Text/Jacques Lacan/Seminar XX/Acheronta 12 - Encore - Séminaire de Jacques Lacan - Mardi 10 avril 1973

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Mardi 10 avril 1973

Je ne vous parle gu?re de ce qui para?t, quand il s?agit de quelque chose de moi, d?autant plus que il me faut en g?n?ral assez l?attendre pour que, pour moi, l?int?r?t s?en distancie. Mmh. N?anmoins, il ne serait pas mauvais pour la prochaine fois qui sera le huit mai, pas avant, puisque le dix sept de ce mois sera en pleines vacances de P?ques, je vous pr?viens donc que le prochain rendez-vous est le huit mai. Il serait pas mauvais que vous ayez lu quelque chose que j?ai intitul? L??tourdit, en l? ?crivant d-i-t, et qui part de la distance qu?il y a du dire au dit.

Qu?il n?y ait d??tre que dans le dit c?est une question, que nous laisserons en suspens. Il est certain que, qu?il n?y a du dit que de l??tre, mais cela n?impose pas la r?ciproque. Par contre, ce qui est mon dire c?est qu?il n?y a de l?inconscient que du dit, ?a c?est un dire. Comment dire, c?est l? la question, on ne peut pas dire n?importe comment et c?est le probl?me de qui habite le langage, ? savoir de nous tous.

C?est bien pourquoi aujourd?hui, et ? propos de cette b?ance que j? ai voulu exprimer un jour en distinguant de la linguistique ce que je fais ici c?est-?-dire de la linguisterie, ? savoir ce qui se fonde dans ce que je viens d??noncer tout d?abord et qui est assur?, que nous ne pouvons traiter de l?inconscient qu?? partir du dit, et du dit de l?analysant. C?est bien dans cette r?f?rence que j ?ai demand? ? quelqu?un qui, ? ma grande reconnaissance a bien voulu y acc?der c?est-?-dire un linguiste de venir aujourd?hui devant vous, et je suis s?r que vous en tirerez profit, de ce qu?il en est actuellement de la position du linguiste. Je peux m?me pas indiquer ce qui ne peut pas manquer dans un tel ?nonc? de vous int?resser, que quelqu?un m?ait ?crit ? propos de, d?un article comme ?a qui ?tait paru quelque part, que quelqu?un m?ait ?crit qu?il y a dans la position du linguiste quelque chose qui se d?place, c?est ce que j?ai souhait? aujourd?hui que quelqu?un vous informe, et personne n?en est plus qualifi? que celui que je vous pr?sente, ? savoir Jean-Claude Milner, un linguiste.

Jean-Claude Milner 135 ? De la grammaire, il y en a toujours eu, il y en a eu avant les modernes et il y en aura sans doute apr?s nous. Pour la linguistique c?est autre chose si l?on entend par linguistique ce qu?il faut entendre, quelque chose d?assez pr?cis, c?est-?-dire un champ, un discours qui consid?re le langage comme objet de science. Que le langage, peu importe le nom, que le langage soit objet de science, c?est une proposition qui n?a rien de trivial et qui est m?me, d?un certain point de vue, hautement invraisemblable. N?anmoins, une discipline s?est constitu?e autour de cette hypoth?se et on sait g?n?ralement ? quel prix, par quelles voies cette discipline s?est constitu?e.

Historiquement, et d?un point de vue syst?matique, le d?part c?est le cours de linguistique de Saussure qui articule donc la linguistique comme science autour d?un certain nombre de propositions encha?n?es. De ces propositions, j?en retiendrai trois pour, disons, r?sumer le premier abord de la linguistique prise comme science.

La premi?re de ces propositions c?est que le langage, en tant qu?il est objet de la linguistique, n?a comme propri?t?s que celles qui se d?duisent analytiquement de sa nature de signe. Cette proposition peut s?analyser en deux sous-propositions. La premi?re c?est que le langage n?a pas de propri?t?s sp?cifiques par rapport ? d?autres syst?mes de signes. La deuxi?me, c?est que la notion de signe est essentielle ? la linguistique. Autrement dit on peut d?finir la linguistique comme le type g?n?ral de toute th?orie des syst?mes signifiants.

La deuxi?me grande proposition qui s?encha?ne ? la premi?re, c?est que les propri?t?s de tout syst?me de signes peuvent ?tre d?crites par des op?rations assez simples, ces op?rations ?tant elles-m?mes justifi?es par la nature m?me du signe, essentiellement sa nature d??tre biface et d??tre arbitraire. Par exemple, parmi ces op?rations, une qui est bien connue, la commutation. Ces op?rations n?ont rien de sp?cifique au langage, elles pourraient ?tre appliqu?es et ont ?t? appliqu?es ? d?autres syst?mes.

La troisi?me proposition c?est que l?ensemble des propri?t?s de la langue, donc l?objet de la linguistique, ce qu?on peut appeler cet ensemble, ce qu?on peut appeler la structure est, en quelque sorte, de m?mes tissus que les donn?es observables. Cette structure n?a rien qui soit cach?, rien qui soit secret, elle s?offre ? l?observation et les op?rations du linguiste ne font que ?lucider, expliciter ce qui est co-pr?sent aux donn?es elles-m?mes.

Ces trois propositions ont donn? naissance ? un type de linguistique bien connu, la linguistique structurale. C?est un fait important que ces trois propositions ont ?t?, toutes les trois, r?fut?es. Autrement dit, dans le mouvement m?me de la linguistique consid?r?e comme science, une autre hypoth?se, une autre th?orie du champ s?est propos?e qui s?articule par trois propositions ?galement qui prennent le contre-pied de celles que je viens d??noncer.

Je commencerai par la derni?re. Pour analyser, non? premi?re proposition de cette nouvelle th?orie qui correspond au contre-pied de la troisi?me que j?ai ?nonc?e pr?c?demment, pour analyser une langue on a besoin de faire intervenir des relations abstraites qui ne sont pas forc?ment repr?sent?es dans les donn?es elles-m?mes. Autrement dit, il n?y a pas une seule structure qui serait co-pr?sente aux donn?es, mais il y a au moins deux structures, une qui est observable qu?on appelle la structure de surface, et l?autre ou plusieurs autres qui ne sont pas observables dont la structure dite profonde.

Deuxi?me proposition articul?e qui prend donc le contre-pied de la deuxi?me proposition structuraliste, ces deux structures, structure de surface et structure profonde, sont reli?es entre elles par des op?rations complexes, en tout cas trop complexes pour ?tre tir?es de la nature m?me du signe, par exemple ce qu?on appelle g?n?ralement les transformations. Et la premi?re proposition structuraliste trouve son contre-pied dans la troisi?me proposition transformationnelle, transformationnaliste, ces transformations sont sp?cifiques au langage. Autrement dit, aucun syst?me connu ne pr?sente des op?rations du type des transformations, autrement dit encore, il y a des propri?t?s sp?cifiques au langage.

Un corollaire que je n?explicite pas, dont je n?explicite pas les raisons, c?est que la notion de signe comme telle n?est aucunement n?cessaire ? la linguistique. On peut parfaitement d?velopper la linguistique comme science sans faire usage de la notion de signe saussurien, de la notion de signifiant par opposition au signifi?, ce qui, disons par parenth?se, rend quelque peu comique certaine assertion r?cente suivant laquelle c?est du c?t? de la linguistique qu?il faudrait se tourner pour comprendre la notion de signifiant.

Ce changement, ? l?int?rieur de la linguistique, a toutes les apparences ext?rieures de ce qu?on a appel? une refonte, c?est-?-dire le passage d?une certaine configuration du champ d?une science ? une autre configuration de ce champ, cette seconde configuration int?grant la premi?re et la pr?sentant comme un cas particulier de sa propre analyse. Et ainsi, la linguistique structuraliste est r?fut?e par la linguistique transformationnelle, mais en m?me temps elle y est int?gr?e puisque la linguistique structurale appara?t comme un cas particulier plus restrictif de la linguistique transformationnelle.

Loin donc ce passage d?une linguistique ? une autre puisse se qualifier comme une difficult? ou comme une crise, le fait que ce type de refonte soit possible para?t plut?t une preuve que la linguistique est bien int?gr?e au champ des sciences.

Voil? en gros la pr?sentation la plus courante que l?on peut faire du syst?me de la linguistique. Ce que je vais essayer de montrer c?est qu?en r?alit? la situation est toute diff?rente, il n?y a pas, dans les difficult?s il y a premi?rement des difficult?s aujourd?hui dans le champ de la linguistique, et ces difficult?s ne se pr?sentent pas comme les signes avant-coureurs d?une refonte, c?est-?-dire comme les signes avant-coureurs d?une nouvelle figure de la linguistique qui int?grerait la pr?c?dente, mais comme les signes d?une difficult? de fond, ce qu?on appelle couramment une crise, et j ?essaierai de vous montrer en dernier lieu le noyau, le principe de cette crise.

Je vais donc consid?rer successivement quelques probl?mes de brouillage, d?antinomie qui sont recouverts par la linguistique dite transformationnelle. La premi?re sera l?antinomie, la? comment dire ? la possibilit? de, d? interpr?ter de deux mani?res diff?rentes l?opposition de la structure de surface ? la structure de profondeur.

Pour pr?senter de fa?on simple le probl?me, on peut consid?rer que le donner ? expliquer, pour une grammaire transformationnelle c?est, mettons, un ensemble de phrases que l?on consid?rera comme appartenant ? un ensemble bien form?. Par exemple, je prends un exemple tout ? fait abstrait, une phrase positive, assertive, active sera reli?e et sera class?e dans le m?me ensemble que la version n?gative de cette m?me phrase, dans le m?me ensemble que la version interrogative de cette m?me phrase et dans le m?me ensemble que la version passive de cette m?me phrase. On a donc un ensemble, on peut se poser des questions sur la fa?on dont l?ensemble sera construit, mais enfin, on a le deux. Eh bien, cet ensemble, on peut admettre que s?il est bien form?, il se justifie par une propri?t? commune ? tous les ?l?ments de l?ensemble, op?ration tr?s simple. Question : cette propri?t? commune est-elle une r?alit? ou un flatus vocis ? Autrement dit, l?interpr?tation de cette proposition : il y a une propri?t? commune aux ensembles, aux phrases de l?ensemble peut avoir une version r?aliste ou une version nominaliste. Si on adopte l?interpr?tation r?aliste, cela revient ? dire que on a une r?alit?, que cette propri?t? commune est une r?alit?, cette r?alit? est de type langagier, linguistique, autrement dit que la propri?t? commune ? toutes les phrases de l?ensemble se repr?sentera sous la forme d?une structure linguistique, cette structure ?tant ?videmment qualifi?e pour ?tre la structure profonde des phrases appartenant ? l?ensemble. ? partir de cette structure, il suffira de construire un certain nombre de r?gles, des transformations qui permettront d?obtenir donc, ? partir de la structure commune, par une s?rie d?op?rations diff?rentes tel et tel ?l?ment diff?renci? de l?ensemble initial. Autre interpr?tation, interpr?tation nominaliste, dans ce cas-l?, il n?y a aucune r?alit? qui repr?sente la propri?t? comme telle, il n?y a comme r?alit? que la classe que l?on a pu construire, la classe de phrases que l?on a pu construire et, de ce point de vue, le syst?me transformationnel n?a plus de structure de d?part sur laquelle il aura ? op?rer des modifications.

Deuxi?me divergence possible concernant les transformations elles-m?mes, disons l?ensemble de la grammaire dite transformationnelle : ?tant donn?e une transformation ou ?tant donn?e toute assertion grammaticale, de la th?orie grammaticale, on pourra l?envisager soit en extension, soit en intention. Par exemple, en extension, une transformation consiste en une paire de phrases que l?on affirme ?tre li?es, par exemple la phrase active et la phrase passive, et la transformation ne sera rien d?autre que le couple que l?on aura pu construire : phrase active ? phrase passive.

Si l?on adopte le point de vue intentionnel, eh bien la transformation ne se r?duit pas ? la paire de phrases mais devient une propri?t? de cette paire qui ne se confond pas avec la paire elle-m?me. Cette opposition, cette divergence peut entra?ner un certain nombre de diff?rences tout ? fait sensibles dans la th?orie. Prenons par exemple une structure comme il en existe beaucoup dans les langues o? la pr?sence d?un ?l?ment peut ?tre pr?vue ? partir de la pr?sence d?un autre. Par exemple, en fran?ais, il n?y a pas d?article qui ne soit suivi, de pr?s ou de loin, enfin imm?diatement ou non, d?un substantif. Autrement dit, lorsqu?on dit d?une structure qu?elle comporte un article, on dit la m?me chose que lorsqu?on dit que cette structure comporte un article suivi d?un substantif, bien ?videmment. Autrement dit encore, la classe des s?quences comportant un article est identique ? la classe des s?quences comportant un article plus un substantif.

Dans une approche extentionnelle, toute expression ayant la m?me extension qu?une autre expression peut ?tre librement substitu?e ? cette autre expression. Dans le cas particulier cela voudra dire qu?une expression du type structure comportant un article sera librement substituable ? structure comportant un article plus un substantif.

Mais dans l?approche intentionnelle, il n?est pas n?cessairement vrai que deux expressions ayant la m?me extension soient substituables. Par exemple, pour prendre un exemple de Quine, entre la propri?t? ?tre un animal marin vivant en 1940, et la propri?t? ?tre un c?tac? vivant en 1940, l?extension pourra bien ?tre la m?me, admettons, mais il n?est pas ?vident pour autant que les deux propri?t?s soient les m?mes et soient substituables l?une ? l?autre en pr?servant la synonymie des ?nonc?s.

Par cons?quent dans le cas qui nous occupe, il peut tr?s bien y avoir une diff?rence entre la propri?t? ?tre analysable en un article, et la propri?t? ?tre analysable entre article plus nom. Et l?on peut parfaitement imaginer des r?gles qui seront correctement pr?sent?es suivant l?une de ces propositions et ne le seraient pas suivant l?autre de ces propositions.

Jacques Lacan ? mammif?re !

Jean-Claude Milner ? Oui c?est ?a? Mammif?re, ah oui ! Pour ?tre complet, il faudrait ajouter les pinnip?des aux c?tac?s. Il y a deux, deux sous-groupes parmi les animaux mammif?res marins.

Autrement dit, l? encore on a une bifidit?, un clivage entre deux interpr?tations possibles de la notion de transformation. En g?n?ral, les th?ories linguistiques combinent le point de vue intentionnel sur les transformations et le point de vue r?aliste concernant la structure profonde. Et celle qui adopte le point de vue extentionnel concernant les transformations adoptent le point de vue nominaliste sur la structure profonde. Je ne m?attarderai pas sur ce fait, il n?est s?rement pas d? au hasard, je prendrai simplement la situation telle qu?elle est.

On a donc deux possibilit?s pour la th?orie linguistique transformationnelle, d?une part ?tre intentionnelle r?aliste, et d?autre part ?tre extentionnelle nominaliste.

Si on adopte le point de vue extentionnel r?aliste, le point de vue extentionnel nominaliste, pardon, la structure profonde devient, ?tant simplement une classe, les r?gles de la grammaire ?tant purement extentionnelles sont elles aussi purement des classes, autrement dit les d?monstrations de cette th?orie consisteront tout simplement ? trouver des proc?dures de construction des classes bien form?es. Et on aura d?montr? une th?se dans cette grammaire si l?on a trouv? la proc?dure constructiv e, effective, permettant de montrer que la classe vis?e est bien form?e, est exhaustive, etc..

Inversement dans l?autre hypoth?se, la version donc intentionnelle nominaliste 136, la structure profonde est une structure r?elle et c?est de plus une structure cach?e. Pour la reconstituer, on est oblig? de s?appuyer sur des indices donn?s par l?observation. D?autre part, les transformations sont formul?es en termes de propri?t?s, essentiellement ? partir de l??nonc? suivant, le principe suivant : deux phrases sont en relation de transformation si elles ont les m?mes propri?t?s. Il faudra donc toute une s?rie de raisonnements montrant que telle propri?t? est bien repr?sent?e sur deux phrases, que cette propri?t? est la m?me dans les deux cas, que d?autre part le fait que cette propri?t? soit la m?me est un argument suffisant pour combiner les deux phrases par une transformation, etc..

Autrement dit la forme de la d?monstration sera non pas de l?ordre de la construction des classes mais de l?ordre de l?argumentation ? partir d?indices ou ? partir de r?seaux. Le type de certitude dans un cas sera donc de l?ordre des d?nombrements exhaustifs, dans l?autre cas il sera de l?ordre des raisons combin?es de la force relative des indices, etc.

Conclusion, il n?y a pas, de m?me qu?il n?y a pas donc une interpr?tation univoque des notions fondamentales de la linguistique, de m?me il n?y a pas de type unique de d?monstration et de certitude.

Est-ce que, n?anmoins, on peut maintenir que sur la notion de propri?t? du langage, nous avons vu qu?elle ?tait singuli?re dans la th?orie transformationnelle, est-ce que l?on peut dire qu ?il y a accord ? Le probl?me est d?importance dans la mesure o?, si l?on admet que le langage a des propri?t?s sp?cifiques, l?objet de la linguistique sera ?videmment de d?couvrir ces propri?t?s sp?cifiques, et il ne peut pas y en avoir d?autres. Si donc il appara?t que sur la notion de propri?t? du langage il y a ambivalence, ambigu?t?, on en sera amen? ? conclure qu?il n?y a pas de notion univoque de l?objet de la linguistique.

Eh bien en fait, on peut effectivement montrer qu?il y a ambivalence de la notion m?me de propri?t?.

Prenons l?exemple des transformations. C?est une sp?cificit?, admettons-le, des syst?mes linguistiques, que d??tre articulables en termes de transformations. Eh bien il existe une interpr?tation suivant laquelle on dira : ce qui me garantit que c?est une propri?t? c?est justement que l?on puisse imaginer a priori toute une s?rie de syst?mes formels non pourvus de transformations, autrement dit a priori rien ne m?emp?che de repr?senter un syst?me par des transformations, mais en fait, eh bien c?est comme ?a, il y a des transformations en des noms. La notion de propri?t? est alors li?e au c?est comme ?a, ? l?ind?ductible a priori et ? l?observable a posteriori. C?est en particulier la position de Chomsky, et pour ceux qui pratiquent les raisonnements, enfin les argumentations, les discussions de la grammaire du type chomskien, ils reconna?tront tr?s fr?quemment des arguments du genre : il n?y a aucune raison a priori pour que telle structure soit pr?sente dans les langues, or elle y est pr?sente, donc j?ai une propri?t?, et ayant une propri?t? reconnaissable ? ce crit?re qu?elle est ind?ductible a priori, j ?ai atteint la th?se ultime de ma th?orie et j?ai atteint mon objet.

Mais on peut imaginer une interpr?tation tout ? fait diff?rente qui dira : eh bien il n?y a aucune raison de ne pas appliquer le principe de raison au ph?nom?ne que l?on a d?couvert, par exemple l?existence des transformations, et l?on cherchera ? dire : eh bien s?il y a des transformations dans les langues, eh bien cela tient ? leur essence quelle que soit cette essence, par exemple celle d??tre des instruments de communication, ou par exemple celle de repr?senter des situations objectives ou toute essence qu?on pourrait s?imaginer de ce c?t? l?. Peu importe le d?tail, ce qui est important c?est que dans une interpr?tation de ce genre, le crit?re d?une propri?t? ce n?est pas qu?elle soit ind?ductible a priori, mais c?est qu?elle soit au contraire d?ductible ? partir d?un principe fondamental qui articulerait n ?est-ce pas, qui formulerait l?essence m?me de la langue prise comme telle.

Vous voyez que dans ce cas l? on a deux th?ories linguistiques tout ? fait diff?rentes et que l?objet de la linguistique ne se formulera pas du tout de la m?me fa?on, puisque dans un cas l? objet de la linguistique sera d?enregistrer, de chercher ? d?couvrir tout l?ensemble des propri?t?s en quelque sorte inexplicables, a priori, des langues que l?on peut simplement enregistrer comme des donn?es, dans l?autre cas l?objet de la linguistique sera d?essayer de ramener l?ensemble des propri?t?s que l?on aura pu d?couvrir objectivement ? une essence du langage quelle qu?en soit la d?finition.

Eh bien, me semble-t-il, lorsque dans une th?orie, on a divergence sur l?objet, qu?on a divergence sur la nature des d?monstrations sur la nature de la certitude, il y a manifestement quelque chose qui est en cause. Eh bien si l?on observe ce qui se passe, on s?aper?oit que, pour choisir entre les diverses interpr?tations, ? chaque moment de l?ambivalence, des ambivalences successives, le linguiste, les linguistes n?ont d?autre principe, en tout cas qu?on puisse reconna?tre, que leur propre vision du monde. Ils choisiront par exemple sur le dernier point l?hypoth?se de l? inexplicable a priori ou au contraire de l?explicable a priori uniquement en fonction de leur conception du principe de raison. Et ainsi de suite, concernant le choix entre le nominalisme ou le r?alisme, bien des discussions de cet ordre reviennent simplement ? une s?lection en termes de vision du monde : qu?est-ce que je pr?f?re, le nominalisme ou le r?alisme ? Ou, qu?est-ce que je pr?f?re, l?extension ou l?intention ? Ceci peut ?tre masqu? par un certain nombre d?assertions sur la nature de la science qui doit ?tre ou mesurable ou pas mesurable etc., peu importe, le fond c?est une question de vision du monde.

Il me semble que l?on peut avancer sans l?invraisemblance la th?se que lorsque dans un champ appartenant ? la science, la s?lection entre des th?ories concurrentes se fait en termes de vision du monde, on peut appeler ?a une crise. Eh bien cette crise on pourrait simplement la constater, il me semble que le noyau, le principe fondamental peut n?anmoins en ?tre articul? plus pr?cis?ment.

Quelque chose est en cause en ce moment dans le syst?me de la th?orie linguistique qui met en question sa nature m?me de science. Entre le passage, disons dans le passage du saussurisme au transformationnalisme, dont nous avons vu qu? il repose sur des inversions de propositions, il y avait quelque chose que je n?ai pas d?crit, qui est rest? intangible, c?est ce que je pourrais appeler le mod?le du sujet syntaxique. Qu?est-ce que c?est que ce mod?le, eh bien Saussure le d?crit de fa?on tr?s simple, c?est une relation ? deux termes entre le locuteur et l?interlocuteur. On conna?t, tout le monde conna?t le sch?ma saussurien : on a un point de d?part qui est A, un point d?arriv?e qui est B. Le propre de ce mod?le c?est que un interlocuteur ne fonctionne comme tel dans le syst?me que s?il prouve qu?il a la capacit? d??tre ? son tour un locuteur ? un autre moment du syst?me. Autrement dit on a deux termes qui sont sym?triques et diff?rents, ? peu pr?s comme la main droite et la main gauche, mais qui sont, comme la main droite et la main gauche, d?un certain point de vue, homog?nes. Et l?on peut parler de l?interlocuteur ou du locuteur linguistique au singulier, ayant comme propri?t? distinctive de se r?dupliquer dans la r?alit?, dans la r?alit? des corps, de m?me que l?on peut parler de la main au singulier, dont chacun sait que la propri?t? de se r?dupliquer dans le corps humain. Eh bien ce passage, enfin cette structure, ce mod?le est absolument inchang? dans le chomskisme, la r?f?rence que Chomsky d?ailleurs fait ? Saussure sur ce point est explicite, et l?on peut montrer de fa?on assez simple que, en dehors d?un tel mod?le, l?int?gration du langage ? la science, au champ de la science, est absolument impossible.

La question qui se pose ?a n?est pas tellement de savoir qu?est-ce qu?on fait tomber lorsque l?on propose un tel mod?le, parce qu?apr?s tout pratiquement on peut montrer sur tous les discours scientifiques qu?ils payent un certain prix qui est le prix de leur scientificit?. ?a n?est pas l? le probl?me, le probl?me c?est de savoir si dans le mouvement m?me de son exploration positive du champ des ph?nom?nes langagiers, donc en s?appuyant sur ce qui rend possible cette exploration positive, donc ce mod?le, la linguistique n?est pas amen?e ? ?tre confront?e devant des donn?es qui sont proprement inexplicables, impossibles ? ?lucider si elles continuent de s?appuyer sur ce mod?le. Autrement dit le point c?est de savoir si dans le mouvement m?me de son exploration scientifique, la linguistique ne rencontre pas de quoi dissoudre ce qui avait rendu cette exploration scientifique possible.

Eh bien, sans entrer dans les d?tails, il semble que c?est bien l? la situation.

Autrement dit, on peut montrer, on pourrait montrer que la linguistique, et c?est en ce moment que cela se passe, est mise en passe par simplement le mouvement de son exploration syntaxique, donc la plus positive possible, est mise en passe de ph?nom?nes incontournables et dont la pure syntaxe, la syntaxe fond?e sur la formalisation si j?ose dire, sur le, disons le formalisme, dont la pure syntaxe ne peut pas rendre compte si elle continue ? poser deux sujets absolument sym?triques, absolument homog?nes l ?un ? l?autre dont l?un sera le locuteur et l?autre l?interlocuteur. Je renvoie sur, pour une illustration de ce genre de probl?me, au r?cent livre de Ducrot Dire et ne pas dire 137, qui montre ? l??vidence qu?il y a toute une s?rie de ph?nom?nes parfaitement rep?rables en termes positifs, qui se rep?rent en termes de structure grammaticale, de mots, de choses tout ? fait enregistrables par des donn?es, que tous ces ph?nom?nes ne peuvent pas ?tre compris si l?on ne pose pas au moins deux sujets, h?t?rog?nes l?un ? l?autre, dont l?un exerce sur l?autre ce que Ducrot appelle une relation de pouvoir, un exercice de pouvoir.

Autrement dit, le point de la crise c?est que pour continuer l?exploration qu?elle est n?cessit?e ? faire, de par sa d?finition m?me, c?est-?-dire comme int?gration du langage au champ des sciences, la linguistique doit maintenant, est en passe de payer un prix qui lui est impossible de payer, parce que si elle le paye c?est en fait sa d?construction en tant que science qui commence.

Comme, que dire pour conclure, eh bien, quelque chose comme ceci c?est que le jour approche o? la linguistique, et c?est d?j? pr?sent chez Ducrot, commence, commencera ? se percevoir comme contemporaine de la psychanalyse, mais que il n ?est pas ?vident que ce jour venu, la linguistique soit toujours l? pour le voir.

Jacques Lacan ? Bon, euh? alors Je serais tr?s heureux de concentrer aujourd?hui les interventions que, que je puisse souhaiter. Euh. Je pense que Fran?ois R?canati va bien vouloir, puisque en somme l?orateur qui le pr?c?de est rest? dans des limites de temps tr?s ?troites? ? son intention? je serais heureux de savoir ce qu?il peut apporter aujourd?hui comme contribution.

Fran?ois R?canati 138 ? Je ne reviendrai pas sur ce qui vient d??tre dit. Je pense qu?un certain temps de m?ditation est un peu n?cessaire. Mais il me para?t ?vident que ce qui a ?t? pr?sent? ici comme conception du monde r?glant d?une certaine mani?re le destin actuel, c?est-?-dire non pas l??volution de ce qui se pr?sente comme science, comme la linguistique, ces choix qui doivent se faire entre nominalisme et r?alisme d?une part, et d? autre part deux principes de raison, ou plut?t un principe qui est l?ind?ductibilit? a priori et l?autre le vieux principe de raison, ceci pr?cis?ment rel?ve d?une certaine mani?re de ce qu?on peut appeler linguisterie, mais ? un niveau en quelque sorte o? c?est ces choix qui se constituent, dans la mesure o? ils s?articulent, ces choix se constituent comme objets.

Et d?une certaine mani?re, ce que je vais dire l? qui n??tait pas pr?vu pour s?articuler ? ce qui vient de se dire, n?anmoins ?a aura un certain rapport avec la possibilit? de ces choix, avec le fonctionnement de quelque chose comme justement l?ind?ductibilit? a priori fonctionnant comme principe de raison.

Ceci peut-?tre appara?tra-t-il tout seul, je ne chercherai pas particuli?rement ? le montrer. En g?n?ral, je signale que ?a va avoir trait ? tout ce qu?a d?velopp? ces derniers temps Lacan ? propos du pas toute et de la jouissance f?minine, et que plus particuli?rement il s?agit d?une question que je voudrais poser, et afin de la poser, je vais t?cher de l?illustrer, ce qui ne va pas sans risque dans la mesure o? pr?cis?ment il s?agit du mode de figuration possible d?un rapport, et que cette illustration que je t?cherai peut-?tre un peu m?taphoriquement de donner, d?une certaine mani?re peut-?tre empi?te-t-elle un peu sur le fait m?me de cette figuration que j?attends. Je vais d?abord tracer un sch?ma :

SCH?MA 1

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SCH?MA 2

[[File:Text/Text/./Acheronta%2012%20-%20Encore%20-%20Se%CC%81minaire%20de%20Jacques%20Lacan%20-%20Mardi%2010%20avril%201973_files/encore9.gif|378x120px|encore9.gif]]

Oui j?en ai un autre mais il va venir un peu plus tard ! Alors la question que j?ai pos?e au docteur Lacan et qu?ici je vais illustrer, c?est pr?cis?ment celle-ci : comment articuler le rapport entre la fonction p?re d?une part, la fonction p?re comme supportant l?universalit? de la fonction phallique chez l?homme, et d?autre part la jouissance f?minine suppl?mentaire qui s??pingle de ce LS (A) constituant ce qu?on pourrait appeler l?inuniversalit? ou plut?t l?inexhaustivit?, et ce n?est pas exactement le m?me sens, de la femme au regard de F ainsi que sa position dans le d?sir de l?homme sous les esp?ces de l?objet petit a.

Comment figurer ces deux termes dont la biglerie, a dit Lacan, est qu?ils se conjoignent tous deux au lieu de l?Autre ? Comment peut-on les figurer ? Et d?autre part, peut-on dire qu?effectivement, c?est ? peu pr?s la m?me chose que la premi?re question, qu?effectivement ils soient deux si tant est que, si R?gine avait un Dieu, peut-?tre n??tait-il pas le m?me, certainement pas le m?me que celui de Kierkegaard. Mais d?autre part, a dit Lacan, il n?est pas s?r non plus que on puisse dire qu?ils ?taient deux.

Je vais donner l? quelques jalons qui seront pas exactement des jalons pour l?abord de cette question que je pose, mais plus pr?cis?ment pour l?abord que je voudrais ?viter. Dans la mesure o?, d?s qu?il est question du pas toute, je crois qu?il y a deux mani?res de l?envisager, et que pr?cis?ment une de ces mani?res est compl?tement silencieuse dans la mesure o? d?s qu?on y acc?de, en quelque sorte, il y a un silence, il n?en est plus question, et une autre de ces mani?res ?vacue en quelque sorte le probl?me, et c?est la mani?re qui ?vacue que je vais d? abord, par certains jalons, rappeler pour montrer qu?elle laisse tout ? fait intacte la question de la jouissance f?minine.

Vous vous souvenez que ce il existe x qui dise non, tel que non phi de x (:!), c?est ce qui permet ? l?universel pour tout x phi de x (" x F x) de tenir. C?est la limit e, c?est la fonction bordante, c?est l?enveloppement par le Un qui permet ? un ensemble de se poser en rapport ? la castration.

Selon une sym?trie invers?e, et qui n?est d?ailleurs pas une sym?trie, c?est parce que rien chez la femme ne vient dire non, ne vient d?nier la fonction F que rien pr?cis?ment de d?cisif ne peut chez elle s?instaurer. Dans la mesure o? il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/? ), la femme ?tant ? plein dans la fonction F, elle ne se signale que par ce qui de suppl?mentaire d?passe cette fonction. Rien n?objecte ? la fonction F, c?est-?-dire il n?existe pas d?x qui dise non ? phi de x (/?) implique que la femme se situe par rapport ? autre chose que la limite de l?universel masculin qui est la fonction p?re  : il existe x tel que non phi de x (:?). Cette autre chose s??pingle de son rapport ? l?Autre comme barr?, A . Au regard de la fonction F, la femme ne peut s?inscrire que comme pas toute.

Mais ce il existe x tel que non phi de x (:?) est dans la position d?une alt?rit? radicale par rapport ? F, dans une position d?croch?e, certes c?est une existence n?cessaire, mais elle se pose aussi bien n?cessairement en dehors du champ couvert par F.

Dans la fonction p?re, la fonction F, dans la mesure o? c?est sur elle que porte la n?gation, est vid?e de ne pouvoir plus s?indicier d?aucune v?rit? logique.

A l?oppos?, dans il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?), la fonction est plus que remplie, elle d?borde, et le jeu du vrai et du faux de la m?me fa?on est rendu impossible.

Dans les deux cas que je voudrais signaler comme ?tant les deux cas d?existence, l?existence est dans une position excentrique par rapport ? ce qui dans F a valeur r?gulatrice, c?est-?-dire la fonction de v?rit? qui peut s?y investir.

Ce qui se joue, ai-je dit, entre il existe x tel que non phi de x (:?) et d?autre part il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?) c?est l?existence, et l?existence se pose dans ce double d?crochement de par rapport ? F.

L?existence sort certainement de la contradiction entre les deux, entre la fonction p?re et entre ce qu?on pourrait dire peut-?tre la fonction vierge, c?est-?-dire il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?). Les deux se signalent par leur inessentialit? au regard de F. L?un ne peut pas s?inscrire dans F, l?autre ne peut pas ne pas s?y inscrire. D?un c?t? le n?cessaire il existe x tel que non phi de x (:?), de l?autre je dis l? l?impossible pour aller vite, en fait il y aurait une variante ? y ajouter : il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?). L?impossible est bien plut?t ce qui se passe entre les deux, et il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?) pourrait s?appeler l? impuissance si ce terme n?avait pas d?j? servi ? d?autres fins.

La disjonction entre les deux est radicale. Tous deux ne sont pas d?croch?s l?un d?avec l?autre, mais tous deux sont d?croch?s par rapport ? F, et les deux d?crochements eux-m?mes sont en discordance. En aucune fa?on ils ne sont commensurables.

On peut m?me dire plus : tant que L femme, L femme toujours ce la barr?, reste d?finie par ce il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?) elle se situe entre z?ro et un, entre centre et absence, et n?est pas d?nombrable. Elle ne peut en aucune fa?on s?accrocher au Un du il existe x tel que non phi de x (:?), m?me pas de la fa?on d?j? tordue dont le pour tout x phi de x (" x F x) s?y accroche, pour tout x phi de x (" x F x) si j?ai appel? il existe x tel que non phi de x (:?) le Un, pourquoi ne pas l?appeler le z?ro, donc m?me pas de la fa?on d?j? tordue dont le z?ro s?y accroche, c?est-?-dire par ce que j?ai appel? l? le d?ni.

C?est ici qu?il faut situer, ? regarder le sch?ma d?? c?t?, la v?rit? qu?il n?y a pas de rapport sexuel, mais ce pourquoi j?ai avanc? ceci ?tait afin de marquer que l?existence ne se pose par rapport ? F que dans cette alt?rit?. Et le fait que l?un et l?autre, existence et alt?rit?, soient ? ce point dissociables, implique les errements qui vont suivre, notamment le destin du d?sir de l?homme.

Si l?on examine maintenant les rapports verticaux entre les formules, et en reprenant ces marques que j?ai dites z?ro et Un, le Un du il existe x tel que non phi de x (:? permet par sa n?cessit?, ? pour tout x phi de x (" x F x), de se constituer comme possible, disons au titre de z?ro.

Il n?en va absolument pas de m?me de l?autre c?t? malgr? la sym?trie apparente, car de l?autre c?t? c?est du il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/? ) que s?origine pas tout x phi de x (.?). Or ici, c?est bien plut?t le il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?) qui joue le r?le de l? ind?termin?, c?est-?-dire du z?ro avant sa constitution par le Un, c?est-?-dire d?une sorte de non-z?ro, de pas tout ? fait z?ro. Et de ce point de vue l?, c?est le pas tout x phi de x (.!) qui jouerait, au conditionnel, le r?le du Un, c?est-?-dire la possibilit?, l?ouverture de quelque chose comme une suppl?mentarit?, d?un Un en plus possible. Mais bien s?r, ce pseudo Un en plus s?ab?me imm?diatement dans l?ind?termination du il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?) qu?aucune existence, aucun support ne vient soutenir, qu?aucun dire-que-non ne vient soutenir.

Tant qu?aucun x ne viendra nier phi de x pour L femme, le Un en plus dont le ? pas tout ? se sent porteur reste fantomatique. Aucune production n?est possible ? partir du il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?), mais seulement une circulation de l?ind?termin? initial.

Entre les deux termes il n?existe pas d?x tel que non phi de x (/?) et pas tout x phi de x (.!), il y a l?ind?cidable. L?ind?cidable en question se cristallise de la fa?on suivante : la femme n?approche pas l?Un, elle n?est pas l?Un, ce qui n?implique pas qu?elle soit l?Autre. En un mot, elle est dans un rapport ind?cidable ? l?Autre barr?, elle n?est ni l?Un ni l?Autre, avec deux majuscules. Le pas toute est support? par le pas Un. Puisque il n?eiste pas d ?x tel que non phi de x (/?) ?a ne veut pas dire autre chose que pas Un. Et le tout homme, le " x F x, qui lui se supporte justement du Un, de l?existence de ce Un du il existe x tel que non phi de x (:?) le tout homme se sert de L femme en tant que pas toute pour avoir pr?cis?ment rapport ? l?Un, ou plut?t rapport ? l?Autre, selon un proc?d? tout ? fait particulier.

Puisque le Un est banni de son tout dans le temps qui le constitue, il consid?re les deux comme antinomiques en r?p?tant une n?gation, alors que cette n?gation porte sur ce que j?appellerai un complexe, c?est-?-dire le complexe de l?existence et de l?alt?rit? et toujours elle se voit d?plac?e de par rapport ? la vis?e du " x. Il croit, ? travers le pas toute de L femme, retrouver l?Autre, alors qu?en aucune mani?re on ne peut identifier les deux n?gations de l?Un. Car d?un c?t? c?est l?existence n?cessaire du Un qui fonde, qui borne l?espace du " x, tandis que de l?autre c?est l?inexistence, c?est la n?gation de l?existence du Un qui supporte l?ind?cidable de la relation de L femme ? l?Autre barr?.

C?est ici que se situe la relation imaginaire de l?homme ? la femme. L?homme comme " x est en proie constituante ? l?alt?rit? de l?existence du Un. Nous avons vu que les deux sont indissociables. En r?p?tant le d?tachement constitutif du il existe x tel que non phi de x (:?), mais ? l?envers, se cr?e en quelque sorte le mod?le imaginaire d?un Autre de l?Autre et, dans ce temps en quelque sorte interm?diaire, la femme est pour l?homme le signifiant de l?Autre en tant qu?elle n?est pas toute dans la fonction F. C?est-?-dire qu?un rapport est sur le point de s??tablir entre ce tout et ce pas toute, mais entre tout et pas toute, entre le tout homme et le pas toute de L femme, il y a une absence, il y a une faille qui est nomm?ment l?absence de toute existence qui supporte ce rapport. L?homme n?appr?hende L femme que dans le d?fil? des objets petit a, au terme de quoi seulement est cens? se trouver l?Autre. C?est-?-dire que c?est apr?s l??puisement du rapport ? L femme, c?est-?-dire apr?s la r?sorption impossible des objets petit a que l?homme est cens? acc?der ? l ?Autre, et par la suite L femme devient le signifiant de l?Autre barr? comme barr?, de l?Autre barr? en tant que barr?, c?est-?-dire de ce cursus infini.

Jacques Lacan ? Vous nous avez indiqu?, de ce?  ?

Fran?ois R?canati ?? cursus infini. Le fantasme de Don Juan, je ne le cite que pour ce qui va venir, illustre tr?s bien cette qu?te infinie et son terme hypoth?tique aussi bien, soit pr?cis?ment le retour d?une statue, de ce qui ne devrait n??tre que statue ? la vie, et le ch?timent imm?diat pour l?auteur du r?veil.

J?avais pos? une question en quelque sorte subsidiaire au docteur Lacan ? propos du rapport entre la jouissance de Don Juan pr?sent?e comme ceci, et d?autre part la fonction constituante de ce qu?il a appel? la jouissance de l?idiot, c?est-?-dire la masturbation.

Dans ce d?veloppement que je viens de r?sumer, certes il est question du pas toute, mais c?est plus pr?cis?ment de la fonction de ce pas toute dans l?imaginaire masculin, si l?on peut s?exprimer ainsi, qu?il s?est agi, alors que ma question initiale, que je maintiens, portait sur le rapport entre la jouissance f?minine suppl?mentaire et la fonction p?re du point de vue de L femme, ce qui, d?une certaine mani?re, pose avant tout l?autre question : y a-t-il un point de vue de L femme, ce qui en pose encore une autre : peut-on parler de perspectives en psychanalyse, y a-t-il des points de vue, notamment qu?en est-il de l?imaginaire chez la femme, puisque son rapport au grand Autre n?appara?t privil?gi? que du point de vue de l?homme qui la consid?re comme le repr?sentant, s?il ne les confond pas tous les deux ?

Peut-?tre, bien s?r, cette question est celle qui n?a pas de r?ponse, ce qui, si c??tait d?cidable, serait certainement fructueux en ce sens qu?on pourrait au moins d?tecter les r?ponses qui sont fausses.

L femme comme pas toute, nous l?avons vu, c?est le signifiant du complexe : existence, Un, Autre, Autre barr? bien s?r, pour l?homme. La triade du d?sir de l?homme peut ainsi s??crire avec le triangle s?miotique, et c?est mon troisi?me sch?ma.

 

Si j?ai pris ce sch?ma l? c?est parce que vous vous souvenez j ?esp?re de ce qu?il supporte, donc je n?aurai pas ? y revenir et je pourrai me contenter d?un certain nombre d?allusions, non pas que je transporte les termes du probl?me dans la configuration s?miotique pour y voir en quelque sorte ce qui reste pos? comme probl?matique ? l?endroit de la jouissance f?minine.

Mais je veux quand m?me prendre quelqu?un, qu?on peut appeler un s?mioticien, disons que c?est un des plus importants th?oriciens modernes de l?arbitraire du signe, je veux parler de Berkeley. Que dit-il ? qu ?il y a du langage, c?est-?-dire des signifiants, qui ont des effets de signifi?. Or ? partir du moment o? ils ont des effets de signifi?, ce qui ne va pas du tout de soi pour Berkeley, ces signifiants, quand Berkeley dit signifiant, enfin quand il ne le dit pas mais quand je le dis ? sa place, ?a veut dire n?importe quoi, chose, etc., ces signifiants sont tenus de d?ployer, d?s lors qu?ils ont des effets de signifi?, leur existence ailleurs que sur la sc?ne du signifi?. L??vacuation mat?rielle des signifiants permet aux signifi?s de continuer leur ronde.

La cha?ne signifiante est l?effet, toujours selon Berkeley, de la rencontre fortuite?, la cha?ne des signifi?s, peut-?tre n?ai-je pas dit, j?ai dit des signifiants, la cha?ne des signifi?s est l?effet de la rencontre fortuite entre la cha?ne des signifiants d?une part et d?autre part quoi, certainement pas la cha?ne des signifi?s puisqu?on voit qu?elle en est originaire, mais bien plut?t ce qu?on pourrait appeler les sujets, c?est-?-dire ce qui devient, ? partir de cette rencontre, des sujets, et qui n??taient jusque l? que des signifiants comme les autres. D?s que des signifiants rencontrent des sujets, c?est-?-dire d?s qu?il y a production de sujets par un choc de signifiants, ceux-ci sont d?cal?s, les sujets sont d?cal?s par rapport ? l?existence qui est l?existence mat?rielle des signifiants. Ils cessent de participer de la vie mat?rielle des signifiants pour rentrer dans le domaine du signifi?, c?est-?-dire pour ?tre assujettis aux signifiants qui, comme on l?a vu, leur sont devenus excentriques et ina ccessibles.

La perte des signifiants pour le sujet borne l?espace de ce que Berkeley appelle la signification, signification qui s?universalise. Du point de vue universel de la signification, l??vacuation du signifiant dans ses effets est quelque chose d?absolument n?cessaire, c?est un a priori du champ de la signification. Mais du point de vue du n?cessaire lui-m?me, c?est-?-dire du signifiant, rien n?est plus contingent, rien n?est plus suppl?tif que la signification elle-m?me. Du point de vue de la n?cessit? intrins?que du signifiant, la signification est m?me impossible, c?est le mot qu?emploie Berkeley, c?est-?-dire qu?elle est sans aucun rapport avec la raison interne du signifiant. Mais cette impossibilit? se r?alise quand m?me. De m?me, dit Berkeley ? la premi?re page du Trait? sur la vision, la distance est imperceptible et pourtant elle est per?ue.

La distance est imperceptible, c?est-?-dire que rien, dans le signifiant distance ne nousm?ne, ? ?crire en un seul mot comme vous le faites, ne nousm?ne ? la signification de cette distance, c?est-?-dire ? l?exclusion interne du sujet ? ce signifiant, le signifiant distance. Rien ne nous y m?ne. La distance est imperceptible, et n?anmoins elle est per?ue. Comment comprendre cela sinon, ? la fa?on de Berkeley, suivant un sch?ma triadique ?

Du point de vue de la signification comme donn?e, le d?tachement directif du signifiant est quelque chose de n?cessaire, du point de vue du signifiant lui-m?me, son expansion en signification est absolument impossible. Il y a l? une disjonction ? quoi Lacan nous a habitu?s, celle du pas-sans, c?est-?-dire pas l?un sans l?autre, mais l?autre sans l?un. Vous vous souvenez que l?exemple qui ?tait donn? de cette troisi?me figure de la disjonction ?tait la bourse ou la vie, c?est-?-dire il n?y a pas l?un sans l?autre, mais l?autre sans l?un.

Cette figure que Berkeley a remarquablement isol?e, il l?appelle l?arbitraire, c?est l?arbitraire des signes qui n?est autre, dit-il, que l?arbitraire divin. Bien plus : l?arbitraire des signes est une preuve, pour Berkeley, de l?existence de Dieu, c?est m?me la preuve fondamentale de son syst?me. Quelque chose est impossible et pourtant c?est effectif. Cela signifie que la conjonction de l?impossibilit? et de la r?alit? effective, qui est l?espace humain, est une manifestation de la Providence, c?est tout ? fait providentiel que ces deux trucs divergents se r?unissent quand m?me, et que l?interpr?tation de ce rapport, interpr?tation de ce rapport suivant le sch?ma triadique, c?est-?-dire deux termes pos?s ici et cette interpr?tation infinie, ? son terme inaccessible, conduit ? Dieu. Mais aussi, et pour des raisons ?videntes, l?homme ne peut en aucune mani?re mener ? son terme cette interpr?tation infinie qui serait une transgression de son espace, puisque lui-m?me est originaire, en quelque sorte, du mouvement de la convergence de ces deux termes pos?s au d?part comme s?par?s. Tout ce qu?il peut faire est d?id?aliser un point de convergence et d?en former ce que Berkeley appelle une id?e de Dieu.

Nous nous trouvons maintenant en pr?sence d?un syst?me quaternaire qui est le classique syst?me quaternaire du signe dont j?avais d?j? parl?. Les quatre termes sont l? : le signifiant mat?riel d?une part, le signifi? d?autre part, l?id?e de Dieu, et Dieu.

Le signifiant, je r?sume un peu les positions de Berkeley, le signifiant c?est le mat?riel, l??tre ponctuel de la chose brute. Le signifi?

Jacques Lacan ? l??tre ponctuel?  ?

Fran?ois R?canati ?? de la chose brute. Le signifi? c?est l?appropriation distanci?e du mat?riel id?alis?, corr?lative du d?tachement limite de la perte du signifiant, c?est le langage, le langage compris dans ses effets, bien s?r, la temporalit? oppos?e ? la ponctualit?. Dieu c?est la ponctualit? temporelle, la temporalit? condens?e, c?est l??ternit?, l??panouissement sup?rieur des contradictions. Quant ? l?id?e de Dieu c?est le signifiant de l??ternit?, c?est-?-dire la renonciation au langage par le langage, la prise en vue temporelle de l??ternit?. C?est l?instant mystique de la gr?ce, la r?p?tition de la renonciation au signifiant, en renonciation ? cette renonciation m?me. C?est un d?ni de la temporalit? qui est pr?sent?e comme si elle n?existait pas. C?est-?-dire que la prise en vue langagi?re de l??ternit? se veut absente de l??ternit? repr?sent?e, tout en ?tant bien s?r assez pr?sente pour que celle-ci, c?est-?-dire l??ternit? repr?sent?e, vaille comme pseudo-transgression comme le prouve assez que, de cet instant mystique, de cet instant sup?rieur de la gr?ce, on en jouisse. Or l?instant de la gr?ce c?est tr?s exactement la repr?sentation, du point de vue temporel du langage, de la ponctualit? perdue du signifiant.

Jacques Lacan ? de la?  ?

Fran?ois R?canati ? de la ponctualit? perdue du signifiant. L?universel du langage et de la signification ne tient m?me que par cette traduction rat?e du ponctuel sans cesse recommenc?e. C?est ici que se r?soud le paradoxe de l?impossible au r?alis?, et il se r?soud d?une fa?on qui a marqu? la philosophie moderne, qui est le fait en partie de Berkeley, en partie ?galement de Locke.

Le ponctuel ou le signifiant ne peut pas avoir de rapport ? ce qui serait le temporel ou le signifi?. Ce rapport, dans la mesure o? ils n?ont rien de commun, est impossible. Mais ils peuvent avoir un rapport ? ce rapport lui-m?me. Or qu?est-il, ce rapport, sinon l?impossibilit? ? C?est-?-dire que les figures imaginaires de la mystique ne sont ainsi que la s?rie limite des repr?sentations perverses de cet impossible qu?enrobe le langage, c?est-?-dire de ce trou qui passe entre l?universel de la signification et la corporalit? ferm?e du signifiant.

L?Autre barr? appara?t donc comme le point de convergence de la s?rie des figures de l?absence de l?Un existant, la s?rie de la d?rive, en quelque sorte, de la fonction p?re, la d?rivation infinie de ses effets ? partir d?une rupture initiale.

Le trajet du mystique vers Dieu c?est donc l??puisement impossible de ce qui d?j?, entre l ?universel et l?existence exclue qui le fonde, entre le z?ro et le Un, de ce qui d?j? y passe.Or bien s?r?

Jacques Lacan ? entre le z?ro et le Un?  ?

Fran?ois R?canati ? de ce qui d?j? passe entre l ?universel et l?existence, entre le z?ro et le Un. J?avais oubli? le verbe, je l?ai r?introduis ! C ?est bien s?r l? puisque je parle de z?ro et de Un pour vous faire sentir une analogie, c?est bien s?r l? que le mystique rencontre L femme, comme signifiant justement de ce pas toute qui supporte sa qu?te. Mais on voit que ?a n?a strictement rien chang? ? ce nouveau d?veloppement, et que la question se repose telle qu?elle ?tait initialement, c?est-?-dire qu?est-ce donc que cette jouissance f?minine suppl?mentaire, ? part le signifiant de ce fatum masculin ?

On peut prendre les choses d?un autre biais pour voir que toujours la question?

Jacques Lacan ? ? part le signifiant de ce?  ?

Fran?ois R?canati ? fatum masculin. La question d?un autre biais, en consid?rant peut-?tre quelque chose qui, on est d?j? approch? de la mystique, et qui va nous servir, je veux parler de Kierkegaard et de son histoire avec R?gine. Peut-?tre aussi R?gine avait-elle un Dieu, nous a dit Lacan, qui aurait ?t? autre que celui de Kierkegaard. Ce qui va de soi, c?est que ce n?est pas Kierkegaard qui nous le dira, mais ? prendre en quelque sorte sa position ? lui, telle qu?il l?a longuement d?velopp?e, on pourra voir la place qu?il r?serve ? R?gine, et que cette place n?est pas si erron?e qu?elle y para?t.

Jacques Lacan ? n?est pas?  ?

Fran?ois R?canati ? si erron?e qu?elle y para?t. Il faut, dit-il, se situer, c?est Kierkegaard qui dit ?a, se situer ou bien dans la perspective temporelle, ou bien dans la perspective ?ternelle. Cette distinction prend ses effets dans la temporalit? m?me, c?est-?-dire dans la vie sociale, c?est-?-dire par rapport ? ce qu?il appelle la masse. Soit on est un simple individu et l?on se reconna?t comme participant de la masse, de l?ordre ?tabli, et gr?ce ? cette reconnaissance, on s??vite d??tre confondu avec elle, soit on est ce que Kierkegaard appelle de diff?rents noms, soit g?nie, soit individu particulier, soit individu extraordinaire, soit l?on est un individu extraordinaire et alors on a le devoir, au regard de l??ternit?, de dire non ? la masse, ? l?ordre ?tabli, car c?est seulement par l?interm?diaire de ces g?nies qui font son histoire que la masse reste en relation avec l??ternit?. La g?nialit? se pr?sente comme la r?p?tition de l?acte du Christ par o? il s?est s?par? de la masse, ou encore la r?p?tition de l?acte du propre p?re de Kierkegaard qui aurait, nous laisse-t-on entendre, en transgressant la loi du noli tangere matrem, provoqu? Dieu ? garder sans cesse le regard sur lui et ainsi ? le particulariser.

L?individu extraordinaire est dans un rapport personnel avec Dieu. Or Kierkegaard pensait avoir re?u de son p?re ce rapport qu?il devait assumer par le g?nie. Or c?est pr?cis?ment l? pour lui l?explication de la rupture des fian?ailles avec R?gine. C?est que s?il s??tait mari?, dit-il, avec R?gine, apr?s le mariage il aurait ?t? forc? ou bien de faire entrer R?gine dans le secret de ce rapport personnel ? Dieu, et ?eut ?t? trahir ce rapport, ou bien de n?en rien faire, et ?eut ?t? trahir le rapport du couple ? Dieu. Devant ce paradoxe, Kierkegaard a d?cid? de rompre quand m?me, et le g?nie de R?gine a ?t? de lui en faire reproche justement au nom, ce qui lui ?tait permis, au nom du Christ et du p?re de Kierkegaard, c?est-?-dire qu?il y avait l? une double impasse dont il ?tait impossible pour Kierkegaard de sortir.

Ce que montre toute cette histoire, c?est que sans doute il n?y a pas deux Dieux, celui de R?gine et celui de Kierkegaard, mais du moins y a-t-il, pour Kierkegaard seulement, deux voies ? suivre, et l?opposition est celle du deux ? un, c?est-?-dire pour Kierkegaard il y a deux voies ? suivre, pas pour R?gine, c?est-?-dire les deux voies sont soit se mettre, pour Kierkegaard, dans la position de l?exclu, dire non au tout x et vivre comme s?il ?tait d?j? mort, d?j? sujet de l??ternit?, soit chercher Dieu dans la relation m?diate, par l?interm?diaire de son semblable. J?esp?re que ?a vous rappelle quelque chose.

L?important dans ce dilemme, mais c?est surtout que Kierkegaard reproche ? R?gine de n?en ?tre pas la proie, c?est-?-dire de ne pas choisir dans l?alternative qu?il propose comme ?tant celle de l??thique et de l?esth?tique. Or ce choix, on le voit en lisant par exemple la biographie de Kierkegaard, c?est tout simplement d??tre ou de ne pas ?tre dans F. On comprend bien s?r qu?il ne se soit pas pos? ? R?gine qui, comme femme, y est sans y ?tre.

Jacques Lacan ? qui comme femme?  ?

Fran?ois R?canati ? qui comme femme y est sans y ?tre. Autrement dit, l? encore le silence. Quand Kierkegaard parle du Dieu de R?gine, il croit qu?elle a d?j? fait le choix de l?esth?tique contre l??thique. Il dit pour elle, Dieu est une esp?ce de grand-p?re d?bonnaire, assez bienveillant. Alors qu?en fait, ce choix ne se pose pas, elle est en-de?a ou au-del? de ce choix qui se pose ? Kierkegaard seulement.

La question que pose Kierkegaard et qu?apr?s lui je r?p?terai au docteur Lacan, c?est y a-t-il une alternative pour L femme, L barr?, et quelle est-elle ? Le choix passe-t-il entre le savoir et le semblant, entre ?tre ou ne pas ?tre hyst?rique ? La disjonction qui passe entre l?homme et la femme, entre le tout et le ? pas tout ?, risque de rester, tant que n?aura pas ?t? d?termin?e la relation imaginaire de la femme ? l?Autre, et la place de l?homme dans cette relation, risque de rester en singuli?re analogie avec ce que j?ai nomm? la troisi?me figure de la disjonction, la disjonction de la bourse ou la vie, c?est-?-dire pas de relation de l?homme ? l? Autre sans le pas toute de la femme, mais par contre une jouissance f?minine suppl?mentaire, rapport privil?gi? ? l?Autre, une jouissance personnelle de Dieu.

Jacques Lacan ? Quelle heure est-il ? Oui, il me reste un quart d?heure, il me reste un quart d?heure, je ne sais pas ce que, ce que je peux faire dans ce quart d?heure, et je pense que c?est une, c?est une notion ?thique, n?est-ce pas, l??thique, comme vous pouvez peut-?tre enfin l?entrevoir enfin, ou tout au moins ceux qui m?ont entendu parler autrefois de l??thique, ouais, l??thique bien s?r a le plus grand rapport avec, euh, notre habitation du langage, comme je le disais tout ? l?heure ? ce cher Jean-Claude Milner, comme ?a sur le ton de la, de la confidence, et puis fray? aussi par un certain auteur que je r??voquerai une autre fois, l??thique c?est de l?ordre du geste. Quand on habite le langage, il y a des gestes qu?on fait, gestes de salutation, de, de prosternation ? l?occasion, de, d?admiration quand il s?agit de, d?un autre point de fuite, le Beau, ce que je disais l? implique que ?a, ?a ne va pas au-del?. On fait un geste et puis on se conduit comme tout le monde c?est-?-dire comme le reste des canailles. Mmh. N?anmoins enfin il y a geste et geste, et le premier geste qui m?est litt?ralement dict? par ce, cette r?f?rence ?thique, ?a doit ?tre celui de remercier premi?rement Jean-Claude Milner pour ce qu?il nous a donn? enfin du, du point pr?sent de la faille enfin qui s?ouvre dans la linguistique elle-m?me et, peut-?tre qu?apr?s tout qui, qui nous justifie enfin de, dans un certain nombre de conduites que nous ne devons peut-?tre, je parle de moi, que nous ne devons peut-?tre qu?? une certaine distance o? nous ?tions de cette science en ascension quand elle croyait pouvoir le devenir. Il est certain que la r?f?rence que nous y avons prise ?tait pour nous de toute urgence parce que il est quand m?me tr?s difficile de, de ne pas s?apercevoir que, pour ce qui est de la technique analytique, euh, si il ne dit rien le sujet qui est en face de nous c?est une difficult? le moins qu?on puisse dire tout ? fait sp?ciale.

Ce que nous a indiqu? en particulier Jean-Claude Milner concernant la diff?rence radicale, c?est celle que j?ai essay? de vous faire surgir la, l?ann?e derni?re en ?crivant lalangue en un seul mot, c?est ce que j?avan?ais sous ce, ce chef, ce chef d?un accolement entre ces deux mots, c??tait bien l? ce par quoi, ce par quoi je me distingue, et ?a, ?a me para?t ?tre une des nombreuses lumi?res qu?a projet?es Jean-Claude Milner, en quoi je le distingue du structuralisme, et nomm?ment pour autant qu?il int?grerait le langage ? la s?miologie, que comme l?indique le petit livre que je vous ai fait lire sous le titre du Titre de la lettre 139, c?est bien d?une subordination de ce signe au regard du signifiant qu?il s?agit, qu?il s?agit dans tout ce que j?ai avanc?. Je ne peux pas m??tendre l?-dessus, soyez s?rs que j?y reviendrai. Il faut aussi que je prenne le temps de faire hommage ? R?canati qui, assur?ment, euh m?a prouv? enfin que, que j??tais bien entendu. On ne peut, on ne peut voir dans tout ce qu?il a avanc? comme questions en pointe qui sont celles en quelque sorte qui, dans lesquelles il me reste, cette fin d?ann?e, ? faire le frayage, autrement dit ? vous fournir ce que j?ai d?s maintenant comme r?ponse, n?est-ce pas, qu?il ait termin? sur la question de, de Kierkegaard et de R?gine est absolument exemplaire, et comme je n?y ai fait qu?une br?ve allusion, c?est bien l? de son cru. On ne peut pas mieux je pense illustrer au point o? j?en suis enfin de ce frayage que je fais devant vous, on ne peut pas mieux illustrer enfin cet effet de r?sonance qui est simplement que quelqu?un pige, mmh, pige de quoi il s? agit, et par les questions qu?il m?a propos?es assur?ment, je serai aid? dans ce que j?ai ? vous dire dans la suite, je lui demanderai, je lui dis d?s ? pr?sent, son texte pour que je puisse tr?s pr?cis?ment m?y r?f?rer quand il se trouvera que je puisse y r?pondre.

Qu?il se soit r?f?r? ? Berkeley, euh par contre, euh, il n?en avait aucune indication dans ce que j?ai ?nonc? devant vous, et c?est bien en quoi je lui suis, alors, encore plus reconnaissant s?il est possible, parce que pour, pour tout vous dire enfin j?ai m?me pris soin tout r?cemment de me procurer une ?dition, originale figurez-vous parce que je suis aussi bibliophile, mais j?ai cette sorte de bibliophilie qui, qui, qui me tient que? il n?y a que les livres que j?ai envie de lire que j?essaye de me procurer dans leur original. J?ai revu ? cette occasion dimanche dernier ce, je sais plus, je ne sais pas tr?s bien comment ?a se prononce en anglais, minute, ce menu philosophe, ce minute philosopher, Alciphron encore qu?on l?appelle, euh, ? quoi assur?ment enfin il est certain que si Berkeley n?avait pas ?t? de ma nourriture la plus ancienne, probablement que bien des choses, y compris ma d?sinvolture ? me servir des r?f?rences linguistiques, n?auraient pas ?t? possibles.

Il me reste encore deux minutes. Je voudrais quand m?me, je voudrais quand m?me dire quelque chose, quelque chose concernant le sch?ma que malheureusement que R?canati a d? effacer tout ? l?heure. C?est, c?est vraiment la question enfin ?tre hyst?rique ou pas, y en a-t-il Un ou pas, en d?autres termes ce pas toute, ce pas toute dans une logique qui est la logique classique, semble impliquer l?existence du Un qui fait exception. De sorte que ?a serait l? que nous verrions le surgissement, euh le surgissement en ab?me, et vous allez voir pourquoi je le qualifie ainsi, le surgissement de ce, cette existence, cette au-moins-une existence qui, au regard de la fonction F x s?inscrit pour la dire, car le propre du dit c?est l??tre, je vous disais tout ? l?heure, mais le propre du dire c?est, c?est, c?est d?ex-sister par rapport ? quelque dit que ce soit.

Mais alors la question de savoir, en effet, si d?un ?  pas tout ?, d?une objection ? l?universel peut r?sulter ceci qui s??noncerait de, d?une particularit? qui y contredit, vous voyez l? que je reste au niveau de la logique aristot?licienne.

Seulement voil?, si, qu?on puisse ?crire pas tout x < . > ne s?inscrit dans phi de x <Fx>, que il puisse s?en d?duire par voie d?implication qu?il y a un x qui y contredit, c?est vrai mais ? une seule condition, c?est que, dans le tout ou le ?  pas tout ? dont il s?agit, il s?agisse du fini. Pour ce qui est du fini, il y a non seulement implication mais ?quivalence, il suffit qu?il y en ait un qui y contredise, ? la formule universalisante, pour que nous devions l?abolir et la transformer en particuli?re. Ce ? pas tout ? devient l??quivalent de la, ce qui en logique aristot?licienne s??nonce du particulier, il y a l?exception, seulement c?est justement du fait que nous pouvons avoir affaire non pas ? quoi que ce soit de fini, mais au contraire que nous soyons dans l?infini, ? savoir que le pas toute, l? ce n?est plus du c?t? de l?extension que nous devons le prendre, et c ?est bien en effet de cela qu?il s?agit quand je dis que L femme n?est pas toute et que c?est pour ?a que je ne peux pas dire la femme, c? est pr?cis?ment parce que c?est ce que je mets en question, ? savoir d?une jouissance qui au regard de tout ce qui se sert dans la fonction du phi de x est de l?ordre de l?infini. Or d?s que vous avez affaire ? un ensemble infini, vous ne sauriez poser que ? pas tout ? comporte l?ex-sistence de quelque chose qui se produise d?une n?gation, d?une contradiction. Vous pouvez ? la rigueur le poser comme d?une existence tout ? fait ind?termin?e, seulement on sait par l?extension de la logique math?matique, celle qui se qualifie pr?cis?ment d?intuitionniste que, pour poser un il existe, il faut aussi pouvoir le construire, c?est-?-dire savoir trouver o? est cette ex-sistence . C?est sur ce pied que je me fonde pour produire cet ?cart?lement, ? la ligne sup?rieure de ce que je pose d ?une ex-sistence tr?s, tr?s bien qualifi?e par R?canati d?excentrique ? la v?rit?, mmh, c?est entre le il existe x tout simple et le il n?existe pas d?x ( / ) marqu? d?une barre que se situe la suspension de cette ind?termination entre une existence qui se trouve, se trouve de s?affirmer, L femme en ceci peut ?tre dite qu?elle ne se trouve pas ce que confirme le cas de R?gine.

Et pour terminer, mon Dieu, je vous dirai quelque chose qui va faire comme ?a, selon mon mode, un tout petit peu ?nigme, si vous relisez quelque part cette chose que j?ai ?crite sous le nom de La Chose freudienne 140, entendez-y ceci que il n?y a qu?une mani?re de pouvoir ?crire, sans barrer le la de l?article dont on vous parlait tout ? l?heure, de pouvoir ?crire la femme sans avoir ? barrer le la, c? est au niveau o? la femme c?est la v?rit?. Et c?est pour ?a qu?on ne peut qu?en mi-dire.

Notes

135 Jean-Claude Milner, Arguments linguistiques, Paris, Mame, 1973, pp. 179-217.

136 Sans doute un lapsus de Milner. Lire : r?aliste.

137 Oswald Ducrot, Dire et ne pas dire, Paris, Hermann, collection savoir, 1972.

138 Que nous remercions d?avoir bien voulu relire son texte et en v?rifier la ponctuation.

139 P. Lacoue-Labarthe, J. L. Nancy, Le titre de la lettre. Une lecture de Lacan, Paris, Galil?e, 1973 et 1990.

140 ?La Chose freudienne ou Sens du retour ? Freud en psychanalyse ?, 7 novembre 1955, in ?crits, pp. 401-436.

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