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Encore

Séminaire de Jacques Lacan

Version VRMNAGRLSOFAFBYPMB


Mardi 20 févier 1973


Je peux bien avouer que j’espérais que les vacances dites scolaires auraient éclairci votre assistance. Il y a trop longtemps que, que je désirerais vous parler comme ça, en me promenant un petit peu entre vous, ça faciliterait certaines choses me semble-t-il. Mais enfin, puisque cette satisfaction m’est refusée j’en reviens à ce dont je suis parti la dernière fois de ce que j’ai appelé une autre satisfaction, cette satisfaction de la parole. Une autre satisfaction, celle, je le répète, c’est le début de ce que j’ai dit la dernière fois, celle qui répond à la jouissance qu’il fallait juste, juste pour que ça se passe entre ce que j’abrégerai de les appeler l’homme et la femme, et qui est la jouissance phallique. Notez ici la modification qu’introduit ce mot juste. Ce juste, ce justement est un tout juste, tout juste réussi, ce qui je pense vous est sensible de donner justement l’envers du raté. Ça réussit tout juste et déjà nous voici là portés, puisque la dernière fois, du moins je l’espère, le plus grand nombre était là qui sait que j’étais parti d’Aristote, de voir là en somme justifié ce qu’Aristote apporte de la notion de la justice comme le juste milieu. Peut-être certains d’entre vous ont-ils vu, quand j’ai introduit ce tout qui est dans le tout juste, que j’ai fait là une sorte de, de contournement


– bonjour !


de contournement qui était pour éviter le mot de, de prosdiorisme 101 qui désigne justement, ce, ce tout, ce quelque à l’occasion, qui ne manque dans aucune langue. Que ce soit le prosdiorisme le « tout » qui dans l’occasion vient à nous faire glisser de la justice d’Aristote à la justesse, à la réussite de justesse, c’est bien là ce qui légitime à avoir d’abord produit cette entrée d’Aristote du fait que ça ne se comprend pas tout de suite comme ça. Et que somme toute Aristote s’il ne se comprend pas si aisément en raison de la distance qui nous sépare de lui, c’est bien là ce qui me justifiait quant à moi à vous dire que lire n’est pas du tout quelque chose qui nous oblige à comprendre, il faut le lire d’abord. Et c’est bien ce qui fait qu’aujourd’hui, enfin, peut-être d’une façon qui apparaîtra à certains de paradoxe, je vais vous conseiller de lire un livre dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il me concerne, ce livre s’appelle Le titre de la lettre 102, il est paru aux éditions Galilée, collection : À la Lettre 103.


Je vous en dirai pas les auteurs qui me semblent en l’occasion jouer plutôt le rôle de sous-fifres, mais ce n’est pas pour autant diminuer leur travail car, je dirai que c’est quant à moi avec la plus grande satisfaction que je l’ai lu. Et c’est en somme l’épreuve à laquelle je désirerais soumettre votre auditoire, plutôt que de recommander de faire clairon à la parution de tel ou tel livre, ce livre écrit en somme dans les plus mauvaises intentions, comme vous pourrez le constater à la trentaine de dernières pages, est quand même un livre dont je ne saurais trop encourager la diffusion.


Je peux dire d’une certaine façon que s’il s’agit de lire je n ’ai jamais été si bien lu, au point de pouvoir dire que d’un certain côté je pourrais dire avec tellement d’amour. Bien sûr, comme il s’avère par la chute du livre, c’est un amour dont le moins qu’on puisse dire est que sa doublure habituelle dans la théorie analytique n’est pas sans pouvoir être évoquée. Il me semble que ça serait trop dire, et puis peut-être même, est-ce trop en dire que mettre là-dedans d’une façon quelconque les sujets, ça serait peut-être là trop les reconnaître en tant que sujets que d’évoquer leurs sentiments. C’est un modèle de bonne lecture. Au point que je peux dire que je regrette de n’avoir obtenu de ceux qui me sont proches jamais rien qui, à mes yeux, soit équivalent.


Les auteurs, puisqu’il faut bien tout de même que je les désigne, ont cru devoir se limiter, et mon Dieu pourquoi ne pas les en complimenter, puisque la condition d’une lecture c’est évidemment qu’elle soit en place, qu’elle s’impose à elle-même des limites, et ils se sont attachés à mon article, cet article recueilli dans mes Écrits qui s’appelle « L’instance de la lettre» 104. Je veux dire que pour ponctuer par exemple ce qui me distingue de ce qui peut être compris de Saussure, je ne dis pas plus, ce qui m’en distingue, ce qui fait que je l’ai, comme ils disent, détourné, on ne peut vraiment pas mieux faire. À quoi cela mène de fil en aiguille, à cette impasse qui est bien celle que je désigne concernant ce qu’il en est dans le discours, dans le discours analytique de l’abord de la vérité et de ses paradoxes. C’est là sans doute quelque chose où à la fin, je ne sais quoi, et je n’ai pas autrement à le sonder, je ne sais quoi échappe à ceux qui se sont imposés cet extraordinaire travail, tout se passant donc comme si ce soit justement à l’impasse où tout mon discours est fait pour les mener qu’ils se tiennent quitte, qu’ils se déclarent ou me déclarent ce qui revient au même au point où ils en parviennent, être quinauds. Mais justement, c’est là où je trouve tout à fait indiqué que vous vous affrontiez vous-mêmes, je le souligne, jusqu’aux conclusions dont vous verrez que somme toute on peut les qualifier de sans-gêne, jusqu’à ces conclusions, le travail se poursuit d’une façon où moi, je ne puis reconnaître qu’une valeur d’éclaircissement, de lumière, tout à fait saisissant. Si cela pouvait par hasard, enfin, éclaircir un petit peu vos rangs étant donné ce par quoi j’ai commencé, je n’y verrais pour moi qu’avantage. Mais après tout je ne suis pas sûr parce que…pour, pour, pourquoi puisque vous êtes toujours ici aussi nombreux, ne pas vous faire confiance que rien enfin ne vous rebute assurément. Jusqu’à ces trente ou vingt dernières pages, je ne les ai pas comptées parce qu’à la vérité ce sont celles-là, celles-là seulement que j’ai lues en diagonale, les autres vous seront d’un confort que somme toute je peux vous souhaiter.


Là-dessus, ce que j’ai aujourd’hui à vous dire c’est bien ce que je vous ai annoncé la dernière fois, c’est à savoir de pousser plus loin ce qu’il en est quant à ce sur quoi j’ai terminé, c’est à savoir la conséquence de ce que j’ai cru, non certes sans avoir longtemps cheminé pour autant, de ce que j’ai cru devoir énoncer de ce qu’il y a entre les sexes, entre les sexes chez l’être parlant, qui, de rapport, ne fasse pas. Et comment en somme c’est à partir de là seulement, que se puisse énoncer ce qui, à ce rapport supplée.


Il y a longtemps que là-dessus j’ai scandé d’un certain y’a d ’l’Un105 ce qui fait le premier pas dans cette démarche. Ce y’a d’l’Un, c ’est le cas de le dire, ça n’est pas simple. Bien sûr dans la psychanalyse, ou plus exactement puisqu’il faut bien le dire, dans le discours de Freud, ceci s’annonce de l’Éros, de l’Éros défini comme fusion de ce qui du deux fait un, et à partir de là mon Dieu de proche en proche, est censé tendre à ne faire qu’un d’une multitude immense. Moyennant quoi comme il est clair que même tous tant que vous êtes ici, multitude assurément, non seulement ne faites pas qu’un mais n’avez aucune chance, fût-ce à communier comme on dit dans ma parole, d’y parvenir comme il ne se démontre que trop et tous les jours, il faut bien que Freud fasse surgir cet autre facteur qui doit bien faire obstacle à cet Éros universel sous la forme du Thanatos, de la réduction à la poussière. C’est évidemment chose permise métaphoriquement à Freud, grâce à cette bienheureuse découverte des deux unités du germen, cet ovule et ce spermatozoïde dont, grossièrement, l’on pourrait dire que c’est de leur fusion que s ’engendre quoi ? un nouvel être. Et aussi bien à se limiter à deux éléments qui se conjoignent, à ceci près qu’il est bien clair qu’à regarder les choses de plus près, la chose ne va pas sans une méiose, sans une soustraction tout à fait manifeste, au moins pour l’un des deux je veux dire juste d’avant le moment même où la conjonction se produit, la soustraction de certains éléments qui, bien sûr, ne sont pas pour rien dans l’opération finale 106. Mais la métaphore biologique est assurément ici encore beaucoup moins qu’ailleurs ce qui peut suffire à nous conforter. Si l’inconscient est bien ce que je dis d’être structuré comme un langage, c’est au niveau de la langue qu’il nous faut interroger cet Un, cet Un dont bien entendu la suite des siècles a fait retentissement, résonance infinie, ai-je besoin ici d’évoquer les néoplatoniciens et toute la suite ? peut-être aurai-je encore tout à l’heure à mentionner très rapidement cette aventure, puisque ce qu’il me faut aujourd’hui c’est très proprement désigner d’où la chose non seulement peut mais doit être prise de notre discours, de ce discours nouveau, de ce renouvellement qu’apporte dans le domaine de l’Éros ce que notre expérience apporte.


Il faut bien partir de ceci, que ce y’a d’l’Un est à prendre de l’accent qu’y’a d’l’Un, et justement puisqu’il n’y a pas de rapport, qu’y’a d’l’Un et d’l’Un tout seul, que c’est de là que se saisit le nerf de ce qu’il en est concernant ce qu’après tout il nous faut bien appeler du nom dont la chose retentit tout au cours des siècles, à savoir celui de l’amour. Dans l’analyse nous n’avons affaire qu’à ça. Et ce n’est pas, ce n’est pas par une autre voie qu’elle opère, voie singulière à ce qu’elle seule ait permis de dégager ce dont, moi qui vous parle, j’ai cru devoir le supporter, je veux dire ce transfert, et nommément en tant qu’il ne se distingue pas de l’amour, de la formule : le sujet supposé savoir. Et là, je pense que tout au long de ce que je vais aujourd’hui avoir à énoncer, je ne puis pas manquer de marquer la résonance nouvelle que peut prendre pour vous, à tout ce qui va suivre, ce terme de savoir.


Peut-être même, dans ce que tout à l’heure vous m’avez vu flotter, reculer, hésiter à faire verser d’un sens ou de l’autre, de l’amour ou de ce qu’on appelle encore la haine…


Pensez qu’en somme, si, comme vous le constaterez, ce à quoi je vous invite expressément à prendre part, à savoir à une lecture dont la pointe est faite expressément pour, disons, me déconsidérer ce qui n’est certes pas devant quoi peut reculer quelqu’un qui ne parle en somme que de la désidération et qui ne vise rien d’autre. Qu’en somme, là où cette pointe porte, ou plus exactement paraît aux auteurs soutenable, c’est justement d’une désupposition de mon savoir.


Et pourquoi pas ?


Pourquoi pas s’il s’avère que ce doit être là la condition de ce que j’ai appelé la lecture ?


Que sais-je, après tout, que puis-je présumer de ce que savait Aristote ? Peut-être mieux je le lirai à mesure que ce savoir je le lui suppose moins. Telle est la condition d’une stricte mise à l’épreuve de la lecture. Et c’est là celle dont en somme je ne m’esquive pas.


Il est certes difficile…


Il serait peu conforme à ce qu’en fait il nous est offert de lire par ce qui du langage existe, à savoir ce qui vient à se tramer d’effet de son ravinement, vous savez que c’est ainsi que j’ en définis l’écrit…


Il serait me semble-t-il, dédaigneux de au moins ne pas traverser ou faire écho de ce qui au cours des âges et d’une pensée qui s’est appelée, je dois dire improprement, philosophique, de ce qui au cours des âges s’était élaboré sur l’amour. Je ne vais pas faire ici une revue générale. Mais je pense que vu le genre de têtes, enfin, que je vois ici faire flocon, vous devez quand même avoir entendu parler que du côté de la philosophie, l’amour de Dieu, dans cette affaire, a tenu une certaine place et qu’il y a là un fait massif, dont au moins latéralement le discours analytique ne peut pas ne pas tenir compte.


Comme ça, des personnes bien intentionnées, c’est bien pire que celles qui le sont mal, des personnes bien intentionnées, quand, comme on dit quelque part dans ce livret, j’ai été, à ce qu’il y a là écrit, exclu de Sainte-Anne, je n’ai pas été exclu, je me suis retiré, c’est très différent 107, mais enfin qu’importe, nous n’en sommes pas là, d’autant plus que ces termes d’exclu, d’exclure, dans notre topologie, ont toute leur importance. Des personnes bien intentionnées se sont trouvées en somme surprises d’avoir écho, ce n’était qu’un écho, mais comme ces personnes étaient, mon Dieu, il faut bien le dire, de la pure tradition philosophique, et de celle qui se réclame, c’est bien en ça que je dis pure, il n’y a rien de plus philosophique que le matérialisme. Et le matérialisme se croit obligé, Dieu sait pourquoi c’est le cas de le dire, d ’être en garde contre ce Dieu dont j’ai dit qu’il a dominé, dans la philosophie, tout le débat de l’amour.


Le moins qu’on puisse dire est qu’une certaine gêne, vu le pont, le tremplin, le maintien pour moi d’une audience qui m’était offert à partir de cette intervention chaleureuse, c’est que je mettais entre l’homme et la femme un certain Autre, avec un grand A, dont il y avait au dire de ceux qui s’y faisaient les véhicules bénévoles de cet écho, un certain Autre qui n’avait bien l’air que d’être le bon vieux Dieu de toujours.


Pour moi il me paraît sensible que pour ce qui est du bon vieux Dieu, cet Autre, cet Autre avancé alors, alors au temps de « L’instance de la lettre », cet Autre avancé alors comme lieu où la parole ne peut s’inscrire qu’en vérité, cet Autre était quand même bien une façon, je peux même pas dire de laïciser, d’exorciser ce bon vieux Dieu. Mais qu’importe, après tout, qui sait. Il y a bien des gens qui me font compliment, dans je ne sais quel des dernier ou avant-dernier séminaires, d’avoir su poser, enfin, que Dieu n’existait pas. Évidemment, ils entendent, ils entendent mais, hélas ils comprennent, et ce qu’ils comprennent est un peu précipité.


Je m’en vais peut-être plutôt aujourd’hui vous montrer en quoi, justement, il existe ce bon vieux Dieu. Le mode sous lequel il existe plaira peut-être pas tout à fait à tout le monde et notamment pas aux théologiens qui sont je l’ai dit depuis longtemps bien plus forts que moi à se passer de son existence. Malheureusement, je vais pas tout à fait dans la même position. Parce que justement j’ai affaire à l’Autre, et que cet Autre, cet Autre qui, s’il n’y en a qu’un tout seul, doit bien avoir quelque rapport avec ce qui alors apparaît de l’autre sexe, cet Autre je suis bien forcé d’en tenir compte et chacun sait qu’après tout je ne me suis pas refusé dans cette même année que j’évoquais la dernière fois de l’Éthique de la psychanalyse, de me référer à l’amour courtois.


L’amour courtois, qu’est-ce que c’est 108 ? C’était cette espèce, cette façon tout à fait raffinée de suppléer à l’absence de rapport sexuel en feignant que c’est nous qui y mettions obstacle. Ça, c’est vraiment la chose la plus formidable qu’on ait jamais tentée mais comment en dénoncer la feinte ?


Bien sûr, je passe sur ceci enfin que, pour ce qui est des matérialistes, ça serait une magnifique façon, enfin, au lieu d’être là à flotter sur le paradoxe que ce soit apparu à l’époque féodale, de, de voir au contraire comment sans ça ça s’enracine, comment c’est du discours de la féalité, de la fidélité à la personne et pour tout dire au dernier terme de ce qu’est toujours la personne à savoir le discours du maître, ce serait la plus splendide façon de voir combien était nécessaire, à l’homme dont la dame était entièrement au sens le plus servile asservie l’assujette comment c’était la seule façon de s’en tirer avec élégance concernant ce dont il s’agit et qui est le fondement, à savoir l’absence du rapport sexuel.


Mais enfin j’aurai affaire, plus tard je le reprendrai, il faut qu’aujourd’hui je fende un certain champ, j’aurai affaire à cette notion de l’obstacle qui, dans Aristote, parce que malgré tout je préfère quand même Aristote à Jaufré Rudel109, hein, ce qui dans Aristote s’appelle justement l’obstacle, nstasi/l’enstasis.


Mes lecteurs, mes lecteurs dont, je vous le répète, il faut tous que vous achetiez tout à l’heure le livre, mes lecteurs ont même trouvé ça, à savoir que l’instance qu’ils interrogent avec un soin, une précaution… je vous dis, je n’ai jamais vu un seul de mes élèves faire un travail pareil, hélas ! Personne ne prendra jamais au sérieux ce que j’écris sauf bien entendu ceux dont j’ai dit tout à l’heure comme ça incidemment qu’ils me haïssent sous prétexte qu’ils me désupposent le savoir, qu’importe … Oui ! Ils ont été jusqu’à découvrir l’enstasis, l’obstacle logique aristotélicien que j’avais gardé pour la bonne bouche, pour cette « Instance de la lettre». Il est vrai qu’ils ne voient pas le rapport, mais ils le mettent en note. Mais ils sont tellement bien habitués à travailler surtout quand quelque chose les anime, le désir par exemple de décrocher une maîtrise, c’est le cas de le dire plus que jamais, et bien ils ont aussi sorti ça, la note de je ne sais plus quelle page, à laquelle vous pourrez vous reporter comme ça vous permettra d’étudier Aristote et vous saurez tout quand j’aborderai enfin cette histoire de l’enstasis.


– Bon, où il est ?


– Où il est l’ekstasis 110 ?


– Merde ! C’est tuant ! Encore je retrouverai pas la page quand c’est au moment où il faudrait que je vous la sorte !


– Bon, attendez ! Oui. Voilà ! Voilà ! Pages 29, 28 et 29, vous pouvez lire à la suite de ça le morceau de la Rhétorique et celui des, les deux morceaux des Topiques qui vous permettront de comprendre tout de suite, de savoir en clair ce que je veux dire, ce que je veux dire quand je relirai Aristote et plus exactement quand j’essaierai de réintégrer dans Aristote mes quatre formules, vous savez la, le $ barré et la suite…


Oui… Enfin pourquoi les matérialistes, comme on dit, s’indigneraient-ils que, comme de toujours, je mette même, pourquoi pas, Dieu en tiers dans l’affaire de l’amour humain ? Je suppose que même les matérialistes, il leur arrive quand même d’en connaître un bout sur le ménage à trois.


Alors essayons d’avancer, essayons d’avancer sur ce qui résulte de ce pas à faire dont en tout cas rien ne témoigne que je ne sache pas ce que j’ai à dire encore, à ce niveau, là, ici, où je vous parle.


Le moins que je puisse dire, c’est d’être au moins…


enfin de pouvoir au moins supposer, vous avoir fait admettre, au moins admettre que j’admets de moins…


que pour ce qui est de l’être…


Car le décalage de ce livre, décalage ouvert dès le départ et qui se poursuivra jusqu’à la fin, de sup…, c’est de me supposer, et avec ça on peut tout faire, c’est de me supposer une ontologie ou ce qui revient au même, un système. L’honnêteté quand même fait que, dans le diagramme circulaire où soi-disant se noue ce que j’avance de « l’Instance de la lettre », c’est en ter…, lignes pointillées, à juste titre car ils ne pèsent guère, que sont mis les enveloppant, les enveloppant tous mes énoncés, les noms des principaux philosophes dans l’ontologie générale desquels j’insérerais mon prétendu système.


Eh bien, pour moi, disons qu’il ne peut pas être ambigu que, au moins pour ce que j’ai articulé dans les dernières années, cet être, tel qu’il se soutient dans la tradition philosophique, c’est-à-dire qui s’asseoit dans le penser lui-même censé être le corrélat, bon, qu’à ceci très précisément j’oppose que dans cette affaire même nous sommes joués par la jouissance,


que la pensée est jouissance,


que ce qu’apporte le discours analytique, c’est à ceci qui était déjà amorcé dans la philosophie entre guillemets « de l’être », à savoir qu’il y a jouissance de l’être.


Je dirai même plus, si je vous ai parlé de l’Éthique à Nicomaque, c’est justement parce que la trace y est, que ce que cherche Aristote, et ce qui a ouvert la voie à tout ce qu’il a ensuite traîné après lui, c’est


qu’est-ce que c’est cette jouissance de l’être dont un Saint Thomas n’aura ensuite aucune peine à forger cette, cette théorie, comme on l’appelle, comme l’appelle l’Abbé Rousselot 111 dont je vous parlais la dernière fois, comme l’appelle l’Abbé Rousselot : la théorie physique de l’amour.


C’est à savoir que, après tout, le premier être dont nous ayons bien le sentiment, ben c’est notre être, et tout ce qui est pour le bien de notre être sera, de ce fait, jouissance de l ’Être suprême, c’est-à-dire de Dieu. Qu’en aimant Dieu, pour tout dire, c’est nous-mêmes que nous aimons.


Et qu’à nous aimer d’abord nous-mêmes, charité bien ordonnée… comme on dit, nous faisons à Dieu l’hommage qui convient.


A ceci, ce que j’oppose comme être, c’est si l’on veut à tout prix que je me serve de ce terme ce que, ce dont témoigne dès,


ce dont est forcé de témoigner dès ses premières pages de lecture, simplement lecture,


ce petit volume,


c’est à savoir l’être de la signifiance.


Et l’être de la signifiance, je ne vois pas en quoi, n’est-ce pas, je déchois aux idéaux, aux idéaux je dis, parce que c’est tout à fait hors des limites de son épure au matérialisme, tout à fait en dehors des limites de son épure de reconnaître que la raison de cet être de la signifiance c’est la jouissance en tant qu’elle est jouissance du corps.


Seulement un corps, vous comprenez, depuis Démocrite ça paraît pas assez matérialiste, hein ! il faut trouver les atomes, n’est-ce pas, et tout le machin, et la vision, l’odoration et tout ce qui s’ensuit, tout ça est absolument solidaire, ce n’est pas pour rien qu’à l’occasion Aristote, même s’il fait le dégoûté, cite Démocrite, il s’appuie sur lui. L’atome, c’est simplement un élément de signifiance volant. C’est un stoieon /stoïcheion tout simplement. À ceci près que on a toutes les peines du monde à s’en tirer quand on ne retient que ce qui fait l’élément élément, n’est-ce-pas, à savoir qu’il est unique, alors qu’il faudrait introduire un petit peu l’Autre, à savoir la différence. Bon !


La jouissance du corps, s’il n’y a pas de rapport sexuel, il faudrait voir en quoi ça peut y servir.


Il me semble avoir déjà scandé,


je suis pressé par le temps,


il me semble avoir déjà scandé que pour prendre les choses du côté où c’est logiquement… que quanteur a, c’est-à-dire tout x, est fonction, fonction mathématique de F de x…


c’est-à-dire du côté où se range, en somme par choix…


libre aux femmes de s’y ranger aussi si ça leur fait plaisir, hein  !


Chacun sait ça, qu’il y a des femmes phalliques  !


Il est clair que la fonction phallique n’empêche pas les hommes d ’être homosexuels, mais que c’est aussi bien elle qui leur sert à se situer comme homme et aborder la femme.


Comme ce dont j’ai à parler est d’autre chose, de la femme précisément, je vais vite parce que je suppose que je vous l’ai déjà assez seriné pour que vous l’ayez encore dans la tête,


je dis qu’à moins de castration, c’est-à-dire de quelque chose qui dit non à cette fonction phallique et Dieu sait que ce n’est pas tout simple, il y a aucune chance que l ’homme ait jouissance du corps de la femme, autrement dit fasse l’amour,


c’est le résultat de l’expérience analytique,


ça n’empêche pas qu’il peut la désirer de toutes les façons, même quand cette condition n’est pas réalisée, non seulement il la désire mais il lui fait toutes sortes de choses qui ressemblent étonnamment à l’amour.


Contrairement à ce qu’avance Freud, c’est l’homme, je veux dire celui qui se trouve mâle sans savoir qu’en faire, tout en étant être parlant, qui aborde la femme, comme on dit, qui peut même croire qu’il l’aborde, parce qu’à cet égard les convictions dont je parlais la dernière fois, les convictions ne manquent pas. Seulement ce qu’il aborde, parce que c’est là la cause de son désir, c’est ce que j’ai désigné de l’objet petit a, c’est là l’acte d’amour, justement. Faire l’amour, comme le nom l’indique, c’est de la poésie, mais il y a un monde entre la poésie et l’acte. L’acte d’amour c’est la perversion polymorphe du mâle, ceci chez l’être parlant. Il n’y a rien de plus assuré, de plus cohérent, de plus strict quant au discours freudien.


Puisque j’ai encore une demi-heure pour essayer de vous introduire, si j’ose m’exprimer ainsi… c’est ce qu’il en est du côté de la femme. Alors de deux choses l’une, ou ce que j’écris n’a aucun sens, c’est la conclusion de ce petit livre 112 et c’est pour ça que je vous prie de vous y reporter, ou quand j’écris ceci .!, qui se lit, qui se lit d’une fonction, d’une fonction je dois dire inhabituelle, non écrite, même dans la logique des quanteurs, à savoir la barre, la négation portant sur le « pas tout » et pas sur la fonction


quand je dis ceci,


que se range, si je puis m’exprimer ainsi,


se range sous la bannière des femmes un être parlant quelconque,


c’est à partir de ceci qu’il se fonde de n’être « pas tout »,


et comme tel,


à se ranger dans la fonction phallique c’est ça qui définit la…


attendez là,


la… la… la… la… la


la quoi ?


la femme justement.


À ceci près que La femme, mettons lui un grand L pendant que nous y sommes ça sera gentil,


à ceci près que La femme, ça ne peut s’écrire qu’à barrer L. Il n’y a pas La femme, article défini pour désigner l’universel. Il n’y a pas La femme puisque j’ai déjà risqué le terme, et pourquoi y regarderais-je à deux fois ? puisque de son essence, elle n’est pas toute.


De sorte que pour accentuer quelque chose dont… je vois mes élèves beaucoup moins attachés à ma lecture n’est-ce pas que le moindre sous-fifre quand il est animé par le désir d’avoir une maîtrise, il n’y a pas un seul de mes élèves qui n’ait fait je ne sais quel cafouillage sur, sur je ne sais pas quoi, le manque de signifiant, le signifiant du manque de signifiant, et autres bafouillages à propos du phallus. Alors que je vous désigne dans ce L le signifiant, malgré tout courant et même indispensable, la preuve c’est que déjà tout à l’heure j’ai parlé de l’homme et de la femme. Oui il est indispensable…


c’est un signifiant ce L,


c’est par ce L que je symbolise le signifiant,


le signifiant dont il est tout à fait indispensable de marquer la place qui, qui, qui ne peut, qui ne peut pas être laissée vide


de ceci que ce L est le signifiant dont le propre est qu’il est le seul qui ne peut rien signifier, mais ceci seulement de fonder le statut de L femme dans ceci qu’elle n’est pas toute, ce qui ne permet pas de parler de la femme.


Mais par contre, s’il n’y a de femme si je puis dire qu’exclue, dans la nature des choses qui est la nature des mots, il faut bien dire, hein, que ce que j’avance là, quand même ça peut se dire, parce que s’il y a quelque chose dont elles-mêmes se plaignent assez pour l’instant, c’est bien de ça, hein ! bon ! simplement elles ne savent pas ce qu’elles disent, c’est toute la différence entre elles et moi !


Oui. S’il n’y a donc de femme qu’exclue par la nature des choses comme L femme, il n’en reste pas moins que si elle est exclue par la nature des choses c ’est justement de ceci que d’être pas toute, elle s’assure comme L femme, de ceci que par rapport à ce que désigne de jouissance la fonction phallique, elles ont, si je puis dire, une jouissance supplémentaire. Vous remarquerez que j’ai dit supplémentaire parce que si j’avais dit complémentaire, où nous en serions, on retomberait dans le tout.


Ouais. Elles ne s’en tiennent, aucune s’en tient d’être pas toute, à la jouissance de, de, de, dont il s’agit quand même, et mon Dieu, d’une façon générale quoi, on aurait bien tort quand même de ne pas voir que, contrairement à ce qui se dit c’est quand même les femmes qui possèdent les hommes, non. Au niveau du populaire, et c’est pour ça que je parle jamais enfin vraiment, sauf de temps en temps probablement, enfin je dois bien un peu baver comme tout le monde, mais enfin en général je dis des choses importantes…


et quand je remarque que le populaire appelle, populaire,


moi, je, je, j’en connais, ils sont pas forcément ici, mais j’en connais pas mal !


le populaire appelle la femme la bourgeoise, c’est bien ça que ça veut dire, c’est que pour être à la botte, hein, c’est lui qui l’est pas elle.


Donc le phallus, son homme comme elle dit, euh depuis Rabelais on sait que ça lui est pas indifférent. Seulement toute la question est là. Elle a divers modes de l’aborder ce phallus et de se le garder, hein. Et même que ça joue parce que c’est pas parce qu’elle est pas toute dans la fonction phallique qu’elle y est pas du tout. Elle y est pas pas du tout, elle y est à plein, mais il y a quelque chose en plus, cet en plus, hein, faites attention, gardez-vous enfin d’en prendre trop vite les échos, je peux pas le désigner mieux ni autrement parce qu’il faut que je tranche et que j’aille vite.


Il y a une jouissance, puisque nous nous en tenons à la jouissance, jouissance du corps, il y a une jouissance qui est…


si je puis m’exprimer ainsi parce qu’après tout, pourquoi pas en faire un titre de livre, c’est pour le prochain de la collection Galilée : Au-delà du phallus, ça serait mignon ça, hein ! et puis ça donnerait une autre consistance au M.L.F. ! Une jouissance au-delà du phallus, hein !


Si vous vous êtes pas encore aperçus, hein, que,


je parle naturellement ici aux quelques semblants d’hommes, enfin qui, que je vois par-ci par-là, heureusement que pour la plupart je ne les connais pas, comme ça je préjuge de rien, pour les autres comme…


Oui. Il y a quelque chose que peut-être les quelques semblants d’hommes en question ont pu remarquer, comme ça de temps en temps enfin entre deux portes, enfin il y a, il y a quelque chose qui les secoue hein ou qui les secourt. Et puis quand vous regardez en plus l’étymologie de ces deux mots dans ce fameux Bloch et Von Wartburg 113 dont je fais mes délices et dont je suis sûr que vous ne l’avez même pas chacun dans votre bibliothèque, vous verrez que le rapport qu’il y a entre secouer et secourir, c’est pas des choses qui arrivent par hasard, quand même !


Il y a une jouissance, disons le mot, à elle, à cette elle qui n’existe pas, qui ne signifie rien. Il y a une jouissance, il y a une jouissance à elle dont peut-être elle-même ne sait rien, sinon qu’elle l’éprouve, ça elle le sait. Elle le sait bien sûr quand ça arrive. Ça leur, ça leur arrive pas à toutes.


Mais enfin sur le sujet de la prétendue frigidité, après tout faut faire la part de la mode aussi et des rapports entre les hommes et les femmes, c’est très important, puisque bien entendu tout ça comme dans l’amour courtois est dans le discours hélas de Freud, recouvert par, recouvert comme ça par de menues considérations qui ont exercé leurs ravages tout comme l’amour courtois, toutes sortes de menues considérations sur la, sur la jouissance clitoridienne, sur la jouissance qu’on appelle comme on peut, l’autre justement, celle que je suis comme ça en train d’essayer de vous faire aborder par la voie logique, parce que jusqu’à nouvel ordre il n’y en a pas d’autre.


Il y a une chose certaine et qui laisse quand même depuis le temps quelque chance à ce que j’avance, que de cette jouissance la femme elle ne sait rien, c’est que depuis le temps quand même qu’on les supplie, qu’on les supplie à genoux, et je parlais la dernière fois des psychanalystes femmes, d’essayer quand même de nous le dire, d’approcher ça, eh ben pfutt ! motus hein ! on n’a jamais rien pu en tirer. Alors on appelle ça comme on peut, vaginale, le, le, le, le, le, le, le, le pôle postérieur du museau de l’utérus et autres conneries, c’est le cas de le dire. Mais après tout, si simplement elle l’éprouvait et si elle n’en savait rien, ça permettrait aussi de, de jeter beaucoup de doute, là, du côté de la fameuse frigidité dont je parlais tout à l’heure, n’est-ce pas, qui est aussi un thème, un thème littéraire, enfin n’est-ce pas. Enfin bien, ça vaudrait quand même la peine qu’on s’y arrête, parce que figurez-vous depuis ces quelques jours là que je passe, enfin ces quelques jours ! Je fais que ça depuis que j’ai vingt ans, enfin passons !


à explorer les philosophes sur ce sujet de l’amour,


naturellement j’ai pas tout de suite centré ça sur cette affaire de l’amour,


enfin c’est venu dans un temps, avec justement l’Abbé Rousselot dont je vous parlais tout à l’heure et puis toute la querelle de l’amour physique et de l’amour extatique, comme ils disent. Enfin, je comprends que Gilson 114 ne l’ait pas trouvée très bonne, cette opposition, il a trouvé que peut-être Rousselot avait fait là une découverte qui n’en était pas une, que ça faisait partie du problème, que l’amour est aussi extatique dans, dans Aristote que dans Saint Bernard à condition qu’on sache lire les chapitres sur la fila : philia, sur l’amitié. Vous pouvez pas savoir, enfin si, vous pouvez savoir, ça dépend, il y a certains ici qui doivent savoir quand même quelle débauche de littérature s’est produite autour de ça, Denis de Rougemont 115, vous voyez ça, L’Amour et l’Occident, ça barde. Et puis, et puis il y a un autre, qui est pas, qui est pas, qui n’est pas plus bête qu’un autre, qui s’appelle Nygren 116, c’est un protestant, oui, Éros et Agapê. Enfin ! C’est vrai, c’est vrai, c’est vrai naturellement qu’on a fini dans le christianisme par inventer un Dieu, que c’est lui qui jouit ! Il y a quand même un petit pont, un pont.


Quand vous lisez certaines personnes sérieuses, comme par hasard c’est des femmes…


Je vais vous en donner quand même une indication que je dois comme ça, à une très gentille personne qui l’avait lu et qui me l’a apporté. Je me suis rué là-dessus, rué. Ah ! Il faut que je l’écrive parce que sans ça, ça vous servira à rien et vous ne l’achèterez pas, d’ailleurs vous l’achèterez moins facilement que le livre qui vient de paraître sur moi. Vous l’achèterez moins facilement parce que je crois qu’il est épuisé. Mais enfin vous arriverez peut-être à le trouver. On s’est donné beaucoup de mal pour me l’apporter à moi, cette Hadewijch d’Anvers 117. C’est une Béguine, c’est une Béguine, c’est-à-dire ce qu’ on appelle comme ça tout gentiment une mystique. Moi, je n’emploie pas le mot mystique comme l’employait Péguy 118, hein. La mystique c’est pas tout ce qui n’est pas la politique, la mystique c’est quelque chose de sérieux, hein.


Il y a quelques personnes, et justement le plus souvent des femmes, ou bien des gens doués comme Saint Jean de la Croix…


oui, parce que on n’est pas forcé, quand on est mâle, de se mettre du côté du ;!, on peut aussi se mettre du côté du « pas tout », oui. Il y a des hommes qui sont aussi bien que les femmes, ça arrive, et qui du même coup s’en trouvent aussi bien, ils entrevoient, disons, malgré, enfin, je n’ai pas dit malgré leur phallus, malgré ce qui les encombre à ce titre, ils éprouvent l’idée en tout cas que, que quelque part il pourrait y avoir une jouissance qui soit au-delà. C’est ce qu’on appelle des mystiques.


Et si vous lisez cette Hadewijch dont je sais pas comment prononcer son nom, mais enfin quelqu’un qui est ici et qui saura le néerlandais me l’expliquera j’espère tout à l’heure, si vous lisez cette Hadewijch…


Enfin j’ai déjà parlé d’autres gens qui n’étaient pas si mal non plus du côté mystique, mais qui se situaient plutôt du côté, là, de ce que je disais tout à l’heure, à savoir du côté de la fonction phallique, n’est-ce pas. Angelus Silesius, tout de même, malgré tout, enfin, à force de confondre son œil contemplatif avec l’œil dont Dieu le regarde… C’est quand même un peu drôle, ça doit quand même faire partie de la jouissance perverse. Mais pour la Hadewijch en question, pour Sainte Thérèse, enfin disons quand même le mot, et puis en plus vous avez qu’à aller regarder dans une certaine église à Rome la statue du Bernin pour comprendre tout de suite, enfin, quoi, qu’elle jouit, ça fait pas de doute ! Et de quoi jouit-elle ? Il est clair que le témoignage essentiel de la mystique c’est justement de dire ça, qu’ils l’éprouvent mais qu’ils n’en savent rien 119.


Alors ici comme ça pour terminer, enfin, ce que je vous propose, ce que je vous propose, c’est que grâce à ce petit frayage, celui que j’essaye de faire aujourd’hui, quelque chose soit fructueux, réussisse tout juste, hein… de ce qui se tentait à la fin du siècle dernier, au temps de Freud justement. Ce qui se tentait c’était de ramener cette chose que j’appellerai pas du tout du bavardage ni du verbiage, toutes ces jaculations mystiques qui sont en somme, ouais, qui sont en somme ce qu’on peut lire de mieux, tout à fait en bas de page, note : y ajouter les Écrits de Jacques Lacan, parce que c’est du même ordre… Moyennant quoi naturellement vous allez être tous convaincus que je crois en Dieu. Je crois à la jouissance de L femme en tant qu’elle est en plus, à condition que cet en plus, là, vous y mettiez un écran avant que je l’aie bien expliqué.


Alors tout ce qu’ils cherchaient, là, comme ça, toutes sortes de braves gens, là, dans l’entourage de n’importe qui, de Charcot et des autres, pour expliquer que la mystique, c’est, c’était des affaires de foutre… mais c’est que si vous y regardez de près, c’est pas ça, pas ça, pas ça du tout. C’est peut-être ça euh qui doit nous faire entrevoir ce qu’il en est de l’Autre, cette jouissance qu’ on éprouve et dont on ne sait rien. Mais est-ce que ce n’est pas ça qui nous met sur la voie de l’ex-sistence ? Et pourquoi ne pas interpréter une face de l’Autre, la face de Dieu puisque c’était de ça, par là que j’ai abordé l’affaire tout à l’heure, une face de Dieu comme supportée par la jouissance féminine, hein.


Comme tout ça se produit n’est-ce-pas, grâce à, à l’être de la signifiance, et que cet être n’a d’autre lieu que ce lieu de l’Autre que je désigne du grand A, on voit la biglerie, hein, de ce qui se produit. C’est comme cela aussi, enfin, que s’inscrit la fonction du père en tant que c’est à elle que se rapporte la castration, alors, alors on, on voit que ça ne fait pas deux Dieu mais que ça n’en fait pas non plus un seul. En d’autres termes, c’est pas par hasard que Kierkegaard 120 a découvert l’existence dans une petite aventure de séducteur. C’est à se castrer, c’est à renoncer à l’amour, n’est-ce pas, qu’il pense y accéder. Mais peut-être qu’après tout, pourquoi pas, Régine elle aussi peut-être existait. Ce désir d’un bien, au second degré, qui n’est pas causé par un petit a celui-là, c’est peut-être par l’intermédiaire de Régine qu’il en avait la dimension.


Voilà j’en ai assez de raconter des…


Anexe: Sur la meiose


Anexe


Anexe: Sur l'amour courtois


Anexe: Pierre Rousselot S.J.


Anexe: E. Gilson


Anexe: Thérèse d'Avila


Notes


101 Lacan a introduit le mot prosdiorisme dans la séance du 12-1-72 de … ou pire. « Dans la ligne de l’exploration logique du réel, le logicien a commencé par les propositions. La logique n’a commencé qu’à avoir su dans le langage isoler la fonction de ce qu’on appelle les prosdiorismes qui ne sont rien d’autre que le "un", le "quelque", le "tous" et la négation de ces propositions. Vous le savez, Aristote définit pour les opposer les universelles et les particulières, à l’intérieur de chacune, affirmatives et négatives. Ce que je veux marquer, c’est la différence qu’il y a de cet usage des prosdiorismes, à ce qui pour des besoins logiques, à savoir pour un abord qui n’était autre que de ce réel qui s’appelle le nombre, ce qui s’est passé de complètement différent ».


102 P. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, Le titre de la lettre. Une lecture de Lacan, Paris, Galilée, 1973 et 1990.


103 En fait la collection s’appelle : La philosophie en effet.


104Lacan J., « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud » in Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 493-530.


105 Lacan a avancé cette formulation dans la séance du 15-3-72 du séminaire … ou pire.


106 cf. Annexe 1.


107 cf. Annexe 2.


108 cf. Annexe 3.


109 Poète provençal, prince de Blaye (1125-1148). Compositeur de six chansons dans lesquelles ce grand troubadour chantait « l’amour de loin ». Il est entré dans la légende pour avoir été amoureux de la comtesse de Tripoli, sans l’ avoir vue, « pour le bien qu’on disait d’elle ». Il se croisa et s’embarqua vers la Syrie. Tombé malade en mer, il mourut en débarquant dans les bras de la comtesse, qui entra dans un cloître le jour même. L. Tieck en raconte l’histoire dans Sternbald et E. Rostand dans La princesse lointaine.


110 Lacan prononce très clairement ekstasis, qui n’existe pas en grec mais prépare ce qu’il dira de l’extase.


111 Rousselot P., Pour l’histoire du problème de l’amour au Moyen-Âge, Paris, Vrin, 1981. cf. Annexe 4.


112 P. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, op. cit., p. 189.
Les auteurs ne disent pas explicitement que ce que Lacan écrit n’a aucun sens, ils essayent de disjoindre texte et discours chez lui, et d’une façon assez obscure, ils soulignent que par son discours Lacan n’atteint pas le texte. De là Lacan, en renversant la proposition, lit qu’ils disent que ce qu’il écrit n’a aucun sens :
« Mais ce n’est plus de vérité que dès lors il s’agit. Dire au juste de quoi il s’agit est d’ailleurs, sans doute, impossible. Nous parlerons donc pour finir, de texte, – si précisément le texte (est ce qui) ne se laisse pas comprendre dans l’économie de la vérité. Rien qui se rapporte, donc, à ce « texte » que, par le sens que lui donne Lacan, il nous a fallu qualifier de discours. Mais le texte que, malgré les ruptures de son énonciation, les écarts de son langage, les détours de son procès, le discours de Lacan ne parvient pas à rejoindre – ou plutôt, dans lequel il ne se perd jamais ».


113 O. Bloch et W. Von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, Vendôme, PUF, 1975.


114 Etienne Gilson, La Théologie mystique de Saint Bernard, Paris, Vrin, 1934. Cf. Annexe 4.


115 Denis de Rougemont, L’Amour et l’Occident, Paris, Plon 10/18, 1991.


116 Anders Nygrens (1890-1978), Éros et Agapê, trad. P. Jundt, Paris, Aubier, 1940.


117 Hadewijch d’Anvers, Amour est tout, poèmes strophiques, Paris, Téqui, 1984, et Écrits mystiques des béguines, Paris, Seuil, 1985.


118 Péguy, qui avait vu dans « l’établissement de la République socialiste universelle » le « remède au mal universel », écrira en 1910 dans Notre jeunesse : « l’essentiel est que … la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ». Devant « la menace d’une invasion allemande » dans Notre Patrie, il aura dès 1905 lié sa mystique socialiste à une mystique de la patrie française, stigmatisée comme la figure privilégiée de la cité de Dieu.


119 Le Bernin, « Extase de Sainte Thérèse », Chapelle Cornaro, transept gauche de l’église Santa Maria della Vittoria, Rome. Dans Ravissements célestes, FMR n° 65, Ed. française, p.26, Caterina Napoleone propose une autre interprétation de cette statue : 
« Serait-elle morte ? ou mourante ? ou bien l’iconographie bernienne se réfère-t-elle à cette représentation qui, sous forme de chronique, fût élaborée de son agonie ? Une représentation qui transforme la sainte, au moment où elle passe de la vie à trépas, en ravissante jeune femme alors qu’elle est une septuagénaire d’allure peu soignée ».
Il s’agit de la chapelle funéraire du Cardinal Cornaro, commanditaire du Bernin. Elle s’organise comme un théâtre selon la tradition baroque : les ancêtres du Cardinal, accoudés aux balcons de deux loges, sont les spectateurs et les juges de la scène de l’extase de la sainte, comme les théologiens qui toute sa vie durant questionnèrent la foi de Thérèse. Mystique ou démon telle était la question à laquelle devaient répondre les écrits que rédigea Thérèse sous la pression renouvelée de ses confesseurs : elle y décrit ses expériences… Cf. Annexe 6.
En affirmant qu’elle éprouve une jouissance dont elle ne sait rien sinon qu’elle l’éprouve, Lacan réédite la question des théologiens du XVIe, mystique ou hystérique ?


120 S. Kierkegaard, La Reprise, Paris, Flammarion, 1990.


Revista de Psicoanálisis y Cultura

Número 13 - Julio 2001

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