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Vous pouvez dire

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no edit summary




<font size="+2">séminaire oral
du 11 décembre 1973</font></font>
<p><font face="Arial,Helvetica"><font size="+2">Jacques Lacan</font></font>

<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="+2">1973-74</font></font>
</p><p><img src="pipe.jpg" alt="Ceci n'est pas une pipe" height="100" width="144"></p></center>

<p><font size="-1">En rapport avec les documents sonores disponibles en archives
au groupe
<b><i><a href="http://www.lutecium.fr/Accueil.html">Lutecium</a></i></b>,
le texte proposé sur cette page est une transcription écrite
intégrale de la séance, relue à l'aide de la bande
son, (nov. 2002).</font>
</p><ul>&nbsp;
<center>
<p><font size="+1">transcription de la version sonore originale</font></p></center>
</ul>
&nbsp;&nbsp;&nbsp;<font size="-1"> (brouhaha ds la salle)</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Vous pouvez dire que c'est bien parce
que vous êtes là que je parle. (bruits)</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ne me fatiguez pas, hein ! parce que
sans ça je m'en vais, hein !</font>
<p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Voilà un petit machin que j'ai
pris la peine de construire, pour vous le montrer.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est un noeud borroméen.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Je vous avertis que, aujourd'hui,
je ne parlerai que de cela. Alors s'il y en a que ça emmerde, qu'ils
sortent, ça me soulagera.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est un noeud borroméen. C'est-à-dire...
alors enlevez-moi plutôt celui-là, le bleu, vous voyez, là,
le bleu, on l'enlève, hein. Le résultat, c'est que les deux
autres sont libres. Vous avez vu que je n'ai pas été forcé
de les démonter pour qu'ils se libèrent. Voilà. Là-dessus
Gloria peut vous le remettre, le truc. Mais enfin, je pense que c'est déjà
suffisamment démonstratif, ça se fait avec des cubes, à
l'occasion, ça se fait avec des cubes et on s'aperçoit que…
faut qu'il y en ait trois en largeur, cinq en longueur pour le noeud borroméen
minimal. Bon.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; L'idée, c'est évidemment
de faire quelque chose qui... qui réponde à trois plans.
C'est-à-dire qui soit fabriqué comme les coordonnées
cartésiennes. Quand vous voulez fabriquer ça, vous vous apercevez,
eh bien, que vous avez quand même des... des difficultés.
Vous avez des difficultés, non pas du tout réelles : vous
avez des difficultés à vous bien rendre compte tout de suite
à quoi ça va aboutir, combien il va falloir que vous en mettiez
dans un sens et puis dans l'autre. Essayez vous-mêmes, n'est-ce pas.
Essayez surtout - il y avait un autre truc que je ne vous ai pas apporté,
il y avait un autre truc qui lui, qui lui répondait non pas au noeud
borroméen, qui a pour caractéristique de... que chacun des
deux ronds que ça constitue, c'est pas rond, c'est tout comme, des
deux ronds que ça constitue se libèrent si vous voulez, si
vous en tranchez un. Vous avez aussi le système bien connu que je
ne vous reproduis pas au tableau parce que, enfin je l'ai là mais
je suis fatigué, vous n'avez qu'à repenser à, aux
trois cercles qui servent d'emblème aux Olympiques. Là vous
pouvez constater que c'est fait différemment, à savoir que
non seulement deux de ces ronds sont noués, mais que le troisième
se boucle, non pas avec un seul des deux, ça ne fait pas trois qui
fassent chaîne, mais avec les deux. Eh bien, essayez ! Essayez de
faire un montage, un montage de cubes tel que ce soit ainsi, à savoir
que la continuité du montage que vous aurez fait, comme ça,
vous le ferez, le jaune, le rouge et le bleu, que ça se fasse, que
ça soit possible que vous montiez dans trois plans - l'assurance
qu'il s'agit bien de plans est faite par la forme cubique, justement, vous
êtes forcés de, de les faire en trois plans - essayez ça.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Vous ne verrez sûrement pas
tout de suite que dans ce cas-là, il faut que, que le côté,
si je puis dire, le côté de ce qui va se monter, soit de quatre
cubes au minimum. Mais que ces quatre cubes se retrouvent aussi dans l'autre
dimension. C'est-à-dire au lieu d'avoir deux fois cinq plus deux,
comme dans ce cas-là, ce qui fait douze, vous avez... deux fois
quatre, plus deux fois deux, ce qui fait également douze, ce qui
est curieux. Mais la difficulté que vous aurez même à
faire cette petite construction vous sera une bonne expérience de
ceci par quoi je commence, c'est que vous vous apercevrez là à
quel point nous ne sentons pas le volume.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Parce que vous vasouillerez. Vous
vasouillerez comme j'ai fait moi-même ! parce que... à partir
par exemple, de trois séries simples de quatre, quand vous les avez
agencés d'une façon telle que ça puisse faire ces
fameux trois axes qui servent à la construction cartésienne,
quand vous en, n'en voyez que quatre, vous avez aussi bien, pendant un
instant, le sentiment que ça pourrait se boucler, que ça
pourrait se boucler, par exemple, comme ici, comme s'il y en avait seulement
quatre, et puis, trois seulement de largeur. Vous aurez ce sentiment.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est une façon de vous faire
expérimenter ceci que nous n'avons pas le sens du volume, quel que
soit ce que nous avons réussi à imaginer comme trois dimensions
de l'espace. Le sens de... de la profondeur, de l'épaisseur, est
quelque chose qui nous manque, beaucoup plus loin que nous ne le croyons.
Ceci pour avancer, ce que je veux vous dire, au départ, c'est que
nous sommes des êtres, vous comme moi, à deux dimensions,
malgré l'apparence. Nous habitons le <i>Flat land</i> comme s'expriment
des auteurs qui ont fait un petit volume sur ce sujet, qui semblent avoir
beaucoup de mal, enfin, à s'imaginer des êtres à deux
dimensions. Il n'y a pas besoin de les chercher loin. C'est nous tous.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est tout au moins comme ça,
vraiment, que ça se présente. Le mieux que nous puissions
arriver à faire, c'est en fait à quoi nous nous limitons,
ce serait tout de même étonnant que dans une assemblée,
là qui est en train de... de scribouiller, je, je ne puisse pas
me faire sentir : scribouiller, c'est ça, c'est le mieux que nous
puissions faire. Et c'est ce qui a été fort bien articulé
en ceci que, il s'est trouvé, enfin, des gens pour proclamer dans
une autre aire, a, i, r, e, que la nôtre, c'est que "l'encre des
savants est très supérieure au sang des martyrs". Il y a
des gens qui ont osé dire ça ! Ils ont osé dire cette
évidence. Il faut bien le dire, ce dernier, le sang des martyrs,
hein, qu'est-ce que nous en avons ? Des sujets de tableaux.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ceci avec la structure obsessionnelle
que Freud a su reconnaître dans ce qui ne fait qu'un : la religion
et l'art.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Je m'excuse auprès des artistes,
il y en a peut-être quelques-uns, là, égarés
dans l'assistance, quoique je n'y croie guère, je m'excuse auprès
des artistes, si la chose leur parvient : ils ne valent pas mieux que la
religion. C'est... c'est pas beaucoup dire.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; La connerie, dont ce n'est pas la
première fois qu'ici je l'évoque, de sorte que, je l'espère,
vous n'allez pas vous sentir visés, la connerie est notre essence,
dont fait partie ceci que vot'demande, je me suis longtemps cassé
la tête pour savoir pourquoi vous étiez si démesurément
nombreux... enfin à force de me la casser, enfin, un éclair
en est sorti. Justement, votre demande, celle qui vous attroupe là,
c'est de comment, la connerie, avoir une chance d'en sortir. C'est même
pour ça que vous comptez sur moi. A ceci près que, cette
demande, de la connerie, en fait partie.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Donc cette demande à quoi je
cède un jour de plus, sachez que ce n'est pas parce que votre nombre
est grand que justement je vais essayer de faire semblant.<nobr> C'est
parce que...</nobr> Non pas il est grand, mais il est nombre. En quoi je
me voue à l'abjection, je dois dire, avec quoi dans cette place
je me confonds. Il y a une chose que j'ai appelée <i>la passe</i>,
qui se pratique dans mon école, uniquement parce que j'ai voulu
tenter d'en avoir le témoignage. Il faut que j'en sois où
j'en suis, à savoir aujourd'hui, pour que je voie bien moi-même
ce que c'est : se vouer à répondre à n'importe qui,
à n'importe quoi, mais à répondre q<nobr>uoi ?</nobr></font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce que répond le discours analytique,
c'est ça, ce que vous faites, tout ce que vous faites est sa nature,
si l'on peut dire, de sa structure, plus exactement, contrairement à
tout ce qui s'est pensé jusqu'à présent, parmi les
spécialistes, <i>philosophes</i> qu'ils s'appellent, non pas ignorance,
l'ignorance naturelle comme s'exprime Pascal...&nbsp; que je remercie quelqu'un
qui, pendant que je travaillais dimanche dernier, enfin, a pris soin de
m'appeler, d'ailleurs parce que je l'en avais expressément chargé...
mais, c'était comme ça, je vous le redirai tout à
l'heure, sous la forme d'une petite suggestion qui m'était venue
de lui concernant Pascal, eh bien, je l'avais chargé de regarder
dans Pascal tout cet échelonnement qui va de l'ignorance naturelle
à la vraie science, avec entre eux ce qu'il désigne, comme
ça, dans son scribouillage, des semi-habiles. C'est la personne
qui m'a rendu ce service, enfin, qui... qui a un peu torchonné Pascal,
comme ça, pour m'éviter d'avoir à le faire, parce
que j'étais claqué, les semi-habiles il a cru pouvoir les
identifier aux non-dupes. J'espère que j'arriverai, enfin, dans
cet effort, à vous faire sentir que c'est pas du tout, du tout,
du tout ce que je veux dire. Non pas que les semi-habiles ne soient peut-être
pas en effet des non-dupes, moi je crois qu'ils sont aussi dupes que les
autres, mais contrairement à ce que vous pouvez imaginer, il ne
suffit pas d'être dupe pour ne pas errer !</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; J'ai dit : les non-dupes errent, encore
faut-il n'être pas dupe de n'importe quoi.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et même faut-il être dupe
spécialement de quelque chose que je vais essayer, essayer, que
je veux essayer aujourd'hui de vous faire parvenir.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Donc, ce que répond le discours
analytique, c'est ceci : ce que vous faites, bien loin d'être le
fait de l'ignorance, c'est toujours déterminé, déterminé
déjà par quelque chose qui est savoir et que nous appelons
l'inconscient.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce que vous faites, sait - sait :
s, a, i, t&nbsp; - sait ce que vous êtes, sait vous.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce que... vous... ne sentez pas assez,
enfin je ne peux pas le croire d'une assemblée aussi nombreuse,
c'est à quel point cet énoncé, c'est du nouveau. Jamais
personne des... des grands guignols qui se sont occupés de la question
du savoir, et Dieu sait que ce n'est pas sans malaise que j'y range Pascal
aussi qui est le plus grand de tous les grands guignols ! Jamais personne
n'avait osé ce verdict, dont je vous fais remarquer ceci : la réponse
de l'inconscient, c'est qu'elle implique, c'est qu'elle implique le sanspardon,
et même sans circonstances atténuantes. Ce que vous faites
est savoir, parfaitement déterminé.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; En quoi, en quoi le fait que ce soit
déterminé d'une articulation supportée par la génération
d'avant ne vous excuse en rien, puisque ce n'est, le dire, le dire de ce
savoir, que le faire savoir plus endurci, si je puis dire. Savoir de toujours,
à la limite. J'ai dégagé de Freud ce sens, parce qu'il
le dit. Il le dit de toute son oeuvre. Quand je vous prie de ne pas me
comprendre, vous voyez qu'il y a de quoi !</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais moi je ne puis faire que de l'entendre
dans le dire de Freud, parce qu'il n'y a rien, rien à faire qu'à
en laisser aller les suites. Une fois que c'est énoncé, ça
fonde un nouveau discours, c'est-à-dire une articulation de structure
qui se confirme être tout ce qui existe de lien entre les êtres
parlants. Pas d'autres liens entre eux que le lien de discours. Ça
ne veut pas dire, naturellement, qu'on n'imagine pas autre chose.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Je vous ai dit tout à l'heure
que... si nous n'avons pas le volume, nous sommes quand même à
deux dimensions, hein. Alors, il y a, il y a le profil, la projection,
la silhouette, enfin tout ce qu'on adore, dans un être aimé.
On n'adore jamais rien de plus.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et comme je suis parti de là,
hein, à propos de cette fameuse histoire du miroir, on s'imagine
que j'ai déprécié ça. Je ne l'ai pas du tout
déprécié, hein, parce que, comme tout le monde, je
m'en contente ! Du volume, de l'épaisseur, le seul maniement de
ce que je vous ai conseillé tout à l'heure, vous informera
à quel point nous sommes absents.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais il y a tout de même quelque
chose d'autre hein, que nous prenons pour le volume.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et justement, c'est le noeud. Hein
? On en fait des... des métaphores, non infondées : les noeuds
de l'amitié, les noeuds de l'amour... Eh bien, ça tient à
ceci, enfin, c'est notre seule façon d'aborder le volume. Quand
nous serrons, comme ça, quelqu'un contre nous, ça m'arrive
à moi aussi, ouais, mais... est-ce que ces noeuds, nous en sommes
si assurés ?</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Nous en restons pour l'adoration,
n'est-ce pas !</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et ce que j'ai appelé tout
à l'heure les deux dimensions, les deux dimensions, joli joli...
il y a un auteur récent, comme ça, je <nobr>m'excuse</nobr>
auprès de lui s'il est là, je n'ai pas encore eu le temps
de le lire, il appelle ça <i>le Singe d'or</i>.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Comme il m'a fait l'hommage de son
livre, je pense que c'est peut-être quand même parce qu'il
a quelques échos de ce que je raconte, et peut-être même,
qui sait, qu'il m'a lu, et qu'il... et que pour en parler ainsi, enfin
du singe d'or, il faut bien qu'il ait quelque écho de ce que je
viens de pousser en avant, de ce qui nous attache à l'image, à
l'image à deux dimensions. Je suis loin de l'avoir déprécié.
Non seulement je suis loin de l'avoir déprécié, mais
ce serait tout à fait absurde de le dire, parce que les signifiants
eux-mêmes, nous sommes forcés d'en passer par la même
image, l'image du <i>fIat land</i>, l'image à deux dimensions, hein,
pour démontrer qu'ils s'articulent.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le noeud borroméen, je vous
l'ai d'abord montré mis à plat.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Naturellement grâce à
des artifices, il y a des endroits où vous voyez apparaître
la cassure, ce qui ne peut se représenter que comme cassure, quoique
ce soit un noeud, un noeud justement que j'ai essayé de mettre pour
vous en volume, de façon à ce que vous voyiez bien que c'est
pas seulement à plat qu'on peut l'aborder, outre que quand vous
aurez vous-mêmes manié ce volume, vous vous apercevrez que...
le volume, là, réalisé en volume, ça n'permet
pas du tout de... de le distinguer, si je puis dire, ce noeud de son image
spéculaire. Il n'est pas plus lévogyre que dextrogyre, il
est non seulement parfaitement symétrique mais il l'est sur trois
axes, ce qui rend strictement impossible que son image spéculaire
en diffère.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; L'écriture, elle, ne se fait
pas dans un espace moins spéculaire que les autres.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est même le principe de ce
très joli exercice qui s'appelle le palindrome. Il n'en reste pas
moins que ce méli-mélo là, que je viens de faire entre
l'Imaginaire et le Symbolique, ne noie rien...</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et ne noie pas notamment la différence
qu'il y a entre l'Imaginaire et le Symbolique, c'est bel et bien la même
chose, une fois imaginé, c'est notre notion commune de l'espace
que… dont nous imaginons qu'il n'a pas de fin. Il faut lire là-dessus
les jus de Leibnitz discutant avec Newton : la prétendue supposition,
enfin, d'une limite de l'espace, qu'elle deviendrait impensable, qu'il
dit, Leibnitz, parce que s'il avait une limite, alors, en dehors de cette
limite, alors on pourrait... on pourrait avec un clou faire un petit trou
dans sa limite... C'est absolument énorme ce qu'on peut lire, ce
qu'on peut lire de l'imagination. Et notamment de ce fait que pour imaginer
l'espace, car ce n'aurait pas été moins une imagination,
mais peut-être une imagination qui aurait ouvert tout autre chose,
on n'est pas parti de ceci que dans l'espace il y a des noeuds.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il y aurait sûrement avantage
à ce qu'on... voie, si je puis dire, qu'Imaginaire et Symbolique
ne sont que des modes d'abord.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Je les prends sous l'angle de l'espace.
Pourquoi ces deux modes ne suffisent pas encore ? Mais enfin, je souligne
au passage que le mot <i>mode</i> est à prendre au sens que ce terme
a dans le couple de mots <i>logique modale</i>, c'est-à-dire qu'il
n'a de sens que dans le Symbolique, autrement dit dans son articulation
grammaticale.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Quand vous approchez certaines langues,
j'ai le sentiment que ce n'est pas faux de le dire de la langue chinoise,
vous vous apercevez que, moins imaginaires que les nôtres les langues
indo-européennes, c'est sur le noeud qu'elle joue.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est pas un terrain où je
vais m'aventurer aujourd'hui parce que j'en ai assez à dire comme
ça, mais peut-être... peut-être que je demanderai, je
suggérerai à un Chinois de prendre les choses sous cet angle,
et de venir vous dire ce que… ce qu'il en pense, si par hasard ce que je
lui dis lui ouvre là-dessus la comprenoire, parce qu'il ne suffit
pas d'être même habitant d'une langue pour avoir une idée
de sa structure, surtout si comme c'est le cas forcément, puisque
le Chinois supposé en question, je ne pourrai m'adresser à
lui que si je lui parle dans ma langue, c'est-à-dire que s'il me
comprend, c'est que déjà au regard de la sienne, il est foutu.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce qu'il y a de terrible, c'est que
quand nous distinguons un ordre, nous en faisons un être. Le mot
<i>mode</i>
dans l'occasion. Ça devrait s'éclairer si l'on donnait sa
véritable portée à l'expression <i>mode d'être</i>.
Or, il n'y a d'autre être que de mode, justement. Et le mode imaginaire
a fait ses preuves, pour ce qui est de l'être du Symbolique. Il a
fait si bien ses preuves qu'on pourrait bien se risquer à... à
tenter de voir si le mode symbolique n'éclairerait pas de... l'être
de l'Imaginaire. C'est bien ce que j'ai essayé de faire, que vous
le sentiez ou pas.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Je voudrais dire en cette troisième
session de l'année de ce séminaire, en quoi consiste sa place
à ce séminaire, et son programme. Et c'est pourquoi je l'ai
énoncé en vous parlant tout de suite, d'abord, du noeud borroméen.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le noeud borroméen que comme
ça j'ai vu surgir, enfin, je veux dire qu'il m'a en quelque sorte
envahi, le noeud borroméen n'a aucune espèce d'être.
Il n'a pas du tout la consistance de l'espace géométrique
dont on sait qu'il n'y a pas de limite à son coupage en tranches,
n'est-ce pas, à sa projection, à tout ce que vous voulez...
et même que ça va plus loin. Que... ça envahit. Et
c'est bien en ça que c'est instructif : ça envahit l'autre
ordre. Nous sommes tellement capturés par ce mode imaginaire, que,
quand nous essayons de, de manipuler l'ordre symbolique, nous en arrivons
enfin à... souvenez-vous de la façon dont s'abordent les
ensembles, on nous parle de bijection, de surjection, d'injection... tout
ça ne va pas sans images, en tout cas c'est avec des images que
vous les supportez, ces modes pourtant faits pour… pour vous libérer
de l'Imaginaire. C'est avec des petits points que vous vous apercevrez
qu'entre un domaine et un co-domaine il y a injection, ou bijection ou
surjection.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais en le supportant de points, vous
ne faites rien d'autre qu'une élucubration imaginaire.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Pourquoi la mise à plat du
noeud borroméen n'a-t-elle pas réussi ou n'est-elle pas venue
d'abord pour nous évoquer un autre départ concernant le point...
concernant ce point, ici incarné, si je puis dire, du fait qu'au
coeur de cette petite construction vous avez, quoi que vous fassiez, une
cellule vide. Ce qui n'est pas moins vrai que l'autre noeud, pas borroméen,
le noeud que j'ai appelé tout à l'heure olympique. A ceci
près qu'il a des... des conséquences plus compliquées.
Mais laissons.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Pourquoi ce noeud borroméen
n'a-t-il pas évoqué un autre départ concernant le
point ?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le point... le point que nous sommes,
hein, parce que même dans le meilleur cas, c'est ce que nous sommes.
Jusqu'à présent je ne vous parle que de l'Imaginaire et du
Symbolique, mais justement, mon discours tend à vous montrer que,
qu'il faut que ces deux dimensions se complètent de celle du Réel.
En d'autres termes, il faut qu'il y en ait trois. Trois pour qu'il y ait
ce point, qui aurait tout de même pu, peut-être, enfin si...
si l'on n'était pas ce qu'on appelle absurdement <i>géomètre</i>,
parce que, réfléchissez, qu'est-ce que ça a bien à
faire notre géométrie avec la terre, enfin ? Est-ce que la
terre, c'est pas quelque chose qui est - pas du tout - plat ? Si nous n'avions
pas une vocation pour le <i>mapping</i>, pour le cadastre, en quoi est-ce
que la terre nous suggérerait du plat ? Pourquoi est-ce que ce point,
nous ne serions pas partis, à condition de partir du noeud, de l'idée
qu'un point ça part. Ça part au départ, dans sa définition,
du point de tiraillement, par exemple. Ça vous dit rien, ça
? Entre votre Symbolique, votre Imaginaire et votre Réel, depuis
le temps que je vous les ressasse, vous sentez pas que votre temps, votre
temps se passe à être tiraillé ? En plus ça
a un avantage, hein, ça suggère que... que l'espace implique
le temps, et que le temps c'est peut-être rien d'autre, justement,
que une succession des instants de tiraillement. Ça exprimerait
en tout cas assez bien le rapport du temps avec cette escroquerie... qui
se désigne du nom d'éternité.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le temps c'est, c'est peut-être
que ça, l'<i>étrinité</i> de l'espace... ce qui sort
là d'un coincement sans remède. Ouais.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le noeud borroméen, décidément,
n'est pas du tout un truc négligeable. Si vous le mettez à
plat, là, vous vous apercevrez de tout ce qu'on peut en tirer. Par
exemple, là je m'en vais vous en donner un comme ça, comme
ça histoire de vous le manipuler. Il est comme ça. Voyez
un peu ce qu'on peut cogiter à ceci qu'en somme pour le transformer,
quand c'est à plat, d'un dextrogyre en lévogyre, il suffit
dans la première position que vous avez vue là , de faire
faire ça à un quelconque d'entre eux.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Si vous faites ça ensuite à
l'autre, hein, c'est comme ça qu'il faut faire, et si vous faites
ensuite ça au troisième, c'est comme ça qu'il faut
faire, à chaque fois vous renversez, c'est-à-dire que de
lévogyre d'abord vous le faites dextrogyre, et que quand vous avez
basculé le troisième, il est de nouveau lévogyre.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est… c'est pas dépourvu d'intérêt.
Ça éclaire la question de cette fameuse histoire, comme ça,
que l'univers serait ambidextre, ça permet en tout cas d'en avoir
une petite lumière. Ça vaut la peine qu'on s'y arrête...
Ça donne une autre idée de la spatialisation. C'est en tout
cas une structure qui... qui change tout à fait la portée
du mot d'espace au sens où il est employé dans <i>l'Esthétique
transcendantale</i>. C'est à savoir que nous ne pouvons percevoir
les choses que sous l'angle d'un espace, qui dans Kant est simplement imaginaire.
S'il y a trois dimensions de l'espace et si ces trois dimensions, nous
commençons par les énumérer du Symbolique et de l'Imaginaire,
l'épreuve est à faire de ce que ça donne pour la troisième,
à savoir pour le Réel. Il n'y a qu'une chose à en
dire pour l'instant.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Là, je ne peux pas dire que
c'est la date de son baptême, à ce Réel : "Je te baptise
Réel, hein, toi, en tant que troisième dimension...", j'ai
fait ça, il y a très longtemps.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est même par là que
j'ai commencé mon enseignement.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; A ceci près que j'ai ajouté
dans mon for intérieur : "Je te baptise Réel parce que si
tu n'existais pas, il faudrait t'inventer !" C'est bien pourquoi je l'ai
inventé. Non pas bien sûr qu'il n'ait pas été,
depuis bien longtemps, dénommé, car c'est ce qu'il y a de
remarquable dans la langue, hein, c'est que le <i>naming,</i> heureusement
qu'on a l'anglais, hein, pour distinguer <i>naming</i> de <i>nomination</i>,
<i>naming</i>

ça veut dire <i>to name</i>, ça veut dire donner le nom propre,
oui, c'est pas pour rien, naturellement, que j'ai dit "Je te baptise".
Je n'ai pas peur des mots qui sentent le fagot de la religion, je ne sens
pas de tabou à aucune odeur de ratichon, ni même à
tout ce qu'elle propage.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le <i>naming</i> en tant que nom propre
précède, c'est un fait, la nécessité par quoi
il ne va plus cesser de s'écrire. Tant que vous ne prendrez pas,
c'est ça le sens de ce que j'ai avancé sous un mode apparemment
de sous-estime pour l'Imaginaire, tant que vous ne prendrez pas le Symbolique
au corps à corps, vous n'en viendrez pas à bout. Ni du même
coup de ce que, mon Dieu, j'appelle sur mon papier l'Eglise, mais... mais
qui est le christianisme. Parce que c'est là que le christianisme,
il vous baise.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il est la vraie religion. C'est ce
qui devrait vous y faire regarder à deux fois. Il est le vrai dans
la religion. Ça vaut quand même la peine de s'y intéresser,
peut-être rien que pour voir ce que ça donne. Mais rien de
ce que je dis n'y fera. Je dis, je vous en rebats les oreilles : la vérité
ne peut que se mi-dire. Ça veut dire confirmer qu'il n'y a de vérité
que mathématisée, c'est-à-dire écrite, c'est-à-dire
qu'elle n'est suspensible, comme vérité, qu'à des
axiomes. C'est-à-dire qu'il n'y a de vérité que de
ce qui n'a aucun sens. C'est-à-dire de ce dont il n'y a à
tirer d'autres conséquences que dans son registre, le registre de
la déduction mathématique dans ce cas et comment après
cela la psychanalyse peut-elle s'imaginer qu'elle procède de la
vérité ?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce n'est là qu'un effet, effet
nécessaire, sans doute, quoique bien sûr cette nécessité
ne se manifeste nulle part en dehors de mon office, l'office que je suis
en train de servir, n'est-ce pas, ce n'est là qu'un effet, cette
espèce de ... d'odeur de vérité dans l'analyse : qu'un
effet de ceci qu'elle n'emploie pas d'autre moyen que la parole. Strictement
pas. Qu'on ne vienne pas me raconter, hein, qu'elle emploie le transfert.
Parce que le transfert, lui, n'est pas un moyen. C'est un résultat,
qui tient à ce que la parole, par son moyen, moyen de parole, révèle
quelque chose qui n'a rien à faire avec elle, et très précisément
le savoir, qui existe dans le langage. Là encore, je n'ai jamais
dit que c'est le langage qui est savoir. Le langage, si vous voulez bien
vous souvenir de quelques-uns des trucs que j'ai crayonnés au tableau
dans le temps où j'en avais la force, le langage est un effet de
ceci qu'il y a du signifiant <b><i>un</i></b>.</font>

</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais le savoir, c'est pas la même
chose.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le savoir est la conséquence
de ce qu'il y en a un autre. Avec quoi ça fait deux, en apparence
!</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Car ce deuxième tient son statut
justement de ceci : qu'il n'a nul rapport avec le premier, qu'ils ne font
pas chaîne, même si j'ai dit quelque part, dans mes scribouillages,
les tout premiers, hein, <i>Fonction et champ</i>, c'était pas tellement
con. Dans <i>Fonction et champ</i>, j'ai peut-être lâché
que ça faisait chaîne. C'est une erreur. Car pour déchiffrer,
il a bien fallu que je fasse quelques tentatives, d'où cette connerie.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est le propre même du déchiffrage.
Quand on déchiffre, on embrouille. Et c'est même comme ça
que je suis bien arrivé à, tout de même au bout du
compte, à savoir ce que je faisais. C'est-à-dire ce que c'était
que de déchiffrer. C'est de substituer le signifiant <b><i>un</i></b>

à l'autre signifiant, celui qui ne fait deux que parce que vous
y ajoutez le déchiffrage. Ce qui permet tout de suite de compter
trois.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ça n'empêche pas d'écrire,
ce que j'ai fait, S indice 2, car c'est comme ça qu'il faut que
ça se lise, la formule du lien de S1 à S2.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est pur forçage, mais ce
n'est pas forçage d'une notion. C'est ce qui nous met sous le joug
du savoir.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Puisque je suis en train de vous parler
de la psychanalyse, j'ajoute le joug du savoir, à la place même
de la vérité. A la place aussi bien de la religion dont je
viens de vous dire qu'elle est vraie, elle.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Voilà un des piliers du discours
psychanalytique.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Même ce discours, comme tous
les autres, je l'ai qualifié de quadripode.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Peut-être que je l'ai qualifié
comme je viens de vous dire, hein, je l'ai qualifié, justement,
je considère que c'est une qualification, quadripode, et pas une
quantification, hein, parce que plus je vais, plus je suis convaincu que
nous ne comptons que jusqu'à trois.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et même si ce n'est que parce
que nous comptons
<i>trois</i> que nous pouvons arriver à compter
<i>deux.
</i>Encore
la vraie religion, hein ! puisque c'est bien le christianisme dont je parle,
y a-t-elle regardé à deux fois. L'orthodoxe, notamment, qui
ne veut pas du <i>filioque</i>.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est pas par hasard, hein, il ne
veut pas qu'il soit <i>deux</i> à ce qu'en procède le troisième.
Parce que c'est au contraire du troisième que le <i>deux</i> surgit.
De sorte que c'est pas pour rien qu'elle s'appelle elle-même l'<i>orthodoxe</i>,
hein, elle a raison. Ça ne veut pas dire du tout que ça lui
réussisse. Réussir, comme je vous le signale à perte
de vue : c'est le signe de rien.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais que justement ça rate...
je peux bien dire que pour nous analystes c'est plutôt en sa faveur,
hein, ce qui ne l'empêche pas de devoir s'éliminer, hein.
L'oecuménisme n'est pas là pour des prunes. Bon ! enfin je
m'étends, et je bavarde, j'en ai assez de mes bateaux, parce qu'ils
ne font que vous amuser, mais encore, c'est des bateaux quand même
qui flottent, hein ! Ouais...</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Tout ça vise, vise ceci que...
qu'on me fait un peu suer à ne me répondre toujours que d'un
<i>deux</i>
éternel. Alors que je ne l'ai jamais produit que comme indice, c'est-à-dire
comme symptôme. Le mot d'ailleurs même l'avoue. Ce qui choit
ensemble, c'est ce que ça dit. Ça ne veut pas le dire expressément,
mais ça le dit quand même. Le deux ne peut être rien
d'autre que ce qui choit ensemble du trois. Et c'est pour ça que
cette année, je prends comme sujet, c'est ce que ça veut
dire, ça veut le dire en tout cas aujourd'hui où <nobr>j'y
insiste,</nobr> le noeud borroméen.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il est évident que c'est un
effort pédagogique. C'est en raison quand même de quelque
chose de l'ordre de cette débilité qui s'appelle l'amour,
où l'on ne peut guère faire mieux que... que de se débrouiller,
c'est en raison de ceci que... que, mon Dieu, que le texte de Kant sur
la pédagogie me...&nbsp; que j'ai rouvert pour l'avoir acquis en
édition originale, faut bien que j'aie mes petits plaisirs, hein,
mais vous pouvez le trouver, il a été édité,
réédité par, je crois, les Presses Universitaires,
enfin quelqu'un d'ici m'en a fait cadeau, et c'est.. c'est passionnant,
c'est passionnant... sur le sujet de, de ce qu'il en est des débiles,
on n'a rien écrit de mieux, même pas ce qu'a écrit
Maud Mannoni. Oui.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; L'enfant est fait pour apprendre quelque
chose. Voilà ce que nous énonce Freud, ce que nous énonce
Kant, (rires) c'est quand même, tout de même, quelque chose,
enfin, quelque chose d'extraordinaire ! C'est quelque chose d'extraordinaire
qu'il en ait eu en somme le pressentiment. Car comment pouvait-il le justifier
?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il est fait pour apprendre quelque
chose, c'est-à-dire pour que le noeud se fasse bien. Car, il n'y
a rien de plus facile que de ce qui rate, surtout si vous le mettez sous
cette forme à savoir la même que celle-là. Regardez
voilà le cercle vert et voilà le cercle rouge, enfin, le
rond.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Supposez que pour le troisième,
pour le construire, je parte de l'intérieur de celui-là,
le rouge, qui est à l'extérieur. Pour le construire, il faut
que je le tresse, et qu'il passe quelque part, soit en dessous soit en
dessus du vert.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais si je suis parti d'en dessous
du rouge, voyez le rouge est là, plus grand que le vert, si je suis
parti d'en dessous du rouge, que je le fasse passer sur ou sous le vert,
le résultat sera le même, à savoir qu'il n'y aura pas
de noeud.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp; En d'autres termes, si je ne pars pas du
dessus du rouge, avec devoir de passer sous le vert, il n'y aura pas de
noeud borroméen.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp; Kant ne peut pas savoir, parce que ce n'est
pas de ça qu'il part, en somme pourquoi l'enfant doit apprendre
quelque chose. Il doit apprendre quelque chose pour que le noeud se fasse
bien.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp; Pour qu'il ne soit pas, si je puis dire,
non-dupe, c'est-à-dire dupe du possible, hein...</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp; Dupe, dupe, c'est un peu trop. Les non-dupes
sont les deux fois dupes. Ils sont justement dupes d'être deux. Et
c'est en somme la seule objection que... dont j'ai cru partir, comme ça,
parce que j'avais affaire à des oreilles, qui n'étaient pas
précisément, enfin éveillées, c'est l'objection,
la seule, la seule objection que j'ai à faire à la <b><i>moi-ïté</i></b>.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est une expression, comme ça
que m'a attribuée, à tort ou à raison car je l'ai
peut-être dit en l'occasion, un de mes analysants, récemment
et qui est depuis longtemps de mon assistance séminariste. La <i>moiïté</i>
comme il s'exprime, c'est évidemment tout de suite choir dans le
deux : puisque la moiïté est forcément faite de deux
moitiés. Et si j'ai dit que la religion c'est, c'est ce qu'on peut
faire de plus vrai, dans la religion, je vous ferai remarquer ceci sur
lequel j'ai jaspiné un bon bout de temps, hein, que tu aimeras ton
prochain comme toi-même, est-ce que ça veut dire que vous
serez trois, oui ou non ?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ouais...</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le noeud borroméen ne peut
être fait que de trois. L'Imaginaire, le Symbolique, ça ne
suffit pas, il y faut l'élément tiers, et je le désigne
du Réel.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il faut qu'il y ait cette solidarité
déterminante dont il y a sujet, sujet parlé, en tout cas,
la perte d'une quelconque de ces trois dimensions, la condition pour que
le noeud tienne, c'est que la perte d'une quelconque de ces trois dimensions
doit rendre folle, c'est-à-dire libre l'une de l'autre les deux
autres.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ces trois dimensions, je vous les
représente de quoi ? De ronds de ficelle, comme on a bien voulu,
et à très juste titre, de façon pertinente, intituler
mon avant-dernier séminaire de l'année dernière.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Qu'est-ce que c'est, comme dimension,
qu'un rond de ficelle, hein ? Je vous fais remarquer que ce n'est même
pas un noeud, un rond de ficelle, hein, parce qu'un noeud, ça se
voit, hein, ça se fait, ça peut s'écrire au tableau...
à condition de faire les petites interruptions nécessaires
et Dieu sait ce qu'il en faut mettre, tellement on a peu d'imagination,
hein.</font>
</p><center><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Voilà. Voyez, il faut encore
que je corrige, un noeud c'est ça. En d'autres termes, un noeud
ça se dénoue. Si vous le dénouez, vous êtes
foutu, parce que vous ne pouvez plus qu'en faire un autre, et que vous
n'arriverez jamais à distinguer un&nbsp;</font><img src="ndup3a.jpg" alt="nondupes 3 noeud rond de ficelle" height="134" width="192"></center>
<font size="-1">noeud d'un autre noeud. Parce qu'ils ne sont pas tous pareils,
ces nœuds. C'est bien pourquoi le rond de ficelle est nécessaire.
Non pas que ça soit un noeud, mais il est nécessaire pour
la théorie des noeuds.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Car en effet, pour qu'un noeud, on
puisse le distinguer d'un autre, il ne faut en aucun cas le dénouer,
ou alors quand vous ferez un autre noeud vous aurez le sentiment que c'est
le même. C'est pour ça qu'il n'y a que deux trucs : ou bien
la corde qui fait noeud l'étendre à l'infini, et alors là
vous ne pouvez pas le dénouer, hein, ou bien joindre ses deux bouts
ce qui est exactement la même chose.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et c'est ce que justifie le rond de
ficelle. Le rond de ficelle, c'est quelque chose qui vous permet la théorie
d'un noeud. C'est ce qui exige pour se rompre de devoir être coupé.
La <i>coulpabilité</i>. C'est ce qui se distingue, mais totalement,
ça ne vous est peut-être pas encore venu à l'esprit
mais j'espère tout de même à certains, c'est que c'est
une topologie. Un rond de ficelle, c'est un tore. Et c'est seulement ce
qui permet d'élaborer le noeud. On ne noue pas ensemble deux sphères.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais l'intéressant, c'est qu'on
ne noue pas deux ronds de ficelle, dans cette affaire, on en noue trois,
mais de telle sorte que le troisième seul noue les deux autres.
Il y a quelque part, dans un article dit <i>de la Causalité psychique</i>,
un endroit, un endroit autour de quoi quelques personnes se sont escrimées,
comme ça, où je noue, puisque c'est de cela qu'il s'agit,
la liberté et la folie, où je dis que l'une ne se conçoit
pas sans l'autre, ce qui, bien entendu trouble, parce que tout de même,
tout de suite ils pensent, enfin, que je dis que la liberté c'est
la folie, hein... puisque pour ne pas me faire comprendre, pourquoi pas,
je m'y entends, seulement, ce que je veux vous faire remarquer à
cette occasion, c'est que l'intérêt de joindre ainsi dans
le noeud borroméen le Symbolique et l'Imaginaire et le Réel,
c'est qu'il en résulte, non seulement il en résulte, mais
il doit en résulter, c'est-à-dire que le cas est bon, vous
me permettrez cette abréviation vu l'heure où nous arrivons,
si le cas est bon, il suffit de, il suffit de trancher un quelconque des
ronds de ficelle pour que les deux autres soient libres l'un de l'autre.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; En d'autres termes, si le cas est
bon, laissez-moi impliquer que c'est le résultat de la bonne pédagogie,
à savoir qu'on n'a pas raté son nouement primitif, si le
cas est bon, quand il y a un de ces ronds de ficelle qui vous manque, vous
devez devenir fou. Et c'est en ça, c'est en ça que dans le
bon cas que j'ai appelé liberté, c'est en ça que le
bon cas consiste, à savoir que s'il y a quelque chose de normal,
c'est que quand une des dimensions vous claque pour une raison quelconque,
vous devez devenir, vous devez devenir vraiment fou.</font>
<p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et c'est là-dessus que je voudrais
finir pour vous en montrer l'intérêt.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Supposez le cas de l'autre noeud,
du noeud que j'ai appelé tout à l'heure olympique. Si un
de vos ronds de ficelle vous claque, vous claque, si je puis dire, du fait
de quelque chose qui ne vous concerne pas, vous n'en devenez pas fou pour
autant. Ceci parce que, que vous le sachiez ou pas, les deux autres noeuds
tiennent ensemble et c'est ça qui veut dire que vous êtes
névrosé.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est bien en quoi, toujours, j'ai
affirmé ceci, qu'on ne sait pas assez que les névrosés
sont <nobr>increvables ! </nobr>(rires).</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Les seuls gens que j'ai vus se comporter
d'une façon admirable pendant... pendant la dernière guerre,
pour l'évoquer, Dieu sait que ça ne me fait pas spécialement
plaisir, ce sont mes névrosés, ceux que je n'avais pas encore
guéris. Ceux-là étaient absolument sublimes. Rien
ne leur fait. Que ce soit le Réel, l'Imaginaire ou le Symbolique
qui leur manque, ils tiennent le coup.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et je ne sais pas si certains de vous,
enfin, s'en souviennent, j'ai fait quelque chose un temps, sur, sur la
phobie du petit Hans. C'est très curieux. Je n'ai jamais vu personne
mettre en valeur ceci <sup><a href="#1">1.</a></sup> , ceci que j'ai non
seulement écrit mais répété, mais ressassé,
n'est-ce pas, je n'ai rien vu d'autre n'est-ce pas, non mais en cherchant
enfin qu'est-ce que c'était que cette sa- [coupure son]</font>

<br><font size="-1">ceci que j'ai non seulement écrit mais répété,
mais ressassé, n'est-ce pas, je n'ai rien vu d'autre n'est-ce pas,
non mais en cherchant enfin qu'est-ce que c'était que cette sacrée
histoire de cheval, parce que bien entendu je me posais la question comme
tout le monde : pourquoi le cheval ? Pourquoi que c'est ça qui lui
fait si peur ?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; L'explication que j'ai trouvée,
parce que je l'ai, je l'ai, je l'ai donnée, je l'ai travaillée,
je l'ai insisté, n'est-ce pas, c'est que le cheval n'était
que le représentant, je peux même le dire, de trois circuits.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; J'ai pas souligné la vérité
qu'ils étaient trois, ces circuits.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais le cheval représentait
un certain nombre de circuits, que j'ai même été chercher
une carte de Vienne pour bien les marquer, parce que d'abord c'est dans
le texte de Freud, comment les aurais-je trouvés sans ça
?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; C'est dans la mesure où la
phobie, la phobie du petit Hans, c'est très précisément
en ce noeud triple dont les trois ronds tiennent ensemble : c'est en ceci
qu'il est névrosé, c'est que, coupez-en un, les deux autres
tiennent toujours.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce n'est pas, certes, que nous nous
penchions sur ceci en quoi justement il y a d'autres couples dans la névrose
qui sont plus simples que celui-là de la phobie, nous y viendrons.</font>

<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; L'important, l'important n'est même
pas en ça, qui fait si joliment image, hein, vous avez pu dire en
somme que j'ai défini la normale en ce sens que c'est fait de telle
façon que ça ne peut que rendre fou, quand il y en a un des
trois ronds qui claque. Mais l'important, c'est pas ça du tout.</font>
</p><p><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; L'important, c'est que, bien qu'il
soient colorés de couleurs diverses l'un par rapport à l'autre
de ces trois ronds, de ces ronds de ficelle, ils sont strictement équivalents.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Je veux dire que l'important, c'est
que aussi bien le Réel que l'Imaginaire ou que le Symbolique peuvent
jouer exactement la même fonction par rapport aux deux autres.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ça ne va pas de soi.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Si je vous présente le noeud
comme ça à savoir le rouge au-dessus du vert et le coinçant,
et le noir, j'appelle celui-là le noir provisoirement puisqu'il
a des points noirs, et le noir en bonne position, ça ne va pas de
soi que je peux très facilement mettre les deux autres dans une
position différente, c'est-à-dire faire que le vert soit
au-dessus du rouge, le noeud borroméen étant tout aussi correct.
A savoir n'ayant à aucun moment été tranché.
On peut croire qu'il y a un obstacle à ce que je mette le vert à
la place du rouge à partir d'une position fixe du noir, c'est pourtant
le cas. C'est pourtant le cas et c'est aussi ce qu'il faut dire concernant
les trois dimensions de notre Réel.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce Réel sur lequel on s'interroge
à la fin de <i>la Science des Rêves</i>, et ce qu'il faut
dire, ce qu'il faut dire, c'est ceci, c'est que si je vous ai barbés
la dernière fois avec cette histoire de l'occulte, c'est justement
en ceci, en ceci qui pour Freud est en quelque sorte l'aveu <nobr>patent,</nobr>

c'est que sur les trois de ces dimensions dont il nous dénonce si
bien deux, qu'est-ce que c'est pour Freud que le Réel ?</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Eh bien, je vais vous le dire aujourd'hui
: c'est justement l'occulte. Et ça l'est précisément
en ceci qu'il le considère comme l'impossible. Car cette histoire
d'occultisme et de télépathie, il nous prévient, il
y insiste, qu'il n'y croit en rien. Comment est-ce que quelqu'un comme
Freud a pu poursuivre enfin, avec cette obstination, cette ombre de cet
occulte qu'il considérait comme à proprement parler d'une
cogitation d'imbéciles ? Lisez-le bien et vous le verrez.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Eh bien ! l'intérêt de
ce que j'ai voulu vous avancer la dernière fois, et que je ne vous
ai pas dit, sinon par la phrase de la fin, qu'il n'y a pas d'initiation,
dont ceux qui ont des oreilles ont très bien su repérer que
c'était la seule phrase intéressante, mais bon, c'est justement
que pour Freud, et c'est bien là quelque chose qui mérite
que nous y regardions à deux fois, il était dupe du Réel.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il était dupe du Réel
même s'il n'y croyait pas.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; Et c'est bien ça ce dont il
s'agit.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;&nbsp;&nbsp; La bonne dupe, celle qui n'erre pas,
il faut qu'il y ait quelque part un Réel dont elle soit dupe.</font>

<br>&nbsp;
</p><p><a name="1"></a><font size="-1">Note 1. version polycopiée CB "ce
signe".<a></a><a></a></font>







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