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Maurice Merleau-Ponty par Jacques Lacan

25,402 bytes added, 01:03, 18 May 2006
no edit summary
<font size="+3">Maurice Merleau-Ponty</font></font></ul>
</ul>
</ul>
</ul>
</ul>

<ul>
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<ul>
<ul>
<ul><font face="Arial,Helvetica"><font size="+2">par Jacques Lacan</font></font>
<ul>
<ul>
<ul><font face="Arial,Helvetica"><font size="+2">Les Temps modernes, 1961<a></a></font></font></ul>
</ul>
</ul>
</ul>
</ul>
</ul>
</ul>
</ul>

<b><font size="-1"><a href="../../../pensbete.htm"></a></font></b>
<br>&nbsp;
<ul><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">1. On peut exhaler le cri
qui nie que l'amitié puisse cesser de vivre. On ne peut dire la
mort advenue sans meurtrir encore. J'y renonce, l'ayant tenté, pour
malgré moi porter au-delà mon hommage.</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">Me recueillant pourtant
au souvenir de ce que j'ai senti de l'homme en un moment pour lui de patience
amère.</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">2. Que faire d'autre que
d'interroger le point que met l'heure soudaine à un discours où
nous sommes tous entrés ?</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">Et son dernier article qu'on
reproduit ici, titre <i>l'Oeil et l'Esprit</i>, - en parler d'où
il est fait, si<b> </b>j'en crois le signe d'une tête propice, pour
que je l'entende : de ma place.</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">3. C'est bien la dominante
et la sensible de l'oeuvre entière qui donnent ici leur note. Si
on la tient pour ce qu'elle est : d'un philosophe, au sens de ce qu'un
choix qui à seize ans y aperçoit son avenir (il l'attesta),
y nécessite de professionnel. C'est dire que le lien proprement
universitaire couvre et retient son intention, même éprouvé
impatiemment, même élargi jusqu'à la lutte publique.</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">4. Ce n'est pas là
pourtant ce qui insère cet article dans le sentiment, pointé
deux fois en son exorde et en sa chute, d'un changement très actuel
à devenir patent dans la science. Ce qu'il évoque comme vent
de mode pour les registres de la communication, complaisance pour les versalités
opérationnelles, n'est noté que comme apparence qui doit
conduire à sa raison.</font></font>

<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">C'est la même à
quoi nous tentons de contribuer du champ privilégié à
la révéler qu'est le nôtre (la psychanalyse freudienne)
: la raison par quoi le signifiant s'avère premier en toute constitution
d'un&nbsp;<a name="sujet"></a>sujet.</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">5. L'oeil pris ici pour
centre d'une révision du statut de l'esprit comporte cependant toutes
les résonances possibles de la tradition où la pensée
reste engagée.</font></font>
<br><font face="Arial,Helvetica"><font size="-1">C'est ainsi que Maurice
Merleau-Ponty, comme quiconque en cette voie, ne peut faire que de se référer
une fois de plus à l'oeil abstrait que suppose le concept cartésien
de l'étendue, avec son corrélatif d'un sujet, module divin
d'une perception universelle.</font></font>
<br><font size="-1"><font face="Arial,Helvetica">Faire la critique proprement
phénoménologique de l'esthétique qui </font>résulte
de cette raréfaction de la foi faite à l'oeil n'est pas pour
nous ramener aux vertus de connaissance de la contemplation proposée
à l'ascèse du <i>nous </i>par la théorie antique.</font>
<br><font size="-1">Ce n'est point non plus pour nous attarder au problème
des illusions optiques et de savoir si</font><font size="-2"> </font><font size="-1">le
bâton rompu par la surface de l'eau dans le bassin, la lune plus
grosse d'aborder l'horizon, nous montrent ou non la réalité
: Alain dans son nuage de craie y suffit.</font>
<br><font size="-1">Disons-le parce que même Maurice Merleau-Ponty
ne semble pas franchir ce pas : pourquoi ne pas entériner le fait
que la théorie de la perception n'intéresse plus la structure
de la réalité à quoi la science nous a fait accéder
en physique. Rien de plus contestable, tant dans l'histoire de la science
que dans son produit fini, que ce motif dont il se prend à autoriser
sa recherche qu'issue de la perception, la construction scientifique y
devrait toujours revenir. Bien plutôt tout nous montre-t-il que c'est
en refusant les intuitions perçues du pondéral et de l'<i>impetus

</i>que
la dynamique galiléenne a annexé les cieux à la terre,
mais au prix d'y introduire ce que nous touchons aujourd'hui dans l'expérience
du cosmonaute : un corps qui peut s'ouvrir et se fermer sans peser en rien
ni sur rien.</font>
<br><font size="-1">6. La phénoménologie de la perception est
donc bien autre chose qu'un codicille à une théorie de la
connaissance dont les débris font l'attirail d'une psychologie précaire.</font>
<br><font size="-1">Elle n'est pas plus situable dans la visée, qui
n'habite plus à présent que le logicisme, d'un savoir absolu.</font>
<br><font size="-1">Elle est ce qu'elle est : à savoir une collation
d'expériences dont il faut lire l'ouvrage inaugural de Maurice Merleau-Ponty<sup><a href="#1">
1</a></sup>&nbsp; pour mesurer les recherches positives qui s'y sont accumulées,
et leur stimulation pour la pensée, sinon la dérision où
elles font paraître les bêtifications séculaires sur
l'illusion d'Aristote, voire l'examen clinique moyen de l'ophtalmologiste.</font>
<br><font size="-1">Pour en faire saisir l'intérêt, choisissons
un petit fait dans l'immense trame de covariances de même style qui
sont commentées en cet ouvrage, celui par exemple à la page
360 de l'éclairage violent qui apparaît en manière
de cône blanchâtre pour ce que le supporte un disque, àpeine
visible d'être noir et surtout d'être le seul objet qui l'arrête.
Il suffit d'y interposer un petit carré de papier blanc pour qu'aussitôt
l'aspect laiteux s'en dissipe et que se détache comme distinct d'être
éclairé en son contraste le disque noir.</font>
<br><font size="-1">Mille autres faits sont de nature à nous imposer
la question de ce qui règle les mutations souvent saisissantesque
nous observons par l'addition d'un élément nouveau dans l'équilibre
de ces facteurs expérimentalement distingués que sont l'éclairage,
les conditions fonds-forme de l'objet, notre savoir à son endroit,
et tiers élément, ici le vif, une pluralité de gradations
que le terme de couleur est insuffisant à désigner, puisqu'outre
la constance qui tend à rétablir dans certaines conditions
une identité perçue avec la gamme dénommable sous
des longueurs d'onde différentes, il y a les effets conjugués
de reflet, de rayonnement, de transparence dont la corrélation n'est
même pas entièrement réductible de la trouvaille d'art
à l'artifice de laboratoire. Comme il s'éprouve de ce que
le phénomène visuel de la couleur locale d'un objet n'a rien
à faire avec celui de la plage colorée du spectre.</font>
<br><font size="-1">Qu'il nous suffise d'indiquer dans quelle direction le
philosophe tente d'articuler ces faits, en tant qu'il est fondé
à leur donner asile, soit en ceci au moins que tout un art de création
humaine s'y rattache que la réalité physicienne réfute
d'autant moins qu'elle s'en éloigne toujours plus, mais qu'il n'est
pas dit pour autant que cet art n'a de valeur que d'agrément, et
qu'il ne recèle pas quelque autre accès à un être,
dès lors peut-être plus essentiel.</font>

<br><font size="-1">7. Cette direction exigée vers ce qui ordonne
les covariances phénoménalement définies de la perception,
le philosophe de notre temps va la chercher, on le sait, dans la notion
de la présence, ou pour mieux en traduire littéralement le
terme de l'allemand, de l'Être-là, à quoi il faut ajouter
présence (ou Être-là) -dans-par-à travers-un-corps.
Position dite de l'existence, en tant qu'elle essaie de se saisir dans
le moment d'avant la réflexion qui dans son expérience introduit
sa distinction décisive d'avec le monde en l'éveillant à
la conscience-de-soi.</font>
<br><font size="-1">Même restituée trop évidemment à
partir de la réflexion redoublée que constitue la recherche
phénoménologique cette position se targuera de restaurer
la pureté de cette présence à la racine du phénomène,
dans ce qu'elle peut globalement anticiper de sa mouvance dans le monde.
Car bien entendu des complexités homologues s'ajoutent du mouvement,
du tact voire de l'audition, comment omettre du vertige, qui ne se juxtaposent
pas mais se composent avec les phénomènes de la vision.</font>
<br><font size="-1">C'est cette présupposition qu'il y ait quelque
part un lieu de l'unité, qui est bien faite pour suspendre notre
assentiment. Non qu'il ne soit manifeste que ce lieu soit écarté
de toute assignation physiologique, et que nous ne soyons satisfaits de
suivre <i>en son détail </i>une subjectivité constituante
là où elle se tisse fil à fil, mais non pas réduite
à être son</font> <font size="-1">envers, avec ce qu'on appelle
ici l'objectivité totale.</font>
<br><font size="-1">Ce qui nous étonne, c'est qu'on ne profite pas
aussitôt de la structure si manifeste dans le phénomène,
- et dont il faut rendre justice à Maurice Merleau-Ponty de n'y
faire plus, au dernier point, de référence à aucune
<i>Gestalt
</i>naturaliste
- pour non y opposer, mais y accorder le sujet lui-même.</font>
<br><font size="-1">Qu'est-ce qui objecte à dire de l'exemple plus
haut cité, - où l'éclairage est manifestement homologue
du tonus musculaire dans les expériences sur la constance de la
perception du poids, mais ne saurait masquer sa localité d'Autre
-, que le sujet en tant qu'au premier temps il l'investit de sa consistance
laiteuse, au second temps n'y est plus que refoulé. Et ce, par le
fait du contraste objectivant du disque noir avec le carré blanc
qui s'opère de l'entrée significative de la figure de ce
dernier sur le fonds de l'autre. Mais le sujet qui là s'affirme
en formes éclairées est le rejet de l'<a name="Autre"></a>Autre
qui s'incarnait en une&nbsp;<a name="opacité"></a>opacité de lumière.</font>

<br><font size="-1">Mais où est le <i>primum</i>, et pourquoi préjuger
de ce qu'il soit seulement <i>un percipiens&nbsp; </i>quand il se dessine
que c'est son élision qui rend au <i>perceptum de </i>la lumière
elle-même sa transparence.</font>
<br><font size="-1">Pour tout dire, il nous semble que le « je pense
» auquel on entend réduire la présence,<sub> </sub>ne
cesse pas d'impliquer, à quelque indétermination qu'on l'oblige,
tous les pouvoirs de la réflexion par quoi se confondent sujet et
conscience, soit nommément le mirage que l'expérience psychanalytique
met au principe de la méconnaissance du sujet et que nous-même
avons tenté de cerner dans le stade du miroir en l'y résumant.</font>
<br><font size="-1">Quoi qu'il en soit, nous avons revendiqué ailleurs,
nommément sur le sujet de l'hallucination verbale <sup><a href="#2">2</a></sup>,
le privilège qui revient <i>au perceptum </i>du signifiant dans
la conversion à opérer du rapport du <i>percipiens </i>au
sujet.</font>

<br><font size="-1">8. La phénoménologie de la perception àvouloir
se résoudre en la présence par le corps, évite cette
conversion, mais se condamne à la fois à déborder
de son champ et à se rendre inaccessible une expérience qui
lui est étrangère. C'est ce qu'illustrent les deux chapitres
de l'ouvrage de Maurice Merleau-Ponty sur le corps comme être sexué
<sup><a href="#3">3</a></sup>et
sur le corps comme expression dans la parole <sup><a href="#4">4</a></sup></font>.
<br><font size="-1">Le premier ne le cède pas en séduction
à la séduction à quoi l'on avoue y céder de
l'analyse existentielle, d'une élégance fabuleuse, à
quoi J.-P. Sartre se livre de la relation du désir <sup><a href="#5">5</a></sup>.
De l'engluement de la</font> <font size="-1">conscience dans la chair à
la quête dans l'autre d'un sujet impossible à saisir parce
que le tenir en sa liberté, c'est l'éteindre, de cette levée
pathétique d'un gibier qui se dissipe avec le coup, qui ne le traverse
même pas, du plaisir, ce n'est pas seulement l'accident mais l'issue
qui impose à l'auteur son virage, en son redoublement d'impasse,
dans un</font><font size="-2"> </font><font size="-1">sadisme, qui n'a plus
d'autre échappatoire que masochiste.</font>
<br><font size="-1">Maurice Merleau-Ponty, pour en inverser le mouvement,
semble en éviter la déviation fatale, en y décrivant
le procès d'une révélation directe du corps au corps.
Elle ne tient à vrai dire que de l'évocation d'une situation
pensée ailleurs comme humiliante, laquelle comme pensée de
la situation supplée au tiers, que l'analyse a montré être
inhérent dans</font><font size="-2"> </font><font size="-1">l'inconscient
à
la situation amoureuse.</font>

<br><font size="-1">Disons que ce n'est pas pour rendre plus valable pour
un freudien la</font><font size="-2"> </font><font size="-1">reconstruction
de Sartre. Sa critique nécessiterait une précision, même
pas encore bien reconnue dans la psychanalyse, de la fonction du fantasme.
Nulle restitution imaginaire des effets de la cruauté ne peut y
suppléer, et il n'est pas vrai que la voie vers la satisfaction
normale du désir se retrouve de l'échec inhérent à
la préparation du supplice <sup><a href="#6">6</a></sup>. Sa description
inadéquate du sadisme comme structure inconsciente, ne l'est pas
moins du mythe sadianiste. Car son passage par la réduction du corps
de l'autre à l'obscène se heurte au paradoxe, bien autrement
énigmatique à le voir rayonner dans Sade, et combien plus
suggestif dans le registre existentiel, de la beauté comme insensible
à l'outrage <sup><a href="#7">7</a></sup>. L'accès&nbsp;<a name="érotologie"></a>érotologique
pourrait donc être ici meilleur, même hors de toute expérience
de l'inconscient.</font>
<br><font size="-1">Mais il est clair que rien dans la phénoménologie
de l'extrapolation perceptive, si loin qu'on l'articule dans la poussée
obscure ou lucide du corps, ne peut rendre compte ni du privilège
du fétiche dans une expérience séculaire, ni du complexe
de castration dans la découverte freudienne. Les deux se conjurent
pourtant pour nous sommer de faire face à la fonction de signifiant
de l'organe toujours signalé comme tel par s<a></a><a></a>on occultation dans
le simulacre humain, - et l'incidence qui résulte du phallus en
cette fonction dans l'accès au désir tant de la femme que
de l'homme, pour être maintenant vulgarisée, ne peut pas être
négligée comme déviant ce qu'on peut bien appeler
en effet l'être sexué du corps.</font>
<br><font size="-1">9. Si le signifiant de l'être sexué peut
être ainsi méconnu dans le phénomène, c'est
pour sa position doublement celée dans le fantasme,</font> <font size="-1">soit
de ne s'indiquer que là où il n'agit pas et de n'agir que
de son</font> <font size="-1">manque. C'est en quoi la psychanalyse doit
faire sa preuve d'un</font> <font size="-1">avancement dans l'accès
au signifiant, et tel qu'il puisse revenir sur sa</font> <font size="-1">phénoménologie
même. On excusera mon audace du mode dont j'appellerai ici à
en témoigner</font> <font size="-1">le second article mentionné
de Maurice Merleau-Ponty sur le corps</font> <font size="-1">comme expression
dans la parole.</font>

<br><font size="-1">Car ceux qui me suivent reconnaîtront, combien
mieux filée, la même</font> <font size="-1">thématique
dont je les entretiens sur la primauté du signifiant dans l'effetde
signifier. Et je me remémore l'appui que j'ai pu y trouver aux primesvacances
d'après la guerre, quand mûrissait mon embarras d'avoir à
ranimer dans un groupe épars encore une communication jusque-là
réduite au point d'Âtre a peu près analphabète,
freudiennement parlant</font> <font size="-1">cela s'entend, de ce que le
pli s'y conservât des alibis à l'usage d'habiller</font> <font size="-1">une
praxis sans certitude de soi.</font>
<br><font size="-1">&nbsp;Mais ceux-là qui retrouveront leurs aises
en ce discours sur la parole</font> <font size="-1">(et fût-ce à
y réserver ce qui y rapproche un peu trop discours nouveau et</font>
<br><font size="-1">parole pleine), n'en sauront pas moins que je dis autre
chose, et</font> <font size="-1">nommément</font>&nbsp; :

<ul><font size="-1">&nbsp;- que ce n'est pas la pensée, mais le sujet,
que je subordonne au</font> <font size="-1">signifiant,</font>
<br><font size="-1">&nbsp;- et que c'est l'inconscient dont je démontre
le statut quand je</font> <font size="-1">m'emploie à y faire concevoir
le sujet comme rejet de la chaîne</font> <font size="-1">signifiante,
qui du même coup se constitue comme refoulé primordial.</font></ul>
<font size="-1">Dès lors ils ne pourront consentir à la double
référence à des idéalités,</font> <font size="-1">aussi
bien incompatibles entre elles, par quoi ici la fonction du signifiantconverge
vers la nomination, et son matériel vers un geste où sespécifierait
une signification essentielle.</font>
<br><font size="-1">Geste introuvable, et dont celui qui porte ici sa parole
à a dignité de</font> <font size="-1">paradigme de son discours,
eût su avouer qu'il n'offrait rien de tel à percevoir à
son audience. Ne savait-il pas au reste qu'il n'est qu'un geste, connu
depuis saint Augustin, qui réponde à la nomination : celui
de l'index qui</font> <font size="-1">montre, mais qu'à lui seul ce
geste ne suffit pas même à désigner ce</font> <font size="-1">qu'on
nomme dans l'objet indiqué.</font>

<br><font size="-1">Et si c'était <i>la geste</i> que je voudrais
mimer, du rejet par exemple, pour</font> <font size="-1">y inaugurer le signifiant
: jeter, n'implique-t-elle pas déjà l'essence vraie</font>
<br><font size="-1">du signifiant dans la syntaxe instaurant en série
les objets à soumettre au</font> <font size="-1">jeu du jet.Car au-delà
de ce jeu, ce qu'articule, oui, seulement là mon geste,</font>
<br><font size="-1">c'est le <i>je </i>évanouissant du sujet de la
véritable énonciation. Il suffit en effet que le jeu se réitère
pour constituer <i>ce je </i>qui, de le répéter, dit ce <i>je

</i>qui
s'y fait. Mais ce je ne sait pas qu'il le dit, rejeté qu'il est
comme en arrière, par le geste, dans l'être que le jet substitue
à l'objet qu'il rejette. Ainsi je qui dis ne peut être qu'inconscient
de ce que je fais, quand je ne sais pas ce que faisant je dis.</font>
<br><font size="-1">Mais si le signifiant est exigé comme syntaxe
d'avant le sujet pour l'avènement de ce sujet non pas seulement
en tant qu'il parle mais en ce qu'il dit, des effets sont possibles de
métaphore et de métonymie non seulement sans ce sujet, mais
sa présence même s'y constituant du signifiant plus que du
corps, comme après tout l'on pourrait dire qu'elle fait dans le
discours de Maurice Merleau-Ponty lui-même, et littéralement.</font>
<br><font size="-1">De tels effets sont, je l'enseigne, les effets de l'inconscient,
y trouvant après coup, de la rigueur qui en revient sur la structure
du langage, confirmation du bien-fondé de les en avoir extraits.</font>
<br><font size="-1">10. Ici mon hommage retrouve l'article sur <i>l'Oeil
et l'esprit</i>, qui, d'interroger la peinture, ramène la vraie
question de la phénoménologie, tacite au-delà des
éléments que son expérience articule.</font>
<br><font size="-1">Car l'usage d'irréel de ces éléments
dans un tel art (dont notons au passage que pour la vision il les a manifestement
discernés plutôt que la science) n'exclut pas du tout leur
fonction de vérité, dès lors que la réalité,
celle des tables de la science, n'a plus besoin de s'assurer des météores.</font>
<br><font size="-1">C'est en quoi la fin d'illusion que se propose le plus
artificieux des arts, n'a pas à être répudiée,
même dans ses œuvres dites abstraites, au nom du malentendu que l'éthique
de l'antiquité a nourri sous cette imputation, de l'idéalité
d'où elle partait dans le problème de la science.</font>
<br><font size="-1">L'illusion ici prend sa valeur de se conjuguer à
la fonction de signifiant qu'on découvre à l'envers de son
opération.</font>
<br><font size="-1">Toutes les difficultés que démontre la
critique sur le point non seulement du comment fait, mais du ce que fait
la peinture, laissent entrevoir que l'inconscience où semble subsister
le peintre dans sa relation au <i>ce </i>que de son art, serait utile à
rapporter comme forme professionnelle à la structure radicale de
l'inconscient que nous avons déduite de sa commune individuation.</font>

<br><font size="-1">Ici le philosophe qu'est Maurice Merleau-Ponty fait honte
aux psychanalystes d'avoir délaissé ce qui peut ici apparaître
d'essentiel à portée de se mieux résoudre.</font>
<br><font size="-1">Et là encore de la nature du signifiant, - puisque
aussi bien il faut prendre acte de ce que, s'il y a progrès dans
la recherche de Maurice Merleau-Ponty, la peinture intervient déjà
dans la phénoménologie de la perception, entendons dans l'ouvrage,
et justement en ce chapitre où nous avons repris la problématique
de la fonction de la présence dans le langage.</font>
<br><font size="-1">11. Ainsi sommes-nous invités à nous interroger
sur ce qui relève du signifiant à s'articuler dans la tache,
dans ces "petits bleus" et "petits marrons" dont Maurice Merleau-Ponty
s'enchante sous la plume de Cézanne pour y trouver ce dont le peintre
entendait faire sa peinture parlante.</font>
<br><font size="-1">Disons, sans pouvoir faire plus que de nous promettre
id de le commenter, que la vacillation marquée dans tout ce texte
de l'objet à l'etre, le pas donné à la visée
de l'invisible, montrent assez que c'est ailleurs qu'au champ de la perception
qu'ici Maurice Merleau-Ponty s'avance.</font>
<br><font size="-1">12. On ne peut méconnaître que ce soit à
intéresser le champ du désir que le terrain de l'art prenne
ici cet effet. Sauf à ne pas entendre, comme c'est le cas le plus
ordinairement des psychanalystes eux-mêmes, ce que Freud articule
de la présence maintenue du désir dans la sublimation.</font>
<br><font size="-1">Comment s'égaler à la pesée subtile
qui se poursuit ici d'un éros de l'oeil, d'une corporalité
de la lumière où ne s'évoquent plus que nostalgiquement
leur théologique primauté ?</font>
<br><font size="-1">Pour l'organe, de son glissement presque imperceptible
du sujet vers l'objet, faut-il pour rendre compte s'armer de l'insolence
d'une bonne nouvelle qui, de ses paraboles déclarant les forger
expressément pour qu'elles ne soient point entendues, nous traverse
de cette vérité pourtant à prendre au pied de la lettre
que l'oeil est fait pour ne point voir ?</font>
<br><font size="-1">Avons-nous besoin du robot achevé de l'Eve future,
pour voir le désir pâlir à son aspect non de ce qu'elle
soit aveugle, comme on le croit, mais de ce qu'elle ne puisse pas ne pas
tout voir ?</font>
<br><font size="-1">Inversement ce dont l'artiste nous livre l'accès,
c'est la place de ce qui ne saurait se voir : encore faudrait-il le nommer.</font>

<br><font size="-1">Quant à la lumière, nous souvenant du trait
délicat dont Maurice Merleau-Ponty en modèle le phénomène
en nous disant qu'elle nous <i>conduit </i>vers l'objet éclairé
<sup><a href="#8">8</a></sup>,
nous y reconnaîtrons la matière éponyme à y
tailler de sa création le monument.</font>
<br><font size="-1">Si je m'arrête à l'éthique implicite
en cette création, négligeant donc ce qui l'achève
en une oeuvre engagée, ce sera pour donner un sens terminal à
cette phrase, la dernière à nous en rester publiée,
où elle paraît se désigner elle-même, à
savoir que "si les créations ne sont pas un acquis, ce n'est pas
seulement que, comme toutes choses elles passent, c'est aussi qu'elles
ont presque toutes leur vie devant elles."</font>
<br><font size="-1">Qu'ici mon deuil, du voile pris à la <i>Pietà
</i>intolérable
à qui le sort me force à rendre la cariatide d'un mortel,
barre mon propos, fût brisé.</font>
<center><font size="-1">Les Temps Modernes - 1961</font>
<br><font size="-1">(numéro spécial sur Maurice Merleau-Ponty)</font></center>

<ul>
<ul>
<ul>
<hr size="1" width="100%"></ul>
</ul>

<p><br><a name="1"></a><font size="-1">1. <i>Phénoménologie
de la perception,&nbsp; </i>in-8, 531 pages. Gaillard, 1945.</font>
<br><a name="2"></a><font size="-1">2. In <i>La Psychanalyse. </i>vol. 4,
pp.1-5 et<b> </b>la suite. P.U.F.</font>

<br><a name="3"></a><font size="-1">3. <i>PhénoménologIe de
la perception, </i>Gallimard, 1945, pp.180-202.</font>
<br><a name="4"></a><font size="-1">4 . pp. 202.232.</font>
<br><a name="5"></a><font size="-1"><i>5. </i>In J.-P. Sartre. <i>L'être
et le néant, pp. </i>451-477.</font>
<br><a name="6"></a><font size="-1">6. Cf. livre cité, p. 475.</font>
<br><a name="7"></a><font size="-1">7. Lieu analysé dans mon séminaire
sur <i>l'Ethique de la Psychanalyse, </i>1959-1960.</font>

<br><a name="8"></a><font size="-1">8. Cf. <i>Phénoménologie
de ia perception. p.357.<a></a><a></a></i>

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