Difference between revisions of "Text/Jacques Lacan/Encore/09 janvier 1973"

From No Subject - Encyclopedia of Psychoanalysis
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(Created page with " <p align="center"><font size="2" face="Arial"><strong>Mardi 9 janvier 1973</strong></font></p> <blockquote> <p><font size="2" face="Arial">Bon, ben, je vais vous so...")
 
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<p align="center"><font size="2" face="Arial"><strong>Mardi 9
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janvier 1973</strong></font></p>
 
  
<blockquote>
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<[[poem]] style="border: 2px solid #d6d2c5; background-color: #f9f4e6; padding: 1em;">
    <p><font size="2" face="Arial">Bon, ben, je vais vous
 
    souhaiter la bonne année, c&#146;est pas encore tout à fait
 
    l&#146;heure, je me passerai de commentaires à propos de ces
 
    v&#156;ux que après tout on peut considérer comme banaux.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Et puis je vais entrer tout
 
    doucement dans ce que je vous ai réservé pour
 
    aujourd&#146;hui, qui&#133; qu&#146;est-ce qui ne va
 
    pas&nbsp;? où est-ce qu&#146;on ne m&#146;entend pas&nbsp;?
 
    ce que je vous ai réservé pour aujourd&#146;hui qui est à
 
    mes risques, qui, comme vous allez le voir, ou peut-être ne
 
    pas le voir, qui sait&nbsp;? en tout cas à moi, avant de
 
    commencer me paraît casse-gueule.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Pour mettre un titre comme
 
    ça, ce que je vais vous dire va être centré,
 
    puisqu&#146;en somme il s&#146;agit encore de quelque chose
 
    qui est le discours analytique, il s&#146;agit de la façon
 
    dont, dans ce discours, nous avons à situer la fonction de
 
    l&#146;écrit. Évidemment il y a là-dedans de
 
    l&#146;anecdote, à savoir qu&#146;un jour j&#146;ai écrit
 
    sur la page d&#146;un recueil que je sortais, ce que
 
    j&#146;ai appelé la <i>poubellication,</i> je n&#146;ai pas
 
    trouvé mieux à écrire sur, sur la page d&#146;enveloppe de
 
    ce recueil que le mot <i>Écrits.</i></font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Ces <i>Écrits</i>, il est
 
    assez connu disons qu&#146;ils ne se lisent pas facilement.
 
    Je peux vous faire, comme ça, un petit aveu
 
    autobiographique, c&#146;est que en écrivant <i>Écrits </i>c&#146;est
 
    très précisément ce que je pensais, ça va peut-être
 
    même jusque là que je pensais qu&#146;ils n&#146;étaient
 
    pas à lire.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">En tout cas c&#146;est un bon
 
    départ. Bien entendu que la lettre ça se lit, ça semble
 
    même être fait comme ça dans le prolongement du mot, se
 
    lit et littéralement. Mais justement ce n&#146;est
 
    peut-être pas du tout la même chose de lire une lettre ou
 
    bien de lire. Pour introduire ça d&#146;une façon qui, qui
 
    fasse image, je ne veux pas partir tout de suite du discours
 
    analytique. Il est bien évident pourtant que dans le
 
    discours analytique il ne s&#146;agit que de ça, de ce qui
 
    se lit, de ce qui se lit au-delà de ce que vous avez incité
 
    le sujet à dire, qui est comme je l&#146;ai souligné dans
 
    ce passage la dernière fois, qui n&#146;est pas tellement de
 
    tout dire que de dire n&#146;importe quoi. Et j&#146;ai
 
    poussé la chose plus loin, ne pas hésiter car c&#146;est la
 
    règle, ne pas hésiter à dire ce dont j&#146;ai introduit
 
    cette année la dimension comme étant essentielle au
 
    discours analytique, à dire des bêtises.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Naturellement ça suppose que
 
    nous développions cette dimension et ceci ne peut pas se
 
    faire sans le dire. Qu&#146;est-ce que c&#146;est que la
 
    dimension de la bêtise&nbsp;? La bêtise, au moins celle-ci
 
    qu&#146;on peut proférer c&#146;est que la bêtise ne va pas
 
    loin. Dans le discours, discours courant, elle tourne court.
 
    C&#146;est bien sûr ce quelque chose dont, si je puis dire,
 
    je m&#146;assure quand je fais cette chose que je ne fais
 
    jamais sans tremblement, à savoir de retourner à ce que
 
    dans le temps j&#146;ai proféré. Ça me fait toujours une
 
    sainte peur, la peur justement d&#146;avoir dit des bêtises,
 
    c&#146;est-à-dire quelque chose que en raison de ce que
 
    j&#146;avance maintenant, je pourrais considérer comme
 
    tenant pas le coup.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Grâce à quelqu&#146;un qui a
 
    repris ce séminaire annoncé le premier</font><font size="1"
 
    face="Arial"> 65</font><font size="2" face="Arial"> de
 
    l&#146;École Normale et qui va sortir bientôt, j&#146;ai pu
 
    avoir, ce qui ne m&#146;est pas souvent réservé puisque
 
    comme je vous le dis j&#146;en évite moi-même le risque,
 
    j&#146;ai pu avoir le sentiment que je rencontre quelquefois
 
    à l&#146; épreuve, que ce que cette année-là par exemple
 
    j&#146;ai avancé n&#146;était pas si bête, ne
 
    l&#146;était pas moins, tant que de m&#146;avoir permis
 
    d&#146;avancer d&#146;autres choses dont il me semble, parce
 
    que j&#146;y suis maintenant, qu&#146;elles se tiennent.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Il n&#146;en reste pas moins
 
    que ce «&nbsp;se relire&nbsp;» représente une dimension,
 
    une dimension qui est à situer proprement dans ce que
 
    c&#146;est que, au regard du discours analytique, la fonction
 
    de ce qui se lit. Le discours analytique a à cet égard un
 
    privilège, il paraît difficile. Et c&#146;est de là que je
 
    suis parti, dans ce qui m&#146;a fait date «&nbsp;De ce que
 
    j&#146;enseigne</font><font size="1" face="Arial"> 66&nbsp;</font><font
 
    size="2" face="Arial">», comme je me suis exprimé, qui ne
 
    veut peut-être pas tout à fait dire ce que ça avait l
 
    &#146;air d&#146;énoncer, à savoir mettre l&#146;accent sur
 
    le «&nbsp;je&nbsp;», à savoir ce que je puis proférer,
 
    mais peut-être aussi de mettre l&#146;accent sur le
 
    «&nbsp;de&nbsp;», c&#146;est-à-dire d&#146;où ça vient,
 
    un enseignement dont je suis l&#146;effet.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Depuis j&#146;ai mis
 
    l&#146;accent sur ce que j&#146;ai fondé d&#146;une
 
    articulation précise, celle qui s&#146;écrit justement,
 
    s&#146;écrit au tableau de quatre lettres, de deux barres et
 
    de quelques traits, nommément cinq qui relient chacune de
 
    ces lettres, une de ces barres, puisqu&#146;il y en a quatre,
 
    il pourrait y en avoir six, une de ces barres manquant</font><font
 
    size="1" face="Arial"> 67</font><font size="2" face="Arial">.
 
    Ce qui de cette façon s&#146;écrit, et que j&#146;appelle
 
    discours analytique. Ceci est parti d&#146;un rappel,
 
    d&#146;un rappel, d&#146;un rappel initial, d&#146;un rappel
 
    premier, c&#146;est à savoir que le discours analytique est
 
    ce mode de rapport nouveau qui s&#146;est fondé seulement de
 
    ce qui fonctionne comme parole, et ce dans quelque chose
 
    qu&#146;on peut définir comme un champ&nbsp;:
 
    «&nbsp;Fonction et champ&nbsp;», ai-je écrit justement,
 
    «&nbsp;de la parole et du langage&nbsp;», j&#146;ai
 
    terminé, «&nbsp;en psychanalyse».<i> </i>Ce qui était
 
    désigné, désigné, ce qui fait l&#146;originalité
 
    d&#146;un certain discours, qui n&#146;est pas homogène à
 
    un certain nombre d&#146;autres qui font office, et que
 
    seulement de ce fait nous allons distinguer d&#146;être
 
    discours officiels, il s&#146;agit jusqu&#146;à un certain
 
    point de discerner quel est l&#146;office du discours
 
    analytique et de le rendre, lui aussi, sinon officiel, du
 
    moins officiant. C&#146;est dans ce discours tel qu&#146;il
 
    est dans sa fonction et son office, qu&#146;il s&#146;agit
 
    d&#146;y cerner, c&#146;est aujourd&#146;hui la voie que je
 
    prends, ce que peut ce discours révéler de la situation
 
    très particulière de l&#146;écrit quant à ce qui est du
 
    langage. C&#146;est une question qui est très à
 
    l&#146;ordre du jour si je puis m&#146;exprimer ainsi.
 
    Néanmoins ça n&#146;est pas à cette pointe
 
    d&#146;actualité que je voudrais tout de suite en venir.
 
    J&#146;entends particulièrement préciser quelle peut être,
 
    si elle est spécifique, quelle peut être la fonction de
 
    l&#146;écrit dans le discours analytique.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Chacun sait que j&#146;ai
 
    produit, avancé l&#146;usage pour permettre d&#146;expliquer
 
    les fonctions de ce discours, d&#146;un certain nombre de
 
    lettres, très nommément pour les récrire au tableau</font><font
 
    size="1" face="Arial"> 68&nbsp;</font><font size="2"
 
    face="Arial">: le petit <b>a</b> que j&#146;appelle objet
 
    mais qui quand même n&#146;est rien qu&#146;une lettre, le
 
    grand A que je fais fonctionner dans ce qui de la proposition
 
    n&#146;a pris que formule écrite, qui est production de la
 
    logico-mathématique ou de la mathématico-logique, comme
 
    vous voudrez l&#146;énoncer. Ce grand A, je n&#146;en ai pas
 
    fait n&#146; importe quoi, j&#146;en désigne ce qui
 
    d&#146;abord est un lieu, une place. J&#146;ai dit le lieu de
 
    l&#146;Autre, comme tel, désigné par une lettre.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">En quoi une lettre peut-elle
 
    servir à désigner un lieu&nbsp;? Il est clair qu&#146;il y
 
    a là quelque chose d&#146;abusif. Et que quand vous ouvrez
 
    par exemple la première page de ce qui a été enfin réuni
 
    sous la forme d&#146;une édition définitive sous le titre
 
    de <i>La théorie des ensembles</i> et sous le chef
 
    d&#146;auteurs fictifs qui se dénomment du nom de Nicolas
 
    Bourbaki</font><font size="1" face="Arial"> 69</font><font
 
    size="2" face="Arial">, ce que vous voyez c&#146;est la mise
 
    en jeu d&#146;un certain nombre de signes logiques. Ces
 
    signes logiques précisément désignent, en particulier
 
    l&#146;un d&#146;entre eux, la fonction «&nbsp;place&nbsp;»
 
    comme telle. Ce signe logique est désigné, écrit par un
 
    petit carré.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Je n&#146;ai donc pas
 
    d&#146;abord, à proprement parler, fait un usage strict de
 
    la lettre quand j&#146;ai dit que le lieu de l&#146;Autre se
 
    symbolisait par la lettre A. Par contre je l&#146;ai marqué
 
    en le redoublant de ce grand S qui ici veut dire signifiant,
 
    signifiant du A en tant qu&#146;il est barré&nbsp;: S(A).
 
    Par là, j&#146;ai articulé dans l&#146;écrit, dans la
 
    lettre, quelque chose qui ajoute une dimension à ce lieu du
 
    grand A, et très précisément en montrant que comme lieu il
 
    ne tient pas, qu&#146;il y a en ce lieu, en ce lieu désigné
 
    de l&#146;Autre une faille, un trou, un lieu de perte et que
 
    c&#146;est précisément de ce qui, au niveau de l&#146;objet
 
    petit <b>a</b>, vient fonctionner au regard de cette perte,
 
    que quelque chose est avancé de tout à fait essentiel à la
 
    fonction du langage.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">J&#146;ai usé aussi de cette
 
    lettre </font><font size="3" face="Arial">F</font><font
 
    size="2" face="Arial">, je parle de ce que j&#146;ai
 
    introduit qui fonctionne comme lettre, qui introduit comme
 
    telle une dimension nouvelle. J&#146;ai utilisé, le
 
    distinguant de la fonction seulement signifiante qui se
 
    promeut dans la théorie analytique jusque là du terme du
 
    phallus, j&#146;ai avancé grand </font><font size="3"
 
    face="Arial">F</font><font size="2" face="Arial"> comme
 
    constituant quelque chose d&#146;original, quelque chose que
 
    je spécifie ici, aujourd&#146;hui, d&#146;être précisé
 
    dans son relief par l&#146;écrit même. C&#146;est une
 
    lettre dont la fonction se distingue des autres, c&#146;est
 
    d&#146;ailleurs bien pour cela que ces trois lettres sont
 
    différentes. Elles n&#146;ont pas la même fonction, comme
 
    déjà vous pouvez l&#146;avoir senti de ce que j&#146;ai
 
    d&#146;abord énoncé de S(A) et du petit <b>a</b>. Elle est
 
    une fonction différente, et pourtant elle reste une lettre.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">C&#146;est très précisément
 
    de montrer le rapport que, de ce que ces lettres introduisent
 
    dans la fonction du signifiant qu&#146;il s&#146;agit
 
    aujourd&#146;hui de discerner, ce que nous pouvons, à
 
    reprendre le fil du discours analytique, en avancer. Je
 
    propose, je propose ceci, c&#146;est que vous considériez
 
    l&#146;écrit comme n&#146;étant nullement du même
 
    registre, du même tabac, si vous me permettez ces sortes
 
    d&#146;expressions qui peuvent avoir bien leur utilité, que
 
    ce qu&#146;on appelle le signifiant.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Le signifiant c&#146;est une
 
    dimension qui a été introduite de la linguistique,
 
    c&#146;est-à-dire de quelque chose qui, dans le champ où se
 
    produit la parole, ne va pas de soi. Un discours le soutient
 
    qui est le discours scientifique. Un certain ordre de
 
    dissociation, de division est introduit par la linguistique,
 
    grâce à quoi se fonde la distinction de ce qui semble
 
    pourtant aller de soi, c&#146;est que quand on parle ça
 
    signifie, ça comporte le signifié. Bien plus, jusqu&#146;à
 
    un certain point, ça ne se supporte que de la fonction de
 
    signification.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Introduire, distinguer la
 
    dimension du signifiant c&#146;est quelque chose qui ne prend
 
    relief précisément que de poser que le signifiant comme
 
    tel, très précisément ce que vous entendez au sens où je
 
    dirai littéralement auditif du terme, au moment où ici où
 
    je suis et de là où je suis je vous parle, c&#146;est poser
 
    très précisément ceci, mais par un acte original, que ce
 
    que vous entendez n&#146;a avec ce que ça signifie, n&#146;a
 
    avec ce que ça signifie aucun rapport. C&#146;est là un
 
    acte qui ne s&#146;institue que d&#146;un discours dit
 
    discours scientifique. Cela ne va pas de soi. Et ça va même
 
    tellement peu de soi que ce que vous voyez sortir d&#146;un
 
    dialogue qui n&#146;est pas d&#146;une mauvaise plume puisque
 
    c&#146;est le <i>Cratyle </i>du nommé Platon, ça va
 
    tellement peu de soi que tout ce discours est fait de
 
    l&#146;effort de faire que justement ce rapport, ce rapport
 
    qui fait que ce qui s&#146;énonce c&#146;est fait pour
 
    signifier, et que ça doit bien avoir quelque rapport, tout
 
    ce dialogue est tentative, que nous pouvons dire, d&#146;où
 
    nous sommes, être désespérée, pour faire que ce
 
    signifiant de soi-même soit présumé vouloir dire quelque
 
    chose. Cette tentative désespérée est d&#146;ailleurs
 
    marquée de l&#146;échec, puisque c&#146;est d&#146;un autre
 
    discours, mais d&#146;un discours qui comporte sa dimension
 
    originale, discours scientifique, qu&#146;il se promeut,
 
    qu&#146;il se produit et d&#146;une façon si je puis dire
 
    dont il n&#146;y a pas à chercher l&#146;histoire,
 
    qu&#146;il se produit de l&#146;instauration même de ce
 
    discours que le signifiant ne se pose que d&#146;avoir aucun
 
    rapport.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Les termes là dont on use
 
    sont toujours eux-mêmes glissants. Même un linguiste aussi
 
    pertinent qu&#146;a pu l&#146;être Ferdinand de Saussure
 
    parle d&#146;arbitraire. Mais c&#146;est là glissement,
 
    glissement dans un autre discours, le discours du décret, ou
 
    pour mieux dire discours du maître pour l&#146;appeler par
 
    son nom. L&#146;arbitraire n&#146;est pas ce qui convient.
 
    Mais d&#146;un autre côté nous devons toujours faire
 
    attention quand nous développons un discours si nous voulons
 
    rester dans son champ même et ne pas perpétuellement
 
    produire ces effets de rechute, si je puis dire, dans un
 
    autre discours, nous devons tenter de donner à chaque
 
    discours sa consistance et pour maintenir sa consistance,
 
    n&#146;en sortir qu&#146;à bon escient. Dire que le
 
    signifiant est arbitraire n&#146;a pas la même portée que
 
    de dire simplement que le signifiant n&#146;a pas de rapport
 
    avec son effet de signifié.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">C&#146;est ainsi qu&#146;à
 
    chaque instant, et plus que jamais dans le cas où il
 
    s&#146;agit d&#146;avancer comme fonction ce qu&#146;est un
 
    discours, nous devons au moins à chaque fois, à chaque
 
    instant, noter ce en quoi nous glissons dans une autre
 
    référence. Le mot référence en l&#146;occasion ne pouvant
 
    se situer que de ce que constitue comme lien le discours
 
    comme tel. Il n&#146;y a rien à quoi le signifiant comme tel
 
    se réfère si ce n&#146;est à un discours, à un mode de
 
    fonctionnement du langage, à une utilisation comme lien du
 
    langage. Encore faut-il préciser à cette occasion ce que
 
    veut dire, ce que veut dire le lien. Le lien, bien sûr, nous
 
    ne pouvons qu&#146;y glisser immédiatement. C&#146;est un
 
    lien entre ceux qui parlent, et vous voyez tout de suite où
 
    nous allons, à savoir que ceux qui parlent, bien sûr, ce
 
    n&#146;est pas n&#146;importe qui, ce sont des êtres que
 
    nous sommes habitués à qualifier de vivants, et peut-être
 
    est-il très difficile d&#146;exclure de ceux qui parlent
 
    cette dimension qui est celle de la vie, à moins que nous ne
 
    nous apercevions aussitôt, ce qui se touche du doigt, que,
 
    dans le champ de ceux qui parlent, il nous est très
 
    difficile de faire entrer la fonction de la vie sans faire en
 
    même temps entrer la fonction de la mort, et que de là
 
    résulte une ambiguïté signifiante justement qui est tout
 
    à fait radicale, de ce qui peut être avancé comme étant
 
    fonction de vie ou bien de mort.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Il est tout à fait clair que
 
    rien ne conduit de façon plus directe à ceci que le quelque
 
    chose d&#146;où seulement la vie peut se définir, à savoir
 
    la reproduction d&#146;un corps, cette fonction de
 
    reproduction elle-même, ne peut s&#146;intituler ni
 
    spécialement de la vie, ni spécialement de la mort, puisque
 
    comme telle, en tant que cette reproduction est sexuée,
 
    comme telle elle comporte les deux, vie et mort.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Mais déjà, rien qu&#146;à
 
    nous avancer dans ce quelque chose qui est déjà dans le
 
    fil, dans le courant du discours analytique, nous avons fait
 
    ce saut, ce glissement qui s&#146;appelle conception du
 
    monde, qui doit bien pourtant pour nous être considérée
 
    comme ce qu&#146;il y a de plus comique, à savoir que nous
 
    devons toujours faire très attention que ce terme conception
 
    du monde suppose lui-même un tout autre discours, qu&#146;il
 
    est, qu&#146;il fait partie de celui de la philosophie, que
 
    rien après tout n&#146;est moins assuré, si l&#146;on sort
 
    du discours philosophique, que l&#146;existence comme telle
 
    d&#146;un monde. Qu&#146;il n&#146;y a souvent que
 
    l&#146;occasion, l&#146;occasion de sourire dans ce qui est
 
    avancé par exemple du discours analytique comme comportant
 
    quelque chose qui soit de l&#146;ordre d&#146;une telle
 
    conception. Je dirai même plus loin que, jusqu&#146;à un
 
    certain point, il mérite aussi qu&#146;on sourie de voir
 
    avancer un tel terme pour désigner par exemple disons ce qui
 
    s&#146;appelle marxisme. Le marxisme ne me semble pas, et à
 
    quelque examen que ce soit, fût-ce le plus
 
    approximatif&#133;, ne peut passer pour conception du monde.
 
    Il est contraire, par toutes sortes de coordonnées tout à
 
    fait frappantes de l&#146;énoncé de ce que dit Marx, ce qui
 
    ne se confond pas obligatoirement avec la conception du monde
 
    marxiste, c&#146;est à proprement parler autre chose que
 
    j&#146;appellerai plus formellement un évangile, à savoir
 
    une annonce. Une annonce, que quelque chose qui
 
    s&#146;appelle l&#146;histoire instaure, une autre dimension
 
    du discours, en d&#146;autres termes la possibilité de
 
    subvertir complètement la fonction du discours comme tel,
 
    j&#146;entends à proprement parler du discours philosophique
 
    en tant que sur lui repose une conception du monde.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Le langage s&#146;avère donc
 
    beaucoup plus vaste comme champ, beaucoup plus riche de
 
    ressources que d&#146;être simplement celui où puisse
 
    s&#146;inscrire un discours qui est celui qui, au cours des
 
    temps, s &#146;est instauré du discours philosophique. Ce
 
    n&#146;est pas parce qu&#146;il nous est difficile de ne pas
 
    du tout en tenir compte pour autant que de ce discours,
 
    discours philosophique, certains points de repère sont
 
    énoncés et qui sont difficiles à éliminer complètement
 
    de tout usage du langage, ce n&#146;est pas à cause de cela
 
    que nous devons à tout prix nous en passer, à condition de
 
    nous apercevoir qu&#146;il n&#146;y a rien de plus facile que
 
    de retomber dans ce que j&#146;ai appelé ironiquement, voire
 
    avec la note comique, «&nbsp;conception du monde&nbsp;»,
 
    mais qui a un nom plus modéré, bien plus précis et qui
 
    s&#146;appelle l&#146;ontologie. L&#146; ontologie est
 
    spécialement ceci qui, d&#146;un certain usage du langage, a
 
    mis en valeur, a produit d&#146;une façon accentuée, a
 
    produit l&#146;usage dans le langage de la copule, d&#146;une
 
    façon telle qu&#146;elle ait été en somme isolée comme
 
    signifiant.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">S&#146;arrêter au verbe
 
    être, ce verbe qui n&#146;est même pas, dans le champ
 
    complet de la diversité des langues, d&#146;un usage
 
    qu&#146;on puisse qualifier d&#146;universel, le produire
 
    comme tel est quelque chose qui comporte une accentuation,
 
    une accentuation qui est pleine de risques. Pour, si
 
    l&#146;on peut dire, la détecter, et même jusqu&#146;à un
 
    certain point l&#146;exorciser, il suffirait peut-être
 
    d&#146;avancer que rien n&#146;oblige, quand on dit que quoi
 
    que ce soit, c&#146;est ce que c&#146;est, d&#146;aucune
 
    façon ce «&nbsp;être&nbsp;» de l&#146;isoler, de
 
    l&#146;accentuer. Ça se prononce «&nbsp;c&#146;est ce que
 
    c&#146;est&nbsp;» et ça pourrait aussi bien s&#146;écrire
 
    s-e-s-k-e-c-é qu&#146;on n&#146;y verrait, à cet usage de
 
    la copule, que du feu. On n&#146;y verrait que du feu si un
 
    discours qui est le discours du maître, discours du maître
 
    qui ici peut aussi bien s&#146;écrire m-apostrophe-ê-t-r-e,
 
    ce qui met l&#146;accent sur le verbe être c&#146;est ce
 
    quelque chose qu&#146;Aristote lui-même regarde à deux fois
 
    à avancer puisque, pour ce qui est de l&#146;être
 
    qu&#146;il oppose au <i>to ti esti</i>, à la quiddité, à
 
    ce que ça est, il va jusqu&#146;à employer le <i>to ti en
 
    einai</i>, à savoir ce qui se serait bien produit si
 
    c&#146;était venu à être tout court, ce qui était à
 
    être, et il semble que là le pédicule se conserve qui nous
 
    permet de situer d&#146;où se produit ce discours de
 
    l&#146;être, il est tout simplement celui de l&#146;être à
 
    la botte, de l&#146;être aux ordres, ce qui allait être si
 
    tu avais entendu ce que je t&#146;ordonne.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Toute dimension de
 
    l&#146;être se produit de quelque chose qui est dans le fil
 
    dans le courant du discours du maître, de celui qui,
 
    proférant le signifiant, en attend ce qui est de ses effets
 
    de lien, assurément à ne pas négliger, qui est fait de
 
    ceci que le signifiant commande, le signifiant est,
 
    d&#146;abord et de sa dimension, impératif.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Comment, comment retourner, si
 
    ce n&#146;est d&#146;un discours spécial, à ce que je
 
    pourrais avancer d&#146;une réalité prédiscursive.
 
    C&#146;est là ce qui bien entendu est le rêve, le rêve
 
    fondateur de toute idée de connaissance, mais ce qui aussi
 
    bien est à considérer comme mythique, il n&#146;y a aucune
 
    réalité prédiscursive, chaque réalité se fonde et se
 
    définit d&#146;un discours. Et c&#146;est bien en cela
 
    qu&#146;il importe que nous nous apercevions de quoi est fait
 
    le discours analytique, et de ne pas méconnaître ce qui
 
    sans doute n&#146;y a qu&#146;une place limitée, à savoir
 
    mon Dieu qu&#146;on y parle de ce que le verbe foutre énonce
 
    parfaitement, on y parle de foutre, je veux dire le verbe, en
 
    anglais <i>to fuck</i>, et on y dit que ça ne va pas.
 
    C&#146;est une part importante de ce qui se confie dans le
 
    discours analytique et il importe très précisément de
 
    souligner que ce n&#146;est pas son privilège. </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Il est clair que, dans ce que
 
    j&#146;ai appelé tout à l&#146;heure le discours en
 
    l&#146;écrivant presque en un seul mot, le <i>disque-ourcourant,</i>
 
    le disque aussi hors champ, hors jeu de tout discours, à
 
    savoir le disque tout court, dans le disque qui est bien
 
    après tout l&#146;angle sous lequel nous pouvons considérer
 
    tout un champ du langage, de celui qui en effet donne bien sa
 
    substance, son étoffe à être considéré comme disque, à
 
    savoir que ça tourne et que ça tourne très exactement pour
 
    rien. Ce disque est exactement ce qui se trouve dans le
 
    champ, dans le champ d&#146;où les discours se spécifient,
 
    le champ où tout ça se noie, où tout un chacun est
 
    capable, est capable, tout aussi capable de s&#146;en
 
    énoncer autant mais, par un souci de ce que nous appellerons
 
    à très juste titre décence, le fait, mon Dieu, le moins
 
    possible. Ce qui fait le fond de la vie, en effet, c&#146;est
 
    que tout ce qu&#146;il en est des rapports des hommes et des
 
    femmes, ce qu&#146;on appelle collectivité, ça ne va pas.
 
    Ça ne va pas, et tout le monde en parle, et une grande
 
    partie de notre activité se passe à le dire. Il
 
    n&#146;empêche qu&#146;il n&#146;y a rien de sérieux si ce
 
    n&#146;est ce qui s&#146;ordonne d&#146;une autre façon
 
    comme discours, jusque et y compris ceci que précisément ce
 
    rapport, ce rapport sexuel en tant qu&#146;il ne va pas, il
 
    va quand même, grâce à un certain nombre de conventions,
 
    d&#146;interdits, d&#146;inhibitions, de toutes sortes de
 
    choses qui sont l&#146;effet du langage, qui ne sont à
 
    prendre que de cette étoffe et de ce registre, et qui
 
    réduisent très précisément ceci qui tout d&#146;un coup
 
    nous fait revenir, nous fait revenir comme il convient au
 
    champ du discours. Il n&#146;y a pas la moindre réalité
 
    prédiscursive, pour la bonne raison que ce qui fait
 
    collectivité et que j&#146;ai appelé en l&#146;évoquant,
 
    à l&#146;instant, les hommes, les femmes et les enfants, ça
 
    ne veut très exactement rien dire comme réalité
 
    prédiscursive, les hommes, les femmes et les enfants, ce ne
 
    sont que des signifiants. Un homme, ce n&#146;est rien
 
    d&#146;autre qu&#146;un signifiant. Une femme cherche un
 
    homme au titre de signifiant. Un homme cherche une femme au
 
    titre, ça va vous paraître curieux, de ce qui ne se situe
 
    que du discours, puisque si ce que j&#146;avance est vrai, à
 
    savoir que la femme n&#146;est <i>pas toute</i>, il y a
 
    toujours quelque chose qui chez elle échappe au discours.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Alors il s&#146;agit de
 
    savoir, dans tout cela, ce qui dans un discours se produit de
 
    l&#146;effet de l&#146;écrit. Comme vous le savez
 
    peut-être, vous le savez en tout cas si vous avez lu ce que
 
    j&#146;écris, le signifiant et le signifié c&#146;est pas
 
    seulement que la linguistique les ait distingués. La chose
 
    peut-être vous paraît aller de soi, mais justement
 
    c&#146;est à considérer que les choses vont de soi
 
    qu&#146;on ne voit rien de ce qu&#146;on a pourtant devant
 
    les yeux, et devant les yeux concernant justement
 
    l&#146;écrit.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">S&#146;il y a quelque chose
 
    qui peut nous introduire à la dimension de l&#146;écrit
 
    comme tel c&#146;est de nous apercevoir que pas plus que le
 
    signifié, pas le signifiant, n&#146;a à faire avec les
 
    oreilles mais seulement avec la lecture, à savoir de ce
 
    qu&#146;on entend de signifié. Mais le signifié c&#146;est
 
    justement pas ce qu&#146;on entend, ce qu&#146;on entend
 
    c&#146;est le signifiant. Le signifié c&#146;est
 
    l&#146;effet du signifiant.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Il y a quelque chose qui
 
    n&#146;est que l&#146;effet du discours, l&#146;effet du
 
    discours en tant que tel, c&#146;est-à-dire de quelque chose
 
    qui fonctionne déjà comme lien. Eh bien c&#146;est ce
 
    quelque chose qui, au niveau d&#146;un écrit, effet de
 
    discours scientifique, du S fait pour connoter la place du
 
    signifiant et du s dont se connote comme place le signifié,
 
    cette fonction de place n&#146;est créée que par le
 
    discours lui-même, chacun à sa place ça ne fonctionne que
 
    dans le discours. Eh bien entre les deux, il y a la barre.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Ça n&#146;a l&#146;air de
 
    rien quand vous écrivez une barre pour expliquer. Ce mot
 
    expliquer a toute son importance parce qu&#146;il n&#146;y a
 
    rien moyen de comprendre à une barre, même quand elle est
 
    réservée à signifier la négation. C&#146;est très
 
    difficile de comprendre ce que ça veut dire la négation. Si
 
    on y regarde d&#146;un peu près on s&#146;apercevra en
 
    particulier qu&#146;il y en a une très grande variété, de
 
    négations, et qu&#146;il est tout à fait impossible de
 
    réunir toutes les négations sous le même concept. La
 
    négation de l&#146;existence ce n&#146;est pas du tout la
 
    même chose que la négation de la totalité, pour me limiter
 
    à l&#146;usage que j&#146;ai pu faire de la négation. Mais
 
    il y a une chose qui est en tout cas encore plus certaine
 
    c&#146;est que le fait d&#146;ajouter la barre à la notation
 
    S et s, qui déjà se distinguent très suffisamment,
 
    pourrait se soutenir d&#146;être seulement marquée par la
 
    distance de l&#146;écrit. Y ajouter la barre a quelque chose
 
    de superflu, voire de futile, et en tout cas comme tout ce
 
    qui est de l&#146;écrit, comme tout ce qui est de
 
    l&#146;écrit ne se supporte que de ceci, c&#146;est que
 
    justement l&#146;écrit ça n&#146;est pas à comprendre.
 
    C&#146;est bien pour ça que vous n&#146;êtes pas forcés de
 
    comprendre les miens. Si vous ne les comprenez pas c&#146;est
 
    un bon signe, tant mieux&nbsp;! ça vous donnera justement
 
    l&#146;occasion de les expliquer. La barre, la barre
 
    c&#146;est pareil, la barre c&#146;est très précisément le
 
    point où, dans tout usage du langage, il y aura
 
    l&#146;occasion à ce que se produise l&#146;écrit. Si dans
 
    Saussure même, S c&#146;est barre au-dessus de s</font><font
 
    size="1" face="Arial">70</font><font size="2" face="Arial">,
 
    c&#146;est grâce à ça que dans «&nbsp;l&#146;Instance de
 
    la lettre&nbsp;», qui fait partie de mes <i>Écrits </i></font><font
 
    size="1" face="Arial"><i>71</i></font><font size="2"
 
    face="Arial"><i>, </i>j&#146;ai pu vous démontrer d&#146;une
 
    façon qui s&#146;écrit, rien de plus, que rien ne se
 
    supporte des effets dits de l&#146;inconscient si grâce à
 
    cette barre, s&#146;il n&#146;y avait pas cette barre, rien
 
    ne pourrait en être expliqué. Y&#146;a de
 
    l&#146;incons&#133;</font><font size="1" face="Arial"> 72</font><font
 
    size="2" face="Arial"> y&#146;a du signifiant, je répète
 
    y&#146;a du signifiant qui passe sous la barre, s&#146;il n
 
    &#146;y avait pas de barre, vous ne pourriez pas voir
 
    qu&#146;il y a du signifiant qui s&#146;injecte dans le
 
    signifié.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Grâce à l&#146;écrit se
 
    manifeste, se manifeste ceci, qui n&#146;est qu&#146;effet de
 
    discours, car s&#146;il n&#146;y avait pas de discours
 
    analytique vous continueriez à parler très exactement comme
 
    des étourneaux, c&#146;est-à-dire à dire ce que je
 
    qualifie du <i>disquourcourant, </i>c&#146;est-à-dire de
 
    continuer le disque, le disque continuant ce quelque chose
 
    qui est le point le plus important que révèle le discours
 
    analytique seulement, c&#146;est à savoir ceci, c&#146;est
 
    à savoir ceci qui ne peut s&#146;articuler que grâce à
 
    toute la construction du discours analytique, c&#146;est que
 
    très précisément il n&#146;y a pas, je reviens là-dessus
 
    puisqu&#146;après tout c&#146;est la formule que je vous
 
    serine, mais de vous la seriner faut-il encore que je
 
    l&#146;explique parce qu&#146;elle ne se supporte que de
 
    l&#146;écrit précisément, et de l&#146;écrit en ceci, que
 
    le rapport sexuel ne peut pas s&#146;écrire.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">C&#146;est ce que ça veut
 
    dire, ou plus exactement que tout ce qui est écrit est
 
    conditionné de façon telle que ça part, ça part du fait
 
    qu&#146;il sera à jamais impossible d&#146;écrire comme tel
 
    le rapport sexuel, que l&#146;écriture comme telle est
 
    possible, à savoir qu&#146;il y a un certain effet du
 
    discours et qui s&#146;appelle l&#146;écriture.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Qu&#146;est-ce qu&#146;il y
 
    a&nbsp;? On n&#146;entend pas là&nbsp;? Voyez-vous, on peut</font><font
 
    size="1" face="Arial"> 73</font><font size="2" face="Arial">
 
    à la rigueur écrire x R y, et dire x c&#146;est
 
    l&#146;homme, y c&#146;est la femme et grand R c&#146;est le
 
    rapport sexuel, pourquoi pas&nbsp;! Seulement voilà,
 
    c&#146;est ce que je vous disais tout à l&#146;heure,
 
    n&#146;est-ce pas, c&#146;est une bêtise. C&#146;est une
 
    bêtise parce que ce qui se supporte sous la fonction de
 
    signifiant, de homme et de femme, ce ne sont que des
 
    signifiants, ce ne sont que des signifiant tout à fait liés
 
    à cet usage <i>quourcourant</i> du langage. Et s&#146;il y a
 
    un discours qui vous le démontre, c&#146;est que la femme ne
 
    sera jamais prise, c&#146;est ce que le discours analytique
 
    met en jeu, que <i>quoad matrem</i>, c&#146;est-à-dire que
 
    la femme n&#146;entrera en fonction dans le rapport sexuel
 
    qu&#146;en tant que la mère. Ça, c&#146;est des vérités
 
    massives et qui, quand nous y regardons de plus près, bien
 
    entendu nous mèneront plus loin, mais grâce à quoi, grâce
 
    à l&#146;écriture qui d&#146;ailleurs ne fera pas objection
 
    à cette première approximation, puisque justement
 
    c&#146;est par là qu&#146;elle montrera que c&#146;est une
 
    suppléance de ce <i>pas toute</i> sur quoi repose, quoi, la
 
    jouissance de la femme. C&#146;est à savoir que cette
 
    jouissance, qu&#146;elle n&#146;est <i>pas toute</i>,
 
    c&#146;est-à-dire qui quelque part la fait absente
 
    d&#146;elle-même, absente en tant que sujet, qu&#146;elle y
 
    trouvera le bouchon de ce petit <b>a</b> que sera son enfant.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Mais d&#146;un autre côté,
 
    du côté de l&#146;x, à savoir de ce qui serait
 
    l&#146;homme si ce rapport sexuel pouvait s&#146;écrire
 
    d&#146;une façon soutenable, soutenable dans un discours,
 
    vous verrez que l&#146;homme n&#146;est qu&#146;un
 
    signifiant, parce que là où il entre en jeu comme
 
    signifiant, il n&#146;y entre que <i>quoad castrationem</i>,
 
    c&#146;est-à-dire en tant qu&#146;il a un rapport, un
 
    rapport quelconque avec la jouissance phallique. De sorte que
 
    c&#146;est à partir du moment, ou de quelque part, d&#146;un
 
    discours qui aborde la question sérieusement, du discours
 
    analytique, que c&#146;est à partir du moment où ce, ce qui
 
    est la condition de l&#146;écrit à savoir qu&#146;il se
 
    soutienne d &#146;un discours, que tout se dérobera et que
 
    le rapport sexuel vous ne pourrez jamais l&#146;écrire,
 
    naturellement dans la mesure où il s&#146;agit d&#146;un
 
    vrai écrit, c&#146;est-à-dire de l&#146;écrit en tant que
 
    c&#146;est ce qui, du langage, se conditionne d&#146;un
 
    discours.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">La lettre radicalement est
 
    effet de discours. Ce qu&#146;il y a de bien,
 
    n&#146;est-ce-pas, si vous me permettez, ce qu&#146;il y a de
 
    bien dans ce que je raconte c&#146;est que c&#146;est
 
    toujours la même chose. C&#146;est à savoir non pas bien
 
    sûr que je me répète, c&#146;est pas là la question,
 
    c&#146;est que ce que j&#146;ai dit antérieurement, la
 
    première fois autant que je me souvienne que j&#146;ai
 
    parlé de la lettre, j&#146;étais comme ça, j&#146;ai sorti
 
    ça je ne sais plus quand, maintenant je ne veux rechercher,
 
    je vous l&#146;ai dit j&#146;ai horreur de me relire, mais il
 
    doit bien y avoir quinze ans, quelque part à Ste Anne</font><font
 
    size="1" face="Arial"> 74</font><font size="2" face="Arial">.
 
    J&#146;ai essayé de faire remarquer cette petite chose que
 
    tout le monde connaît, bien sûr, que tout le monde connaît
 
    quand on lit un peu, ce qui n&#146;arrive pas à tout le
 
    monde, qu&#146;un nommé Sir Flanders Petrie</font><font
 
    size="1" face="Arial"><i>75</i></font><font size="2"
 
    face="Arial"> par exemple avait cru remarquer que les lettres
 
    de l&#146;alphabet phénicien se trouvaient bien avant le
 
    temps de la Phénicie sur de menues poteries égyptiennes où
 
    elles servaient de marques de fabrique</font><font size="1"
 
    face="Arial"> 76</font><font size="2" face="Arial">. Ce qui
 
    veut dire, ce qui veut dire simplement ceci que le marché,
 
    qui est typiquement un effet de discours, c&#146;est là que
 
    d&#146;abord est sortie la lettre, avant que quiconque ait
 
    songé à user des lettres pour faire quoi, quelque chose qui
 
    n&#146;a rien à faire, qui n&#146;a rien à faire avec la
 
    connotation du signifiant, mais qui l&#146;élabore, qui le
 
    perfectionne. </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Il faudrait bien sûr prendre
 
    les choses au niveau de l&#146;histoire de chaque langue
 
    parce qu&#146;il est clair que la lettre chinoise, celle qui
 
    nous affole tellement que nous appelons ça, Dieu sait
 
    pourquoi, d&#146;un nom différent de caractère, en cela la
 
    lettre chinoise, à savoir qu&#146;il est manifeste
 
    qu&#146;elle est sortie du discours chinois très ancien,
 
    d&#146;une façon toute différente de la façon dont sont
 
    sorties nos lettres. À savoir qu&#146;en somme, les lettres,
 
    les lettres qu&#146;ici je sors, elles ont une valeur
 
    différente, différentes comme lettres parce qu&#146;elles
 
    sortent du discours analytique, de ce qui peut sortir comme
 
    lettre par exemple de la théorie des ensembles, à savoir
 
    l&#146;usage qu&#146;on en fait, et qui pourtant, c&#146;est
 
    là l&#146;intérêt, n&#146;est pas sans avoir le rapport,
 
    un certain rapport de convergence sur lequel j&#146;aurai
 
    certainement, dans ce qui sera la suite, l&#146;occasion
 
    d&#146;apporter quelques développements&nbsp;: la lettre en
 
    tant qu&#146;effet&#133; n&#146;importe quel effet de
 
    discours a ceci de bon qu&#146;il fait de la lettre.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Alors mon Dieu, pour terminer,
 
    pour terminer aujourd&#146;hui ce qui n&#146;est qu&#146;une
 
    amorce que j&#146;aurai l&#146;occasion de développer, ce
 
    que je reprendrai à propos en vous distinguant, en
 
    discernant par exemple, la différence qu&#146;il y a de
 
    l&#146;usage de la lettre dans l&#146;algèbre ou de
 
    l&#146;usage de la lettre dans la théorie des ensembles,
 
    parce que ceci nous intéresse directement. Mais pour
 
    l&#146;instant, je veux simplement vous faire remarquer
 
    qu&#146;il se produit quand même quelque chose qui est
 
    corrélatif de l&#146;émergence au monde&#133; </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">au monde, c&#146;est le cas de
 
    le dire, au monde en décomposition, Dieu merci,
 
    n&#146;est-ce pas, au monde que nous voyons ne plus tenir
 
    puisque même dans le discours scientifique il est clair
 
    qu&#146;il n&#146;y a, y&#146;a, y&#146;a, y&#146;a, y&#146;a
 
    pas le moindre monde à partir du moment où vous pouvez
 
    ajouter aux atomes un truc qui s&#146;appelle le <i>quark</i>,
 
    et, et, et que vous trouvez en plus que c&#146;est là le
 
    vrai fil du discours scientifique. </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Vous devez quand même vous
 
    rendre compte qu&#146;il s&#146;agit d&#146;autre chose,
 
    qu&#146;il s&#146;agit de voir d&#146;où on part. Eh bien
 
    référez-vous quand même, parce que c&#146; est une bonne
 
    lecture, il faut que vous vous mettiez tout de même à lire
 
    un peu, un peu enfin des auteurs, je ne dirai pas de votre
 
    temps, bien sûr je ne vous dirai pas de lire Philippe
 
    Sollers, il est illisible, bien sûr comme moi, oui mais vous
 
    pouvez lire Joyce par exemple. Alors là vous verrez comment
 
    ça a commencé de se produire. Vous verrez que le langage se
 
    perfectionne et sait jouer, sait jouer avec l&#146;écriture.
 
    Joyce, moi je veux bien que ça ne soit pas lisible. Ce
 
    n&#146;est certainement pas <i>traductible</i> en
 
    chinois&nbsp;! </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Seulement Joyce qu&#146;est-ce
 
    que c&#146;est, c&#146;est exactement ce que je vous ai dit
 
    tout à l&#146;heure&nbsp;: c&#146;est le signifiant qui
 
    vient truffer le signifié. Joyce c&#146;est, c&#146;est un
 
    long texte écrit, lisez <i>Finnegan&#146;s Wake</i></font><font
 
    size="1" face="Arial"><i> 77</i></font><font size="2"
 
    face="Arial">, c&#146;est un long texte écrit qui, dont le
 
    sens provient de ceci c&#146;est que c&#146;est du fait que
 
    les signifiants s&#146;emboîtent, se composent, si vous
 
    voulez pour faire image à ceux qui ici n&#146;ont même pas
 
    l&#146;idée de ce que c&#146;est, se télescopent, que
 
    c&#146;est avec ça que se pr oduit quelque chose qui, comme
 
    signifié peut paraître énigmatique, mais qui est bien ce
 
    qu&#146;il y a de plus proche de ce que nous autres
 
    analystes, grâce au discours analytique, nous savons le
 
    lire, qui est ce qu&#146;il y a de plus proche du lapsus. Et
 
    c&#146;est au titre de lapsus que ça signifie quelque chose,
 
    c&#146;est-à-dire que ça peut se lire d&#146;une infinité
 
    de façons différentes. Mais c&#146;est justement pour ça
 
    que ça se lit mal, ou que ça se lit de travers, ou que ça
 
    ne se lit pas. Mais cette dimension du se lire, est-ce que ce
 
    n&#146;est pas suffisant pour montrer que nous sommes dans le
 
    registre du discours analytique, que ce dont il s&#146;agit
 
    dans le discours analytique c&#146;est toujours à ce qui
 
    s&#146;énonce de signifiant que vous donniez une autre
 
    lecture que ce qu&#146;il signifie.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Mais c&#146;est là que
 
    commence la question. Parce que voyons pour me faire
 
    comprendre je vais prendre une référence comme ça dans ce
 
    que vous lisez dans le grand livre du monde. Par exemple vous
 
    voyez le vol d&#146;une abeille, comme ça le vol d&#146;une
 
    abeille, elle vole, elle butine, elle va de fleur en fleur.
 
    Ce que vous apprenez c&#146;est qu&#146;elle va transporter
 
    au bout de ses pattes le pollen d&#146;une fleur sur le
 
    pistil du même coup aux &#156;ufs d&#146;une autre fleur,
 
    ça c&#146;est ce que vous lisez dans le vol de
 
    l&#146;abeille. Ou n&#146;importe quoi d&#146;autre, vous
 
    voyez, je ne sais pas moi, quelque chose que vous appelez
 
    comme ça, un vol d&#146;oiseaux qui volent bas par exemple
 
    vous appelez ça un vol, c&#146;est en réalité un groupe à
 
    un certain niveau vous y lisez qu&#146;il va faire de
 
    l&#146;orage, mais est-ce qu&#146;eux ils lisent&nbsp;?
 
    Est-ce que l&#146;abeille lit qu &#146;elle sert à la
 
    reproduction des plantes phanérogamiques&nbsp;? Est-ce que
 
    l&#146;oiseau lit l&#146;augure de la fortune, comme on
 
    disait autrefois, c&#146;est-à-dire de la tempête</font><font
 
    size="1" face="Arial"> 78&nbsp;</font><font size="2"
 
    face="Arial">? Toute la question est là. C&#146;est pas
 
    exclu après tout que l&#146;hirondelle ne lise pas la
 
    tempête, mais c&#146;est pas sûr non plus.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial">Ce qu&#146;il y a dans votre
 
    discours analytique c&#146;est que le sujet, le sujet de
 
    l&#146;inconscient vous le supposez, vous le supposez savoir
 
    lire. Ça n&#146;est rien d&#146;autre votre histoire de
 
    l&#146;inconscient. C&#146;est que non seulement vous le
 
    supposez savoir lire, mais vous le supposez pouvoir apprendre
 
    à lire. Seulement ce que vous lui apprenez à lire n&#146;a
 
    alors absolument rien à faire, en aucun cas, avec ce que
 
    vous pouvez en écrire. Voilà.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Arial"><strong>Notes</strong></font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">65 Sortie du livre XI, <i>Les
 
    quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse,</i> Paris,
 
    Seuil, 1973. Établissement de J.A. Miller.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">66«&nbsp;De ce que
 
    j&#146;enseigne&nbsp;», conférence au groupe de
 
    l&#146;Évolution psychiatrique le 23-1-62.</font></p>
 
    <p><font color="#000000" size="2" face="Garamond">67Il y a la
 
    fin de cette phrase une ambiguïté entre les traits et les
 
    barres, Lacan utilisant le terme de barre pour ce qu&#146;il
 
    vient d&#146;appeler trait. Nous considérons que les barres
 
    séparent les lettres comme ceci&nbsp;: et que les traits les
 
    relient comme cela&nbsp;: ici dans le discours de
 
    l&#146;analyste dont il est question dans ce passage. Le
 
    trait manquant, sur les six possibles, étant celui de
 
    l&#146;étage inférieur, conformément à ce que Lacan a
 
    énoncé précédemment (voir, entre autre, la séance du
 
    11-3-70 de <i>La psychanalyse à l&#146;envers</i>). </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">68 Lacan écrit
 
    effectivement au tableau.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">69 En 1935, sept
 
    mathématiciens, Henri Carton, Claude Chevalley, Jean
 
    Delsarte, Szolem Mandelbrojt, René de Possel, André Weil et
 
    Jean Dieudonné fondaient le groupe Bourbaki, du nom
 
    d&#146;un général de Bonaparte.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">70 Lacan impute à Saussure
 
    l&#146;écriture <u>S.</u> Saussure, lui, dessine&nbsp;: in <i>Cours
 
    de linguistique générale, </i>Chap. IV, la valeur
 
    linguistique, Paris, Payot, 1992, p.158.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">71 Jacques Lacan, <i>Écrits</i>,
 
    Paris, Seuil, 1966, pp. 493-528. </font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">72 Lacan tonne ce
 
    lapsus&#133;«Y&#146;a de l&#146;incons&#133;» et se
 
    reprend&nbsp;:»&nbsp;y&#146;a du signifiant».</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">73 Lacan hurle sur
 
    «&nbsp;peut&nbsp;».</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">74 Jacques Lacan, «La
 
    lettre volée&nbsp;», séminaire du 26-4-1955.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">75 Sir Flanders Petrie, <i>The
 
    formation of the alphabet, </i>London, MacMillan and co,
 
    1912.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">76 «Et ceci nous en avons
 
    des attestations historiques, car quelqu&#146;un qui
 
    s&#146;appelle Sir Flanders Petrie a montré que bien avant
 
    la naissance des caractères hiéroglyphes, sur les poteries
 
    qui nous restent de l&#146;industrie dite prédynastique nous
 
    trouvons comme marques sur les poteries, à peu près toutes
 
    les formes qui sont trouvées utilisées par la suite,
 
    c&#146;est-à-dire, après une longue évolution historique,
 
    dans l&#146;alphabet grec, étrusque, latin, phénicien, tout
 
    ce qui nous intéresse au plus haut chef comme
 
    caractéristique de l&#146;écriture». Séminaire <i>L&#146;identification</i>
 
    du 20 décembre 1961 (établissement critique par M. Roussan)</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">77 James Joyce, <i>Finnegan&#146;s
 
    Wake</i>, Paris, Gallimard, I982.</font></p>
 
    <p><font size="2" face="Garamond">78 Au XIII° siècle,
 
    fortune avait le sens de malchance, malheur et était
 
    utilisée dans l&#146;acception spéciale de tempête.</font></p>
 
</blockquote>
 
  
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<div class="div0"><center>'''Mardi 9 janvier 1973</font>'''</center></div>
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Bon, ben, je vais vous souhaiter la bonne année, c’est pas encore tout à fait l’heure, je me passerai de commentaires à propos de ces vœux que après tout on peut considérer comme banaux.
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Et puis je vais entrer tout doucement dans ce que je vous ai réservé pour aujourd’hui, qui… qu’est-ce qui ne va pas ? où est-ce qu’on ne m’entend pas ? ce que je vous ai réservé pour aujourd’hui qui est à mes risques, qui, comme vous allez le [[voir]], ou peut-être ne pas le voir, qui sait ? en tout cas à moi, avant de commencer me paraît casse-gueule.
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 +
Pour mettre un titre comme ça, ce que je vais vous [[dire]] va être centré, puisqu’en somme il s’agit encore de quelque [[chose]] qui est le [[discours]] [[analytique]], il s’agit de la façon dont, dans ce discours, nous avons à [[situer]] la [[fonction]] de l’écrit. Évidemment il y a là-dedans de l’anecdote, à [[savoir]] qu’un jour j’ai écrit sur la page d’un recueil que je sortais, ce que j’ai appelé la </font>''poubellication,</font>'' je n’ai pas trouvé mieux à écrire sur, sur la page d’enveloppe de ce recueil que le mot </font>''[[Écrits]].</font>''</div>
 +
 
 +
Ces </font>''Écrits</font>'', il est assez connu disons qu’ils ne se lisent pas facilement. Je peux vous faire, comme ça, un petit aveu autobiographique, c’est que en écrivant </font>''Écrits </font>''c’est très précisément ce que je pensais, ça va peut-être même jusque là que je pensais qu’ils n’étaient pas à lire.
 +
 
 +
En tout cas c’est un bon départ. Bien entendu que la [[lettre]] ça se lit, ça semble même être fait comme ça dans le prolongement du mot, se lit et littéralement. Mais justement ce n’est peut-être pas du tout la même chose de lire une lettre ou bien de lire. Pour introduire ça d’une façon qui, qui fasse [[image]], je ne veux pas partir tout de suite du discours analytique. Il est bien évident pourtant que dans le discours analytique il ne s’agit que de ça, de ce qui se lit, de ce qui se lit au-delà de ce que vous avez incité le [[sujet]] à dire, qui est comme je l’ai souligné dans ce passage la dernière fois, qui n’est pas tellement de tout dire que de dire n’importe quoi. Et j’ai poussé la chose plus loin, ne pas hésiter car c’est la règle, ne pas hésiter à dire ce dont j’ai introduit cette année la [[dimension]] comme étant essentielle au discours analytique, à dire des bêtises.
 +
 
 +
Naturellement ça suppose que nous développions cette dimension et ceci ne peut pas se faire sans le dire. Qu’est-ce que c’est que la dimension de la bêtise ? La bêtise, au moins celle-ci qu’on peut proférer c’est que la bêtise ne va pas loin. Dans le discours, discours courant, elle tourne court. C’est bien sûr ce quelque chose dont, si je puis dire, je m’assure quand je fais cette chose que je ne fais jamais sans tremblement, à savoir de retourner à ce que dans le [[temps]] j’ai proféré. Ça me fait toujours une sainte peur, la peur justement d’avoir dit des bêtises, c’est-à-dire quelque chose que en raison de ce que j’avance maintenant, je pourrais considérer comme tenant pas le coup.
 +
 
 +
Grâce à quelqu’un qui a repris ce séminaire annoncé le premier</font><font class="font3"> 65</font> de l’École Normale et qui va sortir bientôt, j’ai pu avoir, ce qui ne m’est pas souvent réservé puisque comme je vous le dis j’en évite moi-même le risque, j’ai pu avoir le sentiment que je rencontre quelquefois à l’ épreuve, que ce que cette année-là par exemple j’ai avancé n’était pas si bête, ne l’était pas moins, tant que de m’avoir permis d’avancer d’autres choses dont il me semble, parce que j’y suis maintenant, qu’elles se tiennent.
 +
 
 +
Il n’en [[reste]] pas moins que ce « se relire » représente une dimension, une dimension qui est à situer proprement dans ce que c’est que, au [[regard]] du discours analytique, la fonction de ce qui se lit. Le discours analytique a à cet égard un privilège, il paraît difficile. Et c’est de là que je suis parti, dans ce qui m’a fait date « De ce que j’enseigne</font><font class="font3"> 66 </font>», comme je me suis exprimé, qui ne veut peut-être pas tout à fait dire ce que ça avait l ’air d’énoncer, à savoir mettre l’accent sur le « je », à savoir ce que je puis proférer, mais peut-être aussi de mettre l’accent sur le « de », c’est-à-dire d’où ça vient, un enseignement dont je suis l’effet.
 +
 
 +
Depuis j’ai mis l’accent sur ce que j’ai fondé d’une articulation précise, celle qui s’écrit justement, s’écrit au tableau de quatre lettres, de deux barres et de quelques traits, nommément cinq qui relient chacune de ces lettres, une de ces barres, puisqu’il y en a quatre, il pourrait y en avoir six, une de ces barres manquant</font><font class="font3"> 67</font>. Ce qui de cette façon s’écrit, et que j’appelle discours analytique. Ceci est parti d’un rappel, d’un rappel, d’un rappel initial, d’un rappel premier, c’est à savoir que le discours analytique est ce mode de rapport nouveau qui s’est fondé seulement de ce qui fonctionne comme [[parole]], et ce dans quelque chose qu’on peut définir comme un champ : « Fonction et champ », ai-je écrit justement, « de la parole et du langage », j’ai terminé, « en psychanalyse».</font> Ce qui était désigné, désigné, ce qui fait l’originalité d’un certain discours, qui n’est pas homogène à un certain nombre d’autres qui font office, et que seulement de ce fait nous allons distinguer d’être discours officiels, il s’agit jusqu’à un certain point de discerner quel est l’office du discours analytique et de le rendre, lui aussi, sinon officiel, du moins officiant. C’est dans ce discours tel qu’il est dans sa fonction et son office, qu’il s’agit d’y cerner, c’est aujourd’hui la voie que je prends, ce que peut ce discours révéler de la [[situation]] très particulière de l’écrit quant à ce qui est du [[langage]]. C’est une question qui est très à l’[[ordre]] du jour si je puis m’exprimer ainsi. Néanmoins ça n’est pas à cette pointe d’actualité que je voudrais tout de suite en venir. J’entends particulièrement préciser quelle peut être, si elle est spécifique, quelle peut être la fonction de l’écrit dans le discours analytique.
 +
 
 +
Chacun sait que j’ai produit, avancé l’usage pour permettre d’expliquer les fonctions de ce discours, d’un certain nombre de lettres, très nommément pour les récrire au tableau</font><font class="font3"> 68 </font>: le petit </font>'''a</font>''' que j’appelle [[objet]] mais qui quand même n’est rien qu’une lettre, le grand A que je fais fonctionner dans ce qui de la proposition n’a pris que formule écrite, qui est production de la logico-mathématique ou de la mathématico-logique, comme vous voudrez l’énoncer. Ce grand A, je n’en ai pas fait n’ importe quoi, j’en dé[[signe]] ce qui d’abord est un lieu, une [[place]]. J’ai dit le lieu de l’[[Autre]], comme tel, désigné par une lettre.
 +
 
 +
En quoi une lettre peut-elle servir à désigner un lieu ? Il est clair qu’il y a là quelque chose d’abusif. Et que quand vous ouvrez par exemple la première page de ce qui a été enfin réuni sous la forme d’une édition définitive sous le titre de </font>''La théorie des ensembles</font>'' et sous le chef d’auteurs fictifs qui se dénomment du nom de Nicolas Bourbaki</font><font class="font3"> 69</font>, ce que vous voyez c’est la mise en jeu d’un certain nombre de signes logiques. Ces signes logiques précisément désignent, en particulier l’un d’entre eux, la fonction « place » comme telle. Ce signe logique est désigné, écrit par un petit carré.
 +
 
 +
Je n’ai donc pas d’abord, à proprement parler, fait un usage strict de la lettre quand j’ai dit que le lieu de l’Autre se symbolisait par la lettre A. Par contre je l’ai marqué en le redoublant de ce grand S qui ici veut dire [[signifiant]], signifiant du A en tant qu’il est barré : S(A). Par là, j’ai articulé dans l’écrit, dans la lettre, quelque chose qui ajoute une dimension à ce lieu du grand A, et très précisément en montrant que comme lieu il ne tient pas, qu’il y a en ce lieu, en ce lieu désigné de l’Autre une faille, un [[trou]], un lieu de perte et que c’est précisément de ce qui, au niveau de l’objet petit </font>'''a</font>''', vient fonctionner au regard de cette perte, que quelque chose est avancé de tout à fait essentiel à la fonction du langage.
 +
 
 +
J’ai usé aussi de cette lettre </font><font class="font1">F</font>, je parle de ce que j’ai introduit qui fonctionne comme lettre, qui introduit comme telle une dimension nouvelle. J’ai utilisé, le distinguant de la fonction seulement signifiante qui se promeut dans la théorie analytique jusque là du terme du [[phallus]], j’ai avancé grand </font><font class="font1">F</font> comme constituant quelque chose d’original, quelque chose que je spécifie ici, aujourd’hui, d’être précisé dans son relief par l’écrit même. C’est une lettre dont la fonction se distingue des autres, c’est d’ailleurs bien pour cela que ces trois lettres sont différentes. Elles n’ont pas la même fonction, comme déjà vous pouvez l’avoir senti de ce que j’ai d’abord énoncé de S(A) et du petit </font>'''a</font>'''. Elle est une fonction différente, et pourtant elle reste une lettre.
 +
 
 +
C’est très précisément de montrer le rapport que, de ce que ces lettres introduisent dans la fonction du signifiant qu’il s’agit aujourd’hui de discerner, ce que nous pouvons, à reprendre le fil du discours analytique, en avancer. Je propose, je propose ceci, c’est que vous considériez l’écrit comme n’étant nullement du même registre, du même tabac, si vous me permettez ces sortes d’expressions qui peuvent avoir bien leur utilité, que ce qu’on appelle le signifiant.
 +
 
 +
Le signifiant c’est une dimension qui a été introduite de la [[linguistique]], c’est-à-dire de quelque chose qui, dans le [[champ]] où se produit la parole, ne va pas de soi. Un discours le soutient qui est le discours scientifique. Un certain ordre de dissociation, de [[division]] est introduit par la linguistique, grâce à quoi se fonde la [[distinction]] de ce qui semble pourtant aller de soi, c’est que quand on parle ça signifie, ça comporte le signifié. Bien plus, jusqu’à un certain point, ça ne se supporte que de la fonction de [[signification]].
 +
 
 +
Introduire, distinguer la dimension du signifiant c’est quelque chose qui ne prend relief précisément que de poser que le signifiant comme tel, très précisément ce que vous entendez au sens où je dirai littéralement auditif du terme, au [[moment]] où ici où je suis et de là où je suis je vous parle, c’est poser très précisément ceci, mais par un [[acte]] original, que ce que vous entendez n’a avec ce que ça signifie, n’a avec ce que ça signifie aucun rapport. C’est là un acte qui ne s’institue que d’un discours dit discours scientifique. Cela ne va pas de soi. Et ça va même tellement peu de soi que ce que vous voyez sortir d’un dialogue qui n’est pas d’une mauvaise plume puisque c’est le </font>''Cratyle </font>''du nommé Platon, ça va tellement peu de soi que tout ce discours est fait de l’effort de faire que justement ce rapport, ce rapport qui fait que ce qui s’énonce c’est fait pour [[signifier]], et que ça doit bien avoir quelque rapport, tout ce dialogue est tentative, que nous pouvons dire, d’où nous sommes, être désespérée, pour faire que ce signifiant de soi-même soit présumé vouloir dire quelque chose. Cette tentative désespérée est d’ailleurs marquée de l’échec, puisque c’est d’un autre discours, mais d’un discours qui comporte sa dimension originale, discours scientifique, qu’il se promeut, qu’il se produit et d’une façon si je puis dire dont il n’y a pas à chercher l’histoire, qu’il se produit de l’instauration même de ce discours que le signifiant ne se pose que d’avoir aucun rapport.
 +
 
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Les termes là dont on use sont toujours eux-mêmes glissants. Même un linguiste aussi pertinent qu’a pu l’être Ferdinand de [[Saussure]] parle d’arbitraire. Mais c’est là [[glissement]], glissement dans un autre discours, le discours du décret, ou pour mieux dire discours du maître pour l’appeler par son nom. L’arbitraire n’est pas ce qui convient. Mais d’un autre côté nous devons toujours faire attention quand nous développons un discours si nous voulons rester dans son champ même et ne pas perpétuellement produire ces effets de rechute, si je puis dire, dans un autre discours, nous devons tenter de donner à chaque discours sa consistance et pour maintenir sa consistance, n’en sortir qu’à bon escient. Dire que le signifiant est arbitraire n’a pas la même portée que de dire simplement que le signifiant n’a pas de rapport avec son effet de signifié.
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C’est ainsi qu’à chaque instant, et plus que jamais dans le cas où il s’agit d’avancer comme fonction ce qu’est un discours, nous devons au moins à chaque fois, à chaque instant, noter ce en quoi nous glissons dans une autre référence. Le mot référence en l’occasion ne pouvant se situer que de ce que constitue comme lien le discours comme tel. Il n’y a rien à quoi le signifiant comme tel se réfère si ce n’est à un discours, à un mode de fonctionnement du langage, à une utilisation comme lien du langage. Encore faut-il préciser à cette occasion ce que veut dire, ce que veut dire le lien. Le lien, bien sûr, nous ne pouvons qu’y [[glisser]] immédiatement. C’est un lien entre ceux qui parlent, et vous voyez tout de suite où nous allons, à savoir que ceux qui parlent, bien sûr, ce n’est pas n’importe qui, ce sont des êtres que nous sommes habitués à qualifier de vivants, et peut-être est-il très difficile d’exclure de ceux qui parlent cette dimension qui est celle de la vie, à moins que nous ne nous apercevions aussitôt, ce qui se touche du doigt, que, dans le champ de ceux qui parlent, il nous est très difficile de faire entrer la fonction de la vie sans faire en même temps entrer la fonction de la [[mort]], et que de là résulte une ambiguïté signifiante justement qui est tout à fait radicale, de ce qui peut être avancé comme étant fonction de vie ou bien de mort.
 +
 
 +
Il est tout à fait clair que rien ne conduit de façon plus directe à ceci que le quelque chose d’où seulement la vie peut se définir, à savoir la reproduction d’un [[corps]], cette fonction de reproduction elle-même, ne peut s’intituler ni spécialement de la vie, ni spécialement de la mort, puisque comme telle, en tant que cette reproduction est sexuée, comme telle elle comporte les deux, vie et mort.
 +
 
 +
Mais déjà, rien qu’à nous avancer dans ce quelque chose qui est déjà dans le fil, dans le courant du discours analytique, nous avons fait ce saut, ce glissement qui s’appelle conception du monde, qui doit bien pourtant pour nous être considérée comme ce qu’il y a de plus comique, à savoir que nous devons toujours faire très attention que ce terme conception du monde suppose lui-même un tout autre discours, qu’il est, qu’il fait partie de celui de la [[philosophie]], que rien après tout n’est moins assuré, si l’on sort du discours philosophique, que l’[[existence]] comme telle d’un monde. Qu’il n’y a souvent que l’occasion, l’occasion de sourire dans ce qui est avancé par exemple du discours analytique comme comportant quelque chose qui soit de l’ordre d’une telle conception. Je dirai même plus loin que, jusqu’à un certain point, il mé[[rite]] aussi qu’on sourie de voir avancer un tel terme pour désigner par exemple disons ce qui s’appelle marxisme. Le marxisme ne me semble pas, et à quelque examen que ce soit, fût-ce le plus approximatif…, ne peut passer pour conception du monde. Il est contraire, par toutes sortes de coordonnées tout à fait frappantes de l’énoncé de ce que dit [[Marx]], ce qui ne se confond pas obligatoirement avec la conception du monde marxiste, c’est à proprement parler autre chose que j’appellerai plus formellement un évangile, à savoir une annonce. Une annonce, que quelque chose qui s’appelle l’histoire instaure, une autre dimension du discours, en d’autres termes la possibilité de [[subvertir]] complètement la fonction du discours comme tel, j’entends à proprement parler du discours philosophique en tant que sur lui repose une conception du monde.
 +
 
 +
Le langage s’avère donc beaucoup plus vaste comme champ, beaucoup plus riche de ressources que d’être simplement celui où puisse s’inscrire un discours qui est celui qui, au cours des temps, s ’est instauré du discours philosophique. Ce n’est pas parce qu’il nous est difficile de ne pas du tout en tenir compte pour autant que de ce discours, discours philosophique, certains points de repère sont énoncés et qui sont difficiles à éliminer complètement de tout usage du langage, ce n’est pas à [[cause]] de cela que nous devons à tout prix nous en passer, à condition de nous apercevoir qu’il n’y a rien de plus facile que de retomber dans ce que j’ai appelé ironiquement, voire avec la note comique, « conception du monde », mais qui a un nom plus modéré, bien plus précis et qui s’appelle l’ontologie. L’ ontologie est spécialement ceci qui, d’un certain usage du langage, a mis en valeur, a produit d’une façon accentuée, a produit l’usage dans le langage de la copule, d’une façon telle qu’elle ait été en somme isolée comme signifiant.
 +
 
 +
S’arrêter au verbe être, ce verbe qui n’est même pas, dans le champ complet de la diversité des langues, d’un usage qu’on puisse qualifier d’[[universel]], le produire comme tel est quelque chose qui comporte une accentuation, une accentuation qui est pleine de risques. Pour, si l’on peut dire, la détecter, et même jusqu’à un certain point l’exorciser, il suffirait peut-être d’avancer que rien n’oblige, quand on dit que quoi que ce soit, c’est ce que c’est, d’aucune façon ce « être » de l’isoler, de l’accentuer. Ça se prononce « c’est ce que c’est » et ça pourrait aussi bien s’écrire s-e-s-k-e-c-é qu’on n’y verrait, à cet usage de la copule, que du feu. On n’y verrait que du feu si un discours qui est le discours du maître, discours du maître qui ici peut aussi bien s’écrire m-apostrophe-ê-t-r-e, ce qui met l’accent sur le verbe être c’est ce quelque chose qu’Aristote lui-même regarde à deux fois à avancer puisque, pour ce qui est de l’être qu’il oppose au </font>''to ti esti</font>'', à la quiddité, à ce que ça est, il va jusqu’à employer le </font>''to ti en einai</font>'', à savoir ce qui se serait bien produit si c’était venu à être tout court, ce qui était à être, et il semble que là le pédicule se conserve qui nous permet de situer d’où se produit ce discours de l’être, il est tout simplement celui de l’être à la botte, de l’être aux ordres, ce qui allait être si tu avais entendu ce que je t’ordonne.
 +
 
 +
Toute dimension de l’être se produit de quelque chose qui est dans le fil dans le courant du discours du maître, de celui qui, proférant le signifiant, en attend ce qui est de ses effets de lien, assurément à ne pas négliger, qui est fait de ceci que le signifiant commande, le signifiant est, d’abord et de sa dimension, impératif.
 +
 
 +
Comment, comment retourner, si ce n’est d’un discours spécial, à ce que je pourrais avancer d’une réalité prédiscursive. C’est là ce qui bien entendu est le rêve, le rêve fondateur de toute idée de [[connaissance]], mais ce qui aussi bien est à considérer comme mythique, il n’y a aucune réalité prédiscursive, chaque réalité se fonde et se définit d’un discours. Et c’est bien en cela qu’il importe que nous nous apercevions de quoi est fait le discours analytique, et de ne pas méconnaître ce qui sans doute n’y a qu’une place limitée, à savoir mon Dieu qu’on y parle de ce que le verbe foutre énonce parfaitement, on y parle de foutre, je veux dire le verbe, en anglais </font>''to [[fuck]]</font>'', et on y dit que ça ne va pas. C’est une part importante de ce qui se confie dans le discours analytique et il importe très précisément de souligner que ce n’est pas son privilège.
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Il est clair que, dans ce que j’ai appelé tout à l’heure le discours en l’écrivant presque en un seul mot, le </font>''disque-ourcourant,</font>'' le disque aussi hors champ, hors jeu de tout discours, à savoir le disque tout court, dans le disque qui est bien après tout l’angle sous lequel nous pouvons considérer tout un champ du langage, de celui qui en effet donne bien sa substance, son étoffe à être considéré comme disque, à savoir que ça tourne et que ça tourne très exactement pour rien. Ce disque est exactement ce qui se trouve dans le champ, dans le champ d’où les discours se spécifient, le champ où tout ça se noie, où tout un chacun est capable, est capable, tout aussi capable de s’en énoncer autant mais, par un souci de ce que nous appellerons à très juste titre décence, le fait, mon Dieu, le moins possible. Ce qui fait le fond de la vie, en effet, c’est que tout ce qu’il en est des rapports des hommes et des femmes, ce qu’on appelle collectivité, ça ne va pas. Ça ne va pas, et tout le monde en parle, et une grande partie de notre activité se [[passe]] à le dire. Il n’empêche qu’il n’y a rien de sérieux si ce n’est ce qui s’ordonne d’une autre façon comme discours, jusque et y compris ceci que précisément ce rapport, ce [[rapport sexuel]] en tant qu’il ne va pas, il va quand même, grâce à un certain nombre de conventions, d’interdits, d’inhibitions, de toutes sortes de choses qui sont l’effet du langage, qui ne sont à prendre que de cette étoffe et de ce registre, et qui réduisent très précisément ceci qui tout d’un coup nous fait revenir, nous fait revenir comme il convient au champ du discours. Il n’y a pas la moindre réalité prédiscursive, pour la bonne raison que ce qui fait collectivité et que j’ai appelé en l’évoquant, à l’instant, les hommes, les femmes et les enfants, ça ne veut très exactement rien dire comme réalité prédiscursive, les hommes, les femmes et les enfants, ce ne sont que des signifiants. Un [[homme]], ce n’est rien d’autre qu’un signifiant. Une [[femme]] cherche un homme au titre de signifiant. Un homme cherche une femme au titre, ça va vous paraître curieux, de ce qui ne se situe que du discours, puisque si ce que j’avance est [[vrai]], à savoir que la femme n’est </font>''pas toute</font>'', il y a toujours quelque chose qui chez elle échappe au discours.
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Alors il s’agit de savoir, dans tout cela, ce qui dans un discours se produit de l’effet de l’écrit. Comme vous le savez peut-être, vous le savez en tout cas si vous avez lu ce que j’écris, le signifiant et le signifié c’est pas seulement que la linguistique les ait distingués. La chose peut-être vous paraît aller de soi, mais justement c’est à considérer que les choses vont de soi qu’on ne voit rien de ce qu’on a pourtant devant les yeux, et devant les yeux concernant justement l’écrit.
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S’il y a quelque chose qui peut nous introduire à la dimension de l’écrit comme tel c’est de nous apercevoir que pas plus que le signifié, pas le signifiant, n’a à faire avec les oreilles mais seulement avec la lecture, à savoir de ce qu’on entend de signifié. Mais le signifié c’est justement pas ce qu’on entend, ce qu’on entend c’est le signifiant. Le signifié c’est l’effet du signifiant.
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Il y a quelque chose qui n’est que l’effet du discours, l’effet du discours en tant que tel, c’est-à-dire de quelque chose qui fonctionne déjà comme lien. Eh bien c’est ce quelque chose qui, au niveau d’un écrit, effet de discours scientifique, du S fait pour connoter la place du signifiant et du s dont se connote comme place le signifié, cette fonction de place n’est créée que par le discours lui-même, chacun à sa place ça ne fonctionne que dans le discours. Eh bien entre les deux, il y a la [[barre]].
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Ça n’a l’air de rien quand vous écrivez une barre pour expliquer. Ce mot expliquer a toute son importance parce qu’il n’y a rien moyen de comprendre à une barre, même quand elle est réservée à signifier la [[négation]]. C’est très difficile de comprendre ce que ça veut dire la négation. Si on y regarde d’un peu près on s’apercevra en particulier qu’il y en a une très grande variété, de négations, et qu’il est tout à fait [[impossible]] de réunir toutes les négations sous le même [[concept]]. La négation de l’existence ce n’est pas du tout la même chose que la négation de la totalité, pour me limiter à l’usage que j’ai pu faire de la négation. Mais il y a une chose qui est en tout cas encore plus certaine c’est que le fait d’ajouter la barre à la notation S et s, qui déjà se distinguent très suffisamment, pourrait se soutenir d’être seulement marquée par la distance de l’écrit. Y ajouter la barre a quelque chose de superflu, voire de futile, et en tout cas comme tout ce qui est de l’écrit, comme tout ce qui est de l’écrit ne se supporte que de ceci, c’est que justement l’écrit ça n’est pas à comprendre. C’est bien pour ça que vous n’êtes pas forcés de comprendre les miens. Si vous ne les comprenez pas c’est un bon signe, tant mieux ! ça vous donnera justement l’occasion de les expliquer. La barre, la barre c’est pareil, la barre c’est très précisément le point où, dans tout usage du langage, il y aura l’occasion à ce que se produise l’écrit. Si dans Saussure même, S c’est barre au-dessus de s</font><font class="font3">70</font>, c’est grâce à ça que dans « l’[[Instance]] de la lettre », qui fait partie de mes </font>''Écrits </font>''''<font class="font3">71</font>'''', </font>''j’ai pu vous démontrer d’une façon qui s’écrit, rien de plus, que rien ne se supporte des effets dits de l’[[inconscient]] si grâce à cette barre, s’il n’y avait pas cette barre, rien ne pourrait en être expliqué. Y’a de l’incons…</font><font class="font3"> 72</font> y’a du signifiant, je répète y’a du signifiant qui passe sous la barre, s’il n ’y avait pas de barre, vous ne pourriez pas voir qu’il y a du signifiant qui s’injecte dans le signifié.
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Grâce à l’écrit se manifeste, se manifeste ceci, qui n’est qu’effet de discours, car s’il n’y avait pas de discours analytique vous continueriez à parler très exactement comme des étourneaux, c’est-à-dire à dire ce que je qualifie du </font>''disquourcourant, </font>''c’est-à-dire de continuer le disque, le disque continuant ce quelque chose qui est le point le plus important que révèle le discours analytique seulement, c’est à savoir ceci, c’est à savoir ceci qui ne peut s’articuler que grâce à toute la [[construction]] du discours analytique, c’est que très précisément il n’y a pas, je reviens là-dessus puisqu’après tout c’est la formule que je vous serine, mais de vous la seriner faut-il encore que je l’explique parce qu’elle ne se supporte que de l’écrit précisément, et de l’écrit en ceci, que le rapport sexuel ne peut pas s’écrire.
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C’est ce que ça veut dire, ou plus exactement que tout ce qui est écrit est conditionné de façon telle que ça part, ça part du fait qu’il sera à jamais impossible d’écrire comme tel le rapport sexuel, que l’écriture comme telle est possible, à savoir qu’il y a un certain effet du discours et qui s’appelle l’écriture.
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Qu’est-ce qu’il y a ? On n’entend pas là ? Voyez-vous, on peut</font><font class="font3"> 73</font> à la rigueur écrire x R y, et dire x c’est l’homme, y c’est la femme et grand R c’est le rapport sexuel, pourquoi pas ! Seulement voilà, c’est ce que je vous disais tout à l’heure, n’est-ce pas, c’est une bêtise. C’est une bêtise parce que ce qui se supporte sous la fonction de signifiant, de homme et de femme, ce ne sont que des signifiants, ce ne sont que des signifiant tout à fait liés à cet usage </font>''quourcourant</font>'' du langage. Et s’il y a un discours qui vous le démontre, c’est que la femme ne sera jamais prise, c’est ce que le discours analytique met en jeu, que </font>''quoad matrem</font>'', c’est-à-dire que la femme n’entrera en fonction dans le rapport sexuel qu’en tant que la mère. Ça, c’est des vérités massives et qui, quand nous y regardons de plus près, bien entendu nous mèneront plus loin, mais grâce à quoi, grâce à l’écriture qui d’ailleurs ne fera pas objection à cette première approximation, puisque justement c’est par là qu’elle montrera que c’est une suppléance de ce </font>''pas toute</font>'' sur quoi repose, quoi, la [[jouissance]] de la femme. C’est à savoir que cette jouissance, qu’elle n’est </font>''pas toute</font>'', c’est-à-dire qui quelque part la fait absente d’elle-même, absente en tant que sujet, qu’elle y trouvera le bouchon de ce petit </font>'''a</font>''' que sera son [[enfant]].
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Mais d’un autre côté, du côté de l’x, à savoir de ce qui serait l’homme si ce rapport sexuel pouvait s’écrire d’une façon soutenable, soutenable dans un discours, vous verrez que l’homme n’est qu’un signifiant, parce que là où il entre en jeu comme signifiant, il n’y entre que </font>''quoad castrationem</font>'', c’est-à-dire en tant qu’il a un rapport, un rapport quelconque avec la jouissance phallique. De sorte que c’est à partir du moment, ou de quelque part, d’un discours qui aborde la question sérieusement, du discours analytique, que c’est à partir du moment où ce, ce qui est la condition de l’écrit à savoir qu’il se soutienne d ’un discours, que tout se dérobera et que le rapport sexuel vous ne pourrez jamais l’écrire, naturellement dans la mesure où il s’agit d’un vrai écrit, c’est-à-dire de l’écrit en tant que c’est ce qui, du langage, se conditionne d’un discours.
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La lettre radicalement est effet de discours. Ce qu’il y a de bien, n’est-ce-pas, si vous me permettez, ce qu’il y a de bien dans ce que je raconte c’est que c’est toujours la même chose. C’est à savoir non pas bien sûr que je me répète, c’est pas là la question, c’est que ce que j’ai dit antérieurement, la première fois autant que je me souvienne que j’ai parlé de la lettre, j’étais comme ça, j’ai sorti ça je ne sais plus quand, maintenant je ne veux rechercher, je vous l’ai dit j’ai horreur de me relire, mais il doit bien y avoir quinze ans, quelque part à Ste Anne</font><font class="font3"> 74</font>. J’ai essayé de faire remarquer cette petite chose que tout le monde connaît, bien sûr, que tout le monde connaît quand on lit un peu, ce qui n’arrive pas à tout le monde, qu’un nommé Sir Flanders Petrie</font>''<font class="font3">75</font>'' par exemple avait cru remarquer que les lettres de l’alphabet phénicien se trouvaient bien avant le temps de la Phénicie sur de menues poteries égyptiennes où elles servaient de marques de fabrique</font><font class="font3"> 76</font>. Ce qui veut dire, ce qui veut dire simplement ceci que le marché, qui est typiquement un effet de discours, c’est là que d’abord est sortie la lettre, avant que quiconque ait songé à user des lettres pour faire quoi, quelque chose qui n’a rien à faire, qui n’a rien à faire avec la connotation du signifiant, mais qui l’élabore, qui le perfectionne.
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Il faudrait bien sûr prendre les choses au niveau de l’histoire de chaque [[langue]] parce qu’il est clair que la lettre chinoise, celle qui nous affole tellement que nous appelons ça, Dieu sait pourquoi, d’un nom différent de caractère, en cela la lettre chinoise, à savoir qu’il est manifeste qu’elle est sortie du discours chinois très ancien, d’une façon toute différente de la façon dont sont sorties nos lettres. À savoir qu’en somme, les lettres, les lettres qu’ici je sors, elles ont une valeur différente, différentes comme lettres parce qu’elles sortent du discours analytique, de ce qui peut sortir comme lettre par exemple de la théorie des ensembles, à savoir l’usage qu’on en fait, et qui pourtant, c’est là l’intérêt, n’est pas sans avoir le rapport, un certain rapport de convergence sur lequel j’aurai certainement, dans ce qui sera la suite, l’occasion d’apporter quelques développements : la lettre en tant qu’effet… n’importe quel effet de discours a ceci de bon qu’il fait de la lettre.
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Alors mon Dieu, pour terminer, pour terminer aujourd’hui ce qui n’est qu’une amorce que j’aurai l’occasion de développer, ce que je reprendrai à propos en vous distinguant, en discernant par exemple, la différence qu’il y a de l’usage de la lettre dans l’algèbre ou de l’usage de la lettre dans la théorie des ensembles, parce que ceci nous intéresse directement. Mais pour l’instant, je veux simplement vous faire remarquer qu’il se produit quand même quelque chose qui est corrélatif de l’émergence au monde…
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au monde, c’est le cas de le dire, au monde en décomposition, Dieu merci, n’est-ce pas, au monde que nous voyons ne plus tenir puisque même dans le discours scientifique il est clair qu’il n’y a, y’a, y’a, y’a, y’a pas le moindre monde à partir du moment où vous pouvez ajouter aux atomes un truc qui s’appelle le </font>''quark</font>'', et, et, et que vous trouvez en plus que c’est là le vrai fil du discours scientifique.
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Vous devez quand même vous rendre compte qu’il s’agit d’autre chose, qu’il s’agit de voir d’où on part. Eh bien référez-vous quand même, parce que c’ est une bonne lecture, il faut que vous vous mettiez tout de même à lire un peu, un peu enfin des auteurs, je ne dirai pas de votre temps, bien sûr je ne vous dirai pas de lire Philippe Sollers, il est illisible, bien sûr comme moi, oui mais vous pouvez lire [[Joyce]] par exemple. Alors là vous verrez comment ça a commencé de se produire. Vous verrez que le langage se perfectionne et sait jouer, sait jouer avec l’écriture. Joyce, moi je veux bien que ça ne soit pas lisible. Ce n’est certainement pas </font>''traductible</font>'' en chinois !
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Seulement Joyce qu’est-ce que c’est, c’est exactement ce que je vous ai dit tout à l’heure : c’est le signifiant qui vient truffer le signifié. Joyce c’est, c’est un long texte écrit, lisez </font>''Finnegan’s Wake</font>''''<font class="font3"> 77</font>'', c’est un long texte écrit qui, dont le sens provient de ceci c’est que c’est du fait que les signifiants s’emboîtent, se composent, si vous voulez pour faire image à ceux qui ici n’ont même pas l’idée de ce que c’est, se télescopent, que c’est avec ça que se pr oduit quelque chose qui, comme signifié peut paraître énigmatique, mais qui est bien ce qu’il y a de plus proche de ce que nous autres analystes, grâce au discours analytique, nous savons le lire, qui est ce qu’il y a de plus proche du [[lapsus]]. Et c’est au titre de lapsus que ça signifie quelque chose, c’est-à-dire que ça peut se lire d’une infinité de façons différentes. Mais c’est justement pour ça que ça se lit mal, ou que ça se lit de travers, ou que ça ne se lit pas. Mais cette dimension du se lire, est-ce que ce n’est pas suffisant pour montrer que nous sommes dans le registre du discours analytique, que ce dont il s’agit dans le discours analytique c’est toujours à ce qui s’énonce de signifiant que vous donniez une autre lecture que ce qu’il signifie.
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Mais c’est là que commence la question. Parce que voyons pour me faire comprendre je vais prendre une référence comme ça dans ce que vous lisez dans le grand livre du monde. Par exemple vous voyez le vol d’une abeille, comme ça le vol d’une abeille, elle vole, elle butine, elle va de fleur en fleur. Ce que vous apprenez c’est qu’elle va transporter au bout de ses pattes le pollen d’une fleur sur le pistil du même coup aux œufs d’une autre fleur, ça c’est ce que vous lisez dans le vol de l’abeille. Ou n’importe quoi d’autre, vous voyez, je ne sais pas moi, quelque chose que vous appelez comme ça, un vol d’oiseaux qui volent bas par exemple vous appelez ça un vol, c’est en réalité un groupe à un certain niveau vous y lisez qu’il va faire de l’orage, mais est-ce qu’eux ils lisent ? Est-ce que l’abeille lit qu ’elle sert à la reproduction des plantes phanérogamiques ? Est-ce que l’oiseau lit l’augure de la fortune, comme on disait autrefois, c’est-à-dire de la tempête</font><font class="font3"> 78 </font>? Toute la question est là. C’est pas exclu après tout que l’hirondelle ne lise pas la tempête, mais c’est pas sûr non plus.
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Ce qu’il y a dans votre discours analytique c’est que le sujet, le sujet de l’inconscient vous le supposez, vous le supposez savoir lire. Ça n’est rien d’autre votre histoire de l’inconscient. C’est que non seulement vous le supposez savoir lire, mais vous le supposez pouvoir apprendre à lire. Seulement ce que vous lui apprenez à lire n’a alors absolument rien à faire, en aucun cas, avec ce que vous pouvez en écrire. Voilà.
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'''[[Notes]]</font>'''</div>
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<font class="font4">65 Sortie du livre XI, Les quatre [[concepts]] fondamentaux de la [[psychanalyse]], [[Paris]], Seuil, 1973. Établissement de J.A. [[Miller]].
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<font class="font4">66« De ce que j’enseigne », conférence au groupe de l’Évolution psychiatrique le 23-1-62.
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<font class="font4">67Il y a la fin de cette phrase une ambiguïté entre les traits et les barres, Lacan utilisant le terme de barre pour ce qu’il vient d’appeler [[trait]]. Nous considérons que les barres séparent les lettres comme ceci : et que les traits les relient comme cela : ici dans le discours de l’[[analyste]] dont il est question dans ce passage. Le trait manquant, sur les six possibles, étant celui de l’étage inférieur, conformément à ce que Lacan a énoncé précédemment (voir, entre autre, la séance du 11-3-70 de La psychanalyse à l’envers).
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<font class="font4">68 Lacan écrit effectivement au tableau.
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<font class="font4">69 En 1935, sept mathématiciens, Henri Carton, Claude Chevalley, Jean Delsarte, Szolem Mandelbrojt, René de Possel, André Weil et Jean Dieudonné fondaient le groupe Bourbaki, du nom d’un général de Bonaparte.
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<font class="font4">70 Lacan impute à Saussure l’écriture </font><u><font class="font4">S.</font></u><font class="font4"> Saussure, lui, dessine : in Cours de linguistique générale, Chap. IV, la valeur linguistique, Paris, Payot, 1992, p.158.
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<font class="font4">71 [[Jacques Lacan]], Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 493-528.
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<font class="font4">72 Lacan tonne ce lapsus…«Y’a de l’incons…» et se reprend :» y’a du signifiant».
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<font class="font4">73 Lacan hurle sur « peut ».
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<font class="font4">74 Jacques Lacan, «La lettre volée », séminaire du 26-4-1955.
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<font class="font4">75 Sir Flanders Petrie, The [[formation]] of the alphabet, [[London]], MacMillan and co, 1912.
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<font class="font4">76 «Et ceci nous en avons des attestations historiques, car quelqu’un qui s’appelle Sir Flanders Petrie a montré que bien avant la naissance des caractères hiéroglyphes, sur les poteries qui nous restent de l’industrie dite prédynastique nous trouvons comme marques sur les poteries, à peu près toutes les formes qui sont trouvées utilisées par la suite, c’est-à-dire, après une longue évolution historique, dans l’alphabet grec, étrusque, [[latin]], phénicien, tout ce qui nous intéresse au plus haut chef comme caractéristique de l’écriture». Séminaire L’[[identification]] du 20 décembre 1961 (établissement critique par M. Roussan)
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<font class="font4">77 [[James]] Joyce, Finnegan’s Wake, Paris, Gallimard, I982.
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<font class="font4">78 Au XIII° siècle, fortune avait le sens de malchance, malheur et était utilisée dans l’acception spéciale de tempête.
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'''<font class="font0">Revista de Psicoanálisis y Cultura </font>'''<div><center>'''<font class="font1">Número 13 - Julio 2001 </font>'''</center></div>
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<div><center>'''<font class="font1">www.acheronta.org</font>'''</center></div>
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Revision as of 21:44, 7 July 2019

Encore
Séminaire de Jacques Lacan
Version VRMNAGRLSOFAFBYPMB
 

<poem style="border: 2px solid #d6d2c5; background-color: #f9f4e6; padding: 1em;">

Mardi 9 janvier 1973

Bon, ben, je vais vous souhaiter la bonne année, c’est pas encore tout à fait l’heure, je me passerai de commentaires à propos de ces vœux que après tout on peut considérer comme banaux.

Et puis je vais entrer tout doucement dans ce que je vous ai réservé pour aujourd’hui, qui… qu’est-ce qui ne va pas ? où est-ce qu’on ne m’entend pas ? ce que je vous ai réservé pour aujourd’hui qui est à mes risques, qui, comme vous allez le voir, ou peut-être ne pas le voir, qui sait ? en tout cas à moi, avant de commencer me paraît casse-gueule.

Pour mettre un titre comme ça, ce que je vais vous dire va être centré, puisqu’en somme il s’agit encore de quelque chose qui est le discours analytique, il s’agit de la façon dont, dans ce discours, nous avons à situer la fonction de l’écrit. Évidemment il y a là-dedans de l’anecdote, à savoir qu’un jour j’ai écrit sur la page d’un recueil que je sortais, ce que j’ai appelé la poubellication, je n’ai pas trouvé mieux à écrire sur, sur la page d’enveloppe de ce recueil que le mot Écrits.

Ces Écrits, il est assez connu disons qu’ils ne se lisent pas facilement. Je peux vous faire, comme ça, un petit aveu autobiographique, c’est que en écrivant Écrits c’est très précisément ce que je pensais, ça va peut-être même jusque là que je pensais qu’ils n’étaient pas à lire.

En tout cas c’est un bon départ. Bien entendu que la lettre ça se lit, ça semble même être fait comme ça dans le prolongement du mot, se lit et littéralement. Mais justement ce n’est peut-être pas du tout la même chose de lire une lettre ou bien de lire. Pour introduire ça d’une façon qui, qui fasse image, je ne veux pas partir tout de suite du discours analytique. Il est bien évident pourtant que dans le discours analytique il ne s’agit que de ça, de ce qui se lit, de ce qui se lit au-delà de ce que vous avez incité le sujet à dire, qui est comme je l’ai souligné dans ce passage la dernière fois, qui n’est pas tellement de tout dire que de dire n’importe quoi. Et j’ai poussé la chose plus loin, ne pas hésiter car c’est la règle, ne pas hésiter à dire ce dont j’ai introduit cette année la dimension comme étant essentielle au discours analytique, à dire des bêtises.

Naturellement ça suppose que nous développions cette dimension et ceci ne peut pas se faire sans le dire. Qu’est-ce que c’est que la dimension de la bêtise ? La bêtise, au moins celle-ci qu’on peut proférer c’est que la bêtise ne va pas loin. Dans le discours, discours courant, elle tourne court. C’est bien sûr ce quelque chose dont, si je puis dire, je m’assure quand je fais cette chose que je ne fais jamais sans tremblement, à savoir de retourner à ce que dans le temps j’ai proféré. Ça me fait toujours une sainte peur, la peur justement d’avoir dit des bêtises, c’est-à-dire quelque chose que en raison de ce que j’avance maintenant, je pourrais considérer comme tenant pas le coup.

Grâce à quelqu’un qui a repris ce séminaire annoncé le premier 65 de l’École Normale et qui va sortir bientôt, j’ai pu avoir, ce qui ne m’est pas souvent réservé puisque comme je vous le dis j’en évite moi-même le risque, j’ai pu avoir le sentiment que je rencontre quelquefois à l’ épreuve, que ce que cette année-là par exemple j’ai avancé n’était pas si bête, ne l’était pas moins, tant que de m’avoir permis d’avancer d’autres choses dont il me semble, parce que j’y suis maintenant, qu’elles se tiennent.

Il n’en reste pas moins que ce « se relire » représente une dimension, une dimension qui est à situer proprement dans ce que c’est que, au regard du discours analytique, la fonction de ce qui se lit. Le discours analytique a à cet égard un privilège, il paraît difficile. Et c’est de là que je suis parti, dans ce qui m’a fait date « De ce que j’enseigne 66 », comme je me suis exprimé, qui ne veut peut-être pas tout à fait dire ce que ça avait l ’air d’énoncer, à savoir mettre l’accent sur le « je », à savoir ce que je puis proférer, mais peut-être aussi de mettre l’accent sur le « de », c’est-à-dire d’où ça vient, un enseignement dont je suis l’effet.

Depuis j’ai mis l’accent sur ce que j’ai fondé d’une articulation précise, celle qui s’écrit justement, s’écrit au tableau de quatre lettres, de deux barres et de quelques traits, nommément cinq qui relient chacune de ces lettres, une de ces barres, puisqu’il y en a quatre, il pourrait y en avoir six, une de ces barres manquant 67. Ce qui de cette façon s’écrit, et que j’appelle discours analytique. Ceci est parti d’un rappel, d’un rappel, d’un rappel initial, d’un rappel premier, c’est à savoir que le discours analytique est ce mode de rapport nouveau qui s’est fondé seulement de ce qui fonctionne comme parole, et ce dans quelque chose qu’on peut définir comme un champ : « Fonction et champ », ai-je écrit justement, « de la parole et du langage », j’ai terminé, « en psychanalyse». Ce qui était désigné, désigné, ce qui fait l’originalité d’un certain discours, qui n’est pas homogène à un certain nombre d’autres qui font office, et que seulement de ce fait nous allons distinguer d’être discours officiels, il s’agit jusqu’à un certain point de discerner quel est l’office du discours analytique et de le rendre, lui aussi, sinon officiel, du moins officiant. C’est dans ce discours tel qu’il est dans sa fonction et son office, qu’il s’agit d’y cerner, c’est aujourd’hui la voie que je prends, ce que peut ce discours révéler de la situation très particulière de l’écrit quant à ce qui est du langage. C’est une question qui est très à l’ordre du jour si je puis m’exprimer ainsi. Néanmoins ça n’est pas à cette pointe d’actualité que je voudrais tout de suite en venir. J’entends particulièrement préciser quelle peut être, si elle est spécifique, quelle peut être la fonction de l’écrit dans le discours analytique.

Chacun sait que j’ai produit, avancé l’usage pour permettre d’expliquer les fonctions de ce discours, d’un certain nombre de lettres, très nommément pour les récrire au tableau 68 : le petit a que j’appelle objet mais qui quand même n’est rien qu’une lettre, le grand A que je fais fonctionner dans ce qui de la proposition n’a pris que formule écrite, qui est production de la logico-mathématique ou de la mathématico-logique, comme vous voudrez l’énoncer. Ce grand A, je n’en ai pas fait n’ importe quoi, j’en désigne ce qui d’abord est un lieu, une place. J’ai dit le lieu de l’Autre, comme tel, désigné par une lettre.

En quoi une lettre peut-elle servir à désigner un lieu ? Il est clair qu’il y a là quelque chose d’abusif. Et que quand vous ouvrez par exemple la première page de ce qui a été enfin réuni sous la forme d’une édition définitive sous le titre de La théorie des ensembles et sous le chef d’auteurs fictifs qui se dénomment du nom de Nicolas Bourbaki 69, ce que vous voyez c’est la mise en jeu d’un certain nombre de signes logiques. Ces signes logiques précisément désignent, en particulier l’un d’entre eux, la fonction « place » comme telle. Ce signe logique est désigné, écrit par un petit carré.

Je n’ai donc pas d’abord, à proprement parler, fait un usage strict de la lettre quand j’ai dit que le lieu de l’Autre se symbolisait par la lettre A. Par contre je l’ai marqué en le redoublant de ce grand S qui ici veut dire signifiant, signifiant du A en tant qu’il est barré : S(A). Par là, j’ai articulé dans l’écrit, dans la lettre, quelque chose qui ajoute une dimension à ce lieu du grand A, et très précisément en montrant que comme lieu il ne tient pas, qu’il y a en ce lieu, en ce lieu désigné de l’Autre une faille, un trou, un lieu de perte et que c’est précisément de ce qui, au niveau de l’objet petit a, vient fonctionner au regard de cette perte, que quelque chose est avancé de tout à fait essentiel à la fonction du langage.

J’ai usé aussi de cette lettre F, je parle de ce que j’ai introduit qui fonctionne comme lettre, qui introduit comme telle une dimension nouvelle. J’ai utilisé, le distinguant de la fonction seulement signifiante qui se promeut dans la théorie analytique jusque là du terme du phallus, j’ai avancé grand F comme constituant quelque chose d’original, quelque chose que je spécifie ici, aujourd’hui, d’être précisé dans son relief par l’écrit même. C’est une lettre dont la fonction se distingue des autres, c’est d’ailleurs bien pour cela que ces trois lettres sont différentes. Elles n’ont pas la même fonction, comme déjà vous pouvez l’avoir senti de ce que j’ai d’abord énoncé de S(A) et du petit a. Elle est une fonction différente, et pourtant elle reste une lettre.

C’est très précisément de montrer le rapport que, de ce que ces lettres introduisent dans la fonction du signifiant qu’il s’agit aujourd’hui de discerner, ce que nous pouvons, à reprendre le fil du discours analytique, en avancer. Je propose, je propose ceci, c’est que vous considériez l’écrit comme n’étant nullement du même registre, du même tabac, si vous me permettez ces sortes d’expressions qui peuvent avoir bien leur utilité, que ce qu’on appelle le signifiant.

Le signifiant c’est une dimension qui a été introduite de la linguistique, c’est-à-dire de quelque chose qui, dans le champ où se produit la parole, ne va pas de soi. Un discours le soutient qui est le discours scientifique. Un certain ordre de dissociation, de division est introduit par la linguistique, grâce à quoi se fonde la distinction de ce qui semble pourtant aller de soi, c’est que quand on parle ça signifie, ça comporte le signifié. Bien plus, jusqu’à un certain point, ça ne se supporte que de la fonction de signification.

Introduire, distinguer la dimension du signifiant c’est quelque chose qui ne prend relief précisément que de poser que le signifiant comme tel, très précisément ce que vous entendez au sens où je dirai littéralement auditif du terme, au moment où ici où je suis et de là où je suis je vous parle, c’est poser très précisément ceci, mais par un acte original, que ce que vous entendez n’a avec ce que ça signifie, n’a avec ce que ça signifie aucun rapport. C’est là un acte qui ne s’institue que d’un discours dit discours scientifique. Cela ne va pas de soi. Et ça va même tellement peu de soi que ce que vous voyez sortir d’un dialogue qui n’est pas d’une mauvaise plume puisque c’est le Cratyle du nommé Platon, ça va tellement peu de soi que tout ce discours est fait de l’effort de faire que justement ce rapport, ce rapport qui fait que ce qui s’énonce c’est fait pour signifier, et que ça doit bien avoir quelque rapport, tout ce dialogue est tentative, que nous pouvons dire, d’où nous sommes, être désespérée, pour faire que ce signifiant de soi-même soit présumé vouloir dire quelque chose. Cette tentative désespérée est d’ailleurs marquée de l’échec, puisque c’est d’un autre discours, mais d’un discours qui comporte sa dimension originale, discours scientifique, qu’il se promeut, qu’il se produit et d’une façon si je puis dire dont il n’y a pas à chercher l’histoire, qu’il se produit de l’instauration même de ce discours que le signifiant ne se pose que d’avoir aucun rapport.

Les termes là dont on use sont toujours eux-mêmes glissants. Même un linguiste aussi pertinent qu’a pu l’être Ferdinand de Saussure parle d’arbitraire. Mais c’est là glissement, glissement dans un autre discours, le discours du décret, ou pour mieux dire discours du maître pour l’appeler par son nom. L’arbitraire n’est pas ce qui convient. Mais d’un autre côté nous devons toujours faire attention quand nous développons un discours si nous voulons rester dans son champ même et ne pas perpétuellement produire ces effets de rechute, si je puis dire, dans un autre discours, nous devons tenter de donner à chaque discours sa consistance et pour maintenir sa consistance, n’en sortir qu’à bon escient. Dire que le signifiant est arbitraire n’a pas la même portée que de dire simplement que le signifiant n’a pas de rapport avec son effet de signifié.

C’est ainsi qu’à chaque instant, et plus que jamais dans le cas où il s’agit d’avancer comme fonction ce qu’est un discours, nous devons au moins à chaque fois, à chaque instant, noter ce en quoi nous glissons dans une autre référence. Le mot référence en l’occasion ne pouvant se situer que de ce que constitue comme lien le discours comme tel. Il n’y a rien à quoi le signifiant comme tel se réfère si ce n’est à un discours, à un mode de fonctionnement du langage, à une utilisation comme lien du langage. Encore faut-il préciser à cette occasion ce que veut dire, ce que veut dire le lien. Le lien, bien sûr, nous ne pouvons qu’y glisser immédiatement. C’est un lien entre ceux qui parlent, et vous voyez tout de suite où nous allons, à savoir que ceux qui parlent, bien sûr, ce n’est pas n’importe qui, ce sont des êtres que nous sommes habitués à qualifier de vivants, et peut-être est-il très difficile d’exclure de ceux qui parlent cette dimension qui est celle de la vie, à moins que nous ne nous apercevions aussitôt, ce qui se touche du doigt, que, dans le champ de ceux qui parlent, il nous est très difficile de faire entrer la fonction de la vie sans faire en même temps entrer la fonction de la mort, et que de là résulte une ambiguïté signifiante justement qui est tout à fait radicale, de ce qui peut être avancé comme étant fonction de vie ou bien de mort.

Il est tout à fait clair que rien ne conduit de façon plus directe à ceci que le quelque chose d’où seulement la vie peut se définir, à savoir la reproduction d’un corps, cette fonction de reproduction elle-même, ne peut s’intituler ni spécialement de la vie, ni spécialement de la mort, puisque comme telle, en tant que cette reproduction est sexuée, comme telle elle comporte les deux, vie et mort.

Mais déjà, rien qu’à nous avancer dans ce quelque chose qui est déjà dans le fil, dans le courant du discours analytique, nous avons fait ce saut, ce glissement qui s’appelle conception du monde, qui doit bien pourtant pour nous être considérée comme ce qu’il y a de plus comique, à savoir que nous devons toujours faire très attention que ce terme conception du monde suppose lui-même un tout autre discours, qu’il est, qu’il fait partie de celui de la philosophie, que rien après tout n’est moins assuré, si l’on sort du discours philosophique, que l’existence comme telle d’un monde. Qu’il n’y a souvent que l’occasion, l’occasion de sourire dans ce qui est avancé par exemple du discours analytique comme comportant quelque chose qui soit de l’ordre d’une telle conception. Je dirai même plus loin que, jusqu’à un certain point, il mérite aussi qu’on sourie de voir avancer un tel terme pour désigner par exemple disons ce qui s’appelle marxisme. Le marxisme ne me semble pas, et à quelque examen que ce soit, fût-ce le plus approximatif…, ne peut passer pour conception du monde. Il est contraire, par toutes sortes de coordonnées tout à fait frappantes de l’énoncé de ce que dit Marx, ce qui ne se confond pas obligatoirement avec la conception du monde marxiste, c’est à proprement parler autre chose que j’appellerai plus formellement un évangile, à savoir une annonce. Une annonce, que quelque chose qui s’appelle l’histoire instaure, une autre dimension du discours, en d’autres termes la possibilité de subvertir complètement la fonction du discours comme tel, j’entends à proprement parler du discours philosophique en tant que sur lui repose une conception du monde.

Le langage s’avère donc beaucoup plus vaste comme champ, beaucoup plus riche de ressources que d’être simplement celui où puisse s’inscrire un discours qui est celui qui, au cours des temps, s ’est instauré du discours philosophique. Ce n’est pas parce qu’il nous est difficile de ne pas du tout en tenir compte pour autant que de ce discours, discours philosophique, certains points de repère sont énoncés et qui sont difficiles à éliminer complètement de tout usage du langage, ce n’est pas à cause de cela que nous devons à tout prix nous en passer, à condition de nous apercevoir qu’il n’y a rien de plus facile que de retomber dans ce que j’ai appelé ironiquement, voire avec la note comique, « conception du monde », mais qui a un nom plus modéré, bien plus précis et qui s’appelle l’ontologie. L’ ontologie est spécialement ceci qui, d’un certain usage du langage, a mis en valeur, a produit d’une façon accentuée, a produit l’usage dans le langage de la copule, d’une façon telle qu’elle ait été en somme isolée comme signifiant.

S’arrêter au verbe être, ce verbe qui n’est même pas, dans le champ complet de la diversité des langues, d’un usage qu’on puisse qualifier d’universel, le produire comme tel est quelque chose qui comporte une accentuation, une accentuation qui est pleine de risques. Pour, si l’on peut dire, la détecter, et même jusqu’à un certain point l’exorciser, il suffirait peut-être d’avancer que rien n’oblige, quand on dit que quoi que ce soit, c’est ce que c’est, d’aucune façon ce « être » de l’isoler, de l’accentuer. Ça se prononce « c’est ce que c’est » et ça pourrait aussi bien s’écrire s-e-s-k-e-c-é qu’on n’y verrait, à cet usage de la copule, que du feu. On n’y verrait que du feu si un discours qui est le discours du maître, discours du maître qui ici peut aussi bien s’écrire m-apostrophe-ê-t-r-e, ce qui met l’accent sur le verbe être c’est ce quelque chose qu’Aristote lui-même regarde à deux fois à avancer puisque, pour ce qui est de l’être qu’il oppose au to ti esti, à la quiddité, à ce que ça est, il va jusqu’à employer le to ti en einai, à savoir ce qui se serait bien produit si c’était venu à être tout court, ce qui était à être, et il semble que là le pédicule se conserve qui nous permet de situer d’où se produit ce discours de l’être, il est tout simplement celui de l’être à la botte, de l’être aux ordres, ce qui allait être si tu avais entendu ce que je t’ordonne.

Toute dimension de l’être se produit de quelque chose qui est dans le fil dans le courant du discours du maître, de celui qui, proférant le signifiant, en attend ce qui est de ses effets de lien, assurément à ne pas négliger, qui est fait de ceci que le signifiant commande, le signifiant est, d’abord et de sa dimension, impératif.

Comment, comment retourner, si ce n’est d’un discours spécial, à ce que je pourrais avancer d’une réalité prédiscursive. C’est là ce qui bien entendu est le rêve, le rêve fondateur de toute idée de connaissance, mais ce qui aussi bien est à considérer comme mythique, il n’y a aucune réalité prédiscursive, chaque réalité se fonde et se définit d’un discours. Et c’est bien en cela qu’il importe que nous nous apercevions de quoi est fait le discours analytique, et de ne pas méconnaître ce qui sans doute n’y a qu’une place limitée, à savoir mon Dieu qu’on y parle de ce que le verbe foutre énonce parfaitement, on y parle de foutre, je veux dire le verbe, en anglais to fuck, et on y dit que ça ne va pas. C’est une part importante de ce qui se confie dans le discours analytique et il importe très précisément de souligner que ce n’est pas son privilège.

Il est clair que, dans ce que j’ai appelé tout à l’heure le discours en l’écrivant presque en un seul mot, le disque-ourcourant, le disque aussi hors champ, hors jeu de tout discours, à savoir le disque tout court, dans le disque qui est bien après tout l’angle sous lequel nous pouvons considérer tout un champ du langage, de celui qui en effet donne bien sa substance, son étoffe à être considéré comme disque, à savoir que ça tourne et que ça tourne très exactement pour rien. Ce disque est exactement ce qui se trouve dans le champ, dans le champ d’où les discours se spécifient, le champ où tout ça se noie, où tout un chacun est capable, est capable, tout aussi capable de s’en énoncer autant mais, par un souci de ce que nous appellerons à très juste titre décence, le fait, mon Dieu, le moins possible. Ce qui fait le fond de la vie, en effet, c’est que tout ce qu’il en est des rapports des hommes et des femmes, ce qu’on appelle collectivité, ça ne va pas. Ça ne va pas, et tout le monde en parle, et une grande partie de notre activité se passe à le dire. Il n’empêche qu’il n’y a rien de sérieux si ce n’est ce qui s’ordonne d’une autre façon comme discours, jusque et y compris ceci que précisément ce rapport, ce rapport sexuel en tant qu’il ne va pas, il va quand même, grâce à un certain nombre de conventions, d’interdits, d’inhibitions, de toutes sortes de choses qui sont l’effet du langage, qui ne sont à prendre que de cette étoffe et de ce registre, et qui réduisent très précisément ceci qui tout d’un coup nous fait revenir, nous fait revenir comme il convient au champ du discours. Il n’y a pas la moindre réalité prédiscursive, pour la bonne raison que ce qui fait collectivité et que j’ai appelé en l’évoquant, à l’instant, les hommes, les femmes et les enfants, ça ne veut très exactement rien dire comme réalité prédiscursive, les hommes, les femmes et les enfants, ce ne sont que des signifiants. Un homme, ce n’est rien d’autre qu’un signifiant. Une femme cherche un homme au titre de signifiant. Un homme cherche une femme au titre, ça va vous paraître curieux, de ce qui ne se situe que du discours, puisque si ce que j’avance est vrai, à savoir que la femme n’est pas toute, il y a toujours quelque chose qui chez elle échappe au discours.

Alors il s’agit de savoir, dans tout cela, ce qui dans un discours se produit de l’effet de l’écrit. Comme vous le savez peut-être, vous le savez en tout cas si vous avez lu ce que j’écris, le signifiant et le signifié c’est pas seulement que la linguistique les ait distingués. La chose peut-être vous paraît aller de soi, mais justement c’est à considérer que les choses vont de soi qu’on ne voit rien de ce qu’on a pourtant devant les yeux, et devant les yeux concernant justement l’écrit.

S’il y a quelque chose qui peut nous introduire à la dimension de l’écrit comme tel c’est de nous apercevoir que pas plus que le signifié, pas le signifiant, n’a à faire avec les oreilles mais seulement avec la lecture, à savoir de ce qu’on entend de signifié. Mais le signifié c’est justement pas ce qu’on entend, ce qu’on entend c’est le signifiant. Le signifié c’est l’effet du signifiant.

Il y a quelque chose qui n’est que l’effet du discours, l’effet du discours en tant que tel, c’est-à-dire de quelque chose qui fonctionne déjà comme lien. Eh bien c’est ce quelque chose qui, au niveau d’un écrit, effet de discours scientifique, du S fait pour connoter la place du signifiant et du s dont se connote comme place le signifié, cette fonction de place n’est créée que par le discours lui-même, chacun à sa place ça ne fonctionne que dans le discours. Eh bien entre les deux, il y a la barre.

Ça n’a l’air de rien quand vous écrivez une barre pour expliquer. Ce mot expliquer a toute son importance parce qu’il n’y a rien moyen de comprendre à une barre, même quand elle est réservée à signifier la négation. C’est très difficile de comprendre ce que ça veut dire la négation. Si on y regarde d’un peu près on s’apercevra en particulier qu’il y en a une très grande variété, de négations, et qu’il est tout à fait impossible de réunir toutes les négations sous le même concept. La négation de l’existence ce n’est pas du tout la même chose que la négation de la totalité, pour me limiter à l’usage que j’ai pu faire de la négation. Mais il y a une chose qui est en tout cas encore plus certaine c’est que le fait d’ajouter la barre à la notation S et s, qui déjà se distinguent très suffisamment, pourrait se soutenir d’être seulement marquée par la distance de l’écrit. Y ajouter la barre a quelque chose de superflu, voire de futile, et en tout cas comme tout ce qui est de l’écrit, comme tout ce qui est de l’écrit ne se supporte que de ceci, c’est que justement l’écrit ça n’est pas à comprendre. C’est bien pour ça que vous n’êtes pas forcés de comprendre les miens. Si vous ne les comprenez pas c’est un bon signe, tant mieux ! ça vous donnera justement l’occasion de les expliquer. La barre, la barre c’est pareil, la barre c’est très précisément le point où, dans tout usage du langage, il y aura l’occasion à ce que se produise l’écrit. Si dans Saussure même, S c’est barre au-dessus de s70, c’est grâce à ça que dans « l’Instance de la lettre », qui fait partie de mes Écrits '71', j’ai pu vous démontrer d’une façon qui s’écrit, rien de plus, que rien ne se supporte des effets dits de l’inconscient si grâce à cette barre, s’il n’y avait pas cette barre, rien ne pourrait en être expliqué. Y’a de l’incons… 72 y’a du signifiant, je répète y’a du signifiant qui passe sous la barre, s’il n ’y avait pas de barre, vous ne pourriez pas voir qu’il y a du signifiant qui s’injecte dans le signifié.

Grâce à l’écrit se manifeste, se manifeste ceci, qui n’est qu’effet de discours, car s’il n’y avait pas de discours analytique vous continueriez à parler très exactement comme des étourneaux, c’est-à-dire à dire ce que je qualifie du disquourcourant, c’est-à-dire de continuer le disque, le disque continuant ce quelque chose qui est le point le plus important que révèle le discours analytique seulement, c’est à savoir ceci, c’est à savoir ceci qui ne peut s’articuler que grâce à toute la construction du discours analytique, c’est que très précisément il n’y a pas, je reviens là-dessus puisqu’après tout c’est la formule que je vous serine, mais de vous la seriner faut-il encore que je l’explique parce qu’elle ne se supporte que de l’écrit précisément, et de l’écrit en ceci, que le rapport sexuel ne peut pas s’écrire.

C’est ce que ça veut dire, ou plus exactement que tout ce qui est écrit est conditionné de façon telle que ça part, ça part du fait qu’il sera à jamais impossible d’écrire comme tel le rapport sexuel, que l’écriture comme telle est possible, à savoir qu’il y a un certain effet du discours et qui s’appelle l’écriture.

Qu’est-ce qu’il y a ? On n’entend pas là ? Voyez-vous, on peut 73 à la rigueur écrire x R y, et dire x c’est l’homme, y c’est la femme et grand R c’est le rapport sexuel, pourquoi pas ! Seulement voilà, c’est ce que je vous disais tout à l’heure, n’est-ce pas, c’est une bêtise. C’est une bêtise parce que ce qui se supporte sous la fonction de signifiant, de homme et de femme, ce ne sont que des signifiants, ce ne sont que des signifiant tout à fait liés à cet usage quourcourant du langage. Et s’il y a un discours qui vous le démontre, c’est que la femme ne sera jamais prise, c’est ce que le discours analytique met en jeu, que quoad matrem, c’est-à-dire que la femme n’entrera en fonction dans le rapport sexuel qu’en tant que la mère. Ça, c’est des vérités massives et qui, quand nous y regardons de plus près, bien entendu nous mèneront plus loin, mais grâce à quoi, grâce à l’écriture qui d’ailleurs ne fera pas objection à cette première approximation, puisque justement c’est par là qu’elle montrera que c’est une suppléance de ce pas toute sur quoi repose, quoi, la jouissance de la femme. C’est à savoir que cette jouissance, qu’elle n’est pas toute, c’est-à-dire qui quelque part la fait absente d’elle-même, absente en tant que sujet, qu’elle y trouvera le bouchon de ce petit a que sera son enfant.

Mais d’un autre côté, du côté de l’x, à savoir de ce qui serait l’homme si ce rapport sexuel pouvait s’écrire d’une façon soutenable, soutenable dans un discours, vous verrez que l’homme n’est qu’un signifiant, parce que là où il entre en jeu comme signifiant, il n’y entre que quoad castrationem, c’est-à-dire en tant qu’il a un rapport, un rapport quelconque avec la jouissance phallique. De sorte que c’est à partir du moment, ou de quelque part, d’un discours qui aborde la question sérieusement, du discours analytique, que c’est à partir du moment où ce, ce qui est la condition de l’écrit à savoir qu’il se soutienne d ’un discours, que tout se dérobera et que le rapport sexuel vous ne pourrez jamais l’écrire, naturellement dans la mesure où il s’agit d’un vrai écrit, c’est-à-dire de l’écrit en tant que c’est ce qui, du langage, se conditionne d’un discours.

La lettre radicalement est effet de discours. Ce qu’il y a de bien, n’est-ce-pas, si vous me permettez, ce qu’il y a de bien dans ce que je raconte c’est que c’est toujours la même chose. C’est à savoir non pas bien sûr que je me répète, c’est pas là la question, c’est que ce que j’ai dit antérieurement, la première fois autant que je me souvienne que j’ai parlé de la lettre, j’étais comme ça, j’ai sorti ça je ne sais plus quand, maintenant je ne veux rechercher, je vous l’ai dit j’ai horreur de me relire, mais il doit bien y avoir quinze ans, quelque part à Ste Anne 74. J’ai essayé de faire remarquer cette petite chose que tout le monde connaît, bien sûr, que tout le monde connaît quand on lit un peu, ce qui n’arrive pas à tout le monde, qu’un nommé Sir Flanders Petrie75 par exemple avait cru remarquer que les lettres de l’alphabet phénicien se trouvaient bien avant le temps de la Phénicie sur de menues poteries égyptiennes où elles servaient de marques de fabrique 76. Ce qui veut dire, ce qui veut dire simplement ceci que le marché, qui est typiquement un effet de discours, c’est là que d’abord est sortie la lettre, avant que quiconque ait songé à user des lettres pour faire quoi, quelque chose qui n’a rien à faire, qui n’a rien à faire avec la connotation du signifiant, mais qui l’élabore, qui le perfectionne.

Il faudrait bien sûr prendre les choses au niveau de l’histoire de chaque langue parce qu’il est clair que la lettre chinoise, celle qui nous affole tellement que nous appelons ça, Dieu sait pourquoi, d’un nom différent de caractère, en cela la lettre chinoise, à savoir qu’il est manifeste qu’elle est sortie du discours chinois très ancien, d’une façon toute différente de la façon dont sont sorties nos lettres. À savoir qu’en somme, les lettres, les lettres qu’ici je sors, elles ont une valeur différente, différentes comme lettres parce qu’elles sortent du discours analytique, de ce qui peut sortir comme lettre par exemple de la théorie des ensembles, à savoir l’usage qu’on en fait, et qui pourtant, c’est là l’intérêt, n’est pas sans avoir le rapport, un certain rapport de convergence sur lequel j’aurai certainement, dans ce qui sera la suite, l’occasion d’apporter quelques développements : la lettre en tant qu’effet… n’importe quel effet de discours a ceci de bon qu’il fait de la lettre.

Alors mon Dieu, pour terminer, pour terminer aujourd’hui ce qui n’est qu’une amorce que j’aurai l’occasion de développer, ce que je reprendrai à propos en vous distinguant, en discernant par exemple, la différence qu’il y a de l’usage de la lettre dans l’algèbre ou de l’usage de la lettre dans la théorie des ensembles, parce que ceci nous intéresse directement. Mais pour l’instant, je veux simplement vous faire remarquer qu’il se produit quand même quelque chose qui est corrélatif de l’émergence au monde…

au monde, c’est le cas de le dire, au monde en décomposition, Dieu merci, n’est-ce pas, au monde que nous voyons ne plus tenir puisque même dans le discours scientifique il est clair qu’il n’y a, y’a, y’a, y’a, y’a pas le moindre monde à partir du moment où vous pouvez ajouter aux atomes un truc qui s’appelle le quark, et, et, et que vous trouvez en plus que c’est là le vrai fil du discours scientifique.

Vous devez quand même vous rendre compte qu’il s’agit d’autre chose, qu’il s’agit de voir d’où on part. Eh bien référez-vous quand même, parce que c’ est une bonne lecture, il faut que vous vous mettiez tout de même à lire un peu, un peu enfin des auteurs, je ne dirai pas de votre temps, bien sûr je ne vous dirai pas de lire Philippe Sollers, il est illisible, bien sûr comme moi, oui mais vous pouvez lire Joyce par exemple. Alors là vous verrez comment ça a commencé de se produire. Vous verrez que le langage se perfectionne et sait jouer, sait jouer avec l’écriture. Joyce, moi je veux bien que ça ne soit pas lisible. Ce n’est certainement pas traductible en chinois !

Seulement Joyce qu’est-ce que c’est, c’est exactement ce que je vous ai dit tout à l’heure : c’est le signifiant qui vient truffer le signifié. Joyce c’est, c’est un long texte écrit, lisez Finnegan’s Wake' 77, c’est un long texte écrit qui, dont le sens provient de ceci c’est que c’est du fait que les signifiants s’emboîtent, se composent, si vous voulez pour faire image à ceux qui ici n’ont même pas l’idée de ce que c’est, se télescopent, que c’est avec ça que se pr oduit quelque chose qui, comme signifié peut paraître énigmatique, mais qui est bien ce qu’il y a de plus proche de ce que nous autres analystes, grâce au discours analytique, nous savons le lire, qui est ce qu’il y a de plus proche du lapsus. Et c’est au titre de lapsus que ça signifie quelque chose, c’est-à-dire que ça peut se lire d’une infinité de façons différentes. Mais c’est justement pour ça que ça se lit mal, ou que ça se lit de travers, ou que ça ne se lit pas. Mais cette dimension du se lire, est-ce que ce n’est pas suffisant pour montrer que nous sommes dans le registre du discours analytique, que ce dont il s’agit dans le discours analytique c’est toujours à ce qui s’énonce de signifiant que vous donniez une autre lecture que ce qu’il signifie.

Mais c’est là que commence la question. Parce que voyons pour me faire comprendre je vais prendre une référence comme ça dans ce que vous lisez dans le grand livre du monde. Par exemple vous voyez le vol d’une abeille, comme ça le vol d’une abeille, elle vole, elle butine, elle va de fleur en fleur. Ce que vous apprenez c’est qu’elle va transporter au bout de ses pattes le pollen d’une fleur sur le pistil du même coup aux œufs d’une autre fleur, ça c’est ce que vous lisez dans le vol de l’abeille. Ou n’importe quoi d’autre, vous voyez, je ne sais pas moi, quelque chose que vous appelez comme ça, un vol d’oiseaux qui volent bas par exemple vous appelez ça un vol, c’est en réalité un groupe à un certain niveau vous y lisez qu’il va faire de l’orage, mais est-ce qu’eux ils lisent ? Est-ce que l’abeille lit qu ’elle sert à la reproduction des plantes phanérogamiques ? Est-ce que l’oiseau lit l’augure de la fortune, comme on disait autrefois, c’est-à-dire de la tempête 78 ? Toute la question est là. C’est pas exclu après tout que l’hirondelle ne lise pas la tempête, mais c’est pas sûr non plus.

Ce qu’il y a dans votre discours analytique c’est que le sujet, le sujet de l’inconscient vous le supposez, vous le supposez savoir lire. Ça n’est rien d’autre votre histoire de l’inconscient. C’est que non seulement vous le supposez savoir lire, mais vous le supposez pouvoir apprendre à lire. Seulement ce que vous lui apprenez à lire n’a alors absolument rien à faire, en aucun cas, avec ce que vous pouvez en écrire. Voilà.

Notes

65 Sortie du livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973. Établissement de J.A. Miller.

66« De ce que j’enseigne », conférence au groupe de l’Évolution psychiatrique le 23-1-62.

67Il y a la fin de cette phrase une ambiguïté entre les traits et les barres, Lacan utilisant le terme de barre pour ce qu’il vient d’appeler trait. Nous considérons que les barres séparent les lettres comme ceci : et que les traits les relient comme cela : ici dans le discours de l’analyste dont il est question dans ce passage. Le trait manquant, sur les six possibles, étant celui de l’étage inférieur, conformément à ce que Lacan a énoncé précédemment (voir, entre autre, la séance du 11-3-70 de La psychanalyse à l’envers).

68 Lacan écrit effectivement au tableau.

69 En 1935, sept mathématiciens, Henri Carton, Claude Chevalley, Jean Delsarte, Szolem Mandelbrojt, René de Possel, André Weil et Jean Dieudonné fondaient le groupe Bourbaki, du nom d’un général de Bonaparte.

70 Lacan impute à Saussure l’écriture S. Saussure, lui, dessine : in Cours de linguistique générale, Chap. IV, la valeur linguistique, Paris, Payot, 1992, p.158.

71 Jacques Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 493-528.

72 Lacan tonne ce lapsus…«Y’a de l’incons…» et se reprend :» y’a du signifiant».

73 Lacan hurle sur « peut ».

74 Jacques Lacan, «La lettre volée », séminaire du 26-4-1955.

75 Sir Flanders Petrie, The formation of the alphabet, London, MacMillan and co, 1912.

76 «Et ceci nous en avons des attestations historiques, car quelqu’un qui s’appelle Sir Flanders Petrie a montré que bien avant la naissance des caractères hiéroglyphes, sur les poteries qui nous restent de l’industrie dite prédynastique nous trouvons comme marques sur les poteries, à peu près toutes les formes qui sont trouvées utilisées par la suite, c’est-à-dire, après une longue évolution historique, dans l’alphabet grec, étrusque, latin, phénicien, tout ce qui nous intéresse au plus haut chef comme caractéristique de l’écriture». Séminaire L’identification du 20 décembre 1961 (établissement critique par M. Roussan)

77 James Joyce, Finnegan’s Wake, Paris, Gallimard, I982.

78 Au XIII° siècle, fortune avait le sens de malchance, malheur et était utilisée dans l’acception spéciale de tempête.

 

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Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 13 - Julio 2001
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