Text/Jacques Lacan/INSU15031977.htm

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J.LACAN                                gaogoa

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s�minaire XXIV-

L'insu que sait de l'une-b�vue s'aile � mourre   1976-1977

                      version rue CB

15 mars 1977                           [#note note]

   (p1->) Il y a des gens bien intentionn�s, bien intentionn�s � mon endroit, et d�j� �a soul�ve une montagne de probl�mes; qu'est-ce qui peut bien faire que des gens soient bien intentionn�s � mon endroit ?  Et qui ne me connaissent pas, car quant � moi, je ne suis pas plein de bonnes intentions. 

Enfin, ces biens intentionn�s m'ont quelquefois �crit des lettres tendant, enfin c'�tait, c'�tait �crit que mon bafouillage de la derni�re fois, concernant le discours que j'appelle analytique, �tait un lapsus. Ils ont �crit �a textuellement.

Qu'est-ce qui distingue le lapsus de l'erreur grossi�re ?
  J'ai d'autant plus tendance quant � moi � classer comme erreur ce que l'on qualifie lapsus que m�me quand m�me ce discours analytique j'en avais un tant soit peu parl�, quand je parle, je m'imagine que je dis quelque chose. 

L'ennuyeux, c'est que l� o� j'ai fait le lapsus, o� je suis sens� avoir fait le lapsus, c'est en mati�re, si je puis dire, en mati�re d'�crit que j'ai fait le lapsus. Ca prend une particuli�re importance quand il s'agit d'�crit par quelqu'un, moi en l'occasion, par quelqu'un trouv�. 

Autrefois, il m'est arriv� de dire, � l'imitation d'ailleurs de quelqu'un qui �tait un peintre c�l�bre : " Je ne cherche pas, je trouve " . Au point o� j'en suis, je ne trouve pas tant que je ne cherche, autrement dit je tourne en rond ; et c'est bien ce qui c'est produit � propos de ce lapsus, c'est que les lettres �crites n'�taient pas dans leur bon sens, dans le sens ou elles tournent, mais �taient embrouill�es.

(p2->)Il faut quand m�me bien dire que je n'ai pas fait ce lapsus tout � fait sans raison. Je veux dire que l'ordre dans lequel les lettres tournaient, je l'ai certes imagin�, mais je crois tout au moins savoir ce que je voulais dire. Je vais essay� aujourd'hui de vous expliquer quoi. J'y suis encourag� par l'audition que j'ai re�ue hier soir � l'�cole Freudienne d'une Madame KRESS ROSEN, je ne vais pas lui demander de se lever, encore que je la vois fort bien, je me suis m�me et tout � fait inqui�t� de savoir si elle �tait parmi ce qu'on appelle des auditrices et, je ne vois pas pourquoi je mettrais ce terme au f�minin puisque �a n'a pas de sens, �a n'a pas de sens valable. 

Madame KRESS ROSEN a eu la bont� de dire hier soir presque ce que je voulais dire � une personne  dont il est d'ailleurs plus question que je la rencontre - puisque c'est une personne � qui j'ai demand� de t�l�phoner chez moi, et qui ne l'a pas fait - c'est quelqu'un qui fait parti de la radio allemande, je ne sais pas tr�s bien son nom � la v�rit�, mais elle m'a, elle m'a demand�, para�t-il, sur l'avis de Roman JAKOBSON, de r�pondre quelque chose sur ce qui le concerne. Mon premier sentiment �tait de dire que ce que j'appelle, ce que j'appelle la linguisterie -Madame KRESS ROSEN a fait un sort � cette appellation - ce que j'appelle de la linguisterie exige la psychanalyse pour �tre soutenue. Et j'ajouterai qu'il n'y a pas d'autre linguistique  que ce que j'appelle linguisterie, ce qui ne veut pas dire que la psychanalyse soit toute la linguistique, l'�v�nement le prouve, c'est � savoir qu'on fait de la linguistique depuis tr�s longtemps, depuis  Cratyle, depuis Donnat, depuis Titien,  qu'on en a toujours fait, et ceci d'ailleurs n'arrange rien, puisque je tendais � dire la derni�re fois, je m'en suis aper�u   � propos de ce S1 et (p3->) de ce S2 qui sont s�par�s dans la notation correcte, la notation correcte de ce que j'ai appel� discours psychanalytique.

Je pense que, malgr� tout, vous vous �tes un peu inform�s aupr�s des Belges, et que le fait que j'ai parl� de la psychanalyse comme ne pouvant �tre une escroquerie est parvenu � vos oreilles. Je dirai m�me que j'y insistais en parlant de ce S1 qui para�t promettre un S2. Il faut quand m�me � ce moment-l� se souvenir de ce que j'ai dit concernant le sujet, c'est � savoir le rapport de cet S1 avec ce S2. J'ai dit dans son temps qu'un signifiant �tait ce qui repr�sente le sujet aupr�s d'un autre signifiant. Alors, quoi en d�duire ?

Je vais quand m�me un peu vous donner une indication, ne serait-ce que pour �clairer   ma route, parce que elle ne va pas de soi. La psychanalyse est peut-�tre une escroquerie, mais �a n'est pas n'importe laquelle, c'est une escroquerie qui tombe juste par rapport � ce qu'est le signifiant, et le signifiant, il faut quand m�me bien remarquer qu'il est quelque chose de bien sp�cial. Il a ce qu'on appelle des effets de sens, et il suffirait que je connote le S2, non pas d'�tre le second dans le temps, mais d'avoir un sens double, pour que le S1 prenne sa place, et sa place correctement. Il faut quand m�me dire que le poids de cette duplicit� de sens est commun � tout signifiant, je pense que Madame KRESS ROSEN ne me contredira pas, et si elle veut s'y opposer de fa�on quelconque, elle est tout � fait libre de me faire signe puisque, je le r�p�te, je me f�licite qu'elle soit l�. La psychanalyse n'est pas, je dirais, plus une escroquerie que la po�sie elle-m�me, et la po�sie se fonde pr�cis�ment sur cette ambigu�t� dont je parle, et que je qualifie du sens double.

(p4->) La po�sie para�t  quand m�me relever de la relation du signifiant au signifi�. On peut dire d'une certaine fa�on que la po�sie est imaginairement symbolique, je veux dire que, puisque Madame KRESS ROSEN a �voqu� SAUSSURE et sa distinction de la langue et de la parole, non d'ailleurs sans noter que quant � cette distinction, SAUSSURE avait flott�, il reste quand m�me que son d�part, � savoir que la langue est le fruit d'une maturation, d'une, d'un m�rissement de quelque chose qui se cristallise dans l'usage ; il reste que la po�sie rel�ve d'une violence faite � cet usage et que nous en avons des preuves, si j'ai �voqu� , la derni�re fois, DANTE et la po�sie amoureuse, c'est bien pour, pour marquer, pour marquer cette violence que la philosophie fait tout pour effacer, c'est bien en quoi la philosophie est le champ de l'escroquerie et en quoi on ne peut pas dire que la po�sie s'y joue pas � sa fa�on innocemment, ce que j'ai appel� � l'instant, ce que j'ai connot� de l'imaginairement symbolique, s'appelle la v�rit�.

Ca s'appelle la v�rit� notamment, concernant le rapport sexuel, c'est � savoir que, comme je le dis, peut-�tre le premier, et je vois pas pourquoi je m'en ferais un titre que de rapport sexuel, il n'y en a pas, je veux dire, � proprement parler, au sens o� il y aurait quelque chose qui ferait que, qu'un homme reconna�trait forc�ment une femme.

Il est certain que moi, j'ai cette faiblesse de la reconna�tre la (l� ?) , mais je suis quand m�me assez averti pour avoir fait remarquer que, qu'il y a pas de la , ce qui co�ncide avec mon exp�rience, � savoir que je ne reconnais pas toutes les femmes. Il  n'y en a pas, mais il faut tout de m�me bien dire que �a ne (p5->) va pas de soi, il n'y en a pas, sauf incestueux, c'est tr�s exactement �a qu'a avanc� FREUD. Il y en a pas sauf incestueux ou meurtrier. Je veux dire que ce que FREUD a dit, c'est que le mythe d'OEdipe d�signe ceci que la seule personne avec laquelle on ait envie de coucher , c'est sa m�re, et que pour le p�re, on le tue. C'est m�me d'autant plus probable qu'on ne sait ni qui sont votre p�re et votre m�re. C'est exactement pour �a que le mythe d'Oedipe a un sens . Il a tu� quelqu'un qu'il ne connaissait pas et il a couch� avec quelqu'un dont il n'avait aucune id�e que c'�tait sa m�re, c'est n�anmoins comme �a que les choses se sont pass�es selon le mythe ; et, ce que �a veut dire, c'est qu'en somme, il n'y a de vrai que la castration. En tout cas, avec la castration, on est bien s�r d'y �chapper. Comme toute cette dite mythologie grecque nous le d�signe bien,    c'est � savoir que le p�re, c'est pas tellement son meurtre qu'il s'agit que de sa castration, que la castration passe par le meurtre ; et que, quant � la m�re, le mieux qu'on ait � en faire, c'est de se le couper, pour �tre bien s�r de ne pas commettre l'inceste .

Oui, ce que je voudrais c'est vous donner la r�fraction de ces v�rit�s dans le sens o� il faudrait arriver � donner une id�e d'une structure qui soit telle que �a incarnerait le sens d'une fa�on correcte. Contrairement � ce qu'on dit, il n'y a pas de v�rit� sur le r�el, puisque le r�el se dessine comme excluant le sens. Ca serait encore trop dire qu'il y a du r�el, parce que pour dire ceci, c'est quand m�me supposer un sens. Le mot r�el a lui-m�me un sens , et j'ai m�me dans son temps un petit peu jou� l�-dessus, je veux dire que pour invoquer les choses, j'ai �voqu� en �cho le mot reus qui, comme vous le savez, en latin, veut dire coupable. On est plus ou moins coupable du r�el, c'est bien en quoi d'ailleurs la psychanalyse est une chose s�rieuse, (p6->) je veux dire que c'est pas absurde de dire qu'elle peut glisser dans l'escroquerie.

Il y a une chose qu'il faut noter au passage, c'est que comme je l'ai fait remarquer la derni�re fois, � Pierre SOURY, la derni�re fois, je veux dire dans son local m�me � Jussieu, celui dont je vous ai parl� la derni�re fois, je lui ai fait remarquer que le tore retournable dont il fait l'approche du noeud borrom�en, est quelque chose qui, pour le noeud en question, suppose qu'un seul tore est retourn�. Non pas, bien s�r, qu'on ne puisse en retourner d'autres, mais alors ce n'est plus un noeud borrom�en, je vous ai donn� une id�e de �a par un petit dessin la derni�re fois. Il n'est donc pas surprenant de, d'�noncer � propos de ce tore, de ce tore qui part d'un noeud borrom�en triple de ce tore si vous le retournez, de qualifier ce qui est dans le tore, dans le tore du symbolique, de symboliquement r�el.

Le symboliquement r�el n'est pas le r�ellement symbolique, car le r�ellement symbolique, c'est le symbolique inclus dans le r�el. Le symbolique inclus dans le r�el a bel et bien un nom, �a s'appelle le mensonge, au lieu que le symboliquement r�el, je veux dire, ce qui du r�el se connote � l'int�rieur du symbolique, c'est ce qu'on appelle l'angoisse.

Le sympt�me est r�el, c'est m�me la seule chose de vraiment r�elle, c'est-�-dire qui ait un sens, qui conserve un sens dans le r�el, c'est bien pour �a que le psychanalyste peut, s'il a de la chance, intervenir symboliquement pour le dissoudre dans le r�el.

Alors ; je vais quand m�me vous noter en passant ce qui est symboliquement imaginaire. Eh bien c'est la g�om�trie, le fameux mos geomtricus dont on a fait tant d'�tats. C'est la g�om�trie (p7->) des anges, c'est-�-dire, c'est-�-dire quelque chose qui, malgr� l'�criture, n'existe pas. J'ai autrefois beaucoup taquin� le R�v�rend P�re Teilhard de Chardin, en lui faisant remarquer que s'il tenait tellement � l'�criture, il fallait qu'il reconnaisse que les anges, �a existait. Paradoxalement, le R.P. Teilhard de Chardin n'y croyait pas. Il croyait en l'homme, d'o� son histoire d'hominisation de la plan�te. Je ne vois pas pourquoi on croirait plus � l'hominisation de quoique ce soit qu'� la g�om�trie. La g�om�trie concerne express�ment les anges ,  et pour le reste, pour le reste, c'est-�-dire la structure, ne r�gne qu'une chose, c'est ce que j'appelle l'inhibition. C'est une inhibition � laquelle je m'attaque, je veux dire que je m'en soucie, je me fais un tracas pour tout ce que je vous apporte ici comme structure ; un tracas qui est seulement li� au fait que la g�om�trie v�ritable n'est pas celle que l'on croit, celle qui rel�ve de purs esprits,    que celle qui a un corps, c'est �a que nous voulons dire quand nous parlons de structure et, pour commencer � vous mettre �a noir sur blanc, je vais vous montrer de quoi il s'agit quand on parle de structure : il s'agit de quelque chose comme �a ([../../images/24-INSU/15031977/II.jpg Fig. I] ) , c'est � savoir d'u tore trou�. Ca, je le dois, � Pierre SOURY. 

    Je veux dire que c'est facile de le compl�ter ce tore. Vous voyez bien que ici, c'est si on peut dire le bord, si on peut s'exprimer ainsi, aussi improprement, le bord du trou, qui est dans le tore, et que tout �a, c'est le corps du tore. Ce tore, il ne suffit pas de dessiner ainsi, car on s'aper�oit qu'� le trouer, ce tore, on fait en m�me temps un trou dans un autre tore. C'est le propre du tore, car il est tout aussi l�gitime de dessiner ici le tore, et de faire un tore qui soit, si je puis dire encha�n� avec celui-l�. C'est bien en quoi on peut (p8->) dire qu'� trouver un tore, on trouve en m�me temps un autre tore qui est celui qui a avec lui un rapport de cha�ne. 

Alors, je vais essayer de vous figurer ce qu'on peut ici dessiner d'une structure ([../../images/24-INSU/15031977/II.jpg Fig . II]), dont vous voyez qu'� le dessiner en deux couleurs, je pense qu'il est suffisamment �vident que ceci, � savoir le vert en question, est � l'int�rieur du tore rouge ([../../images/24-INSU/15031977/II.jpg Fig. I]) , mais que, par contre, tel qu'ici vous pouvez le voir, que le second tore est � l'ext�rieur. Mais que �a n'est pas un second tore, puisque ce dont il s'agit, c'est toujours de la m�me figure, mais une figure qui se d�montre pour pouvoir glisser � l'int�rieur, c'est ce que j'appellerai tore rouge qui glisse en tournant et qui r�alise ce tore en cha�ne avec le premier.

Si nous faisons tourner ce vert, ce vert qui se trouve �tre � la surface ext�rieure au tore rouge, si nous le faisons tourner  il va se trouver ici repr�sent� par sa propre glissade, et ce que nous pouvons dire de l'un et de l'autre, c'est que ce tore vert est tr�s pr�cis�ment  ce qui repr�sente ce que nous pourrions appeler le compl�mentaire de l'autre tore, c'est-�-dire le tore encha�n�. Mais, supposez que ce soit le tore rouge que nous fassions glisser ainsi, ce que nous obtenons, c'est ceci, c'est quelque chose qui va se trouver inversement r�aliser que quelque chose qui est vide se noue � quelque chose  qui est vide, c'est � savoir que quelque chose qui est l� va appara�tre l�. Autrement dit, ce que je suppose par cette manipulation, c'est que loin que nous ayons deux choses concentriques, nous aurons au contraire deux choses  qui jouent l'une sur l'autre, et, ce que je veux d�signer par l�, c'est quelque chose sur quoi on m'a interrog� quand j'ai parl� de parole pleine et de parole vide

(p9->) Je l'�claire maintenant : la parole pleine, c'est une parole pleine de sens ; la parole vide,  c'est une qui n'a que de la signification. J'esp�re que Madame KRESS ROSEN, dont je vois toujours le sourire fut�, ne voit pas � �a un trop grand inconv�nient. Je veux dire par l�, qu'une parole peut �tre � la fois pleine de sens. Elle est pleine de sens parce qu'elle part de cette duplicit� ici dessin�e ([../../images/24-INSU/15031977/II.jpg Fig. I]). C'est parce que le mot a double sens qu'il est S2, que le mot sens est plein, lui-m�me.

Quand j'ai parl� de v�rit�, c'est au sens que je me r�f�re. Mais le propre de la po�sie quand elle rate, c'est justement de n'avoir qu'une signification, d'�tre pur noeud d'un mot avec un autre mot. Il n'en reste pas moins que la volont� de sens consiste  � �liminer le double sens, ce qui ne se con�oit qu'� r�aliser, si je puis dire, cette figure ([../../images/24-INSU/15031977/II.jpg Fig. II]) , c'est-�-dire � faire qu'il n'y ait qu'un sens, le vert recouvrant le rouge � l'occasion.

Comment le po�te peut-il r�aliser ce tour de force de faire qu'un sens soit absent, c'est bien entendu, en le rempla�ant ce sens absent par ce que j'ai appel� la signification. La signification n'est pas du tout ce qu'un vain peuple croit, si je puis dire la signification, c'est un mot vide. Autrement dit, c'est ce qui, � propos de DANTE, s'exprime dans le qualificatif mis sur sa po�sie, � savoir qu'elle soit amoureuse. L'amour n'est rien qu'une signification, c'est-�-dire qu'il est vide, et on voit bien la fa�on dont DANTE l'incarne, cette signification. Le d�sir a un sens, mais l'amour tel que j'en ai fait �tat dans mon s�minaire sur l'�thique, tel que l'amour courtois se supporte, �a n'est qu'une signification. Voil�. Je me contenterai de vous dire  ce que je vous ai dit aujourd'hui, puisqu'aussi bien, je ne vois pas pourquoi j'insisterais.

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note: bien que relu, si vous d�couvrez des erreurs manifestes dans ce s�minaire, ou si vous souhaitez une pr�cision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un [mailto:gaogoa@free.fr �mail]. [#J.LACAN Haut de Page] 
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