment o� il craint que je ne puisse devenir un objet de d�sir ; car, � partir de ce moment-l� le surgissement de son d�sir impliquerait pour lui la n�cessit� d'assumer ce que j'ai appel� le manque fondamental qui le constitue.

    A partir de ce moment, l'angoisse surgit ; car sa position de fant�me, de robot, n'est plus soutenable : il risque de ne plus pouvoir nier ses sensations fausses d'un corps qu'il ne peut reconna�tre. Ce qui provoque son angoisse, c'est bien le moment pr�cis o� face � l'irruption de son d�sir il se demande quelle image de lui-m�me va lui renvoyer le miroir et cette image il sait qu'elle risque d'�tre celle du manque, du vide, de ce qui n'a pas de nom, de ce qui rend impossible toute reconnaissance r�ciproque et que nous, spectateurs et auteurs involontaires du drame, appelons angoisse.

(->p413) (XVIII/20)

M. LACAN

    J'aimerai bien, avant d'essayer de pointer la place de ce discours que certaines des personnes que j'ai vues avec des mimiques diverses interrogatives, d'attente, mimiques qui se sont pr�cis�es � tel ou tel tournant du discours de Mme Aulagnier, veuillent bien simplement indiquer les suggestions, les pens�es produites chez eux � tel ou tel d�tour de ce discours � titre de signe que ce discours a �t� entendu. Je ne regrette qu'une chose : il a �t� lu. Cela me fournira � moi-m�me les appuis sur lesquels j'accentuerai plus pr�cis�ment les commentaires.

M. AUDOUARD.

    Ce qui m'a frapp� associativement, c'est v�ritablement l'exemple clinique que vous avez port� � la fin de l'expos�, c'est cette phrase du malade sur la parole qu'il compare � une roue dont diverses personnes ne voient jamais la m�me partie. Cela m'a paru �clairer tout ce que vous avez dit et ouvrir - je ne sais pas pourquoi d'ailleurs - toute une amplification des th�mes que vous avez pr�sent�s.

    Je crois avoir � peu pr�s compris le sens de l'expos� ; je n'ai pas l'habitude des schizophr�nes, mais en ce qui concerne les n�vros�s et les pervers l'angoisse en tant qu'elle ne peut pas �tre objet de symbolisation parce qu'elle est justement la marque que la symbolisation n'a pas pu se faire et se symboliser c'est vraiment dispara�tre dans une sorte de non-symbolisation d'o� part � chaque instant l'appel de l'angoisse c'est �videmment quelque chose d'extr�mement riche mais qui peut-�tre sur un certain plan logique demanderait quelques �claircissements. Comment en effet est-il possible que cette exp�rience fondamentale qui est en quelque sorte le n�gatisme de la parole vienne se symboliser et qu'est-ce qui se passe donc pour que de ce trou central jaillisse quelque chose que nous ayons � comprendre. Enfin, comment na�t la parole ? Quelle est l'origine du signifiant dans ce cas pr�cis de l'angoisse en tant quelle ne peut pas se dire, � l'angoisse en tant qu'elle se dit ? I1 y a peut-�tre l� un mouvement qui n'est pas sans rapports avec cette roue qui tourne, qui aurait peut-�tre besoin d'�tre un peu �clair� et pr�cis�

M. VERGOTTE 

    Je me suis demand� s'il n'y a pas deux sortes d'angoisses ; (->p414) (XVIII/21) Mme Aulagnier a dit l'angoisse-castration : le sujet a peur qu'on le lui enl�ve et qu'on l'oublie comme sujet, c'est l� la disparition du sujet comme tel ; mais je me demande s'il n'y a pas une angoisse o� le sujet refuse d'�tre sujet, si par exemple dans certains fantasmes il veut au contraire cacher le trou ou le manque. Dans l'exemple clinique de Mme Aulagnier, le sujet refuse son corps parce que le corps lui rappelle son d�sir et son manque ; dans l'exemple de l'angoisse-castration vous avez plut�t dit : le sujet a peur qu'on le m�connaisse comme sujet. Une angoisse a donc les deux sens possibles : ou bien il refuse d'�tre sujet. I1 y a aussi l'autre angoisse o� il a, par exemple dans la claustrophobie, l'impression que l� il n'est plus sujet, o� au contraire il est enferm�, qu'il est dans un monde clos o� le d�sir n'existe pas ; il peut �tre angoiss� devant son d�sir et aussi devant l'absence de d�sir.

M AULAGNIER

     Vous ne croyez pas que quand on refuse d'�tre sujet c'est justement parce qu'on a l'impression que pour l'Autre on ne peut �tre sujet qu'en le payant de sa castration, je ne crois pas que le refus d'�tre sujet soit d'�tre vraiment un sujet.

LACAN

    Nous sommes bien au coeur du probl�me. Vous voyez bien tout de suite l� le point sur lequel on s'embrouille. Je trouve que ce discours est excellent en tant que le maniement de certaines des notions que nous trouvons ici a permis � Mme Aulagnier de mettre en valeur, d'une fa�on qui ne lui e�t pas �t� autrement possible, plusieurs dimensions de son exp�rience. Je vais reprendre ce qui m'a paru remarquable dans ce qu'elle a produit, Je dis tout de suite que ce discours me parait rester � mi-chemin, C'est une sorte de conversion, vous n'en doutez pas, c'est bien ce que j'essaie d'obtenir de vous par mon enseignement, ce qui n'est pas, mon Dieu, apr�s tout une pr�tention si unique dans l'histoire qu'elle ait pu �tre tenue pour exorbitante. Mais i1 est certain que toute une part du discours de Mme Aulagnier et tr�s pr�cis�ment le passage o� dans un souci d'intelligibilit�, aussi bien le sien que celui de ceux auxquels elle s'adresse, � qui elle croit s'adresser, retourne � des formules qui sont celles contre lesquelles je vous avertis, je vous adresse, je vous mets en garde, et non point simplement parce que c'est chez moi une forme de tic ou d'aversion, mais parce que leur coh�rence avec quelque (->p415) (XVIII/22) chose qu'il s'agit d'abandonner radicalement se montre toujours chaque fois qu'on les emploie, f�t-ce � bon escient.

    L'id�e d'une antinomie, par exemple, quelconque, quelle qu'elle soit, de la parole avec l'affect, encore qu'elle soit d'exp�rience empiriquement v�rifi�e, n'est n�anmoins pas quelque chose sur lequel nous puissions articuler une dialectique, si tant est ce que j'essaie de faire devant vous ait une valeur, c'est-�-dire vous permette de d�velopper aussi loin qu'il est possible toutes les cons�quences de l'effet que l'homme soit un animal condamn� � habiter le langage. Moyennant quoi, nous ne saurions d'aucune fa�on tenir l'affect pour quoi que ce soit sans donner dans une primarit� quelconque. Aucun affect significatif, aucun de ceux auxquels nous avons affaire de l'angoisse � la col�re et � tous les autres, ne peut m�me commencer d'�tre compris sinon dans une r�f�rence o� le rapport de x au signifiant est premier. Avant de marquer des distorsions, je veux dire que par rapport � certains franchissements qui seraient l'�tape ult�rieure, je veux bien entendu marquer le positisme de ce que d�j� lui a permis 1e seul usage de ces termes au premier plan desquels sont ceux dont elle s'est servie avec justesse et adresse le d�sir et la demande. Il ne suffit pas d'avoir entendu parler de ceci qui - si on s'en sert dune certaine fa�on, mais ce ne sont pas tout de m�me des mots tellement �sot�riques que chacun ne puisse se croire en droit de s'en servir - il ne suffit pas d'employer ces termes : d�sir et demande, pour en faire une application exacte. Certains s'y sont risqu�s r�cemment et je ne sache pas que le r�sultat en ait �t� d'aucune fa�on ni brillant ce qui apr�s tout n'aurait qu'une importance secondaire - ni m�me ayant le moindre rapport avec la fonction que nous donnons � ces termes.

    Ce n'est pas dans le cas de Mme Aulagnier, mais ce qui lui a permis d'atteindre � certains moments une tonalit� qui manifeste quelle sorte de conqu�te, ne serait-ce que sous forme de question pos�e, le maniement des termes nous permet pour d�signer la premi�re tr�s impressionnante ouverture qu'elle nous a donn�e. Je vous signalerai ce qu'elle a dit de l'orgasme ou plus exactement de la jouissance amoureuse.

 S'il m'est permis de m'adresser � elle comme Socrate pouvait s'adresser � quelque                 (espace vide-note du claviste) je lui dirais qu'elle fait l� preuve qu'elle sait de quoi elle parle. Qu'elle le fasse en �tant femme, c'est ce qui semble traditionnellement aller de soi, j'en suis moins s�r : les femmes, dirai-je sont rares, sinon � savoir, du moins � pouvoir parler en sachant ce qu'elles disent des choses de l'amour. Socrate disait qu'assur�ment (->p416) (XVIII/23) cela il pouvait en t�moigner lui-m�me, qu'il savait. Les femmes sont donc rares, mais entendez bien ce que je veux dire par l�  : les hommes le sont encore plus.

Comme nous l'a dit Mme Aulagnier, � propos de ce que c'est que la jouissance de l'amour, en repoussant une fois pour toutes cette fameuse r�f�rence � la fusion dont justement nous qui avons donn� un sens tout � fait archa�que � ce terme de fusion, cela devrait nous mettre en �veil. On ne peut pas � la fois exiger que ce soit au bout d'un processus qu'on arrive � un moment qualifi� et unique et en m�me temps supposer que ce soit par un retour � je ne sait qu'elle diff�renciation primitive. Bref, je ne relirai pas son texte parce que le temps me manque, mais dans l'ensemble il ne me para�trai pas inutile que ce texte auquel certes je suis loin de donner la note 20/20, je veux dire le consid�rer comme un discours parfait, soit consid�r� plut�t comme un discours d�finissant un �chelon � partir duquel nous pourrons situer les progr�s auxquels nous pourrons nous r�f�rer � quelque chose qui a �t� touch� ou en tout cas parfaitement saisi, attrap�, compris par Mme Aulagnier.

    Bien s�r, je ne dis pas qu'elle nous donne l� son dernier mot , je dirai m^me plus : � plusieurs reprises elle indique les points o� il lui semblerai n�cessaire de s'avancer pour compl�ter ce qu'elle dit et sans doute une grande part de ma satisfaction vient des points qu'elle d�signe. Ce sont justement ceux-l� m�me qui pourraient �tre tourn�s, si je puis dire. Ces deux points, elle les a d�sign�s � propos du rapport psychotique � son propre corps d'une part - elle a dit qu'elle avait beaucoup de choses � dire, elle nous en a indiqu� un petit peu - et d'autre part � propos du fantasme dans l'obscurit� dans la quelle elle l'a laiss� ma para�trait suffisamment indicative du fait que cette ombre est dans les groupe un peu g�n�rale. C'est un point.

Second point que je trouve tr�s remarquable dans ce qu'elle nous a apport�, c'est ce qu'elle a apport� quand elle nous a parl� de la relation perverse. Non certes que je souscrive en tous points � ce qu'elle a dit sur ce sujet, qui est vraiment d'une audace incroyable. C'est pour la f�liciter hautement d'avoir �t� en �tat, m�me si c'est un pas � rectifier, de l'avoir fait tout de m�me; pour ne point le qualifier autrement, ce pas, je dirai que c'est la premi�re fois, non pas seulement dans mon entourage - et en cela je me f�licite d'avoir �t� ici pr�c�d� - que vient en avant quelque chose, une certaine fa�on, un certain ton pour parler de la relation perverse qui nous sugg�re l'id�e qui est proprement ce (->p417) (XVIII/24 qui m'a emp�ch� d'en parler jusqu'ici parce que je ne veux pas passer pour �tre celui qui dit : tout ce qu'on a fait jusqu'� pr�sent ne vaut pas tripette. Mais Mme Aulagnier, qui n'a pas les m�mes raisons de pudeur que nous, et d'ailleurs qui le dit en toute innocence, je veux dire qui a vu des pervers et qui s'y est int�ress�e d'une fa�on vraiment analytique, commence � articuler quelque chose qui, du seul fait de pouvoir pr�senter sous cette forme g�n�rale, je vous le r�p�te, incroyablement audacieuse que que le pervers est celui qui se fait objet pour la jouissance d'un phallus dont il ne soup�onne pas l'appartenance : il est l'instrument de la jouissance d'un dieu. Ca veut dire en fin de compte, que ceci  m�rite quelque appointements , quelque rectification de man�uvre directive et, pour tout dire, que cela pose la question de r�int�grer ce que nous appelons le phallus, que cela pose l'urgence de la d�finition de phallus - cela n'est pas douteux - puisque �a a s�rement comme effet de nous dire que si �a doit , pour nous analystes, avoir un sens, un diagnostic de structure perverse. Cela veut dire qu'il faut que nous commencions par jeter par la fen�tre tout ce qui s'est �crit de Kraft Ebing � Havelock Ellis et tout ce qui s'est �crit d'un catalogue quelconque pr�tendu clinique des perversions. Bref, il y a sur le plan des perversions � surmonter cette sorte de distance prise sous le terme de clinique qui n'est en r�alit� qu'une fa�on de m�conna�tre ce qu'il y a dans cette structure d'absolument radical, d'absolument ouvert � quiconque aura su franchir ce pas qui est justement celui que j'exige de vous, ce pas de conversion qui nous permette d'�tre au point de vue de la perception o� nous sachons ce que structure perverse veut dire d'absolument universel.

    Si j'ai �voqu� des dieux ce n'est point pour rien, car aussi bien euss�-je pu �voquer le th�me des m�tamorphoses et tout le rapport mystique, certain rapport pa�en au monde qui est celui dans lequel la dimension perverse a sa valeur je dirai classique.

    C'est la premi�re fois que j'entends parler d'un certain ton qui est vraiment d�cisif, qui est l'ouverture dans ce champ o� justement le moment o� je vais vous expliquer ce que c'est que le phallus, nous en avons besoin.

    La troisi�me chose, c'est ce qu'elle nous a dit � propos de son exp�rience des psychotiques. Je n'ai pas besoin de souligner l'effet que �a peut faire, je veux dire qu'Audouard en a assur�ment t�moign�. L� encore ce qui m'appara�t �minent, c'est justement ce par quoi �a nous ouvre aussi cette structure psychotique comme �tant quelque chose o� (->p418) (XVIII/24) nous devons nous sentir chez nous. Si nous ne sommes pas capables de  nous apercevoir qu'il y a un certain degr�, non pas archa�que � mettre quelque part du c�t� de la naissance, mais structural au niveau duquel les d�sirs sont � proprement parler fous, si pour nous le sujet n'inclut pas dans sa d�finition, dans son articulation premi�re, la possibilit� de la structure psychotique, nous ne serons jamais que des ali�nistes. Or comment ne pas sentir vivant, comme il arrive tout le temps � ceux qui viennent �couter ce qui se dit ici � ce s�minaire, comment ne pas nous apercevoir que tout ce que j'ai commenc� d'articuler cette ann�e � propos de la structure de surface du syst�me Psi.jpg et de l'�nigme concernant la fa�on dont le sujet peut acc�der � son propre corps est que �a ne va pas tout seul, ce dont tout le monde depuis tout le temps est parfaitement averti puisque cette fameuse et �ternelle distinction de d�sunion ou union de l'�me et du corps est toujours apr�s tout le point d'aporie sur lequel toutes les articulations philosophiques sont venues se briser. Et pourquoi est-ce que, � nous analystes, justement, il ne serait pas possible de trouver le passage ? Seulement cela n�cessite une certaine discipline et au premier rang de quoi savoir comment faire pour parler du sujet est ceci que vous ne vous mettrez jamais assez dans la t�te sous la forme brutale o� je vais l'�noncer, c'est que le sujet n'est rien d'autre que ceci, que la cons�quence de ceci qu'il y a du signifiant et que la naissance du sujet tient en ceci qu'il ne peut se penser que comme exclu du signifiant qui le d�termine. C'est l� la valeur du

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petit cycle que je vous ai introduit la derni�re fois et dont no us n'avons pas fini d'entendre parler car, � la v�rit� il faudra quand m�me que je d�plie plus d'une fois devant vous avant que vous puissiez voir bien exactement o� il nous m�ne. Si le sujet n'est que cela : cette part exclue d'un champ enti�rement d�fini par le signifiant,

  si ce n'est qu'� partir de cela que tout peut na�tre, il faut toujours savoir � quel niveau on le fait intervenir ce terme sujet. Et malgr� elle, parce que c'est � nous qu'elle parle et parce que c'est � elle et parce qu'il y a encore quelque chose qui n'est pas encore acquis,  assum� malgr� tout quand elle parle de ce choix par exemple qu'il y a � �tre sujet ou objet � propos dans la relation au d�sir, eh bien, malgr� elle, Mme Aulagnier se laisse glisser � r�introduire dans le sujet la personne avec toute la dignit� subs�quente que vous savez que nous lui donnons dans nos temps �clair�s : personnologie, personnalisme, personnalit� et tout ce qui s'en (->p419) (XVIII/26) suit, aspect qui convient, dont chacun sait que nous vivons au milieu de cela. Jamais on n'en a autant parl� de la personne. Mais enfin comme notre travail n'est pas un travail qui doive beaucoup s'int�resser � ce qui se passe sur la place publique, nous avons � nous int�resser autrement au sujet. Alors l� Mme Aulagnier a appel� � son secours le terme de param�tres de l'angoisse. Eh bien, l� quand m�me � propos de personne et de personnologie, vous voyez un travail assez consid�rable qui m'a pris quelques mois, un travail de Remarques sur le Discours de notre ami Daniel Lagache. Je vous prie de vous y reporter, je vous prie de vous y reporter pour voir 1'importance qu'aurait eu dans l'articulation qu'elle nous a donn�e de la fonction de l'angoisse et de cette esp�ce de sifflet coup� qu'elle constituerait au niveau de la parole, l'importance que devait normalement prendre dans son expos� la fonction i (a) , autrement dit l'image sp�culaire qui n'est certes pas absente du tout dans son expos� puisqu'en fin de compte c'est devant son miroir qu'elle a fini par nous tra�ner son psychotique, et c'est pourquoi c'est parce qu'il y �tait venu tout seul ce psychotique, c'est donc l� qu'elle lui avait � juste titre donn� rendez-vous. Et pour mettre un peu de sourire j'inscrirai en marge des remarques qui ont fait son admiration dans ce qu'elle a cit� ces quatre petits vers inscrits au fond d'une assiette que j'ai chez moi :

"A Mina son miroir fid�le
Montre, h�las, des traits allong�s
Ah ciel, oh Dieu, s'�crit-elle
Comme les miroirs sont chang�s.  

  

    C'est effectivement ce que vous dit votre psychotique, montrant l'importance ici de la fonction, non pas de l'id�al du moi, mais du moi id�al comme place o� viennent se former les identifications proprement mo�ques, ceci comme place o� l'angoisse se produit, l'angoisse que je vous ai qualifi�e de sensation du d�sir de l'Autre. La ramener, cette sensation du d�sir de l'Autre, � la dialectique du d�sir propre du sujet en face du d�sir de l'Autre, voil� toute la distance qu'il y a entre ce que j'avais amorc� et le niveau d�j� tr�s efficace o� s'est soutenu tout le d�veloppement de Mme Aulagnier.

    Mais ce niveau en quelque sorte, comme elle l'a dit, conflictuel qui est de r�f�rence de deux d�sirs d�j� dans le sujet constitu�, ce n'est pas l� ce qui d'aucune fa�on peut nous suffire pour situer la diff�rence, la distinction qu'il y a dans les rapports du d�sir par exemple au niveau des quatre esp�ces ou genres qu'elle a pour nous d�finis sous les termes de : normal, pervers, n�vros�, psychotique.

    (->p420) (XVIII/27) Que la parole, en effet, fasse d�faut en quelque chose � propos de l'angoisse, c'est en ceci que nous ne pouvons m�conna�tre comme un des param�tres absolument essentiels qu'elle ne peut d�signer qui parle, qu'elle ne peut r�f�rer � ce point i (a) le je du discours lui-m�me, le je qui dans le discours se d�signe comme celui-l� qui actuellement parle et l'associe � cette image de ma�trise qui se trouve � ce moment vacillante. Et ceci a pu lui �tre rappel� parce que j'ai not� dans ce qu'elle a bien voulu prendre comme point de d�part � propos du s�minaire du 4 avril, rappelez-vous l'image vacillante que j'ai essay� de dresser devant vous de ma confrontation obscure avec la mante religieuse et de ceci que, si j'ai d'abord parl� de l'image qui se refl�tait dans son oeil, c'�tait pour dire que l'angoisse commence � partir de ce moment essentiel o� cette image est manquante. Sans doute le petit a que je suis pour le fantasme de l'Autre est essentiel, mais o� il manque ceci - Mme Aulagnier ne le m�conna�t pas, car elle l'a r�tabli � d'autres passages de son discours -  la m�diation de l'imaginaire- c'est �a qu'elle veut dire, mais ce n'est point encore suffisamment articul� - c'est le i de a qui manque et qui est l� en fonction.

    Je ne veux pas pousser plus loin parce que vous vous rendez bien compte qu'il ne s'agit de rien moins que de la reprise du discours du s�minaire, mais c'est l� que vous devez sentir l'importance de ce que nous introduisons. Il s'agit de ce qui va faire la liaison dans l'�conomie signifiante de la constitution du sujet � la place de son d�sir. Et vous devez ici entrevoir, supporter, vous r�signer � ceci qui exige de nous quelque chose qui parait aussi loin de vos pr�occupations ordinaires, enfin d'une chose qu'on peut d�cemment demander � d'honorables sp�cialistes comme vous qui ne venez tout de m�me pas ici pour faire de la g�om�trie  �l�mentaire. Rassurez-vous, ce n'est pas de la g�om�trie, puisque ce n'est pas de la m�trique, c'est quelque chose dont les g�om�tres n'ont eu jusqu'�  pr�sent aucune esp�ce d'id�e : les dimensions de l'espace. J'irai jusqu'� vous dire que M. Descartes n'avait aucune id�e des dimensions de l'espace.

    Les dimensions de l'espace, c'est quelque chose d'un autre c�t� qui a �t� d�cid�, valoris� par un certain nombre de plaisanteries faites autour de ce terme comme la quatri�me ou la cinqui�me dimension et autres choses qui ont un sens tout � fait pr�cis et math�matiques, mais dont il est toujours assez marrant d'entendre parler par les incomp�tents, de sorte que quand on parle de �a on a toujours le sentiment qu'on fait ce qu'on appelle de la science-fiction et �a a malgr� tout quand m�me assez mauvaise r�putation.

    (->p421) (XVIII/28) Mais apr�s tout vous verrez que nous avons notre mot � dire la-dessus. J'ai commenc� � l'articuler en ce sens que psychiquement je vous ai dit que nous n'avons acc�s qu'� deux dimensions  ; pour 1e reste il n'y a qu'une �bauche, qu'un au-del�. Pour ce qui est de 1'exp�rience, en tout cas pour une hypoth�se de recherche qui peut nous servir � quelque chose, de bien vouloir admettre qu'il n'y a rien de bien �tabli au-del� - et c'est d�j� bien suffisamment riche et compliqu� - de l'exp�rience de la surface. Mais �a ne veut pas dire que nous ne pouvons pas trouver dans l'exp�rience de la surface � elle toute seule le t�moignage qu'elle, la surface, est plong�e dans un espace qui n'est pas du tout celui que vous imaginez avec votre exp�rience visuelle de l'image sp�culaire. Et 

Trefle.jpg
pour tout dire, ce petit objet qui n'est  rien quand le noeud le plus �l�mentaire,  non pas celui quo je n'ai fait que faute  d'avoir pu me faire tresser une cordelette qui se fermerait sur elle-m�me, simplement  ceci {sch�ma) le noeud le plus �l�mentaire,  celui qui se trace comme �a, suffit �

porter en lui-m�me un certain nombre de questions que j'introduis en vous disant que la troisi�me dimension ne suffit absolument pas � rendre compte de la possibilit� de cela. Pourtant un noeud quand m�me, c'est quelque chose qui est � la port�e de tout le monde, ce n'est pas � 1a port�e de tout le monde de savoir ce qu'il faisait en faisant un noeud, mais enfin cela a pris une valeur m�taphorique : les noeuds du mariage, les noeuds de 1'amour. Les noeuds sacr�s ou pas, pourquoi est-ce qu'on en parle  ?

    Ce sont des modes tout � fait simples, �l�mentaires, de mettre � votre port� le caract�re usuel si vous voulez bien vous y mettre et devenu, une fois usuel, support possible d'une conversion qui, si elle se r�alise montrera bien tout de m�me apr�s-coup que peut-�tre ces termes doivent avoir quelque chose � faire avec ces r�f�rences de structure dont nous avons besoin pour distinguer ce qui se passe par exemple � ces �chelons que Mme Aulagnier a divis�s en allant du normal au psychotique. Est-ce qu'� ce point de jonction o� pour le sujet se constitue l'image noeud, l'image fondamentale, l'image qui permet la m�diation entre le sujet et son d�sir, est-ce que nous ne pouvons pas introduire des distinctions fort simples et, vous le verrez, tout � fait utilisables en pratique, qui nous permettent de nous repr�senter d'une fa�on plus simple et moins source d'antinomie, d'aporie, d'embrouillis, de labyrinthe finalement, que ce que nous avions jusqu'ici � notre disposition, � savoir cette notion sommaire par exemple d'un int�rieur et d'un ext�rieur qui a en effet bien l'air (->p422) (XVIII/29) d'aller de soi � partir de l'image sp�culaire et qui n'est pas du tout forc�ment celle qui nous est donn�e par l'exp�rience.

note: bien que relu, si vous d�couvrez des erreurs manifestes dans ce s�minaire, ou si vous souhaitez une pr�cision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un [mailto:gaogoa@free.fr �mail]. [#J.LACAN Haut de Page] 
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