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'J.LACAN'                       gaogoa

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IX-L'IDENTIFICATION

            Version rue CB                                    [#note note]

S�minaire du 21 mars 1962

(->p298) (XIV/1)

+  (Sch�ma I)

    Je vous ai laiss�s la derni�re fois au niveau de cet embrassement symbolique des deux tores o� s'incarne imaginairement le rapport d'interversion, si l'on peut dire ; v�cu par le n�vros� dans la mesure sensible, clinique, o� nous voyons qu'apparemment au moins c'est dans une d�pendance de la demande de l'Autre qu'il essaie de fonder, d'instituer son d�sir. Bien s�r, il y a l� quelque chose de fond� dans cette structure que nous appelons la structure du sujet en tant qu'il parle, qui est celle pour laquelle nous fomentons pour vous cette topologie du tore que nous croyons tr�s fondamentale. Il a la fonction de ce qu'on appelle ailleurs en topologie le groupe fondamental, et apr�s tout ce sera la question � quoi il faudra que nous indiquions une r�ponse. J'esp�re que cette r�ponse, au moment o� il faudra la donner, sera vraiment surabondamment d�j� dessin�e.

    Pourquoi si c'est l� la structure fondamentale, a-t-elle �t� de si longtemps et de toujours si profond�ment m�connue par la pens�e philosophique, pourquoi si c'est ainsi  
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+ Les sch�mas num�rot�s sont en fin du s�minaire XIV, [../../images/21031962/320.jpg page 319].  
(les sch�mas  indiqu�s ci-dessus ne sont pas joints � la s�ance du 21 Mars 1963 dans la version " rue CB ", par contre une page -non pagin�e- de sch�mas -non num�rot�s- jointe � la s�ance du 28 Mars 1962 me semble correspondre � ce s�minaire. Je la joins donc comme page 319 . S�rement une erreur de classement ! -Le claviste-)
 

(->p299) (XIV/2) l'autre topologie, celle de la sph�re, qui traditionnellement para�t dominer toute l'�laboration de la pens�e concernant son rapport � la chose.

    Reprenons les choses o� nous les avons laiss�es la derni�re fois et o� je vous indiquais ce qui est impliqu� dans notre exp�rience m�me : il y a dans ce noeud avec l'Autre, pour autant qu'il nous est offert comme une premi�re approximation sensible, peut-�tre trop facile - nous verrons qu'il l'est assur�ment - il y a dans ce noeud avec l'Autre, tel qu'il est ici imag�, un rapport de leurre. Retournons ici � l'actuel, � l'articul� de ce rapport � l'Autre. Nous le connaissons. Comment ne le conna�trions-nous pas quand nous sommes chaque jour le support m�me de sa pression dans l'analyse et que le sujet n�vros�, � qui nous avons affaire fondamentalement, devant nous, se pr�sente comme exigeant de nous la r�ponse, ceci m�me si nous lui enseignons le prix qu'il y a, cette r�ponse, � la suspendre.

    La r�ponse sur quoi ? C'est bien l� ce qui justifie notre sch�ma, pour autant qu'il nous montre, l'un � l'autre se substituant, d�sir et demande ; c'est justement que la r�ponse, c'est sur son d�sir et sur sa satisfaction. Ce sans doute � quoi aujourd'hui je serai � peu pr�s certainement limit� par le temps qui m'est donn�, c'est � bien articuler � quelles coordonn�es se suspend cette demande faite � l'Autre, cette demande de r�ponse, laquelle sp�cifie dans sa raison vraie sa raison derni�re, aupr�s de quoi toute approximation est insuffisante, celle qui dans Freud s'�pingle comme Versagen, (->p300) (XIV/3) la Versagung : le d�dit, ou encore la trompeuse parole, la rupture de promesse, � la limite la Vanitas � la limite de la mauvaise parole - et l'ambigu�t�, ici je vous la rappelle, qui unit le terme blasph�me � ce qu'il a donn� � travers toutes sortes de transformations, d'ailleurs en elle-m�mes bien jolies � suivre : le bl�me. Je n'irai pas plus loin dans cette voie.

    Le rapport essentiel de la frustration � laquelle nous avons affaire, � la parole est le point � soutenir, � maintenir toujours radical, faute de quoi notre concept de la frustration se d�grade : elle d�g�n�re jusqu'� se r�duire au d�faut de gratification concernant ce qui au dernier terme ne peut plus �tre con�u que comme le besoin. Or, il est impossible de ne pas rappeler ce que le g�nie de Freud nous av�re originellement quant � la fonction du d�sir, ce dont il est parti dans ses premiers pas - laissons de c�t� les lettres � Fliess, commen�ons � la "Science des r�ves" et n'oublions pas que "Totem et Tabou" �tait son livre pr�f�r� - lequel g�nie de Freud nous av�re est ceci que le d�sir est fonci�rement, radicalement structur� par ce noeud qui s'appelle Oedipe, et d'o� il est impossible d'�liminer ce noeud interne qui est ce que j' essaie de soutenir devant vous par ces figures, ce noeud interne qui s'appelle l'Oedipe en tant qu'il est essentiellement quoi ? I1 est essentiellement ceci : un rapport entre une demande qui prend une valeur si privil�gi�e qu'elle devient le commandement absolu, la loi, et un d�sir, lequel est le d�sir de l'Autre, de l'Autre dont il s'agit dans l'Oedipe. Cette (->p301) (XIV/4) demande s'articule ainsi : tu ne d�sireras pas celle qui a �t� mon d�sir. Or c'est ceci qui fonde en sa structure l'essentiel, le d�part de la v�rit� freudienne. Et c'est l�, c'est � partir de l� que tout d�sir possible est en quelque sorte oblig� � cette sorte de d�tour irr�ductible, ce quelque chose de semblable � l'impossibilit� dans le tore de la r�duction du lacs sur certains cercles qui fait que le d�sir doit inclure en lui, ce vide, ce trou interne sp�cifi� dans ce rapport � la loi originelle. N'oublions pas que les pas pour fonder ce rapport premier autour de quoi - nous ne l'oublions que trop sont pour Freud articulables - et seulement par l� - toutes les Liebes Bediagungen, toutes les d�terminations de l'amour, n'oublions pas les pas que dans la dialectique freudienne ceci exige que c'est dans ce rapport � l'autre, le p�re tu� au-del� de ce tr�pas du meurtre originel que se constitue cette forme supr�me de l'amour. C'est le paradoxe non du tout dissimul� m�me s'il est �lid� par ce voile aux yeux qui semble ici toujours accompagner de Freud la lecture : ce temps est in�liminable qu'apr�s le meurtre du p�re surgit pour lui-m�me si ceci ne nous est pas suffisamment expliqu�, �a c'est assez pour que nous en retenions le temps comme essentiel dans ce qu'on peut appeler la structure mythique de l'Oedipe - cet amour supr�me pour le p�re, lequel fait justement de ce tr�pas du meurtre originel la condition de sa pr�sence d�sormais absolue. La mort en somme jouant ce r�le se manifestait comme pouvant seule le fixer dans cette sorte de r�alit�, sans doute la seule absolument perdurable, d'�tre comme absent ; il n'y a nulle autre source � l'absoluit� du commandement originel.

(->p302) (XIV/5) Voil� o� se constitue le champ commun dans lequel s'institue l'objet du d�sir dans la position sans doute que nous lui connaissions d�j� comme n�cessaire au seul niveau imaginaire, � savoir une position tierce : la seule dialectique du rapport � l'autre en tant que transitif dans le rapport imaginaire du stade du miroir, vous avait d�j� appris qu'il constituait l'objet de l'int�r�t humain comme li� � son semblable, l'objet a ici par rapport avec cette image qui l'inclut, qui est l'image de l'autre au niveau du stade du miroir : I de a. Mais cet int�r�t n'est en quelque sorte qu'une forme, il est l'objet de cet int�r�t neutre autour de quoi m�me toute la dialectique de l'enqu�te de Mr. Piaget peut s'ordonner, en mettant au premier plan ce rapport qu'il appelle de r�ciprocit� qu'il croit pouvoir conjoindre � une formule radicale du rapport logique. C'est de cette �quivalence, de cette identification � l'autre comme imaginaire, que la ternarit� du surgissement de l'objet s'institue ; ce n'est qu'une structure insuffisante, partielle et donc que nous devons retrouver, au terme, comme d�ductive de l'institution de l'objet du d�sir au niveau o� ici et aujourd'hui je l'articule pour vous. Le rapport � l' Autre n'est point ce rapport imaginaire fond� sur la sp�cificit� de la forme g�n�rique, puisque ce rapport � l'autre est sp�cifi� par la demande en tant qu'elle fait surgir de cet Autre, qui est l'Autre avec un grand A, bon essentialit�, si je puis dire, dans la constitution du sujet, ou, pour reprendre la forme qu'on donne toujours au verbe inter-esser son interessentialit� au sujet. Le champ dont il s'agit ne saurait donc d'aucune fa�on �tre r�duit au champ du besoin et de l'objet qui (->p303) (XIV/6) pour la rivalit� de ses semblables peut � la limite s'imposer - car ce sera l� la pente o� nous irons trouver notre recours pour la rivalit� derni�re - s'imposer comme objet de subsistance pour l'organisme. Cet autre champ, que nous d�finissons et pour lequel est faite notre image du tore, est en autre champ, un  champ de signifiant, champ de connotation de la pr�sence et de l'absence et o� l'objet n'est plus objet de subsistance, mais d'ex-sistence du sujet. Pour venir � le d�montrer, il s'agit bien au dernier terme d'une certaine place d'ex-sistence du sujet n�cessaire et que c'est l� la fonction � quoi est �lev�, amen� le petit a de la rivalit� premi�re.

    Nous avons devant nous le chemin qui nous reste � parcourir de ce sommet o� je vous ai amen�s la derni�re fois de la dominance de l'autre dans l'institution du rapport frustrant ; la seconde partie du chemin doit nous mener de la frustration � ce rapport � d�finir qui constitue comme tel le sujet dans le d�sir, et vous savez que c'est l� seulement que nous pourrons convenablement articuler la castration. Nous ne saurons donc au dernier terme ce que veut dire cette place d'ex-sistence que quand ce chemin sera achev�. D�s maintenant, nous pouvons, nous devons m�me rappeler, mais rappeler ici au philosophe le moins introduit � notre exp�rience, ce point singulier � le voir si souvent se d�rober � son propre discours, c'est qu'il y a bien une question, � savoir ce pourquoi il faut que le sujet soit repr�sent� - et j'entends au sens freudien repr�sent� par un repr�sentant repr�sentatif - comme exclu du champ m�me o� il a � agir dans des rapports disons lewiniens avec les autres comme individus, qu'il faut au niveau de la (->p304) (XIV/7) structure que nous arrivions � rendre compte de pourquoi il est n�cessaire qu'il soit repr�sent� quelque part comme exclu de ce champ pour y intervenir dans ce champ m�me. Car apr�s tout tous les raisonnements o� nous entra�ne le psycho-sociologue dans sa d�finition de ce que j'ai appel� tout � l'heure un champ l�winien ne se pr�sentent jamais qu'avec une parfaite �lision de cette n�cessit� que le sujet soit disons en deux endroits topologiquement d�fini, � savoir dans ce champ mais aussi essentiellement exclu de ce champ, et qu'il arrive � articuler quelque chose et quelque chose qui se tient. Tout ce qui dans une pens�e de la conduite de l'homme comme observable, arrive � se d�finir comme apprentissage et � la limite objectivation de l'apprentissage, c'est-�-dire montage, forme un discours qui se tient et qui jusqu'� un certain point rend compte d'une foule de choses, sauf de ceci qu'effectivement le sujet fonctionne, non pas avec cet emploi simple, si je puis dire, mais dans un double emploi, lequel vaut tout de m�me qu'on s'y arr�te et que si fuyant qu'il se pr�sente � nous, il est sensible de tellement de fa�ons qu'il suffit, si je puis dire, de se pencher pour en ramasser les preuves. Ce n'est point autre chose que j'essaie de vous faire sentir chaque fois par exemple qu'incidemment je ram�ne les pi�ges de la double n�gation et que le "je ne sache pas que je veuille" n'est pas entendu de la m�me fa�on je pense que "je sais que je ne veux pas".

    R�fl�chissez sur ces petits probl�mes jamais �puis�s - car les logiciens de la langue s'y exercent et leurs balbutiements sont l� plus qu'instructifs - qu'aussi souvent qu'il y aura des paroles qui coulent et m�me des �crivains qui (->p305) (XIV/8) laissent fluer les choses au bout de leur plume comme elles se parlent, on dira � quelqu'un - j'ai d�j� insist�, mais on ne saurait trop y revenir - "vous n'�tes pas sans ignorer" pour lui dire : "vous savez bien tout de m�me". Le double plan sur lequel joue ceci est que cela va de soi. Que quelqu'un �crive comme cela et que c'est arriv�, cela m'a �t� rappel� r�cemment dans un de ces textes de Pr�vert de quoi Gide s'�tonnait : " Est-ce qu'il a voulu se moquer ou sait-il bien ce qu'il �crit ? " Il n'a pas voulu se moquer : �a lui a coul� de la plume et toute la critique des logiciens ne fera pas qu'il nous advienne, pour peu que nous soyons engag�s dans un v�ritable dialogue avec quelqu'un, � savoir qu'il s'agisse d'une fa�on quelconque d'une certaine condition essentielle � nos rapports avec lui - qui est celle � laquelle je pense arriver tout � l'heure qu'il est essentiel que quelque chose entre nous s'institue comme ignorance que je glisserai � lui dire, si savant et si puriste que je sois, "Vous n'�tes pas sans ignorer".

    Le m�me jour o� je vous en parlais ici, je me suis d�tourn� de citer ce que je venais de lire dans le Canard Encha�n� � la fin de ces morceaux de bravoure qui se poursuivent sous la signature d'Andr� Ribaud avec pour titre la Cour "Il ne faut pas se d�combattre (dans un style pseudo-Saint-Simonien, de m�me que Balzac �crivait une langue du XVI�me si�cle enti�rement invent�e par lui) de quelque d�fiance des rois".

    Vous comprenez parfaitement ce que cela veut dire.
Essayez de l'analyser logiquement et vous voyez que cela dit exactement le contraire de ce que vous comprenez ; et vous
(->p306) (XIV/8) �tes naturellement tout � fait en droit de comprendre ce que vous comprenez parce que c'est dans la structure du sujet : le fait que les deux n�gations qui ici se superposent, non seulement ne s'annulent pas, mais bien effectivement se soutiennent, tient au fait d'une duplicit� topologique qui fait que "il ne faut pas se d�combattre" ne se dise pas sur le m�me plan, si je puis dire, o� s'institue le "quelque d�fiance des rois" : l'�nonciation et l'�nonc�, comme toujours, sont parfaitement s�parables mais ici leur b�ance �clate.

    Si le tore comme tel peut nous servir, vous le verrez, de pont , s'av�re d�j� suffisant � nous montrer en quoi consiste une fois pass� dans le monde ce d�doublement, cette ambigu�t� du sujet, n'est-il pas bon, aussi bien � cet endroit, de nous arr�ter sur ceci qu'elle comporte d'�vidence, cette topologie, et tout d'abord dans notre plus simple exp�rience, je veux dire celle du sujet. Quand nous parlons de l' engagement, est-il besoin de grands d�tours, de ceux qu'ici je vous fais franchir pour les besoins de notre cause, est-il besoin de grands d�tours aux moins initi�s pour �voquer ceci que s'engager implique d�j� en soi l'image du couloir, l'image de l'entr�e et de la sortie et jusqu'� un certain point l' image de l'issue derri�re soi ferm�e, et que c'est bien dans ce rapport � ce "fermer l'issue" que le dernier terme de l'image de l'engagement se r�v�le.

    En faut-il beaucoup plus, et toute une litt�rature qui culmine dans l'oeuvre de Kafka peut nous faire apercevoir qu' il suffit de retourner ce que, parait-il, la derni�re fois je (->p307) (XIV/10) n'ai pas assez imag� en vous montrant cette forme particuli�re du tore sous la forme de la poign�e d�gag�e d'un plan, le plan ne pr�sentant ici que le cas particulier d'une sph�re infinie �largissant un c�t� du tore. I1 suffit de faire basculer cette image, de la pr�senter le ventre en l'air et comme le champ terrestre o� nous nous �battons, pour nous montrer la raison m�me o� l'homme se pr�sente � nous comme ce qu'il fut et peut-�tre ce qu'il reste : un animal de terrier, un animal de tore. Toutes ses architectures ne sont tout de m�me pas sans quelque chose qui doive nous retenir pour leurs affinit�s avec quelque chose qui doit bien aller plus loin que la simple satisfaction d'un besoin, pour une analogie dont il saute aux yeux qu'elle est irr�ductible, impossible � exclure de tout ce qui s'appelle pour lui int�rieur et ext�rieur et que l'un et l'autre d�bouchent l'un sur l'autre et se commandent ce que j'ai appel� tout � l'heure le couloir, la galerie, le sous-terrain "M�moires �crits du sous-terrain" intitul� Dosto�evski ce point extr�me o� il scande la palpitation de sa question derni�re. Est-ce l� quelque chose qui s'�puise dans la notion d'instrument socialement utilisable ? Bien s�r, comme nos deux tores, la fonction de l'agglom�rat social et son rapport aux voies en tant que leur anastomose simule quelque chose qui existe au plus intime de l'organisme est pour nous un objet pr�figur� d'interrogation, ce n'est pas notre privil�ge : la fourmi et le termite le connaissent, mais le blaireau dont nous parle Kafka dans son terrier n'est pas pr�cis�ment lui un animal social.  

    Que veut dire ce rappel si ce n'est pour nous, au (->p308) (XIV/11) point o� nous avons � nous avancer, que si ce rapport de structure est si naturel qu'� condition d'y penser nous trouvions partout et fort loin enfonc�es ses racines dans la structure des choses, le fait que quand il s'agit que la pens�e s'organise, le rapport du sujet au monde elle le m�connaisse au cours des �ges si abondamment, pose justement la question de savoir pourquoi il y a l� si loin pouss� refoulement, disons � tout le moins m�connaissance.

    Ceci nous ram�ne � notre d�part qui est celui du rapport � l'Autre, en tant que je l'ai appel�, fond� sur quelque leurre qu'il s'agit maintenant d'articuler bien ailleurs que ce rapport naturel puisse aussi bien nous voyons bien combien � la pens�e il se d�robe, combien la pens�e le refuse. C'est d'ailleurs qu'il nous faut partir et de la position de la question � l'Autre, de la question sur son d�sir et sa satisfaction. S'il y a leurre, il doit tenir quelque part-� ce que j'ai appel� tout � l'heure la duplicit� radicale de la position du sujet ; et c'est ce que je voudrais vous faire sentir au niveau propre alors du signifiant en tant qu'il se sp�cifie de la duplicit� de la position subjective, et un instant vous demander de me suivre sur quelque chose qui s'appelle au dernier terme la diff�rence pour laquelle le graphe auquel je vous ai tenu pendant un certain temps de mon discours attach�s est � proprement parler forg� : cette diff�rence s'appelle diff�rence entre le message et la question.

     Ce graphe qui s'inscrirait si bien ici (Sch�ma II) dans la b�ance m�me par o� le sujet se raccorde (->p309) (XIV/12) doublement au plan discours universel, je vais aujourd'hui y inscrire les quatre points de concours qui sont ceux que vous connaissez : A ; s (A) la signification du message en tant que c'est du retour venant de l'Autre, du signifiant qui y r�side ; ici : S le rapport du sujet � la demande, en tant que s'y sp�cifie la pulsion ; ici : le S, le signifiant de l'Autre en tant que l'Autre lui-m�me au dernier terme ne peut se formaliser, se significantiser que comme marqu� lui-m�me par le signifiant, autrement dit en tant qu'il nous impose la renonciation � tout m�talangage. La b�ance qu'il s'agit ici d'articuler se suspend tout enti�re en la forme o� au dernier terme cette demande � l'Autre de r�pondre, alterne, se balance en une suite de retours entre le "rien peut-�tre" et le "peut-�tre rien". C'est ici un message (Sch�ma III). Il s'ouvre sur ce qui nous est apparu comme l'ouverture constitu�e par l'entr�e d'un sujet dans le r�el. Nous sommes ici en accord avec l'�laboration la plus certaine du terme de possibilit� : M�glichkeit. Ce n'est pas du c�t� de la chose qu'est le possible, mais du c�t� du sujet. Le message s'ouvre sur le terme de l'�ventualit� constitu�e par une attente dans la situation constituante du d�sir, telle que nous tentons ici de la serrer. "Peut-�tre" : la possibilit� est ant�rieure � ce nominatif "rien" qui � l'extr�me, prend valeur de substitut de la positivit�. C'est un point et un point c'est tout. La place du trait unaire est l� r�serv�e dans le vide qui peut r�pondre � l'attente du d�sir. C'est tout autre chose que la question en tant qu'elle s'articule : (Sch�ma IV) " rien peut-�tre " ?

    (->p310) (XIV/13) Que le peut-�tre au niveau de la demande mise en question : "Qu'est-ce que je veux ?" parlant � l'Autre, que le peut-�tre vient ici en position homologique � ce qui au niveau du message constituait la r�ponse �ventuelle "peut-�tre rien", c'est la premi�re formulation du message. "Peut-�tre rien", ce peut �tre une r�ponse, mais est-ce la r�ponse � la question "rien peut-�tre ?" Justement pas. Ici l'�nonciatif "rien" comme posant la possibilit� du non lieu de conclure d'abord comme ant�rieure � la cote d'existence, � la puissance d'�tre, cet �nonciatif au niveau de la question prend toute sa valeur d'une substantivation du n�ant de la question elle-m�me. La phrase "rien peut-�tre" s'ouvre, elle, sur la probabilit� que rien ne la d�termine comme question, que rien ne soit d�termin� du tout, qu'il reste possible que rien ne soit s�r, qu'il est possible qu'on ne puisse pas conclure si ce n'est par le recours � l'ant�riorit� infinie du Proc�s kafka�en, qu'il y ait pure subsistance de la question avec impossibilit� de conclure. 
Seule l'�ventualit� du r�el permet de d�terminer quelque chose et la nomination du n�ant de la pure subsistance de la question, voile ce � quoi, au niveau de la question elle-m�me, nous avons affaire. "Peut-�tre rien" pouvait �tre au niveau du message une r�ponse, mais le message n'�tait justement pas une question. "Rien peut-�tre ?" au niveau de la question, ne donne qu'une m�taphore, � savoir la puissance d'�tre est de l'au-del�, toute �ventualit� y a disparu d�j� et toute subjectivit� aussi. I1 n'y a qu'effet de sens, renvoi du sens au sens � l'infini, � ceci pr�s que, pour nous analystes, nous nous sommes habitu�s par exp�rience � structurer ce renvoi sur deux plans et que c'est cela qui change tout, � savoir que la m�taphore pour nous
(->p311) (XIV/14)
est condensation, ce qui veut dire deux cha�nes et qu'elle fait, la m�taphore, son apparition de fa�on inattendue au bon milieu du message, qu'elle devient aussi message au milieu de la question, que la question "famille" commence � s'articuler et que surgit au bon milieu le million du millionnaire, que l'irruption de la question dans le message se fait en ceci qu' il nous est r�v�l� que le message se manifeste au beau milieu de la question, qu'il se fait jour sur le chemin o� nous sommes appel�s � la v�rit�, que c'est � travers notre question de v�rit� - j'entends la question m�me et non pas dans la r�ponse � la question - que le message se fait jour.

    C'est donc en ce point pr�cis, pr�cieux pour l'articulation de la diff�rence de l'�nonciation � l'�nonc�, qu' il nous fallait un instant nous arr�ter. Cette possibilit� du rien, si elle n'est pas pr�serv�e, c'est ce qui nous emp�che de voir, malgr� cette omni-pr�sence qui est au principe de toute articulation possible proprement subjective, cette b�ance qui est �galement tr�s pr�cis�ment incarn�e dans le passage du signe au signifiant o� nous voyons appara�tre ce qu'est ce qui distingue le sujet dans cette diff�rence : est-il signe en fin de compte, lui  ou signifiant ?

    Signe, signe  de quoi ? I1 est justement le signe de rien. Si le signifiant se d�finit comme repr�sentant le sujet aupr�s d'un autre signifiant - renvoi ind�fini des sens - et si ceci signifie quelque chose, c'est parce que le signifiant signifie aupr�s de l'autre signifiant cette chose privi-(->p312) (XIV/15)l�gi�e qu'est le sujet en tant que rien. C'est ici que notre exp�rience nous permet de mettre en relief la n�cessit� de la voie par o� se supporte aucune r�alit� dans la structure identifiable en tant qu'elle est celle qui nous permet de poursuivre notre exp�rience.

    L'Autre ne r�pond donc rien si ce n'est que rien n'est s�r, mais ceci n'a qu'un sens : c'est qu'il y a quelque chose dont il ne veut rien savoir et tr�s pr�cis�ment de cette question. A ce niveau l'impuissance de l'Autre s'enracine dans un impossible qui est bien le m�me sur la voie duquel nous avait d�j� conduits la question du sujet. Pas possible �tait ce vide o� venait surgir dans sa valeur divisante le trait unaire. Ici nous voyons cet impossible prendre corps et conjoindre ce que nous avons vu tout � l'heure �tre d�fini par Freud de la constitution du d�sir dans l'interdiction originelle. L'impuissance de l'Autre � r�pondre tient � une impasse et cette impasse - nous la connaissons - s'appelle la limitation de son savoir . "Il ne savait pas qu'il �tait mort", qu'il n'est parvenu � cette absoluit� de l'Autre que par 1a mort non accept�e mais subie , et subie par le d�sir du sujet ; cela le sujet le sait, si je puis dire ; que l'Autre ne doive pas le savoir, que l'Autre demande � ne pas savoir, c'est l� la part privil�gi�e dans ces deux demandes non confondues : celle du sujet et celle de l'Autre. C'est que justement le d�sir se d�finit comme l'intersection de ce qui dans les deux demandes est � ne pas dire. C'est seulement � partir de l� que se lib�rent les demandes formulables partout ailleurs que dans le champ du d�sir.

    (->p313) (XIV/16) Le d�sir ainsi se constitue d'abord de sa nature comme ce qui est cach� � l'Autre par structure ; c'est l'impossible � l'Autre justement qui devient le d�sir du sujet. Le d�sir se constitue comme la partie de la demande qui est cach�e � l'Autre. Cet Autre qui ne garantit rien justement en tant qu'Autre, en tant que lieu de la parole, c'est l� qu'il prend son incidence �difiante. I1 devient le voile, la couverture, le principe d'occultation de la place m�me du d�sir et c'est l� que l'objet va se mettre � couvert, que s'il y a une existence qui se constitue d'abord c'est celle-l� et qu'elle se substitue � l'existence du sujet lui-m�me puisque le sujet en tant que suspendu � l'Autre reste �galement suspendu � ceci que du c�t� de l'Autre rien n'est s�r sauf justement qu'il cache, qu'il couvre quelque, chose qui est cet objet, cet objet qui n'est encore peut-�tre rien en tant qu'il va devenir l' objet du d�sir.

    L'objet du d�sir existe comme ce rien m�me dont l'Autre ne peut savoir que c'est tout ce en quoi il consiste ; ce rien en tant que cach� � l'Autre prend consistance, il devient l'enveloppe de tout objet devant quoi la question m�me du sujet s'arr�te pour autant que le sujet alors ne devient plus qu'imaginaire. La demande est lib�r�e de la demande de l'Autre dans la mesure o� le sujet exclut ce non savoir de l'Autre. Mais il y a deux formes possibles d'exclusion:  "je m'en lave les mains de ce que vous savez ou de ce que vous ne savez pas, et j'agis" "vous n'�tes pas sans ignorer" veut dire � quel point je m'en moque que vous sachiez ou que vous ne sachiez pas. Mais il y a aussi l'autre fa�on ; "il faut (->p314) (XIV/17) absolument que vous sachiez", et c'est la voie que choisit le n�vros�, et c'est pour cela qu'il est, si je puis dire, d�sign� d'avance comme victime. La bonne fa�on pour le n�vros� de r�soudre le probl�me de ce champ du d�sir en tant que constitu� par ce champ central des demandes qui justement se recoupent et pour �a doivent �tre exclues, c'est que lui il trouve que la bonne fa�on c'est que vous sachiez. S'il n'en �tait pas ainsi, il ne ferait pas de psychanalyse.

    Qu'est-ce que fait l'homme aux rats en se levant la nuit comme Th�odore ? I1 se tra�ne en savates vers le couloir pour ouvrir la porte au fant�me de son p�re mort pour lui montrer quoi ? Qu'il est en train de bander. Est-ce que ce n'est pas l� la r�v�lation d'une conduite fondamentale ? Le n�vros� veut que, faute de pouvoir, puisqu'il appert que l'Autre ne peut rien, � tout le moins il sache. Je vous ai parl� tout � l'heure d'engagement : le n�vros�, contrairement � ce qu'on croit, est, quelqu'un qui s'engage comme sujet. I1 se ferme � l'issue double du message et de la question ; il se met lui m�me en balance pour trancher entre le "rien peut-�tre" et le "peut-�tre rien", il se pose comme r�el en face de l'Autre ; c'est-�-dire comme impossible. Sans doute ceci vous appara�tra mieux de savoir comment �a se produit. Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui j'ai fait surgir cette image du Th�odore freudien dans son exhibition nocturne et fantasmatique, c'est qu'il y a bien quelque m�dium, et pour mieux dire, quelque instrument � cette incroyable transmutation de l'objet du d�sir � l'existence du sujet et que c'est justement le phallus. Mais ceci est (->p315) (XIV/18) r�serv� pour notre prochain propos. Aujourd'hui je constate simplement que phallus ou pas le n�vros� arrive dans le champ comme ce qui du r�el se sp�cifie comme impossible. Ca n'est pas exhaustif ; car cette d�finition, nous ne pourrons pas l'appliquer � la phobie. Nous ne pourrons le faire que la prochaine fois, mais nous pouvons tr�s bien l'appliquer � l'obsessionnel.
Vous ne comprendrez rien � l'obsessionnel si vous ne vous souvenez pas de cette dimension qu'il incarne, lui l'obsessionnel, en ceci qu'il est de trop -c'est sa forme de l'impossible � lui - et que d�s qu'il essaie de sortir de sa position embusqu�e d'objet cach�, il faut qu'il soit l'objet de nulle part. D'o� cette esp�ce d'avidit� presque f�roce chez l'obsessionnel d'�tre celui qui est partout pour n'�tre justement nulle part.

    Le go�t d'ubiquit� de l'obsessionnel est bien connu, et faute de le rep�rer vous ne comprendrez rien � la plupart de ses comportements. La moindre des choses, puisqu'il ne peut pas �tre partout, c'est d'�tre en tous les cas en plusieurs endroits � la fois, c'est-�-dire qu'en tout cas nulle part on ne puisse le saisir.

    L'hyst�rique a un autre mode qui est le m�me bien s�r, puisque la racine de celui-ci, quoique moins facile, moins imm�diat � comprendre. L'hyst�rique aussi peut se poser comme r�el en tant qu'impossible. Alors son truc, c'est que cet impossible subsistera si l'Autre l'admet comme signe. L'hyst�rique se pose comme signe de quelque chose � quoi l'Autre pourrait croire ; mais pour constituer ce signe elle est bien r�elle (->p316) (XIV/19) et il faut � tout prix que ce signe s'impose et marque l'Autre.

    Voici donc o� aboutit cette structure, cette dialectique fondamentale toute enti�re reposant sur la d�faillance derni�re de l'Autre en tant que garantie du s�r. La r�alit� du d�sir s'y institue et y prend place par l'interm�diaire de quelque chose dont nous ne signalerons jamais assez le paradoxe, la dimension du cach�, c'est � dire la dimension qui est bien la plus contradictoire que l'esprit puisse construire d�s qu'il s'agit de la v�rit�. Quoi de plus naturel que l'introduction de ce champ de la v�rit� si ce n'est la position d'un Autre omniscient, au point que le philosophe le plus aigu, le plus ac�r�, ne peut faire tenir la dimension m�me de la v�rit�, qu'� supposer que c'est cette science de celui qui sait tout qui lui permet de se soutenir.

    Et pourtant rien de la r�alit� de l'homme, rien de ce qu'il qu�te ni de ce qu'il suit ne se soutient que de cette dimension du cach�, en tant que c'est elle qui inf�re la garantie qu'il y a un objet bien existant et qu'elle donne par r�flexion cette dimension du cach� ; en fin de compte c'est elle qui donne sa seule consistance � cette autre probl�matique. La source de toute foi et de la foi en Dieu �minemment est bien ceci que nous nous d�pla�ons dans la dimension m�me de ce que bien que le miracle de ce qu'il doit tout savoir lui donne en somme toute sa subsistance, nous agissons comme si toujours les neuf dixi�mes de nos intentions, il n'en savait rien. "Pas un mot � la Reine m�re", tel est le principe sur lequel toute constitution subjective se d�ploie et se d�place.

    (->p317) (XIV/20) Est-ce qu'il n'est pas possible que se con�oive une conduite � la mesure de ce v�ritable statut du d�sir et est-ce qu'il est m�me possible que nous ne nous apercevions pas que rien, pas un pas de notre conduite �thique ne peut, malgr� l'apparence, malgr� le bavardage s�culaire du moraliste, se soutenir sans un rep�rage exact de la fonction du d�sir ? Est-il possible que nous nous contentions d'exemples aussi d�risoires que celui de  Kant quand, pour nous r�v�ler la dimension irr�ductible de la raison pratique, il nous donne comme exemple que l'honn�te homme, m�me au comble du bonheur, ne sera pas sans au moins un instant mettre en balance qu'il renonce � ce bonheur pour ne pas porter contre l'innocence un faux t�moignage au b�n�fice du tyran. Exemple absurde, car � l'�poque o� nous vivons, mais aussi bien � celle de Kant, est-ce que la question n'est pas tout � fait ailleurs ? Car le juste va balancer oui, � savoir si pour pr�server sa famille il doit porter ou non un faux t�moignage. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire que, s'il donne prise par l� la haine du tyran contre l'innocent, il pourrait porter un vrai t�moignage, d�noncer son petit copain comme juif quand il l'est vraiment.

    Est-ce que ce n'est pas l� que commence la dimension morale qui n'est pas de savoir quel devoir nous devons remplir ou non vis � vis de la v�rit�, ni si notre conduite tombe ou non sous le coup de la r�gle universelle, mais si nous devons ou non satisfaire au d�sir du tyran ?

    (->p318) (XIV/21) L� est la balance �thique � proprement parler ; et c'est � ce niveau que sans faire intervenir aucun dramatisme externe - nous n'en avons pas besoin - nous avons aussi � faire � ce qui, au terme de l'analyse, reste suspendu � l'Autre. C'est pour autant que la mesure du d�sir inconscient au terme de l'analyse reste encore impliqu�e dans ce lieu de l'Autre que nous incarnons comme analystes, que Freud au terme de son oeuvre peut marquer comme irr�ductible le complexe de castration comme par le sujet inassumable.

    Ceci je l'articulerai la prochaine fois, me faisant fort de vous laisser � tout le moins entrevoir qu'une juste d�finition de la fonction du phantasme et de son assomption par le sujet nous permet peut-�tre d'aller plus loin dans la r�duction de ce qui est apparu jusqu'ici � l'exp�rience comme une frustration derni�re.

    (->p319) (XIV/22) 

 

note: bien que relu, si vous d�couvrez des erreurs manifestes dans ce s�minaire, ou si vous souhaitez une pr�cision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un [mailto:gaogoa@free.fr �mail]. [#J.LACAN Haut de Page] 
[../../erreurs.htm commentaire]                 relu en septembre2002