Jacques Lacan, quelques remarques sur l’usage du noeud borroméen

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"De même le rapport est le même de ce qui est le cercle de gauche où se gîte le réel, par rapport au sens.

C’est bien, c’est là que j’insiste, que j’ai insisté notamment lors de la conférence de presse, c’est qu’à nourrir le symptôme, le réel, de sens, on ne fait que lui donner continuité de subsistance.

C’est en tant au contraire que quelque chose dans le symbolique, se resserre de ce que l’ai appelé le jeu de mots, l’équivoque, lequel comporte l’abolition du sens, que tout ce qui concerne la jouissance, et notamment la jouissance phallique peut également se resserrer, car ceci ne va pas sans que vous vous aperceviez de la place dans ces différents champs du symptôme.

La voici telle qu’elle se présente dans la mise à plat du noeud borroméen :

Le symptôme est irruption de cette anomalie en quoi consiste la jouissance phallique, pour autant que s’y étale, que s’y épanouit ce manque fondamental que je qualifie du non-rapport sexuel.

C’est en tant que, dans l’interprétation, c’est uniquement sur le signifiant que porte l’intervention analytique que quelque chose peut reculer du champ du symptôme.

C’est ici dans le symbolique, le symbolique en tant que c’est la langue, c’est lalangue qui le supporte, que le savoir inscrit de lalangue qui constitue à proprement parler l’inconscient s’élabore, qu’il gagne sur le symptôme, ceci n’empêchant pas que le cercle marqué là du S ne corresponde à quelque chose qui, de ce savoir, ne sera jamais réduit, c’est à savoir l’Urverdrängt de Freud, ce qui de l’inconscient ne sera jamais interprété.

En quoi est-ce que j’ai écrit au niveau du cercle du réel le mot « vie » ?

C’est qu’incontestablement de la vie, après ce terme vague qui consiste à énoncer le jouir de la vie, la vie nous ne savons rien d’autre et tout ce à quoi nous induit la science, c’est de voir qu’il n’y a rien de plus réel, ce qui veut dire rien de plus impossible, que d’imaginer comment a pu faire son départ cette construction chimique qui, d’éléments répartis dans quoi que ce soit et de quelque façon que nous voulions le qualifier par les lois de la science, se serait mis tout d’un coup à construire une molécule d’ADN, c’est-à-dire quelque chose dont je vous fais remarquer que très curieusement, c’est bien là qu’on voit déjà la première image d’un noeud, et que s’il y a quelque chose qui devrait nous frapper, c’est qu’on ait mis si tard à s’apercevoir que quelque chose dans le réel - et pas rien, la vie même - se structure d’un noeud.

Comment ne pas s’étonner qu’après ça, nous ne trouvions justement nulle part, nulle part ni dans l’anatomie, ni dans les plantes grimpantes qui sembleraient expressément faites pour ça, aucune image de noeud naturel ? Je vais vous suggérer quelque chose : ne serait-ce pas là le signe d’un autre type de refoulement, d’Urverdrängt ?

Enfin quand même ne nous mettons pas trop à rêver, nous avons avec nos traces assez à faire.

Que la représentation, jusques et y compris le préconscient de Freud, soit justement ce qui fait que J(A) que j’ai écrit et qui veut dire la jouissance de l’Autre en tant que parasexuée, jouissance pour l’homme de la supposée femme, et inversement pour la femme que nous n’avons pas à supposer puisque La femme n’existe pas, mais pour une femme par contre jouissance de l’homme qui, lui, est tout, hélas, il est même toute jouissance phallique ; cette jouissance de l’Autre, parasexuée, qui n’existe pas, ne pourrait, ne saurait même exister que par l’intermédiaire de la parole, de la parole d’amour notamment qui est bien la chose, je dois dire, la plus paradoxale et la plus étonnante et dont il est évidemment tout à fait sensible et compréhensible que Dieu nous conseille de n’aimer que son prochain et non pas du tout de se limiter à sa prochaine, car si on allait à sa prochaine on irait tout simplement à l’échec, c’est le principe même de ce que j’ai appelé tout à l’heure l’archiraté chrétienne.

Cette jouissance de l’Autre, cette jouissance de l’Autre, c’est là que se produit, c’est là que se produit ce qui montre qu’autant la jouissance phallique est hors corps, autant la jouissance de l’Autre est hors langage, hors symbolique, car c’est à partir de là, à savoir à partir du moment où l’on saisit ce qu’il y a - comment dire - de plus vivant ou de plus mort dans le langage, à savoir la lettre, c’est uniquement à partir de là que nous avons accès au réel".

J.Lacan, in La Troisième, à Rome le 1 nov. 1974